city DONNONS DU SENS À LA VILLE MIXITÉ REPENSER LA VILLE PLURIELLE QUALITÉ ARCHITECTURALE QUEL CONCEPT DERRIÈRE LES MOTS ? DÉVELOPPEMENT DURABLE MASDAR CITY : LA PREMIÈRE VILLE ÉCOLOGIQUE SORT DES SABLES 4 10 32 4 10 14 20 32 36 38 38 Éditeur Responsable : www.atenor.be Concept et Design : www.concerto.be Rédaction : Marc Vandermeir, Saâd Kettani, Patrick Spapen (pour Concerto) Images : Philippe van Gelooven, Serge Brison VERTICALITÉ SKY IS THE LIMIT ! DÉVELOPPEMENT DURABLE MASDAR CITY : LA PREMIÈRE VILLE ÉCOLOGIQUE SORT DES SABLES QUALITÉ ARCHITECTURALE QUEL CONCEPT DERRIÈRE LES MOTS ? MIXITÉ REPENSER LA VILLE PLURIELLE MOBILITÉ AMÉNAGEMENT URBAIN MOBILITÉ CURITIBA : LA MOBILITÉ COMME FACTEUR DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ÉNERGIE MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE : LE NOUVEAU DÉFI IMMOBILIER À l’heure où la moitié de la population de la planète habite en ville, les politiques urbaines ont un impact sans précédent sur la vie des gens. STEPHAN SONNEVILLE AT E N O R G R O U P Verticalité, développement durable, mixité des fonctions, qualité architecturale, mobilité, énergie ; entre les défis locaux et les enjeux globaux, entre les ressources utilisées et l’environnement, nombreux sont les aspects à prendre en considération. Pour aborder ces sujets, nous avons souhaité ouvrir le débat en donnant la parole à des professionnels du secteur. Au fil de ces pages, urbanistes, architectes, spécialistes de l’environnement, promoteurs immobiliers partagent leurs points de vue sur la ville et ses enjeux. Ainsi, nous vous invitons à partir à la rencontre de personnalités les plus diverses et de projets hors du commun aux quatre coins du globe. Edito Cap sur Liverpool, en Grande-Bretagne. La cité des Beatles a réussi une étonnante reconversion : le nombre d’habitants dans le centre-ville y a été multiplié par cinq en vingt ans et aujourd’hui, la ville abrite le plus grand chantier de rénovation d’Europe. Zéro carbone, zéro déchet : Masdar City (Émirats Arabes Unis) ambitionne de devenir la ville la plus écologique du monde. Cet exploit va-t-il se généraliser, ou restera-t-il une exception réservée aux plus nantis ? Autre ville, autre perspective : Curitiba, agglomération brésilienne de deux millions d’habitants, saluée comme la plus innovante au monde. Alors que dans les années soixante, l’Europe et les États-Unis misaient sur la voiture, Curitiba investissait massivement dans les transports en commun. Aujourd’hui, 85 % de la population les utilisent. Paris, Varsovie, Londres ou Rotterdam : les tours sont de retour ! Mais comment concilier constructions verticales et écologie ? Comment y favoriser la mixité ? Comment redonner l’envie de vivre et de travailler en ville ? Les pages qui suivent n’ont pas l’ambition d’apporter des réponses définitives à toutes ces questions. Elles sont une invitation à l’ouverture, à la réflexion, voire à la mise en cause de certaines idées reçues… Elles illustrent le cadre général dans lequel Atenor a choisi d’exercer son métier de « développeur urbain ». Par ce tour d’horizon, nous vous invitons à nous pencher ensemble sur ce que sera la ville de demain. Stéphan Sonneville s.a. Administrateur Délégué Atenor Group DIVERCITY / 1 2010 140 mètres Projet Premium – Atenor En 2009, les villes européennes dominaient le palmarès Mercer des villes offrant la meilleure qualité de vie en général. Source : Classement mondial 2009 Mercer http://www.mercer.fr « Avec ses 140 mètres, Premium sera la plus haute tour de logements jamais construite à Bruxelles. » 1980 40 % 40 % des tours construites dans le monde sont destinées à accueillir des logements, contre 5 % en 1980. Georges Binder, Administrateur Délégué de Buildings & Data SA 60 % 5 milliards D’ici 2030, le nombre de citadins devrait avoisiner les 5 milliards, soit 60 % de la population mondiale. Source : Rapport de l’agence des Nations Unies pour la population (UNFPA) - État de la population mondiale 2007 « Libérer le potentiel de la croissance urbaine ». 37 millions d’habitants Avec plus de 37 millions d’habitants, Tokyo est actuellement la ville la plus peuplée du monde. C’est également la ville la plus chère. Source : http://www.populationdata.net/index2.php?option=palma res&rid=4&nom=grandes-villes 2 / DIVERCITY 2015 20 % Vancouver plus vert que jamais La ville de Vancouver est l’un des exemples les plus aboutis de « sustainable city » : la ville apparaît comme une éco-cité alliant densité et écologie, qualité de vie et logements abordables pour tous. Alors qu’il y a vingt ans, le centre de Vancouver était délaissé pour la périphérie où se concentraient les fonctions résidentielles essentielles, les travaux autour de l’habitat, des commerces, des espaces verts ont permis en 15 ans le retour de 30 000 habitants vers le centre. Jean-Luc POIDEVIN, Président de NEXITY VILLES & PROJETS Source : « Villes durables, pour qui et comment ? » Conférence du Fonds de Dotation Gigaro du 02/12/09. Frederikshavn (Danemark) ambitionne de devenir, dès 2015, la première ville européenne à n’utiliser que des énergies renouvelables. 3 D’ici à 2020, l’Union européenne a prévu de diminuer de 20 % ses émissions de CO2 . Le potentiel d’économies réalisables atteindrait 26 % dans le domaine des transports et 27 % dans le secteur du bâtiment. Source : Énergie et Europe : le défi de demain, juin 2008 (www.pourlasolidarite.be/IMG/pdf/WP2008_16energie_defi.pdf) 500 mètres km Un trajet en voiture sur deux est réalisé sur une distance inférieure à 3 km. Marcher 500 mètres à pieds prend seulement 8 minutes et permet d’éviter les embouteillages, la recherche de place de stationnement et les problèmes de surconsommation et de pollution liés au démarrage. Hit parade de la population urbaine 1 Tokyo 37 730 064 (2010) Japon 2 New York 25 933 312 (2010) États-Unis 3 Mexico 23 293 783 (2009) Mexique 4 Séoul 22 692 652 (2010) Corée du Sud 5 Bombay 21 347 412 (2009) Inde 6 São Paulo 20 853 705 (2010) Brésil +8 000 % Depuis le siècle dernier, la croissance urbaine de Berlin est de 54 %. Celle de Sao Paulo est de 8 000 % ! New York La part de la population qui possède un vélo est à New York de 11 % contre 55 % à Shangai. Shangai Source : « Villes durables, pour qui et comment ? » Conférence du Fonds de Dotation Gigaro du 02/12/09. DIVERCITY / 3 Verticalité Partout des projets fleurissent, qui proposent des tours multifonctionnelles, de haute qualité architecturale et respectueuses de l’environnement et de la ville. Cette verticalité suscite cependant le débat. Verticalité Autres temps, autres mœurs nous dit l’adage. Tant il est vrai que conçues de manière radicalement différente – entre autres par la qualité architecturale, la mixité de fonctions et par une construction durable – les tours reviennent en force. Elles se veulent désormais comme autant de signaux de qualité de la ville. « Chaque ville a ses caractéristiques propres et copier ce qui se fait dans l’une dans sa globalité n’a probablement aucun sens », explique Michel Verliefden, architecte et administrateur du bureau A2RC ARCHITECTS. « En revanche, réfléchir à des solutions urbaines ou à des caractéristiques particulières de l’une ou de l’autre qui pourraient être reproductibles peut avoir sa raison d’être. » Suite en page 8 Le développeur/investisseur : Emaar Properties L’entrepreneur : BESIX en association Photographie : Christophe Vander Eeckhen PARIS La tour Burj Khalifa à Dubaï, avec ses 828 mètres, est bien sûr célébrissime et restera sans nul doute et pour longtemps le plus haut bâtiment du monde. Mais elle ne peut être la référence face à l’émergence de projets en Europe, ni même aux Etats-Unis et ce, pour d’évidentes questions de contexte. En Europe comme à Bruxelles, les projets de tours s’inscrivent dans un tout autre environnement et répondent à une autre demande. À Paris, le quartier de La Défense est amené à prendre un nouveau visage, avec une hauteur maximale portée de 200 à 300 mètres. Le projet initial comptait pas moins de quinze tours, par construction et démolition/reconstruction. L’établissement public en charge de l’aménagement du quartier, l’Epad, a récemment approuvé des projets pour cinq tours. L’une d’elles, la Majunga culminera à 205 mètres de haut. Une autre, la tour Air 2 (220 mètres de haut et 82 000 m² de bureaux) viendra remplacer l’actuelle tour Aurore. Une troisième, D2 (180 mètres et 54 000 m²), s’érigera à la place de la tour Veritas. À Londres, plusieurs tours sont prévues en vue des Jeux Olympiques d’été 2012 : « The Shard », la plus haute (310 mètres) tour d’Europe, en forme de flèche ; « The Pinnacle » (288 mètres) et « Leadenhall » (224,5 mètres). Tandis que plusieurs bâtiments en hauteur seront inaugurés en 2011 à Canary Wharf. Photo : © Bart van Damme ROTTERDAM Photo : © Sellar Property & Hayes Davidson LONDRES VARSOVIE La future Warsaw Spire (280 mètres), parmi six autres tours, est signée par le bureau belge Jaspers & Eyers. À Rotterdam, la tour Montevideo (150 mètres) est vouée au logement ; d’autres constructions pourraient la rejoindre. DIVERCITY / 7 Verticalité Georges Binder : la passion des tours Administrateur délégué de Buildings & Data SA, Georges Binder est conseiller en communication pour de grands bureaux d’architecture belges. Expert unanimement reconnu par le gotha de l’architecture internationale, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur les tours du monde entier. Collectionneur passionné d’ouvrages, de brochures et de plaquettes sur le thème des tours, il fait aujourd’hui figure de référence mondiale en la matière. Aménager la densification plutôt que la subir le quartier périphérique de la Défense tandis que Londres a choisi de densifier son cœur financier historique bien pourvu en transports en commun », poursuit-il. « La métropole britannique a ainsi créé un ensemble coordonné de tours de bureaux qui doivent être appréciées de manière globale dans « un ensemble serré », permettant une densité accrue et non vue comme des icônes égocentriques à la gloire d’un architecte, d’un propriétaire ou d’un occupant particulier. » STEPHAN