REPENSER LA VILLE PLURIELLE QUEL CONCEPT DERRIÈRE

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city
DONNONS DU SENS À LA VILLE
MIXITÉ
REPENSER LA VILLE PLURIELLE
QUALITÉ ARCHITECTURALE
QUEL CONCEPT DERRIÈRE LES MOTS ?
DÉVELOPPEMENT DURABLE
MASDAR CITY :
LA PREMIÈRE VILLE ÉCOLOGIQUE
SORT DES SABLES
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Éditeur Responsable : www.atenor.be
Concept et Design : www.concerto.be
Rédaction : Marc Vandermeir, Saâd Kettani, Patrick Spapen (pour Concerto)
Images : Philippe van Gelooven, Serge Brison
VERTICALITÉ
SKY IS THE LIMIT !
DÉVELOPPEMENT DURABLE
MASDAR CITY :
LA PREMIÈRE VILLE ÉCOLOGIQUE
SORT DES SABLES
QUALITÉ ARCHITECTURALE
QUEL CONCEPT DERRIÈRE LES MOTS ?
MIXITÉ
REPENSER LA VILLE PLURIELLE
MOBILITÉ
AMÉNAGEMENT URBAIN
MOBILITÉ
CURITIBA :
LA MOBILITÉ COMME FACTEUR
DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
ÉNERGIE
MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE :
LE NOUVEAU DÉFI IMMOBILIER
À l’heure où la moitié de la population de la planète habite en ville, les politiques urbaines ont un
impact sans précédent sur la vie des gens.
STEPHAN SONNEVILLE
AT E N O R G R O U P
Verticalité, développement durable, mixité des fonctions, qualité architecturale, mobilité, énergie ;
entre les défis locaux et les enjeux globaux, entre les ressources utilisées et l’environnement,
nombreux sont les aspects à prendre en considération.
Pour aborder ces sujets, nous avons souhaité ouvrir le débat en donnant la parole à des professionnels du secteur. Au fil de ces pages, urbanistes, architectes, spécialistes de l’environnement,
promoteurs immobiliers partagent leurs points de vue sur la ville et ses enjeux.
Ainsi, nous vous invitons à partir à la rencontre de personnalités les plus diverses et de projets hors
du commun aux quatre coins du globe.
Edito
Cap sur Liverpool, en Grande-Bretagne. La cité des Beatles a réussi une étonnante reconversion :
le nombre d’habitants dans le centre-ville y a été multiplié par cinq en vingt ans et aujourd’hui, la
ville abrite le plus grand chantier de rénovation d’Europe.
Zéro carbone, zéro déchet : Masdar City (Émirats Arabes Unis) ambitionne de devenir la ville la
plus écologique du monde. Cet exploit va-t-il se généraliser, ou restera-t-il une exception réservée aux plus nantis ?
Autre ville, autre perspective : Curitiba, agglomération brésilienne de deux millions d’habitants,
saluée comme la plus innovante au monde. Alors que dans les années soixante, l’Europe et les
États-Unis misaient sur la voiture, Curitiba investissait massivement dans les transports en commun. Aujourd’hui, 85 % de la population les utilisent.
Paris, Varsovie, Londres ou Rotterdam : les tours sont de retour ! Mais comment concilier
constructions verticales et écologie ? Comment y favoriser la mixité ? Comment redonner l’envie
de vivre et de travailler en ville ?
Les pages qui suivent n’ont pas l’ambition d’apporter des réponses définitives à toutes ces questions. Elles sont une invitation à l’ouverture, à la réflexion, voire à la mise en cause de certaines
idées reçues… Elles illustrent le cadre général dans lequel Atenor a choisi d’exercer son métier de
« développeur urbain ».
Par ce tour d’horizon, nous vous invitons à nous pencher ensemble sur ce que sera la ville de
demain.
Stéphan Sonneville s.a.
Administrateur Délégué Atenor Group
DIVERCITY / 1
2010
140
mètres
Projet Premium – Atenor
En 2009, les villes
européennes
dominaient le palmarès
Mercer des villes
offrant la meilleure
qualité de vie en
général.
Source : Classement mondial 2009 Mercer http://www.mercer.fr
« Avec ses 140 mètres,
Premium sera la
plus haute tour de
logements jamais
construite à Bruxelles. »
1980
40 %
40 % des tours construites dans le monde
sont destinées à accueillir des logements, contre
5 % en 1980.
Georges Binder, Administrateur Délégué de Buildings & Data SA
60 %
5
milliards
D’ici 2030, le nombre de citadins devrait avoisiner
les 5 milliards, soit 60 % de la population
mondiale.
Source : Rapport de l’agence des Nations Unies pour la population
(UNFPA) - État de la population mondiale 2007 « Libérer le
potentiel de la croissance urbaine ».
37
millions
d’habitants
Avec plus de 37 millions d’habitants, Tokyo est
actuellement la ville la plus peuplée du
monde. C’est également la ville la plus chère.
Source : http://www.populationdata.net/index2.php?option=palma
res&rid=4&nom=grandes-villes
2 / DIVERCITY
2015 20 %
Vancouver
plus vert que jamais
La ville de Vancouver est l’un des exemples les plus
aboutis de « sustainable city » : la ville apparaît
comme une éco-cité alliant densité et écologie,
qualité de vie et logements abordables pour tous.
Alors qu’il y a vingt ans, le centre de Vancouver
était délaissé pour la périphérie où se concentraient
les fonctions résidentielles essentielles, les travaux
autour de l’habitat, des commerces, des espaces
verts ont permis en 15 ans le retour de 30 000 habitants vers le centre.
Jean-Luc POIDEVIN, Président de NEXITY VILLES & PROJETS
Source : « Villes durables, pour qui et comment ? » Conférence du
Fonds de Dotation Gigaro du 02/12/09.
Frederikshavn
(Danemark) ambitionne
de devenir, dès
2015, la première
ville européenne
à n’utiliser que
des énergies
renouvelables.
3
D’ici à 2020, l’Union européenne a prévu de
diminuer de 20 % ses émissions de CO2 . Le
potentiel d’économies réalisables atteindrait 26 %
dans le domaine des transports et 27 % dans le
secteur du bâtiment.
Source : Énergie et Europe : le défi de demain, juin 2008
(www.pourlasolidarite.be/IMG/pdf/WP2008_16energie_defi.pdf)
500
mètres
km
Un trajet en voiture sur
deux est réalisé sur une
distance inférieure à 3 km.
Marcher 500 mètres à pieds prend
seulement 8 minutes et permet d’éviter
les embouteillages, la recherche de place
de stationnement et les problèmes de
surconsommation et de pollution liés au
démarrage.
Hit parade de la population urbaine
1 Tokyo
37 730 064 (2010) Japon
2 New York
25 933 312 (2010) États-Unis
3 Mexico
23 293 783 (2009) Mexique
4 Séoul
22 692 652 (2010) Corée du Sud
5 Bombay
21 347 412 (2009) Inde
6 São Paulo
20 853 705 (2010) Brésil
+8 000 %
Depuis le siècle dernier, la croissance urbaine de
Berlin est de 54 %. Celle de Sao Paulo est de
8 000 % !
New York
La part de la population
qui possède un vélo est
à New York de 11 %
contre 55 % à Shangai.
Shangai
Source : « Villes durables, pour qui et comment ? » Conférence du
Fonds de Dotation Gigaro du 02/12/09.
DIVERCITY / 3
Verticalité
Partout des projets
fleurissent, qui
proposent des tours
multifonctionnelles,
de haute qualité
architecturale et
respectueuses de
l’environnement
et de la ville. Cette
verticalité suscite
cependant le débat.
Verticalité
Autres temps, autres mœurs
nous dit l’adage. Tant il est
vrai que conçues de manière
radicalement différente –
entre autres par la qualité
architecturale, la mixité
de fonctions et par une
construction durable – les
tours reviennent en force. Elles
se veulent désormais comme
autant de signaux de qualité de
la ville.
« Chaque ville a ses caractéristiques propres et
copier ce qui se fait dans l’une dans sa globalité n’a
probablement aucun sens », explique Michel
Verliefden, architecte et administrateur du
bureau A2RC ARCHITECTS. « En revanche, réfléchir à des solutions urbaines ou à des caractéristiques particulières de l’une ou de
l’autre qui pourraient être reproductibles peut avoir sa raison d’être. »
Suite en page 8
Le développeur/investisseur : Emaar Properties
L’entrepreneur : BESIX en association
Photographie : Christophe Vander Eeckhen
PARIS
La tour Burj Khalifa à Dubaï, avec ses 828 mètres,
est bien sûr célébrissime et restera sans nul doute
et pour longtemps le plus haut bâtiment du
monde. Mais elle ne peut être la référence face à
l’émergence de projets en Europe, ni même aux
Etats-Unis et ce, pour d’évidentes questions de
contexte. En Europe comme à Bruxelles, les projets de tours s’inscrivent dans un tout autre environnement et répondent à une autre demande.
À Paris, le quartier de La Défense est amené à
prendre un nouveau visage, avec une hauteur maximale portée de 200 à 300 mètres. Le projet initial
comptait pas moins de quinze tours, par construction
et démolition/reconstruction. L’établissement public
en charge de l’aménagement du quartier, l’Epad, a
récemment approuvé des projets pour cinq tours.
L’une d’elles, la Majunga culminera à 205 mètres de
haut. Une autre, la tour Air 2 (220 mètres de haut et
82 000 m² de bureaux) viendra remplacer l’actuelle
tour Aurore. Une troisième, D2 (180 mètres et
54 000 m²), s’érigera à la place de la tour Veritas.
À Londres, plusieurs tours sont prévues en vue des
Jeux Olympiques d’été 2012 : « The Shard », la plus
haute (310 mètres) tour d’Europe, en forme de flèche ; « The Pinnacle » (288 mètres) et « Leadenhall »
(224,5 mètres). Tandis que plusieurs bâtiments en
hauteur seront inaugurés en 2011 à Canary Wharf.
Photo : © Bart van Damme
ROTTERDAM
Photo : © Sellar Property & Hayes Davidson
LONDRES
VARSOVIE
La future Warsaw Spire (280 mètres), parmi
six autres tours, est signée par le bureau belge
Jaspers & Eyers.
À Rotterdam, la tour Montevideo (150 mètres) est
vouée au logement ; d’autres constructions pourraient
la rejoindre.
DIVERCITY / 7
Verticalité
Georges Binder : la passion des tours
Administrateur délégué de Buildings & Data SA, Georges Binder est
conseiller en communication pour de grands bureaux d’architecture belges. Expert unanimement reconnu par le gotha de l’architecture internationale, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur les tours du monde entier.
