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The handle http://hdl.handle.net/1887/22864 holds various files of this Leiden University
dissertation
Author: Legendre, Marie
Title: Pouvoir et territoire : l'administration islamique en Moyenne-Égypte pré-ṭūlūnide
(642-868)
Issue Date: 2013-12-12
Résumé en français
Cette recherche propose une étude régionale des deux premiers siècles de l’Islam au
cœur de l’Égypte rurale. Elle se concentre sur la Moyenne-Égypte et, plus précisément, sur
deux divisions administratives byzantines au moment de la conquête de l’Égypte par l’armée
de ‘Amr b. al-‘Āṣ, une capitale de province et une de ses dépendances, à savoir
Antinoé/Anṣinā et Hermopolis Magna/Ašmūn/Ašmūnayn. Le territoire dépendant de ce deux
villes couvre une section d’environ 150 km le long de la vallée du Nil dont les limites exactes
sont difficiles à tracer, comme tout espace administratif ou politique de la période prémoderne et seront administrées conjointement à la fin de la période d’étude. Cette dernière
s’étend de la conquête arabe de la vallée du Nil en 642 à la prise de pouvoir des Ṭūlūnides en
868. Elle couvre ainsi l’histoire de l’Égypte sous les califes Rāšidūn (642-659), les
Umayyades (659-750) et les ‘Abbāssides (750-868).
La documentation disponible pour cette période et cette région est formée
principalement par les papyrus arabes, grecs et coptes et par l’archéologie, alors que les
sources littéraires s’intéressent très peu à la région. La première partie de cette recherche est
consacrée à la définition d’une méthode adéquate pour l’utilisation de ces différents types de
sources au sein d’un contexte géographique restreint. Les autres chapitres suivent la
chronologie de l’étude : la conquête et les premières décennies de l’État islamique, la
première période umayyade, de Mu‘āwiya b. Abī Sufyān (661-680) à al-Walīd Ier (705-715),
puis la fin des Umayyades et la période ‘abbāsside.
Nous suivons ainsi, entre les
e
VII
et
IX
e
siècles, les situations de contact entre
conquérants et conquis au niveau local, afin de questionner l’évolution de ces deux catégories
d’acteurs jusqu’à l’arrivée des Ṭūlūnides. Cette méthode permet d’analyser tout d’abord
l’identification et le découpage administratif de la Moyenne-Égypte : sa place dans la
géographie de l’Égypte byzantine et l’évolution de ses divisions administratives et de sa
toponymie entre Byzance et l’Islam. L’une des raisons du choix de cette région est sa
situation dans l’espace byzantin, qui fait d’elle un point de départ idéal pour l’étude de la
gestation de l’espace égyptien de la fin de l’Antiquité dans le nouvel espace politique
islamique. Au moment de la conquête, l’Égypte ne correspond pas à une province mais à
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quatre provinces. La frontière nord de la région est également celle de la province byzantine
de Thébaïde, dont la capitale n’est autre qu’Antinoé. A la suite de la conquête, au voisinage
des années 660, l’image qui se dégage de l’espace égyptien à travers la documentation
papyrologique est extrêmement confuse, mais elle est propre à une période de transition entre
deux modèles territoriaux. Elle indique que ces derniers fonctionnent de concert : d’un coté, le
système byzantin, de l’autre le système islamique. Ce dernier ne fait de l’Égypte qu’une
province : celle de Miṣr, qui se compose de la Haute et Basse-Égypte. Nous examinons ici les
paliers de cette recomposition, qui fait entrer la Moyenne-Égypte dans un nouvel espace
politique et territorial au cours des périodes médinoise, umayyade et ‘abbāsside. Le résultat de
ce phénomène est, à la fin la chronologie considérée, la perte de tout statut administratif
provincial pour Antinoé, qui prend le nom d’Anṣinā, et la naissance d’Ašmūnayn, l’ancienne
Hermopolis, comme capitale de la Moyenne-Égypte islamique.
Le second axe de ce travail de recherche examine les relations entre les pouvoirs
locaux au sein de cette région et le pouvoir central. Dès la période de la conquête, la
documentation papyrologique indique tout l’intérêt que les nouveaux maîtres du pays
développent pour la mise en valeur de la région. Ils exploitent ses ressources dans le but
d’assurer leur subsistance, mais aussi la construction de leur nouvelle capitale : Fusṭāṭ. Ils
supervisent pour un temps l’activité des administrateurs locaux, pour ensuite intégrer leur
activité au sein d’un nouveau système politique.
La redistribution des postes d’autorité dans la région suit, à partir du début de l’époque
umayyade, la nouvelle organisation provinciale et impériale. L’ancienne structure
administrative byzantine prend progressivement l’habit de l’État umayyade puis ‘abbāsside.