SONNEVILLE Une réponse adaptée AT E N O R G R O U P Suite de la page 6 Pour cet architecte particulièrement attentif à l’intégration du bâti dans un ensemble urbain cohérent, les projets visionnaires ont souvent valeur de laboratoire à l’échelle planétaire. « Dubaï a su créer plusieurs ensembles architecturaux qui ont positionné la ville de manière éclatante sur la carte mondiale et cela avant même de prendre la décision de construire la plus haute tour du monde : je pense à l’hôtel Burj Al Arab dont la forme de voile immense a créé l’image d’un Dubaï contemporain, ancré dans ses racines et ce, dès 1999. » Mais pour les métropoles européennes, l’implantation des tours participe à une logique qui conditionne la dynamique des villes. Et ce, bien au-delà de l’image de modernité qu’elles peuvent insuffler. « Paris a su en grande partie préserver son cœur historique en décidant de construire des tours dans 8 / DIVERCITY Car au-delà de l’image et du marketing urbain, le regain d’intérêt pour les immeubles à étages multiples s’explique surtout par les nouvelles priorités attachées au développement durable et à la densité urbaine des villes (voir interview de Georges Binder). Stéphan Sonneville, AdministrateurDélégué d’Atenor Group, porteur des projets « Premium », « Europa » et « Victor », souligne d’abord que, s’inscrivant dans des quartiers en renouveau, ces projets visent à donner du sens à la ville. « La densification est un phénomène tant mondial qu’inéluctable qu’il s’agit d’aménager ou de subir. Nous préférons l’aménager, tout en relevant les défis écologiques, en concentrant cette densification autour de ce qui lui est intimement lié, les nœuds multimodaux que sont les pôles de transports en commun comme les gares et les stations de métro. Nous prévoyons une mixité de fonctions apte à rendre de la vie à la ville. Notre projet « Premium », au quai de Willebroek, en bordure du site Tour et Taxis, prévoit ainsi 48 780 m² de logements pour 29 615 m² de bureaux et 1 626 m² de commerces. C’est dire aussi qu’il ne faut pas que des tours, pas n’importe où, pas n’importe quelle tour et pas à n’importe quelle condition. Parce que les tours n’apportent une réponse adaptée que dans certaines conditions. » Pour Stéphan Sonneville, « une tour bien implantée dans son environnement jette les bases de la mixité sociale tant souhaitées en ce sens qu’elle permet un aménagement adéquat de l’espace public en son pied, là juste où peut prendre naissance la mixité sociale… » La verticalité en question Mais la verticalité fait aussi débat. L’unanimité ou presque que l’on peut trouver sur d’autres aspects du redéploiement de la ville, comme la mobilité et la mixité de fonctions, se brise sur les tours. Du côté de la Société de Développement pour la Région de Bruxelles-Capitale (SDRB) notamment, on considère la verticalité comme une des possibilités du redéploiement de la ville. « C’est une solution, mais certainement pas la seule », explique son administrateur Julien Méganck. « Elle doit en outre être limitée à certains endroits. » Et, face à ceux qui affirment que cette verticalité est le symptôme d’un ego surdimensionné des promoteurs, il répond qu’au contraire, la verticalité répond avant tout à des considérations économiques. « Les problèmes fondamentaux de mobilité, de pollution, d’insécurité, etc. ne sont pas liés à la verticalité. Les tours des années 50 – 70 ont prouvé que le problème était plutôt au niveau de la multifonctionnalité manquante. La densification des villes ne passe pas nécessairement par la construction en hauteur. Si un modèle de tour est à développer, c’est un modèle où mixité sociale et multifonctionnalité cohabitent de façon volontaire. » GEORGES BINDER , B U I L D I N G S & DATA S A POUR VIVRE MIEUX… Véritable icône d’un nouvel urbanisme international, la tour s’impose en force dans les nouveaux paysages urbains. Georges Binder, expert es « tours du monde », nous explique pourquoi. Les tours ont-elles évolué avec le temps ? G. B. : En près d’un siècle, les tours n’ont pas grandement évolué quant à leur gabarit. Dans les années 30, New York possédait déjà des tours de plus de 80 étages. Si les tours ne sont pas beaucoup plus hautes aujourd’hui, elles sont par contre beaucoup plus nombreuses et leur fonction a évolué. Évolué dans quelle mesure ? G. B. : Historiquement, les tours étaient principalement destinées à abriter des bureaux. Aujourd’hui, le clivage bureau/résidence/hôtel a fortement évolué dans le sens d’une plus grande mixité. En 1980 par exemple, 84,7 % des tours de plus de 150 mètres construites dans le monde étaient dévolues exclusivement aux bureaux, contre 43,5 % en 2010. À l’époque, les tours à vocation résidentielle ne représentaient que 5,2 %, contre 39,9 % aujourd’hui. Dans le même temps, les tours mixtes sont passées de 5,2 % à 10,9 % et les hôtels de 4,9 % à 5,7 %. Comment expliquer ce glissement vers plus de résidentiel ? G. B. : L’explication est tant sociologique et démographique qu’économique. Les tours sont principalement construites en Asie parce que la démographie y est galopante et que le niveau de vie est en hausse constante. Dans les grandes mégalopoles asiatiques, l’habitat se renouvelle en effet très rapidement tandis que les besoins de bureaux sont à la baisse. Le développement des échanges internationaux et la croissance du tourisme favorisent également le développement des hôtels au sein de tours mixtes, qui compensent en partie la perte de bureaux. Tous les dix ans, on construit ainsi deux fois plus de tours que la décennie précédente. passer à quarante-cinq ne va pas changer grandchose, si ce n’est son ratio de densification. En matière de densification justement, la tour Dexia (place Rogier) se justifie pleinement, avec un ratio de 20. Ce qui n’est pas le cas de la Cité Administrative dont le ratio très faible n’est que de 3,72. Le constat est le même pour le quartier Nord qui est, à mon sens, trop peu densifié. Pourquoi construit-on des tours ? G. B. : En Europe et à Bruxelles en particulier, on a diabolisé les tours vues comme l’antithèse du mouvement écologique. Aujourd’hui, la vision est plus nuancée. Est-il plus écologique de construire des maisons quatre façades en périphérie que d’ériger une tour de 40 étages accueillant plus de 250 ménages en centre ville ? Sans compter qu’une tour construite à proximité des transports en commun participe à une meilleure mobilité. G. B. : Le critère objectif pour construire une tour est la densité (le nombre de mètres carrés hors sol divisé par la surface du terrain) qu’elle apporte. Une fois démontré que certaines tours apportent de la densité, il reste à voir l’utilité de densifier la ville. Partout dans le monde, on constate que la tendance est à la densification de certaines parties des villes, avec en regard des quartiers résidentiels dont la densité est moindre. Les tours se justifient dès lors près des nœuds de communication multimodaux (gare du Nord et gare du Midi à Bruxelles), car elles s’inscrivent dans une approche urbaine qui permet de diminuer les flux des navetteurs. À Bruxelles, on pourrait aisément optimiser la densification de certaines zones en augmentant la hauteur des tours. Dès lors qu’une tour de trente étages est programmée, la faire Tour et environnement sont-ils conciliables ? DIVERCITY / 9 Développement durable LA PREMIÈRE VILLE ÉCOLOGIQUE SORT DES SABLES Imaginée aux portes du désert par le cabinet britannique de design et d’architecture Foster and Partners, Masdar City (Abou Dhabi) est vouée à devenir une ville écologique modèle, la première au monde à être construite pour une vie « sans émissions de carbone et sans déchets ». Inauguration prévue en 2016… Tout comme la Chine qui présente à l’Exposition universelle de Shanghai un projet de ville écologique baptisée Dongtan, le gouvernement d’Abou Dhabi (Émirats Arabes Unis) a saisi la mesure des enjeux environnementaux et économiques que représentent le développement durable et les énergies renouvelables. Présentée par le Sultan Ahmed Al Jaber lors du sommet international sur les énergies nouvelles et renouvelables qui s’est tenu à Abou Dhabi fin janvier 2008, la cité modèle de Masdar City (« source » en arabe) devrait accueillir jusqu’à 50 000 habitants et 1 500 entreprises à la pointe du business vert en 2020. Elle abritera également une branche du célèbre MIT de l’état du Massachusetts (ÉtatsUnis). Un chantier colossal de 17,5 milliards d’euros Après l’attribution du projet à l’agence d’architecture LAVA (Laboratory for Visionary Architecture), le 27 août 2009, le gouvernement d’Abou Dhabi a lancé un chantier colossal de 17,5 milliards d’euros pour la construction de la cité. Conçue selon une approche bioclimatique, la ville est pensée de manière compacte et pour partie enterrée. À l’instar des médinas traditionnelles, les ruelles seront étroites, ombragées et parcourues d’un réseau d’eau vive afin de les rafraîchir. Les constructions basses et équipées de panneaux solaires sur les toits utiliseront au maximum la climatisation naturelle. Suite en page 12 D I V E R C I T Y / 11 Développement durable Suite de la page 11 Mobilité à la carte Question mobilité, aucun habitant n’aura plus de 200 mètres à parcourir pour accéder aux commerces et services et aucun véhicule à moteur traditionnel ne sera autorisé. Si la marche et le vélo seront privilégiés, des tramways et un système « Personal rapid transit » de transport non-polluant automatisé (de petites cabines individuelles) seront mis en place pour les plus longues distances. Ce réseau sera doté sous la surface du sol d’une multitude de monorails qui s’entrecroiseront. Des cabines de taille moyenne (1 à 10 personnes) pourront ainsi être appelées sur simple pression d’un bouton en station. Ces petits véhicules électriques (podcar) utiliseront des données pré-établies pour déterminer le meilleur itinéraire d’un point à un autre. Tout cela se fera sans aucune intervention humaine, car toutes les données nécessaires seront fournies directement aux véhicules, via un système informatique des plus complexes. Ce système