LA THEORIE DES ENUMERATIONS

publicité
Actes, Congrès intern, math., 1970. Tome 1, p. 223 à 227.
LA THEORIE DES ENUMERATIONS
par Yu. L. ERSOV
Avant de passer aux définitions précises, je donnerai la liste de quelques travaux
qui étaient à la base de la création de la théorie générale des enumerations et des problèmes considérés dans cet exposé :
1. Études des suites calculables des ensembles récursivement énumérables (Rice,
Lachlan, Ouspenski et d'autres).
2. Étude de la notion de créativité et de m-universalité pour des ensembles et suites
(Myhill et d'autres).
3. Étude des fonctions partielles récursives de Godei (Rogers).
4. Étude des modèles et des algèbres énumérés (Fröhlich et Shepherdson, Malcev,
Rabin et d'autres).
5. Étude des fonctionnelles calculables de types supérieurs (Kleene, Kreisel et
d'autres).
Les premiers travaux de systématisation des notions principales de la théorie des
enumerations ont été faits par A. I. Malcev [2], [3]. En particulier, c'est lui qui a introduit
la notion importante d'un ensemble complet. Cette notion a permis, d'une façon
naturelle, d'établir le lien entre les remarquables théorèmes de Myhill et Rogers.
Ma communication n'est pas un exposé de tous les résultats obtenus dans la théorie
des enumerations. Mon but est de formuler une série de notions principales de cette
théorie et d'exposer quelques nouveaux théorèmes, qu'on peut diviser en les trois groupes suivants :
La première partie contient les théorèmes structuraux sur des ensembles complètement énumérés, la deuxième représente la formulation, en termes d'énumération, de
la théorie de créativité-m-universalité, théorie qui a un caractère achevé et qui embrasse
une large classe de cas inconnus jusqu'à présent, même dans le cas traditionnel, des
suites calculables des ensembles récursivement énumérables. La troisième partie est
consacrée à la théorie de la construction énumérative de la classe des fonctionnelles
calculables de tous les types finis. La construction proposée se distingue parmi d'autres
par le plus grand naturel de ses définitions et par l'absence totale de conditions limitatives (monotonie, continuité, etc.).
J'espère que la liste de théorèmes donnée ci-dessous montrera la fécondité des
points de vue de la théorie générale des enumerations.
Passons aux définitions précises.
Soient N l'ensemble de tous les nombres naturels, S un ensemble non-vide, fini ou
dénombrable. On appelle enumeration de l'ensemble toute application v de l'ensemble N sur S(v: N -> S). On appelle ensemble énuméré y le couple (S, v) ; où v est une
enumeration de l'ensemble S. On appelle morphisme d'un ensemble énuméré y0=(S0, v0)
224
YU. L. ERSOV
A
dans l'ensemble y± = (Sif v±) une application p: SQ -> S1 telle, qu'il existe une fonction générale recursive (f. g. r.) g pour laquelle pv0 = v±g(p : y0 -> 7i)Nous désignons par Mor(y 0 , y±) l'ensemble de tous les morphismes de y0 dans ylm
La classe de tous les ensembles énumérés avec des morphismes définis plus haut forme
la catégorie % catégorie des ensembles énumérés. La catégorie SR possède des sommes
et des produits finis ( + , x). Par N sera désigné l'ensemble énuméré (N, id) où N est
l'objet initial de la catégorie.
1. Ensembles complètement énumérés.
DéFINITION. — Soit y un ensemble énuméré. On appelle sous-objet de y tout couple
(y0, p) où p: y0 -> y est un morphisme univoque.
On appelle e-sous-objet un sous-objet (yQ, p) pour lequel les conditions suivantes se
vérifient :
a) l'ensemble v~ip(S0) est récursivement enumerable;
b) il existe une fonction partielle recursive (f. p. r.) g telle que x e v " V entraîne
que g(x) est définie et pgx = vx.
Remarque. — La notion de e-sous-objet représente une généralisation naturelle de
la notion d'ensemble récursivement enumerable.
L'ensemble y est appelle complet, si pour chaque e-sous-objet (y0, p) de chaque
ensemble énuméré y1 et pour chaque morphisme p0 : y0 -> y il existe un morphisme
Mi • 7i -* 7 tel <l ue I e diagramme
yo •* 7i
y
est commutatif; c'est-à-dire p0 =
ptp.
Cette propriété de l'ensemble énuméré y a une ressemblance avec l'injectivité. Notons
que la catégorie 91 ne possède pas d'objets injectifs non-triviaux.
EXEMPLES. — 1. Si U2 est une fonction de GödeL(de Kleene) universelle partielle
recursive, on peut la considérer comme une certaine enumeration K de la classe Yp
de fonctions partielles récursives à un argument. L'ensemble énuméré K= (Yp, K)
correspondant est complètement énuméré.