Collectionneur passionné d’ouvrages, de brochures et de plaquettes sur le
thème des tours, il fait aujourd’hui figure de référence mondiale en la
matière.
Aménager la
densification
plutôt que
la subir
le quartier périphérique de la Défense tandis que
Londres a choisi de densifier son cœur financier
historique bien pourvu en transports en commun »,
poursuit-il. « La métropole britannique a ainsi créé
un ensemble coordonné de tours de bureaux qui
doivent être appréciées de manière globale dans
« un ensemble serré », permettant une densité
accrue et non vue comme des icônes égocentriques à la gloire d’un architecte, d’un propriétaire ou
d’un occupant particulier. »
STEPHAN SONNEVILLE
Une réponse adaptée
AT E N O R G R O U P
Suite de la page 6
Pour cet architecte particulièrement attentif à
l’intégration du bâti dans un ensemble urbain cohérent, les projets visionnaires ont souvent valeur de
laboratoire à l’échelle planétaire. « Dubaï a su créer
plusieurs ensembles architecturaux qui ont positionné la ville de manière éclatante sur la carte
mondiale et cela avant même de prendre la décision de construire la plus haute tour du monde : je
pense à l’hôtel Burj Al Arab dont la forme de voile
immense a créé l’image d’un Dubaï contemporain,
ancré dans ses racines et ce, dès 1999. »
Mais pour les métropoles européennes, l’implantation des tours participe à une logique qui conditionne la dynamique des villes. Et ce, bien au-delà
de l’image de modernité qu’elles peuvent insuffler.
« Paris a su en grande partie préserver son cœur
historique en décidant de construire des tours dans
8 / DIVERCITY
Car au-delà de l’image et du marketing urbain, le
regain d’intérêt pour les immeubles à étages multiples s’explique surtout par les nouvelles priorités
attachées au développement durable et à la densité urbaine des villes (voir interview de Georges
Binder). Stéphan Sonneville, AdministrateurDélégué d’Atenor Group, porteur des projets
« Premium », « Europa » et « Victor », souligne
d’abord que, s’inscrivant dans des quartiers en
renouveau, ces projets visent à donner du sens à la
ville. « La densification est un phénomène tant
mondial qu’inéluctable qu’il s’agit d’aménager ou
de subir. Nous préférons l’aménager, tout en relevant les défis écologiques, en concentrant cette
densification autour de ce qui lui est intimement
lié, les nœuds multimodaux que sont les pôles de
transports en commun comme les gares et les
stations de métro. Nous prévoyons une mixité de
fonctions apte à rendre de la vie à la ville. Notre
projet « Premium », au quai de Willebroek, en bordure du site Tour et Taxis, prévoit ainsi 48 780 m²
de logements pour 29 615 m² de bureaux et
1 626 m² de commerces. C’est dire aussi qu’il ne
faut pas que des tours, pas n’importe où, pas
n’importe quelle tour et pas à n’importe quelle
condition. Parce que les tours n’apportent une
réponse adaptée que dans certaines conditions. »
Pour Stéphan Sonneville, « une tour bien implantée
dans son environnement jette les bases de la
mixité sociale tant souhaitées en ce sens qu’elle
permet un aménagement adéquat de l’espace
public en son pied, là juste où peut prendre naissance la mixité sociale… »
La verticalité en question
Mais la verticalité fait aussi débat. L’unanimité ou
presque que l’on peut trouver sur d’autres aspects
du redéploiement de la ville, comme la mobilité et
la mixité de fonctions, se brise sur les tours. Du
côté de la Société de Développement pour la
Région de Bruxelles-Capitale (SDRB) notamment,
on considère la verticalité comme une des possibilités du redéploiement de la ville. « C’est une solution, mais certainement pas la seule », explique son
administrateur Julien Méganck. « Elle doit en outre
être limitée à certains endroits. » Et, face à ceux qui
affirment que cette verticalité est le symptôme
d’un ego surdimensionné des promoteurs, il répond
qu’au contraire, la verticalité répond avant tout à
des considérations économiques. « Les problèmes
fondamentaux de mobilité, de pollution, d’insécurité, etc. ne sont pas liés à la verticalité. Les tours
des années 50 – 70 ont prouvé que le problème
était plutôt au niveau de la multifonctionnalité
manquante. La densification des villes ne passe pas
nécessairement par la construction en hauteur. Si
un modèle de tour est à développer, c’est un
modèle où mixité sociale et multifonctionnalité
cohabitent de façon volontaire. »
GEORGES BINDER ,
B U I L D I N G S & DATA S A
POUR VIVRE MIEUX…
Véritable icône d’un nouvel urbanisme
international, la tour s’impose en force
dans les nouveaux paysages urbains.
Georges Binder, expert es « tours
du monde », nous explique
pourquoi.
Les tours ont-elles évolué avec le temps ?
G. B. : En près d’un siècle, les tours n’ont pas grandement évolué quant à leur gabarit. Dans les
années 30, New York possédait déjà des tours de
plus de 80 étages. Si les tours ne sont pas beaucoup plus hautes aujourd’hui, elles sont par contre
beaucoup plus nombreuses et leur fonction a
évolué.
Évolué dans quelle mesure ?
G. B. : Historiquement, les tours étaient principalement destinées à abriter des bureaux.
Aujourd’hui, le clivage bureau/résidence/hôtel a
fortement évolué dans le sens d’une plus grande
mixité. En 1980 par exemple, 84,7 % des tours de
plus de 150 mètres construites dans le monde
étaient dévolues exclusivement aux bureaux,
contre 43,5 % en 2010. À l’époque, les tours à
vocation résidentielle ne représentaient que
5,2 %, contre 39,9 % aujourd’hui. Dans le même
temps, les tours mixtes sont passées de 5,2 % à
10,9 % et les hôtels de 4,9 % à 5,7 %.
Comment expliquer ce glissement vers plus
de résidentiel ?
G. B. : L’explication est tant sociologique et démographique qu’économique. Les tours sont principalement construites en Asie parce que la
démographie y est galopante et que le niveau de
vie est en hausse constante. Dans les grandes
mégalopoles asiatiques, l’habitat se renouvelle en
effet très rapidement tandis que les besoins de
bureaux sont à la baisse. Le développement des
échanges internationaux et la croissance du tourisme favorisent également le développement
des hôtels au sein de tours mixtes, qui compensent en partie la perte de bureaux. Tous les dix
ans, on construit ainsi deux fois plus de tours que
la décennie précédente.
passer à quarante-cinq ne va pas changer grandchose, si ce n’est son ratio de densification. En
matière de densification justement, la tour Dexia
(place Rogier) se justifie pleinement, avec un ratio
de 20. Ce qui n’est pas le cas de la Cité
Administrative dont le ratio très faible n’est que
de 3,72. Le constat est le même pour le quartier
Nord qui est, à mon sens, trop peu densifié.
Pourquoi construit-on des tours ?
G. B. : En Europe et à Bruxelles en particulier, on a
diabolisé les tours vues comme l’antithèse du
mouvement écologique. Aujourd’hui, la vision est
plus nuancée. Est-il plus écologique de construire
des maisons quatre façades en périphérie que
d’ériger une tour de 40 étages accueillant plus de
250 ménages en centre ville ? Sans compter
qu’une tour construite à proximité des transports
en commun participe à une meilleure mobilité.
G. B. : Le critère objectif pour construire une tour
est la densité (le nombre de mètres carrés hors
sol divisé par la surface du terrain) qu’elle apporte.
Une fois démontré que certaines tours apportent
de la densité, il reste à voir l’utilité de densifier la
ville. Partout dans le monde, on constate que la
tendance est à la densification de certaines parties des villes, avec en regard des quartiers résidentiels dont la densité est moindre. Les tours se
justifient dès lors près des nœuds de communication multimodaux (gare du Nord et gare du Midi à
Bruxelles), car elles s’inscrivent dans une approche urbaine qui permet de diminuer les flux des
navetteurs. À Bruxelles, on pourrait aisément
optimiser la densification de certaines zones en
augmentant la hauteur des tours. Dès lors qu’une
tour de trente étages est programmée, la faire
Tour et environnement sont-ils conciliables ?
DIVERCITY / 9
Développement durable
LA PREMIÈRE VILLE ÉCOLOGIQUE
SORT DES SABLES
Imaginée aux portes du désert par le cabinet
britannique de design et d’architecture Foster
and Partners, Masdar City (Abou Dhabi) est
vouée à devenir une ville écologique modèle,
la première au monde à être construite pour une
vie « sans émissions de carbone et sans déchets ».
Inauguration prévue en 2016…
Tout comme la Chine qui présente à l’Exposition
universelle de Shanghai un projet de ville écologique baptisée Dongtan, le gouvernement d’Abou
Dhabi (Émirats Arabes Unis) a saisi la mesure des
enjeux environnementaux et économiques que
représentent le développement durable et les
énergies renouvelables.
Présentée par le Sultan Ahmed Al Jaber lors du
sommet international sur les énergies nouvelles et
renouvelables qui s’est tenu à Abou Dhabi fin janvier 2008, la cité modèle de Masdar City (« source »
en arabe) devrait accueillir jusqu’à 50 000 habitants et 1 500 entreprises à la pointe du business
vert en 2020. Elle abritera également une branche
du célèbre MIT de l’état du Massachusetts (ÉtatsUnis).
Un chantier colossal de
17,5 milliards d’euros
Après l’attribution du projet à l’agence d’architecture LAVA (Laboratory for Visionary Architecture),
le 27 août 2009, le gouvernement d’Abou Dhabi a
lancé un chantier colossal de 17,5 milliards d’euros
pour la construction de la cité.
Conçue selon une approche bioclimatique, la ville
est pensée de manière compacte et pour partie
enterrée. À l’instar des médinas traditionnelles, les
ruelles seront étroites, ombragées et parcourues
d’un réseau d’eau vive afin de les rafraîchir. Les
constructions basses et équipées de panneaux
solaires sur les toits utiliseront au maximum la climatisation naturelle.
