GRAND CONCOURS INVENTEZ L’AFRIQUE DE 2025 « L’Afrique est en 2025, un continent de paix, à croissance inclusive et verte, d’intégration régionale et de rayonnement culturel» Par Donald SONOMBITI, Etudiant en Master 2 Planification et Gestion des Projets à l’Ecole Nationale d’Economie Appliquée et de Management (ENEAM) Université d’Abomey-Calavi, Bénin 1 INTRODUCTION : Les changements économiques et géopolitiques survenus à l’échelle mondiale au cours des deux dernières décennies ont modifié le rapport de forces traditionnel du monde et marqué l’émergence de nouvelles puissances issues du Sud (UNECA, 2013). Avec le recul des conflits récurrents, la mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses dans un cadre macro-économique de plus en plus assaini, l’Afrique semble avoir amorcé son décollage. En effet, 5% de taux de croissance moyen sur 10 ans conforte la thèse que le continent est sur un sentier de développement sûr et vertueux. Mais la crise de l’emploi en relation avec la démographie, les défis environnementaux, la rapide urbanisation et la nécessaire préservation de l’identité culturelle posent des problématiques qui s’invitent dans tous les agendas scientifiques et politiques. Entre la perspective du statu quo, du chaos, d’un développement sur le modèle asiatique ou d’une réelle entrée de l’Afrique dans le concert des nations, grâce à l’établissement d’une véritable gouvernance mondiale, que choisiront les Africains ? Du coup, « prospecter sur l’avenir de l’Afrique n’est pas un luxe réservé à quelques intellectuels. C’est une exigence pour réduire les incertitudes » (SALL, A. 2004). Ainsi, l’exploration des futurs possibles du continent africain, en assumant la fonction de réduction des incertitudes face à l’avenir porte les matériaux de priorisation ou de légitimation des trajectoires de développement du continent dans un environnement international et mondial en profondes mutations. Cette étude devrait permettre, en outre, de repérer les risques, de hiérarchiser les priorités et d’anticiper sur les réponses à apporter ainsi que sur les dispositifs à mettre en œuvre. Quel avenir du développement de l’Afrique de 2025 ? En quoi l’Afrique de 2025 serat-elle différente de 2014 ? 2 Encadré 1 : Les Scénarii Afrique 2025 de FUTURS AFRICAINS Afrique 2025 est une réflexion collective menée par Futurs africains, un projet du Programme des Nations unies pour le développement. Les lions pris au piège Dans le premier scénario, la logique relationnelle actuelle reste dominante, et les pouvoirs politiques n’arrivent pas à créer un cadre favorable au développement. Les lions faméliques Au lieu de se résigner à la stagnation de l’économie, l’Afrique sombre dans la violence et les soupapes de sécurité traditionnelles ne fonctionnent plus. Les lions sortent de leur tanière La logique relationnelle recule mais ne disparaît pas totalement : elle reste importante dans la sphère privée, alors qu’elle régresse dans la sphère publique. Les lions marquent leur territoire La dichotomie entre logique relationnelle et logique économique cède la place à un équilibre harmonieux, et les pouvoirs politiques se montrent capables de s’allier non seulement avec les entrepreneurs, mais aussi avec les pouvoirs symboliques que constituent notamment les créateurs culturels et les autorités religieuses et traditionnelles. 1. LES DEFIS ACTUELS ET ASPIRATIONS POUR LE DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE 1.1 L’Afrique, prochaine frontière des possibilités et pôle mondial potentiel de croissance : Depuis 10 ans, l’Afrique connaît une stabilité accrue, des politiques macroéconomiques saines, l’amélioration des termes de l’échange et de fructueux partenariats avec les économies émergentes. L’Afrique se classe actuellement au deuxième rang des continents enregistrant le rythme de croissance le plus rapide, confirmant ainsi sa capacité à mieux résister aux chocs externes et à générer une croissance endogène. L’activité s’est particulièrement accélérée en 2012 avec une hausse du PIB de 6,6% après 3,5% en 2011. En 2014, le taux de croissance en Afrique subsaharienne atteindra 5,3% contre 4,7% l’année dernière (Source : Banque 3 mondiale). « Six des 10 économies à croissance la plus rapide au monde sont africaines, et le continent enregistre un taux de croissance de 5 % en moyenne par an depuis plus d’une décennie, en dépit de la crise financière et économique mondiale.» Nkosazana Dlamini Zuma, 2013. 