de transport nouvelle 12 / D I V E R C I T Y génération sera en outre multi-fonction : il transportera les passagers, assurera le fret en ville et l’évacuation des déchets qui seront intégralement recyclés ou valorisés. Énergie douce tous azimuts Le captage de l’énergie solaire, thermique et photovoltaïque, sera à l’honneur dans cette région à fort ensoleillement : Masdar City a déjà annoncé un projet de 350 millions USD pour construire une centrale solaire de 100 Megawatts, qui serait ensuite portée à 500 Megawatts, afin de réduire la pression sur le réseau national durant les périodes de forte consommation. Dans cet esprit, un vaste parc éolien sera également érigé à proximité de la cité. Une centrale à hydrogène ainsi que des agrocarburants issus de cultures arrosées par les eaux usées permettront de remplacer les carburants fossiles. Enfin, le recyclage et la séquestration du CO2 permettront d’éviter tout rejet de carbone. Eau, source de vie Concernant l’approvisionnement en eau, une usine de désalinisation fonctionnant également à l’énergie solaire abreuvera Masdar City en eau, et les espaces paysagers de la cité seront arrosés par les eaux usées automatiquement récupérées. Les pouvoirs publics prévoient cependant de limiter au maximum le dessalement de l’eau de mer, procédé gourmand en énergie productrice de saumure polluante, au profit du recyclage des eaux usées. Un projet ambitieux, à découvrir grandeur nature dans quelques années. SOLEIL ET DÉCHETS ÉNERGÉTIQUES À un jet de pierre de Masdar City, une première centrale solaire de 10 mégawatts est déjà opérationnelle : dans un immense champ, ses panneaux solaires photovoltaïques dernier cri s’orientent en suivant la course du soleil. De son côté, la société française Total est sur le point de décrocher la construction d’une centrale solaire thermodynamique dix fois plus puissante avec l’espagnol Abengoa Solar. À terme, il est également prévu de produire de l’énergie à partir du recyclage des déchets. PERSONAL RAPID TRANSIT Un réseau de transport intelligent Les seuls engins motorisés de la ville de Masdar City seront les PRT (Personal Rapid Transit), un moyen de transport collectif léger permettant de se déplacer à la demande et sans arrêt intermédiaire. Ces petits véhicules indépendants, pouvant contenir quatre adultes et deux enfants, se déplaceront à la vitesse maximum de 40km/h, le long d’un réseau installé plusieurs mètres au-dessous de la surface. Propulsés électriquement grâce à des batteries au Lithium-Phosphate, les véhicules circuleront sur une voie équipée d’éléments magnétiques (tous les cinq mètres) qui les aideront à se diriger. Les véhicules qui disposent d’une autonomie de 60 km seront automatiquement rechargés dans les stations. Avec la construction des premiers bâtiments de la ville, les dix premiers engins expérimentaux seront mis en service entre deux stations dès 2011. À terme, ce ne sont pas moins de 3 000 véhicules qui effectueront jusqu’à 130 000 voyages par jour entre les 85 stations que comptera le réseau. Sur le même réseau, le système FRT (Fret Rapid Transit) effectuera plus 5 000 trajets par jour pour trans- porter les marchandises destinées aux résidents, aux magasins et aux hôtels. Ces véhicules, équipés de plateau, pourront transporter deux palettes, avec une charge maximale de 1 600 kg. Dans un premier temps, 13 véhicules expérimentaux 10 PRT dont 2 VIP (intérieur cuir) et 3 FRT - assureront, dès la fin 2011, la liaison entre le centre-ville et l’Institut Masdar des Sciences et Technologies (MIST). Pour cette première phase, le réseau s’étendra sur 1,2 km de long et comptera 5 stations (2 pour les passagers, 3 pour le fret). UNE PREMIÈRE EXPÉRIENCE AMÉRICAINE Implanté dans le campus de l’université de Virginie-Occidentale depuis les années 1970, le Personal Rapid Transit de la ville de Morgantown fut unique en son genre, jusqu’à l’entrée en service de celui de l’aéroport de Londres Heathrow en 2010. En 2002, il transportait environ 16 000 personnes par jour. Photo : Darren Ringer D I V E R C I T Y / 13 Qualité architecturale Qualité architecturale QUEL CONCEPT DERRIÈRE LES MOTS ? Musée Hergé - Architecte-Urbaniste : Christian de Portzamparc / SABAM Belgium 2010 Photo : Nicolas Borel 14 / D I V E R C I T Y Amsterdam Zuidas (Ateliers Lion architectes urbanistes) Il en va de la qualité architecturale comme de la beauté des choses, les avis divergent en fonction des regards : architectes, promoteurs, urbanistes, politiques, comités de quartier, habitants… ont tous leur point de vue sur la question. Indissociable de tout concept urbanistique, la qualité architecturale est intimement liée à la conception même d’un projet de ville. Elle suppose dès lors un dialogue constructif entre les autorités publiques et le promoteur. Mais elle nécessite surtout une relation forte entre le promoteur et l’architecte, une volonté commune, un regard qui dépasse la seule réaction spontanée, et qui soit en mesure, par exemple, de « sentir » un lieu, les pleins et les vides d’une façade, la relation contenu-contenant, le jeu des ombres et de la lumière, de la surface et des volumes, de l’intégration au site ou l’affirmation de l’objet architectural. Anticiper la ville Dans cet esprit, la véritable légitimité du promoteur est d’anticiper les attentes des autorités publiques et des futurs utilisateurs. Il lui faudra bien sûr réunir les financements, mais sa principale fonction sera d’intégrer dans son projet ce qui donnera satisfac- tion à son futur client dans un budget « encadré », d’une part, par le marché du produit envisagé, et d’autre part, par le marché foncier. Ensuite, il aura à choisir le concepteur du projet en fonction des affinités et des axes qu’il a définis. Une collaboration passionnante Et ce n’est pas un hasard, si depuis une dizaine d’années, un nombre croissant de promoteurs immobiliers travaillent main dans la main avec des architectes de grandes réputations : Project avec Diener & Diener à Anvers, Codic avec l’architecte français Michel Macary ou Atenor avec l’atelier d’architecture Christian de Portzamparc et les Ateliers Yves Lion Architectes-Urbanistes (Paris) mais aussi A2RC ou le bureau d’architecture Jaspers & Eyers. Du côté des architectes, la notion de « promoteur » évolue également. À tel point que Jan Thomaes, l’un des ténors de l’architecture belge n’hésite plus à qualifier sa collaboration avec les Suite en page 16 Ateliers Lion architectes urbanistes Perspectiviste : Eyal Schmuel D I V E R C I T Y / 15 Qualité architecturale As-tu remarqué en marchant dans la rue que la plupart des immeubles sont muets, tandis que certains parlent, et alors que d’autres chantent… PA U L VA L É RY I N E U PA L I N O S Suite de la page 15 promoteurs, de « passionnante et enrichissante ». D’autant qu’au regard d’une réglementation qui ne cesse de se complexifier, les missions confiées aux bureaux d’architectes par les promoteurs se diversifient également. Imaginer le temps de vie « C’est une des missions de l’architecture de compléter, de dévier, de diversifier, de modifier et d’imaginer ce que les architectures génériques n’imaginent jamais : le temps de vie qu’elles vont abriter », explique Jean Nouvel, l’un des ténors de l’architecture mondial. Et de prôner pour un processus d’élaboration du projet qui implique nécessairement une analyse rigoureuse de l’environnement urbain ainsi que l’intégration de tous les composants dans le projet. « Au nom du plaisir de vivre sur cette terre, il faut se battre contre l’urbanisme des zones, des réseaux, des territoires hachés, contre cette pourriture automatique qui annule l’identité des villes de tous Restructuration de la Rue de Loi Architecte-Urbaniste : Christian de Portzamparc / SABAM Belgium 2010 16 / D I V E R C I T Y les continents, sous tous les climats, qui se nourrit de clones bureaux, de clones logements, de clones commerciaux, assoiffés de pré-pensé, de pré-vu pour éviter de penser et de voir », conclut-t-il. Une volonté partagée Pour Julien Méganck, Administrateur de la Société de Développement pour la Région de BruxellesCapitale (SDRB), la qualité architecturale concerne par contre « un projet bien pensé, au bon endroit, qui associe les différentes fonctions et qui tient compte de son environnement. L’aspect “icône”, ou “Landmark building” est la cerise sur le gâteau, mais le gâteau prime. Et il n’y a, à ma connaissance, pas ou pas encore, de moyen d’objectiver les données et le concept de qualité architecturale. » Beaucoup d’acteurs du secteur sont désormais convaincus que pour redévelopper la ville, il faut aller au-delà de la qualité architecturale en ayant au préalable une vision de la ville. Dans cet esprit, d’aucuns pensent également qu’il faut une volonté partagée des acteurs publics et privés de réaliser ensemble cette vision. « Quant aux concours d’architecture », explique encore Julien Mégank, « ils sont d’excellentes façons de faire émerger la créativité et des réflexions nouvelles, en étant plutôt un catalyseur qu’une panacée. » Traverser le temps La qualité architecturale pourrait dès lors s’inscrire dans une approche de pérennité urbaine plutôt que que dans le simple jugement subjectif des modes architecturales. À l’aune de cette grille d’analyse, un bâtiment « durable », qui recèle une vraie qualité architecturale, devrait pouvoir « traverser le temps », comme le traversent les objets ou les meubles, et au-delà des styles. À méditer… Institut du Monde arabe - Architecte : Jean Nouvel Photo : Luis A. Muñoz LE POINT DE VUE DE L’URBANISTE J E A N H A Ë N TJ E N S URBANISTE Interview flash de Jean Haëntjens, urbaniste français (Urbatopie) et auteur de l’ouvrage « Le pouvoir des villes » (Aube, 2008). Comment définiriez-vous le concept de « qualité architecturale » ? JH : L’important, c’est plus la qualité de la composition urbaine (rapports vides et pleins) que la qualité architecturale. Comment concilier qualité architecturale et spécificités architecturales d’une ville ? La qualité architecturale d’un immeuble renforce-t-elle pour les citoyens leur sentiment d’appartenance à