Suite en page 12
D I V E R C I T Y / 11
Développement durable
Suite de la page 11
Mobilité à la carte
Question mobilité, aucun habitant n’aura plus de
200 mètres à parcourir pour accéder aux commerces et services et aucun véhicule à moteur traditionnel ne sera autorisé. Si la marche et le vélo
seront privilégiés, des tramways et un système
« Personal rapid transit » de transport non-polluant
automatisé (de petites cabines individuelles) seront
mis en place pour les plus longues distances. Ce
réseau sera doté sous la surface du sol d’une multitude de monorails qui s’entrecroiseront. Des
cabines de taille moyenne (1 à 10 personnes)
pourront ainsi être appelées sur simple pression
d’un bouton en station. Ces petits véhicules électriques (podcar) utiliseront des données pré-établies pour déterminer le meilleur itinéraire d’un
point à un autre. Tout cela se fera sans aucune
intervention humaine, car toutes les données
nécessaires seront fournies directement aux véhicules, via un système informatique des plus complexes. Ce système de transport nouvelle
12 / D I V E R C I T Y
génération sera en outre multi-fonction : il transportera les passagers, assurera le fret en ville et
l’évacuation des déchets qui seront intégralement
recyclés ou valorisés.
Énergie douce tous azimuts
Le captage de l’énergie solaire, thermique et photovoltaïque, sera à l’honneur dans cette région à
fort ensoleillement : Masdar City a déjà annoncé un
projet de 350 millions USD pour construire une
centrale solaire de 100 Megawatts, qui serait
ensuite portée à 500 Megawatts, afin de réduire la
pression sur le réseau national durant les périodes
de forte consommation. Dans cet esprit, un vaste
parc éolien sera également érigé à proximité de la
cité. Une centrale à hydrogène ainsi que des agrocarburants issus de cultures arrosées par les eaux
usées permettront de remplacer les carburants
fossiles. Enfin, le recyclage et la séquestration du
CO2 permettront d’éviter tout rejet de carbone.
Eau, source de vie
Concernant l’approvisionnement en eau, une usine
de désalinisation fonctionnant également à l’énergie solaire abreuvera Masdar City en eau, et les
espaces paysagers de la cité seront arrosés par les
eaux usées automatiquement récupérées. Les
pouvoirs publics prévoient cependant de limiter au
maximum le dessalement de l’eau de mer, procédé
gourmand en énergie productrice de saumure
polluante, au profit du recyclage des eaux usées.
Un projet ambitieux, à découvrir grandeur nature
dans quelques années.
SOLEIL ET DÉCHETS
ÉNERGÉTIQUES
À un jet de pierre de Masdar City, une première centrale solaire de 10 mégawatts est
déjà opérationnelle : dans un immense champ,
ses panneaux solaires photovoltaïques dernier
cri s’orientent en suivant la course du soleil. De
son côté, la société française Total est sur le
point de décrocher la construction d’une centrale solaire thermodynamique dix fois plus
puissante avec l’espagnol Abengoa Solar. À
terme, il est également prévu de produire de
l’énergie à partir du recyclage des déchets.
PERSONAL RAPID TRANSIT
Un réseau
de transport intelligent
Les seuls engins motorisés de la ville de Masdar
City seront les PRT (Personal Rapid Transit), un
moyen de transport collectif léger permettant de
se déplacer à la demande et sans arrêt intermédiaire. Ces petits véhicules indépendants, pouvant
contenir quatre adultes et deux enfants, se déplaceront à la vitesse maximum de 40km/h, le long
d’un réseau installé plusieurs mètres au-dessous de
la surface. Propulsés électriquement grâce à des
batteries au Lithium-Phosphate, les véhicules circuleront sur une voie équipée d’éléments magnétiques (tous les cinq mètres) qui les aideront à se
diriger. Les véhicules qui disposent d’une autonomie de 60 km seront automatiquement rechargés
dans les stations.
Avec la construction des premiers bâtiments de la
ville, les dix premiers engins expérimentaux seront
mis en service entre deux stations dès 2011. À
terme, ce ne sont pas moins de 3 000 véhicules qui
effectueront jusqu’à 130 000 voyages par jour
entre les 85 stations que comptera le réseau. Sur le
même réseau, le système FRT (Fret Rapid Transit)
effectuera plus 5 000 trajets par jour pour trans-
porter les marchandises destinées aux résidents,
aux magasins et aux hôtels. Ces véhicules, équipés
de plateau, pourront transporter deux palettes,
avec une charge maximale de 1 600 kg. Dans un
premier temps, 13 véhicules expérimentaux 10 PRT dont 2 VIP (intérieur cuir) et 3 FRT - assureront, dès la fin 2011, la liaison entre le
centre-ville et l’Institut Masdar des Sciences et
Technologies (MIST). Pour cette première phase, le
réseau s’étendra sur 1,2 km de long et comptera
5 stations (2 pour les passagers, 3 pour le fret).
UNE PREMIÈRE EXPÉRIENCE
AMÉRICAINE
Implanté dans le campus de l’université de
Virginie-Occidentale depuis les années 1970,
le Personal Rapid Transit de la ville de
Morgantown fut unique en son genre, jusqu’à
l’entrée en service de celui de l’aéroport de
Londres Heathrow en 2010. En 2002, il transportait environ 16 000 personnes par jour.
Photo : Darren Ringer
D I V E R C I T Y / 13
Qualité architecturale
Qualité
architecturale
QUEL CONCEPT
DERRIÈRE LES MOTS ?
Musée Hergé - Architecte-Urbaniste : Christian de Portzamparc / SABAM Belgium 2010
Photo : Nicolas Borel
14 / D I V E R C I T Y
Amsterdam Zuidas (Ateliers Lion architectes urbanistes)
Il en va de la qualité architecturale comme de la
beauté des choses, les avis divergent en fonction
des regards : architectes, promoteurs, urbanistes,
politiques, comités de quartier, habitants… ont tous
leur point de vue sur la question.
Indissociable de tout concept urbanistique, la qualité architecturale est intimement liée à la conception même d’un projet de ville. Elle suppose dès lors
un dialogue constructif entre les autorités publiques et le promoteur. Mais elle nécessite surtout
une relation forte entre le promoteur et l’architecte,
une volonté commune, un regard qui dépasse la
seule réaction spontanée, et qui soit en mesure, par
exemple, de « sentir » un lieu, les pleins et les vides
d’une façade, la relation contenu-contenant, le jeu
des ombres et de la lumière, de la surface et des
volumes, de l’intégration au site ou l’affirmation de
l’objet architectural.
Anticiper la ville
Dans cet esprit, la véritable légitimité du promoteur
est d’anticiper les attentes des autorités publiques
et des futurs utilisateurs. Il lui faudra bien sûr réunir
les financements, mais sa principale fonction sera
d’intégrer dans son projet ce qui donnera satisfac-
tion à son futur client dans un budget « encadré »,
d’une part, par le marché du produit envisagé, et
d’autre part, par le marché foncier. Ensuite, il aura à
choisir le concepteur du projet en fonction des
affinités et des axes qu’il a définis.
Une collaboration passionnante
Et ce n’est pas un hasard, si depuis une dizaine
d’années, un nombre croissant de promoteurs
immobiliers travaillent main dans la main avec des
architectes de grandes réputations : Project avec
Diener & Diener à Anvers, Codic avec l’architecte
français Michel Macary ou Atenor avec l’atelier
d’architecture Christian de Portzamparc et les
Ateliers Yves Lion Architectes-Urbanistes (Paris)
mais aussi A2RC ou le bureau d’architecture Jaspers
& Eyers. Du côté des architectes, la notion de
« promoteur » évolue également. À tel point que Jan
Thomaes, l’un des ténors de l’architecture belge
n’hésite plus à qualifier sa collaboration avec les
Suite en page 16
Ateliers Lion architectes urbanistes
Perspectiviste : Eyal Schmuel
D I V E R C I T Y / 15
Qualité architecturale
As-tu remarqué en marchant
dans la rue que la plupart des
immeubles sont muets, tandis
que certains parlent, et alors
que d’autres chantent…
PA U L VA L É RY
I N E U PA L I N O S
Suite de la page 15
promoteurs, de « passionnante et enrichissante ».
D’autant qu’au regard d’une réglementation qui ne
cesse de se complexifier, les missions confiées aux
bureaux d’architectes par les promoteurs se diversifient également.
Imaginer le temps de vie
« C’est une des missions de l’architecture de compléter, de dévier, de diversifier, de modifier et
d’imaginer ce que les architectures génériques
n’imaginent jamais : le temps de vie qu’elles vont
abriter », explique Jean Nouvel, l’un des ténors de
l’architecture mondial. Et de prôner pour un processus d’élaboration du projet qui implique nécessairement une analyse rigoureuse de l’environnement
urbain ainsi que l’intégration de tous les composants dans le projet.
« Au nom du plaisir de vivre sur cette terre, il faut se
battre contre l’urbanisme des zones, des réseaux,
des territoires hachés, contre cette pourriture
automatique qui annule l’identité des villes de tous
Restructuration de la Rue de Loi
Architecte-Urbaniste : Christian de Portzamparc / SABAM Belgium 2010
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les continents, sous tous les climats, qui se nourrit
de clones bureaux, de clones logements, de clones
commerciaux, assoiffés de pré-pensé, de pré-vu
pour éviter de penser et de voir », conclut-t-il.
Une volonté partagée
Pour Julien Méganck, Administrateur de la Société
de Développement pour la Région de BruxellesCapitale (SDRB), la qualité architecturale concerne
par contre « un projet bien pensé, au bon endroit,
qui associe les différentes fonctions et qui tient
compte de son environnement. L’aspect “icône”, ou
“Landmark building” est la cerise sur le gâteau, mais
le gâteau prime. Et il n’y a, à ma connaissance, pas
ou pas encore, de moyen d’objectiver les données
et le concept de qualité architecturale. » Beaucoup
d’acteurs du secteur sont désormais convaincus
que pour redévelopper la ville, il faut aller au-delà
de la qualité architecturale en ayant au préalable
une vision de la ville. Dans cet esprit, d’aucuns
pensent également qu’il faut une volonté partagée
des acteurs publics et privés de réaliser ensemble
cette vision. « Quant aux concours d’architecture »,
explique encore Julien Mégank, « ils sont d’excellentes façons de faire émerger la créativité et des
réflexions nouvelles, en étant plutôt un catalyseur
qu’une panacée. »
Traverser le temps
La qualité architecturale pourrait dès lors s’inscrire
dans une approche de pérennité urbaine plutôt que
que dans le simple jugement subjectif des modes
architecturales. À l’aune de cette grille d’analyse, un
bâtiment « durable », qui recèle une vraie qualité
architecturale, devrait pouvoir « traverser le
temps », comme le traversent les objets ou les
meubles, et au-delà des styles. À méditer…
Institut du Monde arabe - Architecte : Jean Nouvel
Photo : Luis A. Muñoz
LE POINT DE VUE DE
L’URBANISTE
J E A N H A Ë N TJ E N S
URBANISTE
Interview flash de Jean Haëntjens, urbaniste français
(Urbatopie) et auteur de l’ouvrage « Le pouvoir des villes »
(Aube, 2008).
