L`injection en psychiatrie : de la mauvaise image au bon usage

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mise au point
L’injection en psychiatrie :
de la mauvaise image
au bon usage… ?
Injection in psychiatry: from a bad image to the right usage
A. Navarre-Coulaud*
L
a schizophrénie est une maladie chronique
émaillée de rechutes souvent dues à l’arrêt
intempestif des traitements neuroleptiques,
qui n’ont pourtant plus à faire leurs preuves en termes
d’efficacité. L’arrivée des neuroleptiques retard par
voie injectable, dans les années 1960, a permis une
meilleure prise en charge, mais l’image positive que
devrait avoir ce progrès thérapeutique est entachée
par le contexte souvent coercitif de l’injection, les
effets indésirables, en particulier neurologiques, du
traitement, et le vécu négatif des équipes, et parfois
des psychiatres, qui choisissent cette thérapeutique
comme alternative à la non-compliance. Ce vécu
négatif est-il réel ou est-il du registre du fantasme
collectif ? Qu’en est-il de notre position actuelle
par rapport aux neuroleptiques d’action prolongée
(NAP), aux antipsychotiques à action prolongée
(APAP) ? Notre travail tente à travers les données
de la littérature, de poser, d’analyser, et d’actualiser
cette problématique.
De la piqûre en général
et de l’injection en psychiatrie
* Psychiatre, responsable médical du
pôle de psychiatrie, centre hospitalier
de Dieppe.
Venue de l’observation des ibis, qui utilisent leur
bec courbe pour se faire des lavements, l’emploi de
tiges de bambou (syringos, petite canne) dès l’Antiquité, par les Égyptiens puis les Grecs, a permis
à l’homme de réaliser les premières introductions
dans le corps de produits à visée médicale (1, 2). La
première seringue en bois pour lavements apparaît
au XVIe siècle, suivie par les canules en or ou en
platine trois siècles plus tard. Depuis, l’homme n’a
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eu de cesse de perfectionner le système, inventant
le fût en verre à la fin du XIXe siècle, puis, quelque
temps après, la seringue en verre graduée ainsi
que l’aiguille métallique, qui ont rendu possible,
entre autres, la stérilisation. Le matériel à usage
unique a permis dès 1970 la généralisation de cette
technique de soins. De plus, les progrès dans le
domaine de la galénique ont vu apparaître les
produits retard, appelés produits “dépôt” par les
Anglo-Saxons, qui ont amené un authentique
confort pour le patient et ont constitué un progrès
en matière de pharmacocinétique. L’objectif était,
en passant directement à l’intérieur du corps, si
besoin par effraction, de gagner en temps et en
efficacité de traitement.
Plus particulièrement, les formes retard sont largement utilisées dès qu’un traitement doit être pris
de façon chronique, afin d’éviter les oublis, d’obtenir
une meilleure diffusion et une meilleure biodisponibilité. Les exemples en médecine somatique sont
connus de tous, comme les injections d’interféron,
d’érythropoïétine (EPO), les patchs morphiniques et,
plus récemment, les implants hormonaux utilisés
comme contraceptifs. Des insulines retard sont en
cours d’élaboration et constitueront un véritable
progrès pour les patients présentant un diabète de
type 1.
En psychiatrie, étrangement, l’injection est souvent
associée à une image négative aussi bien pour les
patients que pour les soignants, du fait de l’utilisation, au début du siècle, des injections d’insuline
pour les cures de Sakel, puis, dans les années 1950,
des injections de neuroleptiques, en particulier de
chlorpromazine. Initialement réalisées pour leur
Résumé
La “piqûre” en psychiatrie est encore trop souvent associée aux notions d’urgence, de contrainte et de violence.