1.2 … mais cette performance économique est atténuée par une crise de l’emploi et une inégalité croissante dans les régions où les fruits de la croissance ne sont pas équitablement partagés. Le paradoxe de ces dernières années de croissance économique impressionnante en Afrique est qu’elle a été accompagnée de peu de créations d’emplois et cette tendance devrait se poursuivre. Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), 82% des travailleurs africains sont pauvres parce qu’ils sont coincés dans le secteur informel de l’auto-emploi et n’ont pas de bons emplois salariés rémunérés. Environ 12 millions de jeunes entrent dans la population active chaque année en Afrique et seulement un cinquième accèdent à un emploi. Au fil du temps, de nombreux pays africains seront sur le point de se diriger vers une fenêtre d’opportunité pour un dividende, mais leurs marchés du travail et des capitaux doivent également être prêts pour ce changement de la structure par âge de la population. Un échec quant à l’absorption de l’importante population en âge actif dans des secteurs productifs et formels pourrait avoir un effet inverse sur les économies africaines, conduisant inévitablement à la contraction des marchés et à une croissance stagnante. 1.3 …car il s’agit d’une croissance intensive en capital reposant sur les exportations de matières premières ou des ressources naturelles… L’Afrique regorge de ressources humaines et naturelles considérables qui peuvent être mises à profit pour promouvoir l’industrialisation et la transformation économique structurelle par des stratégies de création de valeur ajoutée dans tous les secteurs (agriculture, industrie et services), bien que tous les pays africains ne soient pas riches en ressources naturelles. Outre une population croissante, à 4 prédominance jeune et urbaine, le continent possède nombre de ressources naturelles, dont de vastes terres et des sols fertiles, le pétrole et des ressources minérales. L’Afrique possède environ 12 % des réserves mondiales de pétrole, 42 % des réserves d’or, entre 80 et 90 % des réserves de métaux du groupe du chrome et du platine, 60 % des terres arables et de vastes ressources en bois. 1.4 … d’autant que le continent connaît une insuffisance considérable en matière d’infrastructures. L’insuffisance des infrastructures d’eau et d’assainissement coûte à l’Afrique l’équivalent de 5 % du PIB. Les coûts élevés du transport ajoutent 75 % au prix des marchandises africaines et près de 30 pays ont des pannes d’électricité chroniques. Le manque d'accès et la sécurité énergétiques entrave le développement. On estime que 585 millions de personnes en Afrique sub-saharienne (ASS), ou les trois quarts de la population du continent, n'ont pas accès à l'électricité. Près de 85% de ces personnes vivent dans les zones rurales, où la dépendance à la biomasse pour la cuisson et l'éclairage présente un risque significatif pour l'environnement et la santé. Par ailleurs, la corvée de l’eau utilise une part disproportionnée du temps productif et de loisirs des femmes et des enfants. En outre, 30 pays ont des pénuries d'électricité régulières et bien d'autres font face à des pannes de courant avec une fréquence variable alors que l’Afrique représente 15% du potentiel hydro-électrique mondial, dont moins de 10 pour cent est actuellement exploité. L’insuffisance des infrastructures de transport limite les perspectives de développement. Le manque d'infrastructures de transport impose des coûts élevés sur les industries, réduit leur compétitivité et limite l'accès aux marchés locaux et internationaux. Une grande partie des infrastructures de transport de l'Afrique ne permet pas de répondre aux demandes actuelles et futures. 2. QUELLE AFRIQUE EN 2025 Notre vision du continent africain s’énonce comme suit : « L’Afrique est en 2025, un continent de paix, à croissance inclusive et verte, d’intégration régionale et de rayonnement culturel». 