Comment définiriez-vous le concept de « qualité architecturale » ?
JH : L’important, c’est plus la qualité de la composition
urbaine (rapports vides et pleins) que la qualité architecturale.
Comment concilier qualité architecturale et spécificités
architecturales d’une ville ?
La qualité architecturale d’un immeuble renforce-t-elle
pour les citoyens leur sentiment d’appartenance à une
ville et les pousse-t-elle dès lors à la respecter ?
JH : Bien sûr.
Entre modes, normes urbanistiques et acceptation
sociale, comment inventer un nouveau bâtiment, un
nouveau quartier ?
JH : En ne confiant pas tous les projets à des agences
d’architectes internationales. Barcelone et Bilbao y sont
très bien arrivées.
JH : La base, c’est une culture partagée. Voir Barcelone.
Peut-on objectiver les données pour la qualité architecturale ?
JH : Non. C’est la composition urbaine qui est essentielle.
JH : Composition urbaine, articulation des échelles, intégration au lieu, rapport minéral végétal, souci du détail,
modestie, hiérarchie des espaces, intimité…
Les concours d’architectes sont-ils la meilleure solution
pour une qualité architecturale ?
La qualité architecturale est-elle suffisante en ellemême pour construire une ville et/ou la redévelopper ?
JH : C’est une des solutions.
RENSEIGNEMENTS
Le pouvoir des villes,
ou l’art de rendre désirable
le développement durable.
Jean Haentjens
Essai (broché)
paru en janvier 2008.
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Qualité architecturale
LES ICÔNES DE LA
haute couture
urbaine
Entre science, urbanisme et beauxarts, les nouveaux architectes
marquent désormais les villes de leur
empreinte visionnaire. Portrait de
cinq architectes qui dessinent
aujourd’hui les cités de demain.
CHRISTIAN DE PORTZAMPARC
la verticalité
comme credo
Architecte-Urbaniste : Christian de Portzamparc
Photo : Nicolas Borel
Après des études de peinture et d’architecture à l’École des Beaux-Arts de
Paris en 1960, Christian de Portzamparc travaille avec Antoine Grumbach
sur les espaces publics. Son travail se développe parallèlement sur trois
thèmes majeurs : les bâtiments singuliers, les quartiers, et enfin les tours,
avec leur dimension verticale et sculpturale. En 1994, il est le premier
architecte français à recevoir le Pritzker Architecture Prize, à l’âge de cinquante ans. Un an plus tard, il conçoit un projet de tour à New York pour le
siège de LVMH aux USA, projet qui le propulse au rang des ténors de l’architecture mondiale. En 2004, Christian de Portzamparc reçoit le Grand
Prix de l’Urbanisme. Deux ans plus tard, le Collège de France qui s’est doté
d’une 53e chaire dite « de création artistique », fait appel à lui pour être son
premier titulaire. Depuis 2008, Christian de Portzamparc est à la tête d’une
équipe pluridisciplinaire avec laquelle il participe à la consultation sur le
Grand-Paris lancé par le gouvernement français. En Belgique enfin, il a reçu
le prix International des Belgian Building Awards 2010 pour la conception
du musée Hergé à Louvain-la-Neuve et le projet d’urbanisme de la Rue de
la Loi à Bruxelles. Avec Atenor, il collabore activement au projet VICTOR
dans le quartier du Midi.
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YVES LION
militant de la ville
Né à Casablanca le 1er juillet 1945, Yves Lion suit des études d’architecture
à l’École des Beaux-Arts avant de créer, en 1973, le groupe Cooparchi avec
Jean-Paul Rayon. Dans la foulée, il fonde l’École d’architecture de la ville et
des territoires à Marne-la-Vallée et participe au groupe Hippodamos 93 qu’il coordonne depuis 1991 - pour la réalisation du projet urbain de la
Plaine Saint-Denis. Militant de la Ville, il a réalisé des projets urbains sur de
nombreux territoires en France et dans le monde : la Plaine Saint-Denis, le
quartier du Neuhof à Strasbourg, la cité de la Méditerranée à Marseille, le
quartier Massena-Bruneseau à Paris Rive Gauche, la recomposition de la
Villeneuve de Grenoble. Yves Lion porte son intérêt à la fois sur des questions urbaines et sur l’évolution des modes d’habiter. De 2008 à 2009,
Yves Lion participe ainsi à la consultation sur le Grand-Paris. Grand Prix de
l’urbanisme 2007, il a également occupé la fonction de Vice-Président du
groupe Climat et Énergie du Grenelle 1 de l’Environnement. À Bruxelles,
Yves Lion et le bureau d’architecture belge A2RC ont conçu pour Atenor le
projet durable « Premium », la plus ambitieuse des tours de logements de la
capitale.
Photo : Gaston Bergeret
MICHEL VERLIEFDEN et
BRIGITTE D’HELFT
réconcilier art et
architecture
Fondé à Bruxelles en 1983 par Brigitte D’Helft et Michel Verliefden, le
bureau A2RC Architects base sa philosophie sur la volonté d’associer étroitement l’art, l’architecture et la ville. Son credo : intégrer l’art au cœur de
ses réalisations pour le rendre accessible au public. En près de trente ans, le
bureau a ainsi développé des projets de constructions et de rénovations de
bâtiments publics ou privés et des projets d’aménagements urbains. Dans
cet esprit, l’atelier s’est notamment distingué pour la conception du South
City Office & Hotel à Bruxelles, l’aménagement des abords de la gare du
Midi, la rénovation inspirée du Théâtre Royal de la Monnaie ainsi que des
Galeries Royales St Hubert, de l’ancien Palais des Congrès de Bruxelles et
du site de la Manufacture à Gembloux. En 2009, A2RC a figuré dans la
short list élaborée par la très célèbre Royal Institution of Chartered
Surveyors (Rics) basée à Londres. Nominé dans la catégorie « Community
Benefit » pour son projet Wolubilis, le village culturel de Woluwe-SaintLambert (Grand Prix 2008 des Règles d’Or de l’Urbanisme à Bruxelles),
A2RC Architects s’est définitivement installé dans le cercle très fermé des
grands bureaux internationaux. Avec Atenor, A2RC collabore activement
– en collaboration avec les Ateliers Lion de Paris – au projet Premium et
vient de recevoir le Prix Spécial du Jury (MIPIM Award 2010) pour le
« Square Brussels Meeting Centre » à Bruxelles.
JEAN NOUVEL
un contestataire
devenu super star
Né en 1945 à Fumel (Lot-et-Garonne), ce fils d’enseignant passé par
l’École des Beaux Arts de Bordeaux, s’installe à Paris vers 1966. Il travaille
d’abord avec Claude Parent, concepteur de l’architecture oblique. Il
cofonde le Syndicat de l’Architecture en 1976 et se fait contestataire avec
« Mille projets pour les Halles » en 1977. À Paris, il est l’auteur de l’Institut
du Monde Arabe (1987), de la Fondation Cartier (1994). Entre batailles
perdues, du Stade de France aux Halles, et bâtiments gagnés, le Musée du
Quai Branly à Paris, la Tour Agbar à Barcelone, il défend, inlassablement, le
« contexte » en opposition au style. En 2005, il s’explique dans son
Manifeste de Louisiana : « Défendre une architecture spécifique, qui, face à
l’architecture générique, révèle géographies, histoires, couleurs, végétations, horizons, lumières. ». Avec son agence de 140 personnes, il accumule d’autres succès, le Louvre-Abou-Dhabi, la Philharmonie de Paris, plus
de 40 projets en cours dans le monde.
Photo : Ellen Goegebuer
En 2008, Jean Nouvel a été lauréat du Prix Pritzker 2008, sorte de Nobel
de l’architecture. En 2009, Jean Nouvel a également proposé un projet
pour dynamiser les abords de la gare du Midi à Bruxelles : audacieux !
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Mixité
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Construire
LA VILLE PLURIELLE
La mixité des fonctions est essentielle à la
dynamique urbaine des villes : elle permet
de créer des quartiers où il fait bon vivre tout en
contribuant au développement durable de ceux-ci.
Mais si d’aucuns s’accordent sur le principe, reste
à envisager les choix et moyens à mettre en œuvre
pour aboutir à une véritable diversité fonctionnelle.
Tour de table
de quatre
acteurs majeurs du secteur immobilier
bruxellois : Julien Méganck (SDRB),
Isabelle Pauthier (ARAU),
Michel De Bièvre (Tour & Taxis) et
Michel De Beule (Observatoire des
bureaux).
JULIEN MÉGANCK
I S A B E L L E PA U T H I E R
MICHEL DE BIÈVRE
MICHEL DE BEULE
A D M I N I S T R AT E U R D É L É G U É
DE L A SOCIÉTÉ DE
D É V E LO P P E M E N T P O U R L A
RÉGION DE BRUXELLESC A P I TA L E ( I N S T I T U T I O N
P U B L I Q U E PA R A R É G I O N A L E )
D I R E C T R I C E D E L’ AT E L I E R
D E R E C H E R C H E E T D ’ AC T I O N
URBAINES
C E O D E P R OJ E C T T & T
( TO U R & TA X I S )
CHERCHEUR , ARCHITECTE ET
U R B A N I S T E À L’ O B S E R VATO I R E
DES BUREAUX DE L A RÉGION
D E B R U X E L L E S - C A P I TA L E
D I V E R C I T Y / 21
Mixité
Fini le découpage des villes en zones fonctionnellement différenciées. Héritée de Le Corbusier, cette
théorie qui consistait à planifier le déploiement
urbain en « zoning » connut beaucoup de succès
durant l’après-guerre. Poussée à son paroxysme à
Brasilia, elle se révéla cependant peu concluante au
sein des villes européennes.
Aujourd’hui, promoteurs immobiliers, architectes,
urbanistes, politiques et associations, tous s’accordent pour souligner le rôle crucial de la mixité :
rassembler au sein d’un même quartier habitations,
bureaux, activités culturelles ou commerces… Un
facteur clé du développement des villes, un préalable absolu à tout nouveau plan d’aménagement
urbanistique.