une ville et les pousse-t-elle dès lors à la respecter ? JH : Bien sûr. Entre modes, normes urbanistiques et acceptation sociale, comment inventer un nouveau bâtiment, un nouveau quartier ? JH : En ne confiant pas tous les projets à des agences d’architectes internationales. Barcelone et Bilbao y sont très bien arrivées. JH : La base, c’est une culture partagée. Voir Barcelone. Peut-on objectiver les données pour la qualité architecturale ? JH : Non. C’est la composition urbaine qui est essentielle. JH : Composition urbaine, articulation des échelles, intégration au lieu, rapport minéral végétal, souci du détail, modestie, hiérarchie des espaces, intimité… Les concours d’architectes sont-ils la meilleure solution pour une qualité architecturale ? La qualité architecturale est-elle suffisante en ellemême pour construire une ville et/ou la redévelopper ? JH : C’est une des solutions. RENSEIGNEMENTS Le pouvoir des villes, ou l’art de rendre désirable le développement durable. Jean Haentjens Essai (broché) paru en janvier 2008. D I V E R C I T Y / 17 Qualité architecturale LES ICÔNES DE LA haute couture urbaine Entre science, urbanisme et beauxarts, les nouveaux architectes marquent désormais les villes de leur empreinte visionnaire. Portrait de cinq architectes qui dessinent aujourd’hui les cités de demain. CHRISTIAN DE PORTZAMPARC la verticalité comme credo Architecte-Urbaniste : Christian de Portzamparc Photo : Nicolas Borel Après des études de peinture et d’architecture à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1960, Christian de Portzamparc travaille avec Antoine Grumbach sur les espaces publics. Son travail se développe parallèlement sur trois thèmes majeurs : les bâtiments singuliers, les quartiers, et enfin les tours, avec leur dimension verticale et sculpturale. En 1994, il est le premier architecte français à recevoir le Pritzker Architecture Prize, à l’âge de cinquante ans. Un an plus tard, il conçoit un projet de tour à New York pour le siège de LVMH aux USA, projet qui le propulse au rang des ténors de l’architecture mondiale. En 2004, Christian de Portzamparc reçoit le Grand Prix de l’Urbanisme. Deux ans plus tard, le Collège de France qui s’est doté d’une 53e chaire dite « de création artistique », fait appel à lui pour être son premier titulaire. Depuis 2008, Christian de Portzamparc est à la tête d’une équipe pluridisciplinaire avec laquelle il participe à la consultation sur le Grand-Paris lancé par le gouvernement français. En Belgique enfin, il a reçu le prix International des Belgian Building Awards 2010 pour la conception du musée Hergé à Louvain-la-Neuve et le projet d’urbanisme de la Rue de la Loi à Bruxelles. Avec Atenor, il collabore activement au projet VICTOR dans le quartier du Midi. 18 / D I V E R C I T Y YVES LION militant de la ville Né à Casablanca le 1er juillet 1945, Yves Lion suit des études d’architecture à l’École des Beaux-Arts avant de créer, en 1973, le groupe Cooparchi avec Jean-Paul Rayon. Dans la foulée, il fonde l’École d’architecture de la ville et des territoires à Marne-la-Vallée et participe au groupe Hippodamos 93 qu’il coordonne depuis 1991 - pour la réalisation du projet urbain de la Plaine Saint-Denis. Militant de la Ville, il a réalisé des projets urbains sur de nombreux territoires en France et dans le monde : la Plaine Saint-Denis, le quartier du Neuhof à Strasbourg, la cité de la Méditerranée à Marseille, le quartier Massena-Bruneseau à Paris Rive Gauche, la recomposition de la Villeneuve de Grenoble. Yves Lion porte son intérêt à la fois sur des questions urbaines et sur l’évolution des modes d’habiter. De 2008 à 2009, Yves Lion participe ainsi à la consultation sur le Grand-Paris. Grand Prix de l’urbanisme 2007, il a également occupé la fonction de Vice-Président du groupe Climat et Énergie du Grenelle 1 de l’Environnement. À Bruxelles, Yves Lion et le bureau d’architecture belge A2RC ont conçu pour Atenor le projet durable « Premium », la plus ambitieuse des tours de logements de la capitale. Photo : Gaston Bergeret MICHEL VERLIEFDEN et BRIGITTE D’HELFT réconcilier art et architecture Fondé à Bruxelles en 1983 par Brigitte D’Helft et Michel Verliefden, le bureau A2RC Architects base sa philosophie sur la volonté d’associer étroitement l’art, l’architecture et la ville. Son credo : intégrer l’art au cœur de ses réalisations pour le rendre accessible au public. En près de trente ans, le bureau a ainsi développé des projets de constructions et de rénovations de bâtiments publics ou privés et des projets d’aménagements urbains. Dans cet esprit, l’atelier s’est notamment distingué pour la conception du South City Office & Hotel à Bruxelles, l’aménagement des abords de la gare du Midi, la rénovation inspirée du Théâtre Royal de la Monnaie ainsi que des Galeries Royales St Hubert, de l’ancien Palais des Congrès de Bruxelles et du site de la Manufacture à Gembloux. En 2009, A2RC a figuré dans la short list élaborée par la très célèbre Royal Institution of Chartered Surveyors (Rics) basée à Londres. Nominé dans la catégorie « Community Benefit » pour son projet Wolubilis, le village culturel de Woluwe-SaintLambert (Grand Prix 2008 des Règles d’Or de l’Urbanisme à Bruxelles), A2RC Architects s’est définitivement installé dans le cercle très fermé des grands bureaux internationaux. Avec Atenor, A2RC collabore activement – en collaboration avec les Ateliers Lion de Paris – au projet Premium et vient de recevoir le Prix Spécial du Jury (MIPIM Award 2010) pour le « Square Brussels Meeting Centre » à Bruxelles. JEAN NOUVEL un contestataire devenu super star Né en 1945 à Fumel (Lot-et-Garonne), ce fils d’enseignant passé par l’École des Beaux Arts de Bordeaux, s’installe à Paris vers 1966. Il travaille d’abord avec Claude Parent, concepteur de l’architecture oblique. Il cofonde le Syndicat de l’Architecture en 1976 et se fait contestataire avec « Mille projets pour les Halles » en 1977. À Paris, il est l’auteur de l’Institut du Monde Arabe (1987), de la Fondation Cartier (1994). Entre batailles perdues, du Stade de France aux Halles, et bâtiments gagnés, le Musée du Quai Branly à Paris, la Tour Agbar à Barcelone, il défend, inlassablement, le « contexte » en opposition au style. En 2005, il s’explique dans son Manifeste de Louisiana : « Défendre une architecture spécifique, qui, face à l’architecture générique, révèle géographies, histoires, couleurs, végétations, horizons, lumières. ». Avec son agence de 140 personnes, il accumule d’autres succès, le Louvre-Abou-Dhabi, la Philharmonie de Paris, plus de 40 projets en cours dans le monde. Photo : Ellen Goegebuer En 2008, Jean Nouvel a été lauréat du Prix Pritzker 2008, sorte de Nobel de l’architecture. En 2009, Jean Nouvel a également proposé un projet pour dynamiser les abords de la gare du Midi à Bruxelles : audacieux ! D I V E R C I T Y / 19 Mixité 20 / D I V E R C I T Y Construire LA VILLE PLURIELLE La mixité des fonctions est essentielle à la dynamique urbaine des villes : elle permet de créer des quartiers où il fait bon vivre tout en contribuant au développement durable de ceux-ci. Mais si d’aucuns s’accordent sur le principe, reste à envisager les choix et moyens à mettre en œuvre pour aboutir à une véritable diversité fonctionnelle. Tour de table de quatre acteurs majeurs du secteur immobilier bruxellois : Julien Méganck (SDRB), Isabelle Pauthier (ARAU), Michel De Bièvre (Tour & Taxis) et Michel De Beule (Observatoire des bureaux). JULIEN MÉGANCK I S A B E L L E PA U T H I E R MICHEL DE BIÈVRE MICHEL DE BEULE A D M I N I S T R AT E U R D É L É G U É DE L A SOCIÉTÉ DE D É V E LO P P E M E N T P O U R L A RÉGION DE BRUXELLESC A P I TA L E ( I N S T I T U T I O N P U B L I Q U E PA R A R É G I O N A L E ) D I R E C T R I C E D E L’ AT E L I E R D E R E C H E R C H E E T D ’ AC T I O N URBAINES C E O D E P R OJ E C T T & T ( TO U R & TA X I S ) CHERCHEUR , ARCHITECTE ET U R B A N I S T E À L’ O B S E R VATO I R E DES BUREAUX DE L A RÉGION D E B R U X E L L E S - C A P I TA L E D I V E R C I T Y / 21 Mixité Fini le découpage des villes en zones fonctionnellement différenciées. Héritée de Le Corbusier, cette théorie qui consistait à planifier le déploiement urbain en « zoning » connut beaucoup de succès durant l’après-guerre. Poussée à son paroxysme à Brasilia, elle se révéla cependant peu concluante au sein des villes européennes. Aujourd’hui, promoteurs immobiliers, architectes, urbanistes, politiques et associations, tous s’accordent pour souligner le rôle crucial de la mixité : rassembler au sein d’un même quartier habitations, bureaux, activités culturelles ou commerces… Un facteur clé du développement des villes, un préalable absolu à tout nouveau plan d’aménagement urbanistique. L’objectif consiste désormais à repenser la ville autour de quatre axes : travailler, se loger, se déplacer et vivre en société. L’intégration de toutes les composantes sociétales de la ville (sociologiques, économiques, culturelles…) est nécessaire pour une élaboration non plus autoritaire, mais consensuelle 22 / D I V E R C I T Y La mixité de fonctions fait la richesse d’une ville MICHEL DE BEULE O B S E R VATO I R E D E S B U R E A U X D E L A R É G I O N D E B R U X E L L E S - C A P I TA L E d’un plan urbanistique global. Une démarche qui permettra, à long terme, de reconstruire la ville sur la ville mais à laquelle s’ajoute le défi du développement durable… Un défi qui dépasse de loin les quatre fonctions préalablement citées. Une ville ne peut en effet vivre – ou retrouver vie – que si elle permet à tous, habitants et entreprises, d’atteindre une certaine qualité de vie et un développement harmonieux. Repenser des quartiers de vie La mixité des fonctions ou « multifonctionnalité » a pour objectif de faire cohabiter ensemble des fonctions nécessaires à réaliser des quartiers de vie, à savoir : toutes formes de logements, mais également des bureaux, commerces, écoles, crèches, équipements sportifs, théâtres… « Jusqu’ici, le monde de la promotion a trop pensé en termes de monofonctionnalité », note Julien Méganck, Administrateur de la