C`est tout sauf simple, la simplicité

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27 janvier 2014
Le Soir Lundi 27 janvier 2014
34 LACULTURE
« C’est tout sauf simple, la simplicité »
SCÈNES
Joël Pommerat reprend « Au monde » au National, avant la version opéra
En résidence au National, le metteur en scène français se sent chez lui à
Bruxelles où il prépare un opéra avec Philippe Boesmans.
Le Festival d’Avignon et Mons 2015 puis le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence en 2017 attendent ses prochaines créations.
Il reprend dès mardi soir au National le spectacle qui l’a révélé.
D
épouillé. Tel est le terme
qui vient à l’esprit en découvrant l’appartement
meublé que le metteur en scène
français Joël Pommerat occupe
lors de ses nombreux séjours à
Bruxelles. Rien d’étonnant
quand on connaît l’univers de
ses spectacles qui, depuis une dizaine d’années, tournent à travers le monde et remplissent les
salles. Pommerat, tout le monde
se l’arrache, du Théâtre de
l’Odéon au Festival d’Avignon,
en passant par celui d’Aix-enProvence où il a créé son premier opéra Thanks to my eyes.
Mais c’est à Bruxelles qu’il
pose régulièrement ses valises
pour y présenter ses créations ou
ses reprises au Théâtre National.
On y a vu Je tremble, Cet enfant,
Ma chambre froide, Cercles/Fictions, Pinocchio, Les marchands, Cendrillon ou encore La
réunification des deux Corées.
Dès mardi soir, il y redonne Au
Monde qui le fit véritablement
découvrir en 2004. Un spectacle
dont il donnera ensuite, fin
mars, une nouvelle version sous
forme d’un opéra composé par
Philippe Boesmans.
Votre première venue à
Bruxelles date de 1997…
Oui, c’était au Théâtre 140 avec
Treize étroites têtes.
J’ai d’ailleurs revu récemment
Jo Dekmine, son directeur, qui
est venu voir
Une année sans été.
En fait, c’était la première fois
que je parvenais à sortir de Paris au bout de 7 années de création. Ensuite, j’ai marqué un
temps d’arrêt avec le théâtre
pour redémarrer vers 2000,
2001.
En 2004, on commence vraiment à parler de vous avec « Au
monde », que les Halles de
Schaerbeek présentent l’année
suivante.
Pour la première fois, on a eu un
petit impact médiatique et ça a
produit un effet public. Jusque-
là, nous jouions devant des 1/3
de salle. C’était un peu une fatalité. On proposait des créations
de théâtre contemporain par
une troupe inconnue… Ceci dit,
j’étais déjà heureux que nous
puissions créer nos spectacles et
les jouer un mois, un mois et demi, à Paris, avec 80 à 100 personnes par soir. Avec
Au Monde
, il y a eu un phénomène, un déclic. Et ça ne s’est plus arrêté.
Qu’est-ce qui change en le reprenant dix ans plus tard ?
On a arrêté de le jouer il y a cinq
ans, mais il était toujours dans
la mémoire de toute l’équipe.
Donc, pour les anciens, il n’y
avait pas de questions fondamentales. C’était une remise en
route. Par contre, il y a trois
nouveaux comédiens avec qui
j’ai travaillé trois semaines séparément avant qu’ils rejoignent le reste de l’équipe. Il
faut du temps car il s’agit de se
plonger dans un univers un peu
particulier. Dans cette pièce,
tout ce qui ne se dit pas est essentiel et même peut-être plus
que ce qui se dit. C’est un projet
sur les trous, les non-dits…
Pour explorer cela, il faut du
temps. Cela reste la denrée
première de votre travail ?
C’est effectivement primordial
dans ma manière de travailler.
Je suis peut-être lent, mais en
tout cas, je sais que rien ne peut
se créer au théâtre, d’un peu profond ou ambitieux, sans un certain travail sur la longueur.
Il y a aussi un besoin d’intimité ?
Oui. Lors de la reprise à l’Odéon
à Paris, on avait réduit la jauge
mais j’ai trouvé que quelque
chose clochait. Il y avait trop de
distance entre la scène et le public. Au Théâtre National, c’est
quasi génial. Le rapport avec le
parterre est vraiment parfait.
Cette intimité est essentielle
dans mon travail.