Dans les années 1960, avec l’arrivée des neuroleptiques d’action prolongée dans le traitement de la psychose
chronique, l’injection a vu son utilisation en partie changer et être associée à des valeurs plus positives, comme
l’alliance thérapeutique, la stabilisation, la réhabilitation ; elle a dès lors été située dans la même dimension
thérapeutique que les autres traitements injectables utilisés dans les maladies somatiques chroniques.
Les antipsychotiques et les premiers antipsychotiques à action prolongée (APAP), mieux tolérés et respectant,
voire améliorant, la dimension et la sphère cognitives, permettent une autre approche de la maladie psychotique,
de son évolution et de la relation thérapeutique, pour le patient, le médecin et les équipes paramédicales.
On peut aujourd’hui espérer que les APAP deviennent, dans les prochaines décennies, un traitement de première
intention, eu égard à des critères comme l’efficacité, la forme galénique bien tolérée, la biodisponibilité améliorée
et le confort apporté aux patients, dans une dynamique de choix positif et non plus de coercition.
effet sédatif, ces injections ont fini par être associées à leurs effets secondaires et à leur contexte
d’administration coercitif. Certains professionnels se
souviennent encore des “cocktails lytiques” utilisés
en urgence, associant plusieurs psychotropes pour
gérer la violence extrême de certains patients, envers
eux-mêmes ou autrui. L’introduction des NAP dans
les années 1960, souvent prescrits sans le consentement du patient, a renforcé l’image négative des
neuroleptiques. Le mouvement de l’antipsychiatrie
ainsi que la notion de “camisole chimique” véhiculée
par les patients, les médias et parfois les équipes
ont fortement mis à mal l’image de cette classe
thérapeutique, dont l’efficace n’est pourtant plus à
prouver mais dont la perception négative persiste
dans l’inconscient collectif.
Il convient désormais de différencier le traitement
injectable que le patient reçoit en urgence, parfois
contre son gré, dans le contexte d’une hospitalisation sans consentement, du traitement retard,
médication d’une pathologie chronique nécessitant
par définition un traitement au long cours, au sein
d’une prise en charge globale. Celle-ci doit s’appuyer
sur l’alliance thérapeutique associant différentes
techniques comme la remédiation cognitive, les
thérapies cognitivo-comportementales (TCC), la
psycho-éducation, etc.
L’arrivée des premiers APAP semble changer positivement l’image négative et “asilaire” que certains
patients et certaines équipes (3, 4) ont de l’emploi
des NAP, utilisés depuis presque quarante ans, alors
que les formes retard sont pourtant synonymes de
progrès dans les autres spécialités.
Effets bénéfices/risques
des NAP et des APAP
Pour la plupart des auteurs, les APAP procurent aux
patients un bénéfice plus important que les formes
orales (5 ,6)
Le choix du traitement par NAP est souvent motivé
par la non-observance du traitement, celle-ci n’étant
pas obligatoirement sous-tendue par l’anosognosie,
mais le plus souvent corrélée à des troubles cognitifs ou à des oublis dus à la contrainte de la prise
quotidienne (7, 8).
Le fait que lorsque les patients arrêtent leur traitement retard l’équipe soignante soit immédiatement alertée et peut de ce fait recontacter le patient
constitue un des arguments positifs en faveur des
NAP (9).
La biodisponibilité serait aussi meilleure avec un
traitement retard qu’avec le traitement p.o. pour
des raisons d’absorption de traitements concomitants, qui entrent en compétition, et de tabagisme
(3) ; en outre, les traitements p.o. sont rapidement
métabolisés après le premier passage hépatique.
En effet, seul un faible pourcentage des doses p.o.
atteindrait en réalité le système nerveux central.
Les NAP n’ont pas de premier passage hépatique
et, de ce fait, il y aurait une meilleure biodisponibilité du produit actif et des concentrations
centrales plus importantes (10), ce à des doses
moins élevées, qui entraînent donc moins d’effets
indésirables.
De plus, il existe pour les traitements p.o. un pic plasmatique quotidien, qui pourrait être responsable des
effets indésirables, en particulier neurologiques.