Société de Développement pour la Région Bruxelloise (SDRB). Et Isabelle Pauthier, Directrice de l’Atelier de Recherche et d’Action Urbaines (ARAU), de poursuivre : « en prônant la séparation des fonctions, l’urbanisme moderne est allé à l’encontre de l’essence même de la ville qui se définit par la cohabitation, à l’échelle du piéton, des fonctions, par leur imbrication, par leurs interrelations ». été “antimodernes”, comme les Marolles, sont aujourd’hui donnés à voir aux touristes comme bastions de l’identité et de l’authenticité bruxelloise parce que le logement, mais aussi les équipements et une économie locale subsistent ! ». Les erreurs du passé donnent donc matière à réfléchir… La mixité comme garant de l’identité bruxelloise Recréer l’envie de vivre en ville Pour certains, la bonne question concerne l’espace dévolu aux différentes fonctions dans la ville, par les plans, mais aussi par les décisions quotidiennes d’aménagement comme la délivrance des permis. Pour Isabelle Pauthier (ARAU), la réponse coule de source : « Depuis les années 60, les pouvoirs publics bruxellois se sont engouffrés dans les concepts théoriques de l’urbanisme moderne : la séparation des fonctions et des circulations, la rupture d’échelle… qui ont produit le quartier Nord, le quartier européen, le quartier de la gare du Midi, au détriment du logement. Les quartiers dans lesquels les habitants ont résisté, où ils ont en quelque sorte Aujourd’hui, l’urgence d’une autre vision urbanistique s’impose d’elle-même : il faut recréer la vie et l’envie de vivre en ville. Les erreurs du passé ont vidé le cœur des cités au profit de la périphérie, laissant place à des problèmes d’insécurité et de mobilité. « Le seul moyen d’inverser la tendance », explique Michel De Bièvre, CEO du projet Tour et Taxis, « c’est de proposer des endroits où il est agréable à la fois de vivre et de travailler, avec de très bons services de transports en commun, des commerces, des crèches, des écoles, etc. L’exemple du projet Tour et Taxis prouve qu’il y a un patrimoine à redynamiser et densifier ». Et le promoteur de mentionner l’esprit de « sustainable community » SUSTAINABLE COMMUNITY La notion de sustainable community (communauté durable), va plus loin que le concept de construction durable : c’est recréer la vie et l’envie de vivre en ville, par la qualité du logement, des services, de l’architecture et de toute l’infrastructure. Suite en page 25 D I V E R C I T Y / 23 Mixité LA NOUVELLE VIE DE Liverpool Symbole d’une rénovation urbaine réussie, Liverpool (GB) est en passe de gagner son pari. Après une longue période de déclin économique qui a commencé après la Seconde Guerre mondiale, la ville des Beatles vit depuis une décennie une véritable renaissance, symbolisée par son titre de capitale européenne de la culture en 2008. (220 millions d’euros). Sur ce même périmètre, le nouveau Museum of Liverpool (91 millions d’euros), est venu s’ajouter aux sept autres musées (dont l’étonnant musée de l’Esclavage) que compte la ville sous l’appellation de National Museums Liverpool (NML). … à Paradise Street C’est que Liverpool revient de loin. Dans les années 1990, seules 3 000 personnes habitaient encore en centre-ville, où les bâtiments décrépissaient et où régnait une forte criminalité. Désormais, ils sont 15 000, installés dans des bâtiments flambant neufs ou récemment rénovés. Et plusieurs gratte-ciel au style résolument moderne agrémentent désormais le paysage urbain. De Kings Waterfront… L’un des plus beaux exemples de ce renouveau est le Kings Waterfront Project érigé au bord de la 24 / D I V E R C I T Y rivière Mersey. Ici, les vieux hangars délaissés du port ont été progressivement rénovés en zones résidentielles, culturelles, sportives, commerciales et naturelles (600 millions d’euros). Le premier signe de ce renouveau remonte à 1988 lorsque la Tate qui dirige les musées Tate Britain et Tate Modern à Londres a décidé d’y ouvrir une branche dédiée à l’art contemporain. Progressivement, des bars et des restaurants branchés ont emboîté le pas, rejoint tout récemment par l’Echo ArenaConvention Center, un palais des congrès longtemps attendu, qui comprend une salle de conférence de 1 500 places et une salle de concert pouvant contenir 10 600 spectateurs La rénovation du bord de la rivière n’est cependant qu’un petit morceau du puzzle. Entre ce quartier et le centre-ville, le plus grand chantier de rénovation urbaine d’Europe concerne le Paradise Street Project. Entièrement financé par l’entreprise privée Grosvenor (propriété du duc de Westminster) qui y investit 1,2 milliard d’euros, le projet concerne deux grands magasins, deux hôtels et 150 000 m² de surfaces commerciales. « Pour le nouveau centre ville, nous avons mis 17 hectares en chantier, sur lesquels ont collaboré pas moins de 30 architectes », explique Joanne Jennings, chef exécutif du projet. « Jamais Il faut que la ville vive 7 jours sur 7 MICHEL DE BIÈVRE P R O M OT E U R I M M O B I L I E R – P R OJ E T T & T De son côté, Michel De Beule, de l’Observatoire des bureaux de la Région de Bruxelles-Capitale, note que la mixité de fonctions est bien évidemment un atout incontournable pour la qualité de vie en ville. « À Paris intra-muros, bureaux, commerces en tout genre et logements se mélangent. Mais je préfère privilégier une mixité horizontale. Bruxelles dispose en effet d’un parcellaire étroit. Il est donc préférable d’implanter les immeubles de bureaux à côté de ceux destinés aux logements et aux commerces. Ainsi, si la mixité de fonctions fait la richesse d’une ville, la mixité horizontale – dont le logement est le principal vecteur - est plus agréable et plus logique. En outre, une mixité bureaux – logements n’est pas toujours évidente pour la copropriété, car le rythme de rénovation est différent. » Privilégier la multifonctionnalité Suite de la page 23 dans un centre ville, un chantier d’une telle ampleur n’a été réalisé en si peu de temps. » Selon Warren Bradley, le maire de la ville, une attention particulière est portée à la qualité des projets. « Pour le projet de Grosvenor, nous avons gardé le tracé des anciennes rues, alors que d’autres entreprises voulaient tout recouvrir pour en faire un immense centre commercial. » Mais il ajoute, réaliste : « Il reste encore beaucoup à faire. Il n’est pas possible de mettre fin à quarante années de déclin en dix ans. » N’empêche que la nomination de Liverpool comme capitale européenne de la culture a eu l’effet d’un électrochoc financier, confortant un dynamisme et une vague d’investissements déjà amorcés quelques années plus tôt. À titre d’exemple, le nombre de salariés employés dans l’industrie du tourisme devrait passer de 20 000 à 30 000 d’ici à 2015. Des chiffres réconfortants en ces temps incertains… « qui est beaucoup plus que de construire durable : c’est recréer la vie et l’envie de vivre en ville, par la qualité du logement, des services, de l’architecture et de toute l’infrastructure ». Plutôt que de créer de nouveaux quartiers, Michel De Bièvre met en avant l’importance de redynamiser ceux qui rencontrent actuellement des difficultés. « Avant d’aller à Delta, Schaerbeek Formation ou Josaphat, faisons d’abord en sorte que le centre ville soit agréable et accessible. Capitale de l’Europe, Bruxelles est une ville internationale d’envergure. Beaucoup – et en particulier les jeunes – souhaitent vivre en ville. Mais, pour cela, il faut que la ville vive sept jours sur sept, avec une offre culturelle et récréative qui suscite l’envie d’y rester. Ce qui signifie qu’avant de penser à la qualité architecturale, il faut d’abord penser à l’urbanisme, à s’accorder sur une manière de penser la ville en termes de connectivité, de mixité de fonctions et d’espaces publics, ce qui est du développement durable. » Si l’approche multifonctionnelle semble faire l’unanimité parmi les professionnels du secteur, reste à déterminer le contenu concret de cette mixité de fonctions. Faut-il la réaliser partout ou simplement la privilégier dans certains quartiers, ne serait-ce que parce que l’on ne peut gommer la réalité ? « Il faut privilégier la multifonctionnalité là où c’est possible et réalisable », note-t-on à la SDRB. Un réalisme confirmé par l’ARAU qui estime que « certains quartiers ont été sacrifiés à la fonction administrative. L’option de concentrer les fonctions européennes à Schumann n’est pas mauvaise, la zone étant très bien desservie par les transports en commun, mais il importe d’y réintroduire également une certaine mixité afin de rendre ces lieux vivables pour ses usagers et habitants. » Des quartiers proches des gares Parce que Bruxelles, comme toutes les villes, se trouve profondément marquée par les navetteurs qui viennent chaque jour y travailler, mais également par sa particularité de capitale internationale, les quartiers riverains des gares semblent être appelés à jouer un rôle prépondérant dans le redéploiement de la cité. D’autant que la capitale belge jouit d’un avantage incontestable : être traversée du nord au sud par un axe de chemin de fer, tandis Suite en page 26 D I V E R C I T Y / 25 Suite de la page 25 Mixité Il semble pertinent de développer des lieux de travail près des gares I S A B E L L E PA U T H I E R ARAU qu’elle le sera aussi d’est en ouest lorsque sera achevée la nouvelle jonction ferroviaire via le tunnel Schuman – Josaphat. Avec en outre, à l’horizon 2016, la mise en fonctionnement du réseau express régional (RER) qui devrait soulager le trafic automobile et devenir ainsi un des leviers du développement durable. Une conception que partage l’ARAU : « Dans un modèle de société comme en Belgique, où il est banal, et même encouragé financièrement (par la prise en charge des frais de transport) et fiscalement d’habiter loin de son lieu de travail, il semble pertinent de développer des lieux de travail près des gares ». « Mais on est en train de gérer un héritage… », explique Isabelle Pauthier en citant une nouvelle fois l’exemple du quartier Nord dont la conception remonte à l’époque de la théorie du modernisme et qui est devenu un