2. Soit Pn la classe de tous les sous-ensembles récursivement énumérables de N.
L'application d : Yp -> P„ est définie de la façon suivante : dcp est le domaine de définition de cp, d est une application surjective. L'application n = drc: N -> P„ est une
enumeration (de Post) de la classe Pn. L'ensemble énuméré n = (Pn, n) est complètement énuméré.
Soient y = (S, v) un ensemble énuméré, p : S -> 5 0 une application surjective
quelconque. On appelle ensemble-quotient de y l'ensemble énuméré y0 = (SQ, pv)
(yo = y/j")- Par exemple : n est un ensemble-quotient de K.
Il est évident qu'un ensemble-quotient d'un ensemble complètement énuméré est
aussi complètement énuméré.
LA THÉORIE DES ENUMERATIONS
225
On découvre que tout ensemble complètement énuméré est équivalent à un ensemble-quotient de K.
Notons que II ne possède pas cette propriété.
THéORèME DE COMPLETION. — Tout ensemble énuméré y peut être plongé en tant que
e-sous-objet dans un certain ensemble complètement énuméré.
On peut même démontrer qu'il existe une completion « minimale ». En effet, la
completion se fait fonctoriellement : si $ln est une sous-catégorie complète de 91 ayant
pour objets des ensembles complètement énumérés, on peut formuler alors le théorème
suivant :
THéORèME DE PLONGEMENT. — 77 existe un fondeur Fn\9l -*• 91 n et une application
naturelle n\ Id -• Fn tels que pour chaque ensemble énuméré y, (y, r\) est un e-sousobjet de Vensemble complètement énuméré FJy).
II. Créativité et m-universalité.
Soit A un ensemble quelconque non-vide. On appelle A-suite (des sous-ensembles
de l'ensemble de nombres naturels) l'application A : A -> P(N) de l'ensemble A
dans l'ensemble de tous les sous-ensembles de N. Désignons-la par ,A = {Ak }XeA
où Ax = A(À). A chaque A-suite A s'associe une enumeration vA d'un sous-ensemble
S c P(A), vA(n) = { k | n e Ax }. Nous désignons par  l'ensemble énuméré correspondant. Inversement, pour chaque ensemble énuméré y = (S, v) où S ç P(A), on
peut construire une A-suite {A x }XeA; ainsi Ax = { n | X e v(n)}. Nous désignons cette
A-suite par y.
On a  = A, y = y.
Soient A et B deux A-suites. On dit que A se réduit-m à B(A < mB) s'il existe une
fonction générale recursive / telle que
VxeJV VXeA(xeAx
o
f(x)eBx)
Soient A une A-suite, g une fonction partiellement recursive, alors g~\A)
A-suite
{g-\Ax)}XeA.
est une
Nous appellerons la classe Q des A-suites fermée si (AeQ& (g est une fonction
partielle recursive)) => g~1(A)eQ.
La classe Q s'appelle Y-classe si Q est fermée et contient une suite m-universelle,
c'est-à-dire 3A e Q4B e Q(B < mA).
Soient Q une Y-classe, A une, suite m-universelle dans Q. On appelle enumeration
canonique de Q rénumération v: N -• g qui se définit par vn = K~1(A).
La A-suite A s'appelle coproductive pour une 7-classe Q, s'il existe une fonction
générale recursive h telle que pour chaque x e N
h(x) e (J [ f i (Ax n v(x)x)\ (J (Ax u v(xx))] = f K ^ V v ^ ) )
A O E A AeAo
0Ù
ÀeA\Ao
AeA
A VB = [A n B] u [(N\A) n (N\B)]
et v est une enumeration canonique de Q.
226 -
YU. L. ERSOV
A
THéORèME. — Soient Q une Y-classe, v : N -> Q une enumeration canonique. Pour
chaque A-suite A les propriétés suivantes sont équivalentes:
1. A est m-universelle pour Q, c'est-à-dire VBeQ(B ^ mA).
2. A est coproductive pour Q.
3. Il existe une fonction générale recursive h telle, que pour chaque xeN
VA(WX)) = v>fo(fc(x))
Une suite coproductive pour Q dans Q s'appelle une suite créative.
COROLLAIRE. — Une A-suite AeQ est m-universelle pour Q si et seulement si A est
créative.
Il existe un lien étroit entre les Yclasses et les ensembles complètement énumérables.
Ce lien permet d'établir le fait suivant : deux A-suites créatives quelconques d'une Y-classe
sont récursivement isomorphes.
Considérons séparément le cas de A = N et des classes comportant exclusivement
des suites calculables, c'est-à-dire les suites { A n }neN pour lesquelles l'ensemble
{ ( x , j ; ) | j / e 4 } est récursivement enumerable. La classe Q0 de toutes ces suites
possède une enumeration de Godei (calculable) K. Soit Q œ Q0. On dit que la suite A
est coproductive pour Q par rapport à K s'il existe une fonction partiellement recursive h telle que si K(X) e Q, alors h(x) est définie et
h(x) e n (AnVK(x)n).
