LE POINT SUR... Progrès en Urologie (1996), 6, 979-980 Le grade de Fuhrman Eric LECHEVALLIER Service d’Urologie et de Transplantation Rénale, Hôpital Salvator, Marseille, France Le pronostic tumoral du cancer à cellules rénales dépend de paramètres cliniques, pathologiques et biologiques. Le grade tumoral est un de ces facteurs pronostiques mais probabl ement le plus mal connu. Cependant un cancer à cellules rénales doit être défini par son stade pathologique TNM-1992, son type cellulaire (cellules claires, granuleuses, fusiformes, ...), son architecture tumorale (papillaire, tubulaire) et un grade tumoral (ex : cancer pT2 à cellules claires, tubulopapillaire de grade III). QUEL GRADE APPLIQUER AU CANCER A CELLULES RENALES? Le grade d’Arner [1] a été un des premiers grades histologiques du cancer à cellules rénales. Ce grade est basé sur la morphologie tumorale et le degré de différenciation de la tumeur par rapport au parenchyme sain. Ce grade est en fait peu reproductible ce qui explique en partie la discordance entre les différents auteurs en terme de survie en fonction des grades. SKINNER [10] a été le premier à utiliser un grade nucléaire pour l’adénocarcinome rénal. Pour un même stade tumoral la survie à 5 ans était meilleure pour les adénocarcinomes de bas grade (survie à 5 ans : T1-2 G1-2 : 75% vs T1-2 G3-4 : 60%). Pour cet auteur le meilleur grade était celui qui prenait en compte l’aspect du noyau. D’autres auteurs ont proposé des grades nucléaires plus fiables et plus précis que le grade de Skinner. Parmi ceux-ci, deux grades se sont démarqués. Le grade de Syrjanen [11] est basé sur des paramètres de morphologie nucléaire (anisonucléose, chromatine, nucléoles, mitoses). La survie semblait corrélée au stade. Les survies à 5 ans en fonction des stades étaient: grade I : 87%, grade II : 69%, grade III : 44% et grade IV : 28%. FUHRMAN [4] a proposé un grade plus simple et moins subjectif fondé sur l’évaluation de la morphologie nucléaire en retenant l’aspect du noyau et de la taille des nucléoles. Elle a démontré que ce système était un facteur pronostique du cancer à cellules rénales. La plupart des séries utilisant ce grade ont par la suite confirmé ce rôle pronostique. COMMENT APPLIQUER LE GRADE DE FUHRMAN? Il s’agit d’un grade histopronostique indépendant du stade clinique basé sur l’atypie des noyaux tumoraux du contingent cellulaire le plus atypique. Dans le grade de Fuhrman le type cellulaire et l’architecture tumorale ne sont pas pris en compte. Le grade de Fuhrman dépend de 4 paramètres : la taille des noyaux (10-15-20 microns), les contours des noyaux (réguliers, irréguliers), la présence de nucléoles à différents grossissements (x 400, x 100) et la présence de cellules monstrueuses (grade IV). Il comporte 4 grades de gravité croissante. Le grade I est défini par des petits noyaux ronds de 10 microns, à contours réguliers et sans nucléole. Il n’existe pas de cellules monstrueuses. Il représente 28% des cancers à cellules rénales [3]. Le grade II est défini par des noyaux plus volumineux de 15 microns, discrètement irréguliers et par l’existence de nucléoles visibles au grossissement x 400. Il n’existe pas de cellules monstrueuses. Il représente 30% des cancers à cellules rénales [3]. Les grades III et IV sont définis par des noyaux volumineux de 20 microns à contours très irréguliers avec des nucléoles proéminents visibles au grossissement x 100. Il n’existe pas dans le grade III de cellules monstrueuses. Dans le grade IV on observe des cellules monstrueuses multilobées dont la chromatine est disposée en amas. Le grade III représente 30% des cancers à cellules rénales et le grade IV 10% [3]. La majorité des cancers à cellules rénales sont donc de grade II ou III mais il existe dans une même tumeur une hétérogénéité de grade. Cette hétérogénéité tumorale est une des limites du grade de Fuhrman qui ne prend en compte que le contingent le plus agressif et non pas le plus représenté. Ce système nécessite une analyse fine de la pièce tumorale pour identifier le contingent cellulaire le plus atypique. La recherche du contingent le plus agressif nécessite une analyse longue et empêche l’utilisation de ce grade en examen extemporané de routine. Manuscrit reçu : juin 1996, accepté : juin 1996. Adresse pour correspondance : Dr. E. Lechevallier, Service d’Urologie et de Transplantation Rénale, Hôpital Salvator, 249, Bd. Sainte-Marguerite, 13274 Marseille. 