contre-exemple. Des synergies gagnantes Quid des erreurs du passé ? Sont-elles de la responsabilité du politique seul ? Dépendent-elles également des secteurs de l’économie, de la promotion immobilière et des architectes ? A cet égard, un certain consensus semble se dégager : la responsabilité est partagée. « Les développeurs – je n’aime pas parler de promoteurs – doivent travailler avec le politique », note Michel De Bièvre. « Un développeur développe une partie de la ville et ne peut aller contre la ville. Il doit s’insérer dans la ville et tenir compte des habitants, des besoins des marchés du logement, mais aussi des bureaux. C’est un ensemble. Ma responsabilité est de bien le comprendre et de faire les démarches vers les politiques, qui ont beaucoup trop tendance à réfléchir entre eux et décider de choses non réalisables… » Même son de cloche du côté de la SDRB où l’on soutient que, « le développement de la ville est une responsabilité partagée par tous les stakeholders : politiques, opérateurs publics, promoteurs, architectes et habitants ». Du côté de l’ARAU, on considère que « les enjeux de l’environnement urbain sont des enjeux démocratiques qui relèvent de la responsabilité collective. Ce sont des enjeux trop importants pour être laissés à la discrétion des technocrates et des politiques. C’est pourquoi ces questions doivent faire l’objet d’un débat public dans lequel interagissent les trois piliers de la démocratie : le politique qui arbitre, prend les déciSuite en page 28 26 / D I V E R C I T Y L’ADT L’Agence de développement territorial (ADT) a récemment été constituée par le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Cette institution pluridisciplinaire – composée d’urbanistes, de géographes, de juristes, d’économistes, d’architectes, de sociologues – sera un outil essentiel dans la politique de la ville. Face en effet à la multiplicité d’intervenants publics, l’ADT a pour mission d’assurer la coordination de la mise en œuvre de la politique régionale et la coordination générale de tous les grands projets. Véritable pivot, cette agence est prioritairement chargée de coordonner le développement des zones stratégiques régionales (Tour et Taxis, Delta, Josaphat, Quartier Européen…) en s’assurant de la mise en œuvre concrète des options gouvernementales, notamment dans le cadre de schémas directeurs. Promouvoir la ville L’ADT a encore pour fonction d’améliorer la connaissance de la ville, de promouvoir le territoire et de travailler à son développement au bénéfice des habitants, des entreprises ou des usagers. Dans cet esprit, l’équipe chargée de la promotion est ancrée dans des réseaux internationaux qu’elle entend mettre à profit et possède une expérience diversifiée : secteur immobilier, institutions publiques belges et internationales, monde académique, milieu associatif. UNE NOUVELLE AGENCE POUR COORDONNER LES PROJETS DE VILLE L’Agence pour le développement territorial, récemment créée, a une mission de coordination des projets et d’interface entre tous les acteurs. Elle est l’outil qui manquait dans la vision du futur de Bruxelles. synergie avec le Maître architecte bruxellois, elle veille à la qualité des projets et à ce qu’ils s’inscrivent dans une démarche de développement durable. Dans ce rôle, l’agence est amenée à éclairer le gouvernement régional sur les enjeux d’un projet, faire respecter les engagements de chacun des partenaires, veiller au respect des délais et identifier les difficultés. Conciliateur privilégié Une interface privilégiée À l’écoute de tous les acteurs du développement urbain, elle facilite également la réalisation concrète de projets en recherchant des investisseurs, en imaginant des montages opérationnels (société d’économie mixte, partenariat public/ privé…) ou en proposant des médiations et, le cas échéant, des arbitrages au gouvernement. C’est elle enfin qui assure la communication et la participation tout au long du processus. L’Agence agit en tant qu’interface entre toutes les parties, qu’elles soient publiques ou privées, impliquées dans le développement d’une zone. En Les travaux de l’ADT contribueront enfin à l’élaboration du plan régional de développement durable (PRDD) pour le futur de Bruxelles. RENSEIGNEMENTS Agence de développement territorial - ADT BIP – Brussels Info Place (4e étage) Rue Royale 2-4 B-1000 Bruxelles T +32 (0)2 563 63 00 F +32 (0)2 563 63 20 [email protected] www.adt-ato.be D I V E R C I T Y / 27 Mixité Faire cohabiter l’ensemble des fonctions nécessaires à réaliser des quartiers de vie JULIEN MÉGANCK SDRB Suite de la page 26 sions et les motive ; le secteur économique, qui développe des projets qui répondent aux besoins sociétaux dans le cadre défini par le politique et la société civile, porteuse des besoins collectifs ». Les besoins collectifs des citoyens doivent donc se refléter dans la conception urbanistique qui se doit impérativement d’être globale, puisqu’il est évident que certaines décisions d’aménagement ont un impact direct sur le développement de plusieurs zones. Bruxelles ayant pour particularité d’être surtout constituée d’îlots fermés, une manière de rendre à ces quartiers la qualité de vie est, outre la mixité de fonctions, de les ouvrir les uns aux autres et de les connecter entre eux. Il faut également travailler sur les espaces publics, qui sont autant de lieux de rencontres. 28 / D I V E R C I T Y Maître architecte : une vigie pour la ville Pour instaurer cette diversité fonctionnelle, des outils ont d’ores et déjà vu le jour. Michel De Bièvre insiste notamment sur l’importance, pour les développeurs et promoteurs, de la nomination récente d’un « Maître Architecte » (voir encadré p 29) pour la Région de Bruxelles-Capitale ainsi que sur la création de l’Agence pour le développement territorial (ADT) : « Le Maître Architecte a en charge tout ce qui concerne les espaces publics, ce qui est déterminant dans la mesure où c’est autour de ces espaces que l’on crée des choses. Le maître architecte est ainsi le garant d’une qualité. Quant à l’ADT, elle a pour mission de coordonner les décisions des autorités publiques et de vérifier que leur vision de la ville se réalise. L’un et l’autre sont ainsi très importants pour nous, car développeurs et promoteurs sont dépendants des infrastructures publiques de décision pour obtenir les permis. Ces infrastructures décident aussi des mesures de mobilité et d’accessibilité qui sont tout autant essentielles puisque, sans cela, on ne peut développer aucun projet. » La marche vers plus de multifonctionnalité semble aujourd’hui bel et bien enclenchée. Reste à voir comment tout un chacun, citoyens, politiques ou professionnels… va désormais parvenir à lui donner corps et sens. Un Maître Architecte POUR BRUXELLES Désigné pour cinq ans par le gouvernement de Bruxelles-Capitale, Olivier Bastin, le nouveau « Maître Architecte » bruxellois va désormais veiller à la qualité du bâti régional. Il aura également pour mission d’assister les autorités dans le montage des grands projets architecturaux. Explication. Soucieux d’améliorer la qualité des projets urbanistiques, le gouvernement bruxellois a désigné, le 30 octobre 2009, un « Maître Architecte ». Cette mission a été confiée pour cinq ans à Olivier Bastin et à son bureau d’architectes « L’Escaut », de Molenbeek. Le rôle du Maître Architecte sera, selon les termes du gouvernement, « de stimuler et d’assurer la qualité et la diversité des architectures, d’assister les autorités dans le montage des grands projets architecturaux ». C’est dire que le Maître Architecte sera aussi appelé à travailler en étroite coordination avec la nouvelle Agence de développement territorial (ADT). Le gouvernement bruxellois a décidé de créer cette fonction pour pallier le manque de cohérence urbanistique à Bruxelles. Constat d’autant plus préoccupant que l’architecture traduit la vision d’une autorité publique sur la vie en communauté, ses ambitions sociales, culturelles et politiques. Bruxelles, région à part entière, capitale nationale et européenne doit dès lors se donner une identité architecturale, dans ses dimensions culturelles et environnementales. Pour Olivier Bastin, la mission de « Maître Architecte » dépasse celle de l’architecte pour l’étendre à un projet social et urbain bien réfléchi. Investi de ces nouvelles prérogatives, il entend désormais axer l’essentiel de sa méthode sur le processus de participation qu’il connaît et maîtrise bien. Sa méthodologie insiste fortement sur le dialogue et la participation. Olivier Bastin témoigne en outre d’une connaissance remarquable du périmètre urbain bruxellois. D I V E R C I T Y / 29 Mixité LOCATION DE BUREAUX Moratoire, une fausse bonne idée ? Le secteur des bureaux n’échappe pas à la crise. Et pour preuve, en 2009, le pourcentage de bureaux inoccupés a battu des records ! Imposer un moratoire sur les nouveaux projets de construction permettrait-il de résoudre le problème ? Rien n’est moins sûr. Reconstruire la ville sur elle-même, c’est aussi réfléchir en termes de « bureaux » et à la place qu’il convient de leur accorder. La crise économique actuelle donne de l’importance à cette question dans la mesure où elle pourrait induire de profonds changements dans le tertiaire et influer lourdement sur le marché. grimper jusqu’à 13 voire 14 % pour 2011-2012. Et ceci, alors que les projets de construction pour 2010 s’élèvent à au moins 505.000 m² (périphérie comprise). Si le taux de vacance ne cesse d’augmenter, le marché pourrait vivre une baisse des loyers qui pourrait déboucher sur une crise immobilière majeure. Vacance locative en hausse Dans ce contexte, l’éventualité d’un moratoire divise les parties prenantes. Y compris au sein des milieux de la promotion. Le premier effet visible et quantifiable de la crise est celui de la vacance locative. Si elle a pris de très fortes proportions sur toutes les places internationales, Bruxelles n’échappe pas à la règle. En 2009, la vacance locative y a atteint 12,11 % du parc, soit plus de 1,5 million de m². Un record qui pourrait encore être battu : certaines prévisions la voyant 30 / D