L’objectif consiste désormais à repenser la ville
autour de quatre axes : travailler, se loger, se déplacer et vivre en société. L’intégration de toutes les
composantes sociétales de la ville (sociologiques,
économiques, culturelles…) est nécessaire pour une
élaboration non plus autoritaire, mais consensuelle
22 / D I V E R C I T Y
La mixité de
fonctions fait la
richesse d’une
ville
MICHEL DE BEULE
O B S E R VATO I R E D E S B U R E A U X D E L A
R É G I O N D E B R U X E L L E S - C A P I TA L E
d’un plan urbanistique global. Une démarche qui
permettra, à long terme, de reconstruire la ville sur
la ville mais à laquelle s’ajoute le défi du développement durable… Un défi qui dépasse de loin les
quatre fonctions préalablement citées. Une ville ne
peut en effet vivre – ou retrouver vie – que si elle
permet à tous, habitants et entreprises, d’atteindre
une certaine qualité de vie et un développement
harmonieux.
Repenser des quartiers de vie
La mixité des fonctions ou « multifonctionnalité » a
pour objectif de faire cohabiter ensemble des
fonctions nécessaires à réaliser des quartiers de
vie, à savoir : toutes formes de logements, mais
également des bureaux, commerces, écoles, crèches, équipements sportifs, théâtres… « Jusqu’ici, le
monde de la promotion a trop pensé en termes de
monofonctionnalité », note Julien Méganck,
Administrateur de la Société de Développement
pour la Région Bruxelloise (SDRB). Et Isabelle
Pauthier, Directrice de l’Atelier de Recherche et
d’Action Urbaines (ARAU), de poursuivre : « en
prônant la séparation des fonctions, l’urbanisme
moderne est allé à l’encontre de l’essence même de
la ville qui se définit par la cohabitation, à l’échelle
du piéton, des fonctions, par leur imbrication, par
leurs interrelations ».
été “antimodernes”, comme les Marolles, sont
aujourd’hui donnés à voir aux touristes comme
bastions de l’identité et de l’authenticité bruxelloise
parce que le logement, mais aussi les équipements
et une économie locale subsistent ! ». Les erreurs du
passé donnent donc matière à réfléchir…
La mixité comme garant de
l’identité bruxelloise
Recréer l’envie de vivre en ville
Pour certains, la bonne question concerne l’espace
dévolu aux différentes fonctions dans la ville, par
les plans, mais aussi par les décisions quotidiennes
d’aménagement comme la délivrance des permis.
Pour Isabelle Pauthier (ARAU), la réponse coule de
source : « Depuis les années 60, les pouvoirs publics
bruxellois se sont engouffrés dans les concepts
théoriques de l’urbanisme moderne : la séparation
des fonctions et des circulations, la rupture
d’échelle… qui ont produit le quartier Nord, le quartier européen, le quartier de la gare du Midi, au
détriment du logement. Les quartiers dans lesquels
les habitants ont résisté, où ils ont en quelque sorte
Aujourd’hui, l’urgence d’une autre vision urbanistique s’impose d’elle-même : il faut recréer la vie et
l’envie de vivre en ville. Les erreurs du passé ont
vidé le cœur des cités au profit de la périphérie,
laissant place à des problèmes d’insécurité et de
mobilité. « Le seul moyen d’inverser la tendance »,
explique Michel De Bièvre, CEO du projet Tour et
Taxis, « c’est de proposer des endroits où il est
agréable à la fois de vivre et de travailler, avec de
très bons services de transports en commun, des
commerces, des crèches, des écoles, etc. L’exemple
du projet Tour et Taxis prouve qu’il y a un patrimoine à redynamiser et densifier ». Et le promoteur
de mentionner l’esprit de « sustainable community »
SUSTAINABLE COMMUNITY
La notion de sustainable community (communauté durable), va plus loin que le concept de
construction durable : c’est recréer la vie et
l’envie de vivre en ville, par la qualité du logement, des services, de l’architecture et de
toute l’infrastructure.
Suite en page 25
D I V E R C I T Y / 23
Mixité
LA NOUVELLE VIE DE
Liverpool
Symbole d’une rénovation urbaine réussie, Liverpool
(GB) est en passe de gagner son pari. Après
une longue période de déclin économique qui a
commencé après la Seconde Guerre mondiale, la
ville des Beatles vit depuis une décennie une
véritable renaissance, symbolisée par son titre de
capitale européenne de la culture en 2008.
(220 millions d’euros). Sur ce même périmètre, le
nouveau Museum of Liverpool (91 millions
d’euros), est venu s’ajouter aux sept autres
musées (dont l’étonnant musée de l’Esclavage)
que compte la ville sous l’appellation de National
Museums Liverpool (NML).
… à Paradise Street
C’est que Liverpool revient de loin. Dans les
années 1990, seules 3 000 personnes habitaient
encore en centre-ville, où les bâtiments décrépissaient et où régnait une forte criminalité.
Désormais, ils sont 15 000, installés dans des
bâtiments flambant neufs ou récemment rénovés. Et plusieurs gratte-ciel au style résolument
moderne agrémentent désormais le paysage
urbain.
De Kings Waterfront…
L’un des plus beaux exemples de ce renouveau est
le Kings Waterfront Project érigé au bord de la
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rivière Mersey. Ici, les vieux hangars délaissés du
port ont été progressivement rénovés en zones
résidentielles, culturelles, sportives, commerciales et naturelles (600 millions d’euros). Le premier
signe de ce renouveau remonte à 1988 lorsque la
Tate qui dirige les musées Tate Britain et Tate
Modern à Londres a décidé d’y ouvrir une branche
dédiée à l’art contemporain. Progressivement,
des bars et des restaurants branchés ont emboîté
le pas, rejoint tout récemment par l’Echo ArenaConvention Center, un palais des congrès longtemps attendu, qui comprend une salle de
conférence de 1 500 places et une salle de
concert pouvant contenir 10 600 spectateurs
La rénovation du bord de la rivière n’est cependant qu’un petit morceau du puzzle. Entre ce
quartier et le centre-ville, le plus grand chantier
de rénovation urbaine d’Europe concerne le
Paradise Street Project. Entièrement financé par
l’entreprise privée Grosvenor (propriété du duc
de Westminster) qui y investit 1,2 milliard d’euros,
le projet concerne deux grands magasins, deux
hôtels et 150 000 m² de surfaces commerciales.
« Pour le nouveau centre ville, nous avons mis
17 hectares en chantier, sur lesquels ont collaboré pas moins de 30 architectes », explique
Joanne Jennings, chef exécutif du projet. « Jamais
Il faut que
la ville vive
7 jours sur 7
MICHEL DE BIÈVRE
P R O M OT E U R I M M O B I L I E R – P R OJ E T T & T
De son côté, Michel De Beule, de l’Observatoire
des bureaux de la Région de Bruxelles-Capitale,
note que la mixité de fonctions est bien évidemment un atout incontournable pour la qualité de vie
en ville. « À Paris intra-muros, bureaux, commerces
en tout genre et logements se mélangent. Mais je
préfère privilégier une mixité horizontale. Bruxelles
dispose en effet d’un parcellaire étroit. Il est donc
préférable d’implanter les immeubles de bureaux à
côté de ceux destinés aux logements et aux commerces. Ainsi, si la mixité de fonctions fait la
richesse d’une ville, la mixité horizontale – dont le
logement est le principal vecteur - est plus agréable et plus logique. En outre, une mixité bureaux –
logements n’est pas toujours évidente pour la
copropriété, car le rythme de rénovation est différent. »
Privilégier la multifonctionnalité
Suite de la page 23
dans un centre ville, un chantier d’une telle
ampleur n’a été réalisé en si peu de temps. »
Selon Warren Bradley, le maire de la ville, une
attention particulière est portée à la qualité des
projets. « Pour le projet de Grosvenor, nous avons
gardé le tracé des anciennes rues, alors que
d’autres entreprises voulaient tout recouvrir pour
en faire un immense centre commercial. » Mais il
ajoute, réaliste : « Il reste encore beaucoup à faire.
Il n’est pas possible de mettre fin à quarante
années de déclin en dix ans. »
N’empêche que la nomination de Liverpool comme
capitale européenne de la culture a eu l’effet d’un
électrochoc financier, confortant un dynamisme
et une vague d’investissements déjà amorcés
quelques années plus tôt. À titre d’exemple, le
nombre de salariés employés dans l’industrie du
tourisme devrait passer de 20 000 à 30 000 d’ici
à 2015. Des chiffres réconfortants en ces temps
incertains…
« qui est beaucoup plus que de construire durable :
c’est recréer la vie et l’envie de vivre en ville, par la
qualité du logement, des services, de l’architecture
et de toute l’infrastructure ».
Plutôt que de créer de nouveaux quartiers, Michel
De Bièvre met en avant l’importance de redynamiser ceux qui rencontrent actuellement des difficultés. « Avant d’aller à Delta, Schaerbeek Formation
ou Josaphat, faisons d’abord en sorte que le centre
ville soit agréable et accessible. Capitale de l’Europe, Bruxelles est une ville internationale d’envergure. Beaucoup – et en particulier les jeunes
– souhaitent vivre en ville. Mais, pour cela, il faut
que la ville vive sept jours sur sept, avec une offre
culturelle et récréative qui suscite l’envie d’y rester.
Ce qui signifie qu’avant de penser à la qualité architecturale, il faut d’abord penser à l’urbanisme, à
s’accorder sur une manière de penser la ville en
termes de connectivité, de mixité de fonctions et
d’espaces publics, ce qui est du développement
durable. »
Si l’approche multifonctionnelle semble faire l’unanimité parmi les professionnels du secteur, reste à
déterminer le contenu concret de cette mixité de
fonctions. Faut-il la réaliser partout ou simplement
la privilégier dans certains quartiers, ne serait-ce
que parce que l’on ne peut gommer la réalité ?
« Il faut privilégier la multifonctionnalité là où c’est
possible et réalisable », note-t-on à la SDRB. Un
réalisme confirmé par l’ARAU qui estime que « certains quartiers ont été sacrifiés à la fonction administrative. L’option de concentrer les fonctions
européennes à Schumann n’est pas mauvaise, la
zone étant très bien desservie par les transports en
commun, mais il importe d’y réintroduire également une certaine mixité afin de rendre ces lieux
vivables pour ses usagers et habitants. »
Des quartiers proches des gares
Parce que Bruxelles, comme toutes les villes, se
trouve profondément marquée par les navetteurs
qui viennent chaque jour y travailler, mais également par sa particularité de capitale internationale,
les quartiers riverains des gares semblent être
appelés à jouer un rôle prépondérant dans le redéploiement de la cité. D’autant que la capitale belge
jouit d’un avantage incontestable : être traversée
du nord au sud par un axe de chemin de fer, tandis
Suite en page 26
D I V E R C I T Y / 25
Suite de la page 25
Mixité
Il semble pertinent de
développer des lieux de
travail près des gares
I S A B E L L E PA U T H I E R
ARAU
qu’elle le sera aussi d’est en ouest lorsque sera
achevée la nouvelle jonction ferroviaire via le tunnel
Schuman – Josaphat. Avec en outre, à l’horizon
2016, la mise en fonctionnement du réseau express
régional (RER) qui devrait soulager le trafic automobile et devenir ainsi un des leviers du développement durable.