Une étude multicentrique conduite en 1995 (11) et
portant sur 48 patients recevant de l’halopéridol
retard a montré qu’il existait une corrélation positive
entre le taux plasmatique, la stabilité des concentrations et le moindre risque de rechute.
Une étude récente menée en 1999 par PET scan (12)
a également rapporté que les NAP auraient moins
d’effets indésirables, en particulier extrapyramidaux,
que les formes orales ; le recours à des doses plus
faibles éviterait les pics plasmatiques.
Le seul facteur limitant des NAP serait la diffusion
du produit au point d’injection, avec, en particulier,
la fuite vers les tissus sous-cutanés et les réactions
locales (13) pour les NAP ayant un support huileux.
Les auteurs rappellent que l’utilisation des NAP se
fait au long cours, voire toute la vie, et que, pour
éviter les réactions locales et la malabsorption, il
faudrait effectuer des intramusculaires profondes
et des changements de sites d’injection (Z-track
technique). Pour la rispéridone microsphères, qui est
une solution aqueuse, il semblerait y avoir moins
de problèmes locaux (3, 4, 14).
En 1999, une étude prospective sur 2 ans (15) portant
sur une population de 150 patients schizophrènes et
comparant 3 prises en charges différentes (le premier
Mots-clés
Injection
Douleur
Vécu
APAP
Alliance
thérapeutique
Highlights
Usualy, in psychiatry, injection
means emergency, strain and
violence. Since now 50 years,
long acting depot antipsychotics in the traitment
of chronic psychoses have
been widely used and haved
changed the image of injection
in a positive way as improved
adherence, therapeutic alliance,
clinical stability and improved
social habilities, like the use of
long acting depot medication
in somatic diseases.
The new long acting antipsychotics (APAP), with a better
tolerance in the cognitive area
shows a new approach of the
psychoses and the therapeutic
relation beetween the patient
and his medical and paramedical team.
So we can sensibly hope that
the APAP became in the future,
the first intention traitment for
Shizophrenia, for many reasons
like good tolerance, better
biodisponibility and confort
for the patients. It would be
to the psychiatrist and the
nurses’s team a real choice
and not a fate.
Keywords
Injection
Pain
Feelings
APAP
Therapeutic alliance
La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 1-2 - janvier-avril 2009 | 27
mise au point
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L’injection en psychiatrie :
de la mauvaise image au bon usage… ?
groupe reçoit un NAP, le deuxième groupe un traitement p.o., le troisième recevant à la fois un NAP
et un antipsychotique p.o.) a conclu à la supériorité
des NAP dans les domaines suivants : réduction des
posologies et du nombre de neuroleptiques administrés, amélioration de l’observance, atténuation des
effets extrapyramidaux, diminution des rechutes et
des durées d’hospitalisation.
Au-delà des nombreuses études multicentriques et
des méta-analyses effectuées depuis des décennies, il
est intéressant de se pencher sur le vécu des utilisateurs, qu’ils soient patients, médecins psychiatres ou
soignants. On sait en effet que le stress des soignants
lors des soins a une incidence non négligeable sur
la qualité du confort des patients.
Vécu des traitements par NAP
et par APAP
Vécu des patients
L’utilisation des médications injectables en psychiatrie, lorsque les patients ne consentent pas aux soins
est souvent vécue, par eux-mêmes et par les équipes
paramédicales, comme une violation de leur intégrité
physique et psychique.
Les entretiens qui sont en général effectués lors
de l’hospitalisation des patients reflètent ce vécu.
Il ne faut pas non plus nier ici l’effet douloureux
d’une piqûre, devant lequel, pour des raisons de
vulnérabilité individuelle, nous ne sommes pas tous
égaux.