979 POURQUOI GRADER UN CANCER A CELLULES RENALES AVEC LE GRADE DE FUHRMAN? Le grade de Fuhrman semble être actuellement le grade le plus fiable et dont le rôle pronostique a été le mieux étudié. Ce grade est simple et reproductible avec une concordance de 95% [3] car il est basé sur des critères de microscopie optique précis et peu nombreux. Le grade de Fuhrman est un grade facilement applicable et reproductible quel que soit le type de fixation histologique utilisé (formol, Bouin). Sa fiabilité est confirmée par sa corrélation à d’autres paramètres nucléaires, organisateurs nucléolaires, morphométrie nucléaire (coefficient de rotondité) et ploïdie (grade I : 0% d’aneuploïdie - grade IV : 75% d’aneuploïdie) [9]. Plusieurs auteurs ont montré la corrélation du grade de Fuhrman avec les facteurs pronostiques classiques du cancer du rein. pour les tumeurs de faibles stades (T1-2) aussi bien à court terme [6] qu’à long terme [5, 7]. En pratique, d’un point de vue pronostique on peut séparer les cancers à cellules rénales de bas grade (I et II) qui ont une survie à 5 ans de plus de 70% et les cancers de haut grade (III et IV) qui ont une survie à 5 ans inférieure à 50% [3]. La survenue de métastases en fonction du grade était : grade I : 2%, grade II : 9%, grade III : 17% et grade IV : 30% [3]. Comme pour la survie, les métastases asynchrones sont statistiquement plus nombreuses pour les grades III-IV que pour les grades I-II [3]. Le grade de Fuhrman est un grade des tumeurs du rein simple et reproductible. Compte tenu de son rôle pronostique, il doit faire partie des paramètres clinicopathologiques qui définissent un cancer à cellules rénales. REFERENCES Le grade de Fuhrman est corrélé avec le caractère incidentel de la tumeur. 76% des tumeurs incidentelles et 50% des tumeurs symptomatiques étaient de grade I-II dans la série de BRETHEAU [2]. 1. ARNER O., BLANCK C., VON SCHREEB T. Renal adenocarcinoma : morphology, grading of malignancy, prognosis. Acta Chir. Scand., 1965, 346 (suppl.), 1-48. 2. BRETHEAU D., LECHEVALLIER E., EGHAZARIAN C., GRISONI V., COULANGE C. Prognostic significance of incidental renal cell carcinoma. Eur. Urol., 1995, 27, 319-323. Le grade de Fuhrman est corrélé au stade pathologique TNM. 50% des stades pT1 étaient de grade I, 40% des stades pT2 et pT3a étaient de grade II et 50% des stades pT3b étaient de grade III [3]. Le grade de Fuhrman est aussi corrélé avec l’extension locale (franchissement capsulaire, ganglions, veine cave) et à distance de la tumeur. Mais il n’y a pas de corrélation entre le grade et la multifocalité tumorale [3]. 3. BRETHEAU D., LECHEVALLIER E., DE FROMONT M., SAULT M.C., RAMPAL M., COULANGE C. Prognostic value of nuclear grade of renal cell carcinoma. Cancer, 1995, 76, 2543-2549. 4. FUHRMAN S.A., LASKY L.C., LIMAS C. Prognostic significance of morphologic parameters in renal cell carcinoma. Am. J. Surg. Pathol., 1982, 6, 655-663. 5. GELB A.B., SHIBUYA R.B., WEISS L.M. et al. Stage I renal cell carcinoma. A clinicopathological study of 82 cases. Am. J. Surg. Pathol., 1992, 17, 275-286. Le grade de Fuhrman est corrélé à certains types cellulaires (cellules claires et bas grades, cellules fusiformes et hauts grades). 6. GREEN L.K., AYALA A.G., RO J.Y. et al. Role of nuclear grading in stage I renal cell carcinoma. Urology, 1989, 34, 310-315. Pour FUHRMAN [4], la survie en fonction du grade se faisait en 3 groupes : grade I, grade II-III et grade IV. 7. MEDEIROS L.J., GELB A.B., WEISS L.M. Renal cell carcinoma : prognostic significance of morphologic parameters in 121 cases. Cancer, 1988, 61, 1639-1651. Pour MEDEIROS [7] et BRETHEAU [3] le grade était statistiquement corrélé à la survie mais sans différence significative entre les grades I et II. Par contre il existait un clivage pronostique entre les grades I-II et IIIIV. La survie actuarielle à 5 ans des cancers à cellules rénales en fonction grade était : grade I : 76%, grade II : 72%, grade III : 51% et grade IV : 43% [3]. Ces différences persistent à long terme. La survie actuarielle à 10 ans des cancers à cellules rénales en fonction du grade était : grade I : 50%, grade II : 55%, grade III : 11% et grade IV : 14% [8]. 8. MUNICHOR M., LICHTIG C., TZIN G., WEISS A. Prognostic significance of granular cell content in renal cell carcinoma. Eur. Urol., 1992, 22, 204-208. 9. SERRE I., VIEILLEFOND A., SCHOVAERT D. et al. Quantification des NORs dans les carcinomes du rein : comparaison avec le grade nucléaire. Prog. Urol., 1992, 2, 196-206. 10. SKINNER D., COLVIN R., VERMILLON C., PFISTER R., LEADBETTER W. Diagnosis and management of renal cell carcinoma : a clinical and pathological study of 309 cases. Cancer, 1971, 28, 11651177. L’impact pronostique du grade est surtout prononcé 980