Il y a quelques années, au National, vous aviez animé un atelier
avec des comédiens belges. À
l’époque, vous affirmiez ne pas
être à la recherche de comédiens. Résultat : vous en avez
engagé plusieurs et travaillé des
années avec eux…
La vérité est toujours complexe.
Dans cet atelier, je voulais faire
un travail de recherche autour
du cercle. J’étais sincère en disant que je ne cherchais pas de
comédiens. Mais il se fait que
j’en ai rencontré. Et j’ai eu envie
de travailler avec eux sur deux
créations :
Cercle/Fictions
et
Ma chambre froide
. Après, il y en a eu d’autres dans
La Réunification des 2 Corées
. Et il y en aura encore d’autres
dans le prochain projet.
Qu’est-ce qui vous lie à
Bruxelles ?
Il faut se méfier des généralités.
Déjà, je peux dire que je me sens
bien à Bruxelles. Avec les comédiens belges. Il y a ici un rapport
de simplicité et décomplexé. En
France, il y a une sorte d’aristocratie du théâtre. Cela peut amener de grands résultats mais
c’est un peu inhibant. Ici, on ne
sent pas ça. Ça m’a plu, libéré et
touché. Et ça correspond à une
des ambitions de mon travail :
casser le formalisme, aller audelà du naturalisme et chercher,
dans le dépouillement, une
grande simplicité. Retirer tout
ce qui fait parasite, qui fait
écran, pour aller à la recherche
d’un trésor, une réalité cachée.
C’est tout sauf simple, cette simplicité. Et ça correspond bien à
ce que j’ai trouvé ici.
Plein de facteurs y contribuent :
les gens, le Théâtre national, son
directeur Jean-Louis Colinet qui
me fait pleinement confiance, le
Théâtre royal de la Monnaie… Il
y a une entente simple, naturelle
avec les artistes d’ici. ■
Propos recueillis par
JEAN-MARIE WYNANTS
« AU MONDE »
Dans les silences du pouvoir
Dans un univers sans repères, plusieurs personnages fantomatiques évoluent sur scène. Sont-ils réels ou imaginaires ? Sontils des dieux ou font-ils partie de cette caste de puissants qui
dirigent le monde ? Sur la question du pouvoir, Joël Pommerat
livre une vision à la fois ironique et inquiétante : Au monde.
Comme dans « venir au monde ». Mais ceux-là ne nous offrent
aucune promesse de lendemains. Dans un décor extrêmement
sobre mais se transformant comme par magie, on suit les
échanges et surtout les silences qui planent entre les différents
protagonistes. Fascinant, inquiétant, l’univers de Joël Pommerat
nous plonge dans un monde angoissant entre secrets de familles, drames enfouis, dangers impalpables… Créé en 2004, le
spectacle nous revient dans sa version théâtrale avant une
version opéra que l’auteur et metteur en scène prépare avec
Philippe Boesmans pour la fin mars. ■
J.-M.W.
© ELISABETH CARECCHIO
Du 28 janvier au 2 février au Théâtre National, www.theatrenational.be.
LESBRÈVES
La guerre des animés aux USA
MUSIQUE
Au menu des Ardentes
Les premiers noms des Ardentes
Rupert Sanders, le réalisateur de Blanche-Neige et le chasseur, pourrait ont été dévoilés ce week-end. On
retrouvera donc, entre autres, sur
signer le remake de Ghost in the Shell. Adapté d’un manga publié en
la scène liégeoise, début juillet :
1989-1990 et signé Masamune Shirow, un premier animé était sorti
D.O.D. (le 12), Yellow Claw (le 12),
Booka Shade (le 11), S-Crew (le
12), Dan le Sac & Scroobius Pip
(le 11)… A noter : le retour de la
scène aquarium dans les Halles.
Tickets en vente à partir du 1er fé-
du 75e anniversaire de la Chapelle
Musicale Reine Elisabeth. Fidèles
à l’esprit de compagnonnage de
la Chapelle Musicale, maîtres et
solistes alterneront dans ce
concert les œuvres de Vivaldi,
Julien Libeer dans le Concerto
no10 en mi-bémol majeur de Mozart, dialogue subtil entre deux
pianos et un orchestre. Le concert
fera la part belle aux jeunes solistes : Liya Petrova, Hrachya Ava-
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