Par ailleurs, une étude a été menée en 1995 par
W.M. Greenberg (16) à distance de l’hospitalisation,
par téléphone, sur une population de 65 patients
schizophrènes qui ont reçu un traitement injectable,
sans leur consentement, pendant leur hospitalisation. Seule la moitié de ces patients a pu être jointe
et répondre à un questionnaire composé de plusieurs
items concernant, entre autres, le traitement injectable. Soixante pour cent de ces patients étaient
d’accord rétrospectivement avec le fait d’avoir reçu
un traitement sans leur consentement, et 53 %
d’entre eux disaient qu’ils étaient prêts à prendre
volontairement leur traitement dans l’avenir s’ils
devaient être hospitalisés de nouveau.
En 2005, B. Lachaux a diffusé un questionnaire
auprès d’un large échantillon de patients schizophrènes (17), ce qui a mis en évidence que 64 %
d’entre eux se sentaient mieux avec le traitement
et que les difficultés de compliance les plus souvent
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rencontrées résultent des effets indésirables et du
nombre de médicaments à prendre. Ainsi, 44 %
d’entre eux étaient prêts à prendre un traitement
par injection, à efficacité identique à celle du traitement p.o.
D’autres auteurs se sont penchés sur la douleur
liée à l’injection du NAP et aux différents produits
utilisés (18). En 2000, 34 patients stabilisés ont été
évalués par une échelle visuelle analogique avant
l’injection retard, 5 minutes après, lors des deuxième
et dixième jours suivants. Ces patients devaient
également répondre à des questions relatives à la
notion de douleur et à leur future compliance au
traitement retard. Les résultats ont montré qu’il y
avait des disparités dans l’intensité de la douleur
en fonction des produits, et que celle-ci s’atténuait
généralement au bout de 2 jours. Il existait une
corrélation positive entre l’intensité de la douleur
et l’attitude de refus des patients quant à leur
prochaine injection.
Vécu des équipes paramédicales
Les soignants sont, on le sait, au plus près des
patients, et ce contact au moment de l’injection
déterminera en partie le succès d’un suivi médicamenteux.
La pratique des injections sans le consentement
du patient est difficilement vécue par les équipes
soignantes paramédicales (19) et renvoie à la notion
d’échec dans la relation thérapeutique, sauf si cela
correspond à une stratégie préétablie : évaluation
des besoins, négociation, injection.
En revanche, dans l’utilisation des NAP au long cours,
chez les patients stabilisés auxquels des infirmiers
administrent ce traitement à domicile, le vécu peut
varier.
M.X. Patel et al. ont, en 2004, interviewé sur les
NAP et leurs effets indésirables 70 infirmières qui
assistaient à un congrès. Trente-quatre pour cent
d’entre elles pensaient que les NAP étaient une
thérapeutique désuète, et 44 % qu’ils étaient stigmatisants pour les patients. Les auteurs (20) ont
trouvé une corrélation positive entre le bon vécu
des NAP et le niveau de connaissance des paramédicaux en ce qui concerne les traitements, les
effets indésirables et leur implication dans la prise
de décision de cette thérapeutique. Ils insistent
sur la nécessité de former des équipes soignantes
à ces thérapeutiques et de les impliquer avec
l’équipe médicale dans le choix du NAP. On peut
ici s’interroger sur le niveau de formation quant
mise au point
à ces sujets des soignants en psychiatrie, parfois
eux-mêmes réticents vis-à-vis du principe du traitement retard.
◆◆ Vécu des psychiatres
On retrouve également chez les médecins une
perception négative de l’utilisation des NAP, comme
le rapporte une étude effectuée par M.X. Patel en
2002 (21) dans le Sud de l’Angleterre par le biais d’un
questionnaire. Quarante pour cent des psychiatres
interrogés pensent que l’utilisation des NAP est
désuète et 38 % pensent qu’ils ont plus d’effets
indésirables que les neuroleptiques oraux. Paradoxalement, la grande majorité considère que les NAP
augmentent la compliance et diminuent le taux de
rechute. Quatre-vingt-onze pour cent d’entre eux
estiment que les NAP sont aussi efficaces que les
antipsychotiques oraux, mais moins acceptés par
les patients et leur proches. Ces psychiatres interrogés attendent beaucoup des APAP, en raison de
la moindre incidence de leurs effets secondaires ;
ils auraient de ce fait en théorie plus de facilité à
les prescrire.