I V E R C I T Y Un moratoire n’est en effet réalisable que via deux approches : l’auto-régulation du marché ou la décision politique. Si un moratoire devait être imposé en Région de Bruxelles-Capitale, le risque de transfert vers la périphérie serait bien réel et irait à l’encontre du redéploiement de la ville. Et cela, même si la périphérie n’est pas non plus épargnée par la vacance locative. Rares – sinon rarissimes – sont donc ceux qui appellent à une régulation imposée. D’autant que dans une économie de marché, une telle mesure ne ferait que pénaliser Bruxelles face à d’autres villes. Il faut également tenir compte du fait qu’il existe une demande, en particulier de la part des institutions européennes. Ne tuons pas le dynamisme de la ville Pour certains, le moratoire est une mauvaise discussion. Dans cet esprit, Stéphan Sonneville, CEO d’Atenor estime que le secteur réagit en proposant des solutions pragmatiques, en phase avec l’évolu- tion du marché locatif. « On ne peut pas aller contre le marché ni pénaliser une société qui cherche à occuper des bureaux neufs et durables, dans un cadre agréable », explique-t-il. « Si une entreprise ne trouve pas de bureaux durables et agréables à vivre, elle risque tout simplement de partir ailleurs… Et c’est comme ça qu’on tue le dynamisme de la ville ! On ne peut pas pénaliser la demande existante pour ces bureaux de qualité. Aujourd’hui, plus aucun investisseur ne veut faire du bureau à risque. Il ne les construira que s’il y a opportunité locative. Le secteur s’assainit donc de lui-même… » font la chasse au m² et exigent des bureaux intelligents, économes en dépenses énergétiques et respectueux du développement durable, il faut reconvertir les bureaux obsolètes. Comment ? En les allouant à d’autres fonctions, ce qui contribue à renforcer la mixité de fonctions. Quant aux nouveaux bureaux, il faut les concevoir dans une optique de transformation future : une approche plus rentable, à terme, pour les propriétaires que d’être confrontés à un vide locatif ou à des démolitions reconstructions après 20 ans. Place donc à l’autorégulation où une option semble faire l’unanimité : puisque les entreprises locataires FAIRE DU LOGEMENT AVEC DES BUREAUX ? Une nouvelle alchimie urbaine Consultant en économie urbaine, Christian Lasserre se penche sur le phénomène de transformation d’immeubles de bureaux en logements à Bruxelles. Co-auteurs du numéro spécial de l’Observatoire des bureaux « Bruxelles, ses bureaux, ses employés », il nous brosse un tableau réaliste de la situation. Près de mille logements ont été ou vont être réalisés dans d’anciens bureaux ! Pour Christian Lasserre, le constat est sans appel : depuis 1996, la reconversion des bureaux a fortement évolué en Région de Bruxelles-Capitale. « La transformation des bureaux en logements concerne des immeubles de bureaux construits principalement dans les années 60 », précise-t-il. « Ils sont localisés dans des quartiers mixtes ou résidentiels et les transformations ont répondu à une conjonc- tion de demande réelle en logements et de difficultés d’occupation en bureaux. Cette réhabilitation ne signifie cependant pas que les deux fonctions soient contrecycliques et qu’il y ait un renouveau de l’une lorsque l’autre décline ». Le logement n’est d’ailleurs pas seul concerné puisque ces immeubles peuvent être également affectés à d’autres fonctions : écoles, restaurants, musées, hôtels, etc. En outre, l’auteur remarque que cette option ne peut être considérée comme la panacée : le potentiel d’adaptation de certaines surfaces est tout relatif et « les immeubles construits actuellement poseront d’autres problèmes et appelleront d’autres solutions ». De plus, « il sera toutefois difficile de créer, à grande échelle, des logements dans un quartier déserté par les bureaux, et donc par les emplois », poursuit Christian Lasserre. « La dynamique souhaitable de conversion de bureaux en logements ne consistera dès lors pas à désaffecter des bureaux, mais plutôt à rapprocher l’habitat des quartiers monopolisés par les bureaux. » Mais, dans le monde d’incertitude qu’est le nôtre, « quel que soit le bâtiment, ses possibilités d’adaptation sont une sécurité face à l’incertain ». D I V E R C I T Y / 31 Mobilité Aménagement LES ABORDS DES urbain «GARES DOIVENT REDEVENIR DES LIEUX DE VIE DYNAMIQUES !» HERWIG PERSOONS Les villes se distinguent de plus en plus par leurs gares. Et cette tendance n’en est qu’à ses débuts ! Interview d’Herwig Persoons, Administrateur Délégué d’Eurostation, filiale autonome de la SNCB-Holding chargée du développement des gares et de leurs abords. Les gares et leurs abords sont depuis quelques années au cœur des politiques d’aménagement urbain. Pourquoi? Herwig Persoons : Avec l’émergence des politiques durables au sein des villes, les décideurs politiques prennent maintenant conscience de l’importance des gares, gardiennes de la mobilité durable au sein de la société. De leur côté, les architectes, les urbanistes et les autres domaines liés au secteur du bâtiment manifestent le même intérêt. Car tous s’accordent désormais pour reconnaître l’importance des gares en tant que catalyseur du développement économique et de l’équilibre social. Ce regain d’intérêt est-il propre à toutes les villes ? H. P. : De manière générale, le centre des grandes villes s’est progressivement vidé ces dix dernières années et toutes les grandes métropoles tentent aujourd’hui de renverser la tendance. Elles s’efforcent dès lors de redonner vie à leur centre-ville afin d’encourager les gens à (re)venir habiter en ville. Dans ce processus, un design approprié pour les gares et leurs environs joue un rôle crucial. Car souvent, c’est ce périmètre dédié à l’intermodalité qui est le moteur d’une nouvelle dynamique urbaine. Le statut des gares est-il en train de changer ? H. P. : Absolument. Si les gares n’étaient autrefois que des lieux de transit, des passages obligés pour se déplacer, elles représentent aujourd’hui autant de portes d’accès privilégiées vers la ville. Leurs abords deviennent dès lors des endroits prisés, des lieux de vie de plus en plus agréables et dynamiques. Et c’est tout naturellement que les villes cherchent à se définir par le biais de leurs gares et de leurs quartiers environnants. Suite en page 34 D I V E R C I T Y / 33 Mobilité Suite de la page 33 Cette évolution est-elle renforcée par le phénomène de « mobilité durable »? H. P. : Au quotidien, tous les automobilistes, qu’ils soient habitants ou navetteurs, sont confrontés au problème des embouteillages. Un phénomène qui génère stress et perte de temps. Le constat est d’autant plus dommageable que le transport motorisé exerce également de grandes pressions sur l’environnement. A ce titre, le transport ferroviaire offre une alternative tournée vers l’avenir et respectueuse de l’environnement. Le train conduit les gens au cœur de la ville de la manière la plus confortable et la plus fluide qui soit. En développant durablement la gare et ses environs, en proposant de bonnes alternatives en terme d’intermodalité (transport en commun et mobilité douce), les pouvoirs publics contribuent activement à une politique durable en matière de mobilité. Une gare modernisée parvient-elle à attirer davantage d’habitants et d’entreprises? H. P. : Les quartiers proches des gares sont des espaces facilement accessibles et donc intéressants pour diverses fonctions. Il y a encore quelques années, l’aménagement urbain aux alentours des gares mettait surtout l’accent sur l’aménagement de bureaux. Aujourd’hui, la mixité des fonctions prônée par les tenants d’une ville dynamique a fait évoluer le concept et les urbanistes intègrent désormais le logement, les commerces et les lieux de détente à leurs projets. L’équilibre entre les différentes fonctions est à mon sens primordial. L’expérience nous montre en effet qu’un quartier de bureaux est déserté la nuit, ce qui amplifie le sentiment d’insécurité. Pour s’intégrer dans la ville, 34 / D I V E R C I T Y la gare et ses alentours doivent au contraire demeurer un espace de vie où il fait bon s’arrêter, à toute heure de la journée. Y a-t-il un design type pour les abords d’une gare ? Pour créer de la vie autour des gares, il est nécessaire de respecter un certain nombre de principes fondamentaux. Parmi les plus importants, on peut citer l’intermodalité, la facilité d’orientation, la sécurité, la facilité d’accès, le confort et la beauté de l’architecture. La conception d’une gare et de ses alentours reste cependant un travail sur mesure. Le tissu urbain qui la borde est par principe différent selon les villes et les endroits et, un bon plan d’urbanisme s’avère dès lors indispensable. La créativité technique et les études préalables participeront également à la réussite du projet. HERWIG PERSOONS AVIS D’EXPERT LES ABORDS D’UNE GARE DOIVENT ÊTRE… MULTIMODAUX Les voyageurs doivent pouvoir passer facilement d’un moyen de transport à l’autre dans un environnement agréable. UN POINT DE RENCONTRE CENTRAL UN LIEN ENTRE DEUX QUARTIERS En créant un équilibre dynamique entre logements, bureaux, magasins et lieux de détente, la gare et ses environs peuvent redevenir l’un des principaux points de rencontre de la ville. Grâce à des bâtiments modernes et transparents et des infrastructures ferroviaires plus aérées, la ville peut continuer à croître sous les voies et permettre ainsi aux quartiers de se fondre les uns dans les autres. D I V E R C I T Y / 35 Mobilité Transports publics : plus de 89 % des clients satisfaits ! CURITIBA La cité la plus innovante du monde ! Le Système intégré de transports en commun de Curitiba comprend 221 stationstubes, 340 lignes s’étalant sur 1 100 km, dont 60 km de voies réservées. Ce système est emprunté par 1 902 bus Capitale de l’État du Paraná au Brésil, Curitiba est l’exemple réussi d’une planification urbaine audacieuse. Connue de tous les urbanistes pour être la « Cidade Modelo da América Latina » (CitéModèle de l’Amerique Latine), cette métropole de près de deux millions d’habitants a notamment développé une politique de mobilité urbaine exemplaire. parcourant 316 000 km et transportant 1,9 million de passagers par jour, soit plus de 85 % des habitants utilisant les transports en commun. Une récente enquête de satisfaction montre que plus de 89 % des clients sont satisfaits ou très satisfaits. 