Le duc de Thébaïde qui siège dans la région au moment de la conquête étend progressivement
son autorité sur toute la Haute-Égypte, le Ṣa‘īd, ses attributions étant également transférées,
pas à pas, dans l’administration centrale de Fusṭāṭ, au cœur d’une refonte globale du système
byzantin dans un nouveau système administratif islamique. Les ducs de Thébaïde forment le
premier corps administratif local à présenter des signes d’acculturation à l’identité
administrative et politique des nouveaux maîtres du pays, ils sont ainsi les premiers à être
intégrés à ce nouveau système. Nous démontrerons que leurs attributions suivent l’évolution
de la formation de l’État umayyade au niveau local, la redistribution des postes d’autorité au
sein de la province au tournant du
e
VIII
siècle expliquant également leur disparition. Les ducs
de Thébaïde se placent comme des acteurs clés de la formation de l’État islamique au niveau
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local. De plus, l’usage du copte se développe dans leur administration, alors qu’avant le
tournant du VIIIe siècle, on n’y utilisait que le grec.
L’implantation de ce nouveau système administratif se développe ensuite au niveau de
la pagarchie, alors appelée kūra dans les documents arabes. Il est ainsi représenté, au niveau
local, par des administrateurs portant des anthroponymes et un titre arabes : ‘āmil. Le premier
d’entre eux est identifié dans la kūra d’Ašmūn en 714. La fin du
décennies du
e
VIII
e
VII
siècle et les premières
, indiquent que les rapports entre l’État umayyade et ses administrés se
dégradent au rythme des révoltes et des grands mouvements de fugitifs. La formation d’un
corps de l’administration islamique dans la kūra d’Ašmūn au cours du VIIIe siècle indique que
le profil des populations locales change, et ce pas uniquement dans l’administration. L’échelle
d’imposition est également modifiée. Elle se place directement au niveau des individus et
confirme cette diversification des statuts personnels.
La fin de la période ʿabbāside, à laquelle la dernière partie de cette recherche est
consacrée, reste encore connue avec peu de détails et révèle les nombreux problèmes de
sources que pose cette période. Cela est notamment dû à l’absence de dossiers documentaires
ou d’archives qui permettent de nuancer l’image donnée par les sources narratives au rythme
des difficultés de l’Empire. Les papyrus concernant la kūra d’Ašmūn, qui devient
progressivement Ašmūnayn, indiquent une fragmentation des kūras en de plus petites entités.
Ces divisions servaient sûrement à réduire le nombre d’administrés à la charge de chaque
représentant de l’État de la fin des umayyade et des ‘abbāsside, qui maintient son échelle
d’imposition auprès des individus. Les kūras apparaissent dans ce système au sein de
regroupements très variables alliant plusieurs d’entre elles sous l’administration d’un ou deux
‘āmils. C’est dans ce cadre qu’Anṣinā refait surface dans la documentation au
e
IX
siècle. Elle
fait partie de regroupements de kūras aux côtés d’Ašmūn. Les ‘āmils en charge de ces
regroupements se présentent, dans l’analyse de G. Frantz-Murphy, comme les administrateurs
non officiels, issus des nouvelles élites propriétaires terriennes qui se développent dans le
système islamique à partir de la seconde partie du VIIIe siècle. Les administrateurs de la région
d’Ašmūn et d’Anṣinā se présentent même comme des administrateurs semi-officiels qui se
placeraient comme les représentants de l’élite des propriétés foncières, mais aussi ratifiés par
l’administration provinciale.
Au terme de cette étude, il apparaît que la région bénéficie également d’une
représentation nouvelle dans les sources littéraires islamiques. Celles-ci permettent également
de considérer l’arrière pays de la Moyenne-Égypte, ses villes et ses villages, sur la longue
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durée. L’image des administrés, toujours majoritairement chrétienne, est également examinée
dans le dernier chapitre, à partir de la fin de l’époque umayyade quand les signes visibles de
diversité politique et linguistique commencent à s’estomper. En parallèle, la recherche de la
formation d’une communauté musulmane au cœur de la région montre que l’identité
administrative était la forme d’Islam la plus courante à ce niveau jusqu’au moment de
l’arrivée des Ṭūlūnides.
La chronologie de l’histoire de la Moyenne-Égypte des premiers siècles de l’Islam
entretient, au terme de cette étude, des rapports complexes avec celle des empires qui se
succèdent au cours de cette période. La région se présente néanmoins comme un contexte
d’étude idéal des initiatives impériales et provinciales des Umayyades et des ‘Abbāssides. Ce
changement d’échelle éclaire, à bien des niveaux, l’histoire de la formation de l’Islam,
particulièrement en tant que système administratif et culturel, au-delà des grands centres du
Dār al-Islām. Cette recherche entend également promouvoir la recherche archéologique dans
de telles régions, démontrant leur grande valeur et la richesse de leur potentiel pour l’étude
des débuts de l’Islam.
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