Une conception que partage l’ARAU : « Dans un
modèle de société comme en Belgique, où il est
banal, et même encouragé financièrement (par la
prise en charge des frais de transport) et fiscalement d’habiter loin de son lieu de travail, il semble
pertinent de développer des lieux de travail près
des gares ». « Mais on est en train de gérer un
héritage… », explique Isabelle Pauthier en citant une
nouvelle fois l’exemple du quartier Nord dont la
conception remonte à l’époque de la théorie du
modernisme et qui est devenu un contre-exemple.
Des synergies gagnantes
Quid des erreurs du passé ? Sont-elles de la responsabilité du politique seul ? Dépendent-elles
également des secteurs de l’économie, de la promotion immobilière et des architectes ? A cet
égard, un certain consensus semble se dégager : la
responsabilité est partagée.
« Les développeurs – je n’aime pas parler de promoteurs – doivent travailler avec le politique »,
note Michel De Bièvre. « Un développeur développe
une partie de la ville et ne peut aller contre la ville.
Il doit s’insérer dans la ville et tenir compte des
habitants, des besoins des marchés du logement,
mais aussi des bureaux. C’est un ensemble. Ma
responsabilité est de bien le comprendre et de faire
les démarches vers les politiques, qui ont beaucoup
trop tendance à réfléchir entre eux et décider de
choses non réalisables… »
Même son de cloche du côté de la SDRB où l’on
soutient que, « le développement de la ville est une
responsabilité partagée par tous les stakeholders :
politiques, opérateurs publics, promoteurs, architectes et habitants ». Du côté de l’ARAU, on considère que « les enjeux de l’environnement urbain
sont des enjeux démocratiques qui relèvent de la
responsabilité collective. Ce sont des enjeux trop
importants pour être laissés à la discrétion des
technocrates et des politiques. C’est pourquoi ces
questions doivent faire l’objet d’un débat public
dans lequel interagissent les trois piliers de la
démocratie : le politique qui arbitre, prend les déciSuite en page 28
26 / D I V E R C I T Y
L’ADT
L’Agence de développement territorial (ADT) a
récemment été constituée par le gouvernement de
la Région de Bruxelles-Capitale. Cette institution
pluridisciplinaire – composée d’urbanistes, de géographes, de juristes, d’économistes, d’architectes,
de sociologues – sera un outil essentiel dans la
politique de la ville. Face en effet à la multiplicité
d’intervenants publics, l’ADT a pour mission d’assurer la coordination de la mise en œuvre de la politique régionale et la coordination générale de tous
les grands projets. Véritable pivot, cette agence est
prioritairement chargée de coordonner le développement des zones stratégiques régionales (Tour et
Taxis, Delta, Josaphat, Quartier Européen…) en
s’assurant de la mise en œuvre concrète des
options gouvernementales, notamment dans le
cadre de schémas directeurs.
Promouvoir la ville
L’ADT a encore pour fonction d’améliorer la
connaissance de la ville, de promouvoir le territoire et de travailler à son développement au
bénéfice des habitants, des entreprises ou des
usagers. Dans cet esprit, l’équipe chargée de la
promotion est ancrée dans des réseaux internationaux qu’elle entend mettre à profit et possède
une expérience diversifiée : secteur immobilier,
institutions publiques belges et internationales,
monde académique, milieu associatif.
UNE NOUVELLE AGENCE POUR
COORDONNER LES PROJETS
DE VILLE
L’Agence pour le développement territorial,
récemment créée, a une mission de
coordination des projets et d’interface
entre tous les acteurs. Elle est l’outil qui
manquait dans la vision du futur de
Bruxelles.
synergie avec le Maître architecte bruxellois, elle
veille à la qualité des projets et à ce qu’ils s’inscrivent dans une démarche de développement
durable. Dans ce rôle, l’agence est amenée à
éclairer le gouvernement régional sur les enjeux
d’un projet, faire respecter les engagements de
chacun des partenaires, veiller au respect des
délais et identifier les difficultés.
Conciliateur privilégié
Une interface privilégiée
À l’écoute de tous les acteurs du développement
urbain, elle facilite également la réalisation
concrète de projets en recherchant des investisseurs, en imaginant des montages opérationnels
(société d’économie mixte, partenariat public/
privé…) ou en proposant des médiations et, le cas
échéant, des arbitrages au gouvernement. C’est
elle enfin qui assure la communication et la participation tout au long du processus.
L’Agence agit en tant qu’interface entre toutes les
parties, qu’elles soient publiques ou privées,
impliquées dans le développement d’une zone. En
Les travaux de l’ADT contribueront enfin à l’élaboration du plan régional de développement
durable (PRDD) pour le futur de Bruxelles.
RENSEIGNEMENTS
Agence de développement
territorial - ADT
BIP – Brussels Info Place
(4e étage)
Rue Royale 2-4
B-1000 Bruxelles
T +32 (0)2 563 63 00
F +32 (0)2 563 63 20
[email protected]
www.adt-ato.be
D I V E R C I T Y / 27
Mixité
Faire cohabiter l’ensemble des
fonctions nécessaires à réaliser
des quartiers de vie
JULIEN MÉGANCK
SDRB
Suite de la page 26
sions et les motive ; le secteur économique, qui
développe des projets qui répondent aux besoins
sociétaux dans le cadre défini par le politique et la
société civile, porteuse des besoins collectifs ».
Les besoins collectifs des citoyens doivent donc se
refléter dans la conception urbanistique qui se doit
impérativement d’être globale, puisqu’il est évident
que certaines décisions d’aménagement ont un
impact direct sur le développement de plusieurs
zones. Bruxelles ayant pour particularité d’être
surtout constituée d’îlots fermés, une manière de
rendre à ces quartiers la qualité de vie est, outre la
mixité de fonctions, de les ouvrir les uns aux autres
et de les connecter entre eux. Il faut également
travailler sur les espaces publics, qui sont autant de
lieux de rencontres.
28 / D I V E R C I T Y
Maître architecte :
une vigie pour la ville
Pour instaurer cette diversité fonctionnelle, des
outils ont d’ores et déjà vu le jour. Michel De Bièvre
insiste notamment sur l’importance, pour les développeurs et promoteurs, de la nomination récente
d’un « Maître Architecte » (voir encadré p 29) pour
la Région de Bruxelles-Capitale ainsi que sur la
création de l’Agence pour le développement territorial (ADT) : « Le Maître Architecte a en charge
tout ce qui concerne les espaces publics, ce qui est
déterminant dans la mesure où c’est autour de ces
espaces que l’on crée des choses. Le maître architecte est ainsi le garant d’une qualité. Quant à
l’ADT, elle a pour mission de coordonner les décisions des autorités publiques et de vérifier que leur
vision de la ville se réalise. L’un et l’autre sont ainsi
très importants pour nous, car développeurs et
promoteurs sont dépendants des infrastructures
publiques de décision pour obtenir les permis. Ces
infrastructures décident aussi des mesures de
mobilité et d’accessibilité qui sont tout autant
essentielles puisque, sans cela, on ne peut développer aucun projet. »
La marche vers plus de multifonctionnalité semble
aujourd’hui bel et bien enclenchée. Reste à voir
comment tout un chacun, citoyens, politiques ou
professionnels… va désormais parvenir à lui donner
corps et sens.
Un Maître
Architecte
POUR BRUXELLES
Désigné pour cinq ans par le gouvernement de Bruxelles-Capitale, Olivier
Bastin, le nouveau « Maître Architecte » bruxellois va désormais
veiller à la qualité du bâti régional. Il aura également pour mission
d’assister les autorités dans le montage des grands projets architecturaux.
Explication.
Soucieux d’améliorer la qualité des projets urbanistiques, le gouvernement bruxellois a désigné, le
30 octobre 2009, un « Maître Architecte ». Cette
mission a été confiée pour cinq ans à Olivier
Bastin et à son bureau d’architectes « L’Escaut »,
de Molenbeek.
Le rôle du Maître Architecte sera, selon les termes du gouvernement, « de stimuler et d’assurer
la qualité et la diversité des architectures, d’assister les autorités dans le montage des grands
projets architecturaux ». C’est dire que le Maître
Architecte sera aussi appelé à travailler en étroite
coordination avec la nouvelle Agence de développement territorial (ADT).
Le gouvernement bruxellois a décidé de créer
cette fonction pour pallier le manque de cohérence urbanistique à Bruxelles. Constat d’autant
plus préoccupant que l’architecture traduit la
vision d’une autorité publique sur la vie en communauté, ses ambitions sociales, culturelles et
politiques. Bruxelles, région à part entière, capitale nationale et européenne doit dès lors se
donner une identité architecturale, dans ses
dimensions culturelles et environnementales.
Pour Olivier Bastin, la mission de « Maître
Architecte » dépasse celle de l’architecte pour
l’étendre à un projet social et urbain bien réfléchi.
Investi de ces nouvelles prérogatives, il entend
désormais axer l’essentiel de sa méthode sur le
processus de participation qu’il connaît et maîtrise bien. Sa méthodologie insiste fortement sur
le dialogue et la participation. Olivier Bastin
témoigne en outre d’une connaissance remarquable du périmètre urbain bruxellois.
D I V E R C I T Y / 29
Mixité
LOCATION DE BUREAUX
Moratoire, une
fausse bonne idée ?
Le secteur des bureaux n’échappe pas à la crise.
Et pour preuve, en 2009, le pourcentage de
bureaux inoccupés a battu des records !
Imposer un moratoire sur les nouveaux projets
de construction permettrait-il de résoudre le
problème ? Rien n’est moins sûr.
Reconstruire la ville sur elle-même, c’est aussi
réfléchir en termes de « bureaux » et à la place qu’il
convient de leur accorder. La crise économique
actuelle donne de l’importance à cette question
dans la mesure où elle pourrait induire de profonds
changements dans le tertiaire et influer lourdement
sur le marché.
grimper jusqu’à 13 voire 14 % pour 2011-2012. Et
ceci, alors que les projets de construction pour
2010 s’élèvent à au moins 505.000 m² (périphérie
comprise). Si le taux de vacance ne cesse d’augmenter, le marché pourrait vivre une baisse des
loyers qui pourrait déboucher sur une crise immobilière majeure.
Vacance locative en hausse
Dans ce contexte, l’éventualité d’un moratoire
divise les parties prenantes. Y compris au sein des
milieux de la promotion.