36 / D I V E R C I T Y L’aventure de Curitiba débute à l’aube des années 1940. À l’époque, la ville se dote d’un Plan préliminaire d’urbanisme, dont l’un des aspects majeurs est de permettre les déplacements de ses habitants. Dirigé par le français Alfred Agache, cofondateur de l’association française pour les études d’urbanisme, le modèle – qui prévoit entre autres la création de larges voies de communication – devient rapidement emblématique à l’échelle de la planète. Pour cause de seconde guerre mondiale, il avorte pour être repris plus de vingt ans plus tard. construire cinq avenues à six voies de circulation (trois dans chaque sens). Et contrairement à ce à quoi on assiste aux Etats-Unis et en Europe (qui prêchent le tout automobile), les voies de circulation du centre sont exclusivement dédiées à la circulation des bus. Le long de ces voies, la municipalité encourage alors les constructions résidentielles, commerciales et des bureaux, l’objectif étant de concentrer les lieux de vie à proximité des lignes de transport public. Un modèle de mobilité Cinq axes de circulation En 1966, un nouveau plan d’urbanisme prévoit une restructuration de la ville selon cinq axes de circulation principaux. Sur ces axes de développement privilégiés, la ville se réserve des terrains afin de Initiée à partir de 1974, la construction de ces avenues s’achève en 1982. Le long des voies, la construction de gratte-ciel (tour d’habitations) est alors encouragée – notamment au centre-ville – afin de favoriser une densification porteuse de cohérence urbaine. Bâtie autour d’un réseau de fraude, des tubes d’embarquement sont installés dans chaque station. Et loin des clichés que l’on connaît des bus d’Amérique du Sud, ceux de Curitiba s’avèrent particulièrement propres et esthétiques. Espaces verts et santé publique En corollaire à cette politique de mobilité, l’ensemble du plan a permis de préserver les espaces verts publics : chaque habitant disposant en moyenne de 52 m² (soit un total de 2 100 hectares). Dans ce même esprit, la ville a développé une politique de santé publique unique au Brésil : 99 % des besoins en eau de la ville proviennent des systèmes d’adduction d’eau potable (contre 9 % pour le pays) et 97 % des foyers y sont reliés. 99,6 % des ménages possèdent l’électricité et 94 % un réfrigérateur. Culture et écologie Réseau de transports de Curitiba : lignes expresses et lignes directes transports en commun très performant, la mobilité de Curitiba fait rapidement figure de modèle. Après quelques tâtonnements, la municipalité parvient en effet à développer un système de transport en commun particulièrement innovant. Dans un premier temps, un seul ticket permet à quiconque de se rendre n’importe où dans le centre de l’agglomération, un deuxième ticket, moins cher, permettant aux usagers d’accéder à la périphérie. Jugé discriminatoire à l’égard des plus pauvres (qui habitent à la périphérie), le système est rapidement abandonné et les bus reliant la périphérie au centre deviennent gratuits. En 1980, la municipalité améliore encore le système en créant des stations de métro-bus en surface. Pour augmenter le confort, la rapidité du temps d’embarquement, et limiter la Curitiba compte également parmi les 4 métropoles brésiliennes à avoir mis en place un système de récupération et tri sélectif des ordures : 13 % des ordures (contre 1 % en moyenne des grandes villes du pays) sont ainsi recyclés. Cette initiative a par ailleurs été récompensée en 1990 par le Prix du meilleur environnement du Programme environnemental des Nations Unies. Sur le plan culturel, la municipalité a construit, le long des axes de circulation, plusieurs phares du savoir (« Faróis do Saber ») : des centres gratuits, proposant bibliothèque, accès Internet et autres outils multimédias. Des récompenses méritées Au deuxième sommet mondial des maires et urbanistes qui s’est tenu en 1996 à Istanbul, Curitiba a été récompensée comme la cité la plus innovante au monde. Le système de transport a également été récompensé par l’English Building and Social Housing Foundation (EBSHF). D I V E R C I T Y / 37 Énergie Maîtrise de l’énergie LE NOUVEAU DÉFI IMMOBILIER Tous les professionnels le savent : le bâtiment est dans l’Union Européenne un gouffre d’énergie primaire (40 % de l’énergie totale consommée) devant les transports (30 %) et l’industrie (30 %). Il est également responsable de plus de 40 % des émissions totales de CO2. Les économies d’énergie sont dès lors un enjeu économique et écologique majeur pour ce secteur. Normes européennes Le 12 décembre 2008, le Conseil européen a pris un ensemble de mesures regroupées sous l’appellation « paquet énergie climat ». Ce paquet réunit toutes les directives et décisions permettant la réalisation de l’objectif « 20-20-20 ». Une mesure qui vise à faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à 20 %, à réduire les émissions de CO2 des pays de l’Union de 20 % et à accroître l’efficacité énergétique de 20 % d’ici à 2020. Alors que les deux premières mesures sont contraignantes, la troisième n’a, jusqu’à présent, aucune valeur juridique. Pour une meilleure performance énergétique Dans l‘esprit de l’objectif 3 x 20, la Directive européenne 2002/91/CE sur la performance énergétique des bâtiments devrait favoriser la réduction de leur consommation énergétique. Cette directive impose que chaque bâtiment neuf (immeubles de logements, bureaux, bâtiments publics…), que les bâtiments publics ainsi que les bâtiments existants loués ou vendus devront à l’avenir disposer d’un certificat énergétique. En Belgique, ce sont les 38 / D I V E R C I T Y Nécessité écologique oblige, les bâtiments basse consommation seront les stars de l’immobilier de demain. Poussés par l’Europe, promoteurs immobiliers et professionnels du bâtiment s’adaptent dès aujourd’hui à ce nouveau défi. Régions – en charge des compétences relatives à l’utilisation rationnelle de l’énergie – qui élaborent les solutions visant à répondre à cette exigence. Construction passive pour consommer moins Dans le domaine du bâtiment, plusieurs standards « d’efficacité énergétique » s’offrent désormais aux professionnels, dont l’un des plus performants concerne la « construction passive ». Ce concept basé sur des principes et techniques éprouvés et rentables permettent aujourd’hui d’économiser jusqu’à 90 % de l’énergie de chauffage dans tous types de bâtiments (logements, écoles, bureaux, salles de sport…) aussi bien neufs qu’en réhabilitation lourde. Le fondement même des constructions dites passives repose sur un principe simple : L’énergie la moins polluante, la moins onéreuse, la plus fiable et la plus abondante est… l’énergie que l’on ne consomme pas ! Autrement dit, « bâtiment passif » signifie réduction au strict minimum des besoins énergétiques des bâtiments tout en accentuant le confort d’habitation et/ou de travail. Le bien-être avant tout Avant tout, un bâtiment passif est une construction pensée pour le bien-être de l’occupant et dans lequel règne, durant toute l’année, un excellent confort climatique sans qu’il soit nécessaire de recourir à un système de chauffage ou de climatisation conventionnel. Pour le chauffer « passivement », deux principes s’imposent : - Réduire drastiquement les pertes de chaleurs, - Valoriser les apports de chaleur gratuits. L’appellation « Bâtiment passif » s’applique donc davantage aux techniques de préservation de chaleur qu’aux appareils de production de chaleur, même si ceux-ci peuvent jouer un rôle important. Confort été comme hiver Une épaisseur suffisante (de 25 à 50 cm) d’isolants accompagnée d’un système de ventilation écoénergétique mécanique permet d’économiser jusqu’à 90 % des dépenses de chauffage tout en améliorant le confort intérieur. Dans la mesure où le bâtiment conserve la chaleur de part ses caractéristiques isolantes, l’énergie provenant du soleil via les fenêtres, des hommes et des appareils électriques constituent un véritable « radiateur » gratuit ! En ce qui concerne le confort durant l’été, celui-ci est optimal grâce à la limitation de la chaleur du soleil par l’excellente isolation et les protections solaires des fenêtres. Si nécessaire, un rafraîchissement « passif » du bâtiment est également réalisable via la température nocturne moindre et le sol. VILLE DANS LE VENT Au royaume de Bahreïn, pays situé sur un archipel du golfe Persique au Moyen-Orient (proche de l’Arabie Saoudite), les expériences urbanistiques durables ont le vent en poupe. Grâce à une batterie d’éoliennes disposées sur toute sa hauteur, cette tour avantgardiste bénéficie ainsi d’une précieuse autonomie énergétique. D I V E R C I T Y / 39 Énergie A TOUR & TAXIS, LE PLUS IMPORTANT COMPLEXE PASSIF DE BUREAUX D’EUROPE Le site de Tour & Taxis avec le projet de développement porté par Project T&T est l’exemple même de la volonté de redéploiement de la ville en y incorporant tous les aspects sociaux, économiques, culturels, urbanistiques et de patrimoine. Cet ancien site industriel, avec ses 30 ha de superficie, s’y prête idéalement. Au cœur de ce site et de son éco-quartier avec logements (14 000 m², pour 3 000 habitants), bureaux, commerces, services et équipements publics, le futur « IBGE Building » sera le témoin 40 / D I V E R C I T Y des défis énergétiques et du savoir-faire technologique des promoteurs immobiliers pour les relever au mieux. Ce bâtiment qui accueillera l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement (IBGE) sera en effet, avec ses 16 000 m², le plus important complexe passif de bureaux d’Europe. Cette réalisation marquante, dont l’inauguration est prévue pour la fin 2012, est signée par le bureau hollandais Cepezed. Pour plus d’informations : Avenue Reine Astrid, 92 B-1310 La Hulpe Tél. : + 32 2 387 22 99 Fax : + 32 2 387 23 16 Website : www.atenor.be e-mail : [email protected]