Toutes les Y-classes Q ç Q 0 ne possèdent pas nécessairement une suite créative
par rapport à K. Cependant on peut donner la description complète de toutes ces
Y-classes. Pour cela, rappelons la définition d'une classe standard K ç P B d'ensembles
récursivement énumérables (Lachlan [4]) : une classe K ç P „ s'appelle standard, s'il
eyiste une fonction générale recursive h, telle que VxeN.nh(X)eK,
et si nxeK, alors
nh{x) = nx. Si K est une classe d'ensembles récursivement énumérables, alors on désignera par K' la classe de toutes les suites calculables des ensembles appartenant à K,
c'est-à-dire
{An}neNeKf
o {An}neNeQ0
et
VneN(AneK)
THéORèME. — Une classe Q de suites calculables est une Y-classe et elle contient une
suite créative (par rapport à K) si et seulement s'il existe une classe standard K, contenant
un ensemble vide tel que
Q = K' =
{Â\AeK'}
III. Familles calculables de morphismes.
Soient yo et yx des ensembles énumérés quelconques, S ^ Mor (y0, y±) un ensemble
de morphismes de y0 dans yt. L'énumération v : N -* S s'appelle calculable si l'application < x, s0 y -> v(x)(s0) de l'ensemble N x S0 dans St est un morphisme de N x y0
dans y1. Le problème P pour le couple (y0, y±) consiste à trouver une enumeration v0
calculable de l'ensemble Mor (y0, y±) telle que pour chaque autre enumeration calculable v : N -> S ç Mor (y0, yt), le plongement de S dans Mor (y0, y j , soit un morphisme de (S, v) dans (Mor (yQ, yt), v0).
Si le problème P est décidable pour le couple (y0, yj, l'ensemble énuméré
(Mor (y0, yt), v0), où v0 est la numération recherchée, est désigné par Mor (y0, yt).
LA THÉORIE DES ENUMERATIONS
227
THéORèME. — Pour le couple (yQ, y^, le problème P est décidable si et seulement si
le fondeur y <~»Mor (y0 xy,yj de 91 dans S et est représentable ; en cas de décidabilité, l'ensemble énuméré Mor (y0, yA) est justement la solution du problème de représentation de ce fondeur. Les équivalences suivantes ont lieu (en cas de décidabilité
du problème P pour des couples convenables) :
Mor (y0 x y l f y2) « M°r (yo* Mor (yl9 y2))
Mor (y0 + yu y2) « Mor (y0, y2) x Mor (yu y2)
EXEMPLES. — 1, Pour le couple (N, N), le problème P est indécidable.
2. Si 1 est un ensemble énuméré à un seul élément, alors pour chaque y ont lieu les
équivalences suivantes : Mor (y, 1) « 1, Mor (1, y) « y.
L'auteur a trouvé des conditions suffisantes assez larges de décidabilité du problème P dans la classe d'énumérations calculables des ensembles récursivement
énumérables, mais la formulation de ces conditions est trop complexe pour qu'on
puisse la donner ici. Cependant, comme corollaire, nous pouvons indiquer ici l'existence d'une suite d'ensembles énumérés, qui peut être assez naturellement interprétée comme une famille de fonctionnelles partielles calculables de tous les types
finis. Ces ensembles énumérés sont indexés par des types correspondants (0 est un
type, si a et T sont des types, alors (a -+ T) est un type).
F0 = N,.. . , i V n ) = Mor (Fa, Fn(Fz))
A noter que F{0^0) œ K est la classe de toutes les fonctions partiellement récursives
(avec l'énumération de Godei). Les fonctionnelles définies de cette manière possèdent
des propriétés intéressantes (continuité, monotonie, théorèmes de recursion, fermeture par rapport au point minimal fixe, bar-récursions, etc.).
BIBLIOGRAPHIE
[1] Yu. L. ERSOV. — La Théorie des Enumerations, /. N. G. U., 1 (1969), p. 176.
[2] A. I. MALCEV. — Algèbres constructives, Ouspekhi mat. Naouk, 16, No. 3 (1961), pp. 3-60.
[3] A. I. MALCEV. — Ensembles complètement énumérés, Algèbre et Logique, 2, No. 2
(1963), pp. 4-29.
[4] A. H. LACHLAN, Standard classes of recursively enumerable sets, Zeit. Math. Log. Gr.
Math., 10 (1964), pp. 23-42.
Institut des Mathématiques
Section Sibérienne
de l'Académie des Sciences
de l'U. R. S. S.
Novossibirsk 90, U. R. S. S.
Téléchargement