Le premier effet visible et quantifiable de la crise
est celui de la vacance locative. Si elle a pris de très
fortes proportions sur toutes les places internationales, Bruxelles n’échappe pas à la règle. En 2009,
la vacance locative y a atteint 12,11 % du parc, soit
plus de 1,5 million de m². Un record qui pourrait
encore être battu : certaines prévisions la voyant
30 / D I V E R C I T Y
Un moratoire n’est en effet réalisable que via deux
approches : l’auto-régulation du marché ou la décision politique. Si un moratoire devait être imposé
en Région de Bruxelles-Capitale, le risque de transfert vers la périphérie serait bien réel et irait à
l’encontre du redéploiement de la ville. Et cela,
même si la périphérie n’est pas non plus épargnée
par la vacance locative. Rares – sinon rarissimes –
sont donc ceux qui appellent à une régulation
imposée. D’autant que dans une économie de
marché, une telle mesure ne ferait que pénaliser
Bruxelles face à d’autres villes. Il faut également
tenir compte du fait qu’il existe une demande, en
particulier de la part des institutions européennes.
Ne tuons pas le dynamisme de la ville
Pour certains, le moratoire est une mauvaise discussion. Dans cet esprit, Stéphan Sonneville, CEO
d’Atenor estime que le secteur réagit en proposant
des solutions pragmatiques, en phase avec l’évolu-
tion du marché locatif. « On ne peut pas aller contre
le marché ni pénaliser une société qui cherche à
occuper des bureaux neufs et durables, dans un
cadre agréable », explique-t-il. « Si une entreprise
ne trouve pas de bureaux durables et agréables à
vivre, elle risque tout simplement de partir ailleurs…
Et c’est comme ça qu’on tue le dynamisme de la
ville ! On ne peut pas pénaliser la demande existante pour ces bureaux de qualité. Aujourd’hui, plus
aucun investisseur ne veut faire du bureau à risque.
Il ne les construira que s’il y a opportunité locative.
Le secteur s’assainit donc de lui-même… »
font la chasse au m² et exigent des bureaux intelligents, économes en dépenses énergétiques et
respectueux du développement durable, il faut
reconvertir les bureaux obsolètes. Comment ? En
les allouant à d’autres fonctions, ce qui contribue à
renforcer la mixité de fonctions. Quant aux nouveaux bureaux, il faut les concevoir dans une optique de transformation future : une approche plus
rentable, à terme, pour les propriétaires que d’être
confrontés à un vide locatif ou à des démolitions reconstructions après 20 ans.
Place donc à l’autorégulation où une option semble
faire l’unanimité : puisque les entreprises locataires
FAIRE DU LOGEMENT AVEC DES BUREAUX ?
Une nouvelle alchimie urbaine
Consultant en économie urbaine, Christian
Lasserre se penche sur le phénomène de transformation d’immeubles de bureaux en logements
à Bruxelles. Co-auteurs du numéro spécial de
l’Observatoire des bureaux « Bruxelles, ses
bureaux, ses employés », il nous brosse un tableau
réaliste de la situation.
Près de mille logements ont été ou vont être
réalisés dans d’anciens bureaux ! Pour Christian
Lasserre, le constat est sans appel : depuis 1996,
la reconversion des bureaux a fortement évolué
en Région de Bruxelles-Capitale. « La transformation des bureaux en logements concerne des
immeubles de bureaux construits principalement
dans les années 60 », précise-t-il. « Ils sont localisés dans des quartiers mixtes ou résidentiels et
les transformations ont répondu à une conjonc-
tion de demande réelle en logements et de difficultés d’occupation en bureaux. Cette
réhabilitation ne signifie cependant pas que les
deux fonctions soient contrecycliques et qu’il y ait
un renouveau de l’une lorsque l’autre décline ».
Le logement n’est d’ailleurs pas seul concerné
puisque ces immeubles peuvent être également
affectés à d’autres fonctions : écoles, restaurants,
musées, hôtels, etc.
En outre, l’auteur remarque que cette option ne
peut être considérée comme la panacée : le
potentiel d’adaptation de certaines surfaces est
tout relatif et « les immeubles construits actuellement poseront d’autres problèmes et appelleront
d’autres solutions ». De plus, « il sera toutefois
difficile de créer, à grande échelle, des logements
dans un quartier déserté par les bureaux, et donc
par les emplois », poursuit Christian Lasserre. « La
dynamique souhaitable de conversion de bureaux
en logements ne consistera dès lors pas à désaffecter des bureaux, mais plutôt à rapprocher
l’habitat des quartiers monopolisés par les
bureaux. » Mais, dans le monde d’incertitude
qu’est le nôtre, « quel que soit le bâtiment, ses
possibilités d’adaptation sont une sécurité face à
l’incertain ».
D I V E R C I T Y / 31
Mobilité
Aménagement
LES ABORDS DES
urbain «GARES
DOIVENT
REDEVENIR DES LIEUX
DE VIE DYNAMIQUES !»
HERWIG PERSOONS
Les villes se distinguent de plus en plus
par leurs gares. Et cette tendance n’en est
qu’à ses débuts ! Interview d’Herwig Persoons,
Administrateur Délégué d’Eurostation, filiale
autonome de la SNCB-Holding chargée du
développement des gares et de leurs abords.
Les gares et leurs abords sont depuis quelques
années au cœur des politiques d’aménagement
urbain. Pourquoi?
Herwig Persoons : Avec l’émergence des politiques
durables au sein des villes, les décideurs politiques
prennent maintenant conscience de l’importance
des gares, gardiennes de la mobilité durable au sein
de la société. De leur côté, les architectes, les
urbanistes et les autres domaines liés au secteur du
bâtiment manifestent le même intérêt. Car tous
s’accordent désormais pour reconnaître l’importance des gares en tant que catalyseur du développement économique et de l’équilibre social.
Ce regain d’intérêt est-il propre à toutes les
villes ?
H. P. : De manière générale, le centre des grandes
villes s’est progressivement vidé ces dix dernières
années et toutes les grandes métropoles tentent
aujourd’hui de renverser la tendance. Elles s’efforcent dès lors de redonner vie à leur centre-ville afin
d’encourager les gens à (re)venir habiter en ville.
Dans ce processus, un design approprié pour les
gares et leurs environs joue un rôle crucial. Car
souvent, c’est ce périmètre dédié à l’intermodalité
qui est le moteur d’une nouvelle dynamique urbaine.
Le statut des gares est-il en train de changer ?
H. P. : Absolument. Si les gares n’étaient autrefois
que des lieux de transit, des passages obligés pour
se déplacer, elles représentent aujourd’hui autant
de portes d’accès privilégiées vers la ville. Leurs
abords deviennent dès lors des endroits prisés, des
lieux de vie de plus en plus agréables et dynamiques. Et c’est tout naturellement que les villes
cherchent à se définir par le biais de leurs gares et
de leurs quartiers environnants.
Suite en page 34
D I V E R C I T Y / 33
Mobilité
Suite de la page 33
Cette évolution est-elle renforcée par le phénomène de « mobilité durable »?
H. P. : Au quotidien, tous les automobilistes, qu’ils
soient habitants ou navetteurs, sont confrontés au
problème des embouteillages. Un phénomène qui
génère stress et perte de temps. Le constat est
d’autant plus dommageable que le transport motorisé exerce également de grandes pressions sur
l’environnement. A ce titre, le transport ferroviaire
offre une alternative tournée vers l’avenir et respectueuse de l’environnement. Le train conduit les
gens au cœur de la ville de la manière la plus
confortable et la plus fluide qui soit. En développant durablement la gare et ses environs, en proposant de bonnes alternatives en terme
d’intermodalité (transport en commun et mobilité
douce), les pouvoirs publics contribuent activement à une politique durable en matière de mobilité.
Une gare modernisée parvient-elle à attirer
davantage d’habitants et d’entreprises?
H. P. : Les quartiers proches des gares sont des
espaces facilement accessibles et donc intéressants pour diverses fonctions. Il y a encore quelques années, l’aménagement urbain aux alentours
des gares mettait surtout l’accent sur l’aménagement de bureaux. Aujourd’hui, la mixité des fonctions prônée par les tenants d’une ville dynamique
a fait évoluer le concept et les urbanistes intègrent
désormais le logement, les commerces et les lieux
de détente à leurs projets. L’équilibre entre les différentes fonctions est à mon sens primordial.
L’expérience nous montre en effet qu’un quartier
de bureaux est déserté la nuit, ce qui amplifie le
sentiment d’insécurité. Pour s’intégrer dans la ville,
34 / D I V E R C I T Y
la gare et ses alentours doivent au contraire
demeurer un espace de vie où il fait bon s’arrêter, à
toute heure de la journée.
Y a-t-il un design type pour les abords d’une
gare ?
Pour créer de la vie autour des gares, il est nécessaire de respecter un certain nombre de principes
fondamentaux. Parmi les plus importants, on peut
citer l’intermodalité, la facilité d’orientation, la
sécurité, la facilité d’accès, le confort et la beauté
de l’architecture. La conception d’une gare et de
ses alentours reste cependant un travail sur mesure. Le tissu urbain qui la borde est par principe différent selon les villes et les endroits et, un bon plan
d’urbanisme s’avère dès lors indispensable. La créativité technique et les études préalables participeront également à la réussite du projet.
HERWIG PERSOONS
AVIS D’EXPERT
LES ABORDS D’UNE GARE
DOIVENT ÊTRE…
MULTIMODAUX
Les voyageurs doivent pouvoir passer facilement
d’un moyen de transport à l’autre dans un environnement agréable.
UN POINT DE
RENCONTRE
CENTRAL
UN LIEN
ENTRE DEUX
QUARTIERS
En créant un équilibre dynamique entre logements,
bureaux, magasins et lieux de détente, la gare et
ses environs peuvent redevenir l’un des principaux
points de rencontre de la ville.
Grâce à des bâtiments modernes et transparents
et des infrastructures ferroviaires plus aérées, la
ville peut continuer à croître sous les voies et permettre ainsi aux quartiers de se fondre les uns dans
les autres.
D I V E R C I T Y / 35
Mobilité
Transports publics :
plus de 89 % des
clients satisfaits !
CURITIBA
La cité la plus innovante
du monde !