Une étude plus récente, effectuée par S. Heres
en 2006 (22), également par sondage, chez
350 psy­chiatres assistant à un congrès international, avait pour finalité de connaître les raisons
pour lesquelles ils ne prescrivaient pas de NAP ou
d’APAP aux patients souffrant de schizophrénie
ou de troubles schizo-affectifs. La première raison
était la compliance supposée des patients. Pour
les NAP (first generation depot antipsychotic), la
crainte des effets indésirables, en particulier des
effets extrapyramidaux, était mise en avant, alors
que pour les APAP (second generation depot antipsychotic), le coût élevé des traitements était le
facteur limitant.
Les auteurs concluent que l’aversion contre les traitements retard ne semble pas argumentée et insistent
sur l’urgence de procéder à des études scientifiques
pour clarifier les avantages de ces traitements.
Certains auteurs, comme J.P. Pantdarakalam (23,
24), ont une attitude plus tranchée et n’hésitent
pas, dès 2003, à témoigner du fait que les antipsychotiques de la nouvelle génération, plus “propres”,
ont déjà changé leur pratique, et à affirmer que les
APAP vont relancer l’intérêt pour les formes retard.
On peut cependant noter que, pour l’instant, seuls
les neuroleptiques classiques offrent la possibilité
d’une injection, mensuelle.
Conclusion
Les progrès dans la prise en charge des psychoses
qu’ont permis les antipsychotiques, puis les NAP,
sont entachés de la mauvaise image que ceux-ci ont
acquise parmi les patients ainsi que parmi les équipes
soignantes, médicales ou paramédicales.
Détachée de son contexte d’une recherche de sédation, de l’urgence et de l’agitation, l’injection retard
a sa place comme traitement à part entière dans la
psychose, pathologie chronique nécessitant un traitement au long cours, et, à travers les NAP, comme
thérapeutique de choix, eu égard aux progrès récents
de la connaissance et au vécu positif de plus en plus
décrit par les patients.
L’arrivée des nouveaux antipsychotiques retard
(APAP), avec leur meilleure tolérance locale et
globale, nous conduit aussi depuis peu à nous interroger sur l’image que nous avons de cette thérapeutique, de même que l’on redécouvre depuis trois
décennies les vertus hautement thérapeutiques du
lithium et de l’électroconvulsivothérapie (ECT) après
pourtant une longue période de rejet. Celui-ci était
d’ailleurs dû d’une part aux trop nombreux effets
secondaires et à l’empirisme des pratiques, mais
aussi, d’autre part, à certaines positions idéologiques
peu objectives scientifiquement.
Le choix des NAP, avec l’arrivée des APAP, ne devrait
plus être un choix coercitif pour les patients atteints
de schizophrénie, mais un choix positif, concerté, entre
le patient, son psychiatre et l’équipe para­médicale
qui devra faire l’injection, sur des critères de biodisponibilité, de tolérance, d’efficacité et d’un putatif
effet neuroprotecteur. Cela se fera dans le contexte
d’une prise en charge globale de la maladie et avec
le concours des usagers et de leur entourage.
Nous devons aussi nous-mêmes changer le regard
que nous portons sur cette thérapeutique et dépasser
pour certains notre réticence afin d’arriver à la
conviction scientifique argumentée, qui fera que nos
patients verront dans ce choix non plus une intrusion dans leur être, mais plutôt une réelle avancée
thérapeutique, comme dans les autres spécialités,
en particulier en termes d’éducation à la santé. ◼
Références
bibliographiques
(suite)
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La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 1-2 - janvier-avril 2009 | 29
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