Le Système intégré de transports en
commun de Curitiba comprend
221 stationstubes, 340 lignes
s’étalant sur 1 100 km,
dont 60 km de voies
réservées. Ce système est emprunté
par
1 902 bus
Capitale de l’État du Paraná au Brésil, Curitiba est
l’exemple réussi d’une planification urbaine
audacieuse. Connue de tous les urbanistes pour
être la « Cidade Modelo da América Latina » (CitéModèle de l’Amerique Latine), cette métropole de
près de deux millions d’habitants a notamment
développé une politique de mobilité urbaine
exemplaire.
parcourant
316 000 km et
transportant
1,9 million de
passagers par jour, soit plus de
85 % des habitants utilisant les
transports en commun. Une récente
enquête de satisfaction montre que
plus de
89 % des clients sont
satisfaits ou très satisfaits.
36 / D I V E R C I T Y
L’aventure de Curitiba débute à l’aube des années
1940. À l’époque, la ville se dote d’un Plan préliminaire d’urbanisme, dont l’un des aspects majeurs
est de permettre les déplacements de ses habitants. Dirigé par le français Alfred Agache, cofondateur de l’association française pour les études
d’urbanisme, le modèle – qui prévoit entre autres la
création de larges voies de communication –
devient rapidement emblématique à l’échelle de la
planète. Pour cause de seconde guerre mondiale, il
avorte pour être repris plus de vingt ans plus tard.
construire cinq avenues à six voies de circulation
(trois dans chaque sens). Et contrairement à ce à
quoi on assiste aux Etats-Unis et en Europe (qui
prêchent le tout automobile), les voies de circulation du centre sont exclusivement dédiées à la circulation des bus. Le long de ces voies, la
municipalité encourage alors les constructions
résidentielles, commerciales et des bureaux, l’objectif étant de concentrer les lieux de vie à proximité des lignes de transport public.
Un modèle de mobilité
Cinq axes de circulation
En 1966, un nouveau plan d’urbanisme prévoit une
restructuration de la ville selon cinq axes de circulation principaux. Sur ces axes de développement
privilégiés, la ville se réserve des terrains afin de
Initiée à partir de 1974, la construction de ces
avenues s’achève en 1982. Le long des voies, la
construction de gratte-ciel (tour d’habitations) est
alors encouragée – notamment au centre-ville –
afin de favoriser une densification porteuse de
cohérence urbaine. Bâtie autour d’un réseau de
fraude, des tubes d’embarquement sont installés
dans chaque station. Et loin des clichés que l’on
connaît des bus d’Amérique du Sud, ceux de
Curitiba s’avèrent particulièrement propres et
esthétiques.
Espaces verts et santé publique
En corollaire à cette politique de mobilité, l’ensemble du plan a permis de préserver les espaces verts
publics : chaque habitant disposant en moyenne de
52 m² (soit un total de 2 100 hectares). Dans ce
même esprit, la ville a développé une politique de
santé publique unique au Brésil : 99 % des besoins
en eau de la ville proviennent des systèmes d’adduction d’eau potable (contre 9 % pour le pays) et
97 % des foyers y sont reliés. 99,6 % des ménages
possèdent l’électricité et 94 % un réfrigérateur.
Culture et écologie
Réseau de transports de Curitiba : lignes expresses et lignes directes
transports en commun très performant, la mobilité
de Curitiba fait rapidement figure de modèle.
Après quelques tâtonnements, la municipalité parvient en effet à développer un système de transport en commun particulièrement innovant. Dans
un premier temps, un seul ticket permet à quiconque de se rendre n’importe où dans le centre de
l’agglomération, un deuxième ticket, moins cher,
permettant aux usagers d’accéder à la périphérie.
Jugé discriminatoire à l’égard des plus pauvres (qui
habitent à la périphérie), le système est rapidement
abandonné et les bus reliant la périphérie au centre
deviennent gratuits. En 1980, la municipalité améliore encore le système en créant des stations de
métro-bus en surface. Pour augmenter le confort,
la rapidité du temps d’embarquement, et limiter la
Curitiba compte également parmi les 4 métropoles
brésiliennes à avoir mis en place un système de
récupération et tri sélectif des ordures : 13 % des
ordures (contre 1 % en moyenne des grandes villes
du pays) sont ainsi recyclés. Cette initiative a par
ailleurs été récompensée en 1990 par le Prix du
meilleur environnement du Programme environnemental des Nations Unies. Sur le plan culturel, la
municipalité a construit, le long des axes de circulation, plusieurs phares du savoir (« Faróis do
Saber ») : des centres gratuits, proposant bibliothèque, accès Internet et autres outils multimédias.
Des récompenses
méritées
Au deuxième sommet mondial des maires
et urbanistes qui s’est tenu en 1996 à
Istanbul, Curitiba a été récompensée
comme la cité la plus innovante au monde.
Le système de transport a également été
récompensé par l’English Building and
Social Housing Foundation (EBSHF).
D I V E R C I T Y / 37
Énergie
Maîtrise de l’énergie
LE NOUVEAU DÉFI
IMMOBILIER
Tous les professionnels le savent : le bâtiment est
dans l’Union Européenne un gouffre d’énergie primaire (40 % de l’énergie totale consommée)
devant les transports (30 %) et l’industrie (30 %).
Il est également responsable de plus de 40 % des
émissions totales de CO2. Les économies d’énergie
sont dès lors un enjeu économique et écologique
majeur pour ce secteur.
Normes européennes
Le 12 décembre 2008, le Conseil européen a pris
un ensemble de mesures regroupées sous l’appellation « paquet énergie climat ». Ce paquet réunit
toutes les directives et décisions permettant la
réalisation de l’objectif « 20-20-20 ». Une mesure
qui vise à faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à 20 %, à
réduire les émissions de CO2 des pays de l’Union de
20 % et à accroître l’efficacité énergétique de
20 % d’ici à 2020. Alors que les deux premières
mesures sont contraignantes, la troisième n’a,
jusqu’à présent, aucune valeur juridique.
Pour une meilleure
performance énergétique
Dans l‘esprit de l’objectif 3 x 20, la Directive européenne 2002/91/CE sur la performance énergétique des bâtiments devrait favoriser la réduction de
leur consommation énergétique. Cette directive
impose que chaque bâtiment neuf (immeubles de
logements, bureaux, bâtiments publics…), que les
bâtiments publics ainsi que les bâtiments existants
loués ou vendus devront à l’avenir disposer d’un
certificat énergétique. En Belgique, ce sont les
38 / D I V E R C I T Y
Nécessité écologique oblige, les bâtiments
basse consommation seront les stars
de l’immobilier de demain. Poussés
par l’Europe, promoteurs immobiliers et
professionnels du bâtiment s’adaptent
dès aujourd’hui à ce nouveau défi.
Régions – en charge des compétences relatives à
l’utilisation rationnelle de l’énergie – qui élaborent
les solutions visant à répondre à cette exigence.
Construction passive pour
consommer moins
Dans le domaine du bâtiment, plusieurs standards
« d’efficacité énergétique » s’offrent désormais aux
professionnels, dont l’un des plus performants
concerne la « construction passive ».
Ce concept basé sur des principes et techniques
éprouvés et rentables permettent aujourd’hui
d’économiser jusqu’à 90 % de l’énergie de chauffage dans tous types de bâtiments (logements,
écoles, bureaux, salles de sport…) aussi bien neufs
qu’en réhabilitation lourde.
Le fondement même des constructions dites passives repose sur un principe simple : L’énergie la
moins polluante, la moins onéreuse, la plus fiable et
la plus abondante est… l’énergie que l’on ne
consomme pas ! Autrement dit, « bâtiment passif »
signifie réduction au strict minimum des besoins
énergétiques des bâtiments tout en accentuant le
confort d’habitation et/ou de travail.
Le bien-être avant tout
Avant tout, un bâtiment passif est une construction pensée pour le bien-être de l’occupant et dans
lequel règne, durant toute l’année, un excellent
confort climatique sans qu’il soit nécessaire de
recourir à un système de chauffage ou de climatisation conventionnel. Pour le chauffer « passivement », deux principes s’imposent :
- Réduire drastiquement les pertes de chaleurs,
- Valoriser les apports de chaleur gratuits.
L’appellation « Bâtiment passif » s’applique donc
davantage aux techniques de préservation de
chaleur qu’aux appareils de production de chaleur,
même si ceux-ci peuvent jouer un rôle important.
Confort été comme hiver
Une épaisseur suffisante (de 25 à 50 cm) d’isolants
accompagnée d’un système de ventilation écoénergétique mécanique permet d’économiser
jusqu’à 90 % des dépenses de chauffage tout en
améliorant le confort intérieur. Dans la mesure où le
bâtiment conserve la chaleur de part ses caractéristiques isolantes, l’énergie provenant du soleil via
les fenêtres, des hommes et des appareils électriques constituent un véritable « radiateur » gratuit !
En ce qui concerne le confort durant l’été, celui-ci
est optimal grâce à la limitation de la chaleur du
soleil par l’excellente isolation et les protections
solaires des fenêtres. Si nécessaire, un rafraîchissement « passif » du bâtiment est également réalisable
via la température nocturne moindre et le sol.
VILLE
DANS LE VENT
Au royaume de Bahreïn, pays situé
sur un archipel du golfe Persique au
Moyen-Orient (proche de l’Arabie
Saoudite), les expériences urbanistiques durables ont le vent en
poupe. Grâce à une batterie
d’éoliennes disposées sur toute
sa hauteur, cette tour avantgardiste bénéficie ainsi d’une
précieuse autonomie énergétique.
D I V E R C I T Y / 39
Énergie
A TOUR & TAXIS,
LE PLUS IMPORTANT COMPLEXE
PASSIF DE BUREAUX D’EUROPE
Le site de Tour & Taxis avec le projet de développement porté par Project T&T est l’exemple même de
la volonté de redéploiement de la ville en y incorporant tous les aspects sociaux, économiques, culturels, urbanistiques et de patrimoine. Cet ancien site
industriel, avec ses 30 ha de superficie, s’y prête
idéalement.
Au cœur de ce site et de son éco-quartier avec
logements (14 000 m², pour 3 000 habitants),
bureaux, commerces, services et équipements
publics, le futur « IBGE Building » sera le témoin
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des défis énergétiques et du savoir-faire technologique des promoteurs immobiliers pour les relever
au mieux.
Ce bâtiment qui accueillera l’Institut bruxellois pour
la gestion de l’environnement (IBGE) sera en effet,
avec ses 16 000 m², le plus important complexe
passif de bureaux d’Europe. Cette réalisation marquante, dont l’inauguration est prévue pour la fin
2012, est signée par le bureau hollandais Cepezed.
Pour plus d’informations :
Avenue Reine Astrid, 92
B-1310 La Hulpe
Tél. : + 32 2 387 22 99
Fax : + 32 2 387 23 16
Website : www.atenor.be
e-mail : [email protected]
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