5 2.1 Un continent à croissance inclusive Le modèle de développement à l’horizon 2025 permettra l’inclusion économique, l’inclusion sociale, l’inclusion spatiale et l’inclusion politique. L’Afrique de 2025 met l’accent sur l’accès élargi aux opportunités économiques pour les Africains indépendamment des différences âge, de sexe et de situation géographique. La croissance africaine aidera les pays à éliminer les obstacles qui limitent la participation des femmes et des jeunes à l’économie et aidera les États fragiles à mobiliser les ressources financières et à acquérir les connaissances nécessaires pour mettre en place des institutions dotées des capacités requises. 2.2 Un continent à croissance verte D’ici 2025, la croissance africaine mènera une transition visant à créer des emplois et non pas à les limiter. Elle peut aussi atténuer la pression sur les ressources naturelles grâce à la gestion des risques environnementaux et sociaux et économiques. Il s’agit donc de maintenir le capital naturel, non pas simplement gérer l’utilisation de l’eau, du gaz, du pétrole et du charbon. Mais la croissance verte ne sera réalisée sur le continent qu’à travers une transition progressive, adaptée aux circonstances nationales, appuyant les stratégies nationales de développement et fournissant des options de politique sans devenir un obstacle à l’investissement. 2.3 Un continent d’intégration régionale Le continent africain a établi en 2025 des liens entre les marchés régionaux et renforcé les capacités pour une mise en œuvre efficace du programme d'intégration régionale. Ainsi, les infrastructures régionales de transport notamment les tronçons manquants des réseaux routiers transcôtiers et transsahéliens sont réalisés, les corridors routiers prioritaires sont réhabilités ; le transport ferroviaire et la navigation fluviale sont facilités. Les mesures de facilitation du transport et du commerce sont prises de même que la production régionale d’énergie et l'intégration des marchés sont des réalités. Ainsi, l’Afrique participe mieux à l’économie 6 mondiale et profite des avantages d’un marché mondial de plus en plus interconnecté. 2.4 Un continent de rayonnement culturel L’Afrique en 2025 témoigne de l’influence de sa culture au-delà de ses frontières géographiques. La culture est placée au cœur du développement comme un investissement capitale dans l’avenir des africains. Ceci appelle : - la sauvegarde et la promotion des valeurs identitaires ; - la promotion des langues comme vecteur de transmission des savoirs et savoir-faire - l’implication de la femme dans la création artistique et culturelle ; - la valorisation de la pharmacopée ; - l’appui à la convergence et au rayonnement des cultures nationales. 3 BATIR L’AFRIQUE DE CROISSANCE INCLUSIVE ET VERTE, D’INTEGRATION ECONOMIQUE ET DE RAYONNEMENT CULTUREL A L’HORIZON 2025. 3.1 Mesures pour une croissance inclusive Tirer le plus grand profit des produits de base africains: l’industrialisation au service de la croissance, de l’emploi et de la transformation économique. - Adopter et mettre en œuvre une politique industrielle cohérente - Créer des mécanismes institutionnels inclusifs et transparents appropriés de politique industrielle - Élaborer une politique bien axée sur la teneur en produits locaux • Élargissement des opportunités économiques pour les femmes. Cet élargissement est important en soi et en tant qu’inducteur de compétitivité, car les économies qui exploitent l’énergie et les talents des femmes réussiront mieux que celles qui ne le font pas. • Élargissement des opportunités économiques pour les jeunes. Une grande majorité des jeunes en Afrique sont sans emploi. Ils représentent jusqu’à 60 % du chômage de la région6. Même lorsqu’ils travaillent, la plupart des jeunes occupent des emplois à 7 faible productivité et de qualité médiocre, essentiellement dans l’économie informelle. • Élargissement des opportunités économiques pour les États fragiles. Les États fragiles d’Afrique, avec une population de plus de 200 millions d’habitants, sont en proie à un ensemble de défis ardus : jusqu’à 80 % de cette population vit de l’agriculture de subsistance et plus de 50 % a un revenu inférieur à 1,25 dollar EU par jour. L’insuffisance des infrastructures diminuerait leur productivité de 40 %. • Accompagner les pays dans la mise en place des programmes de protection sociale : Les programmes de protection sociale sont inextricablement liés à l’inclusion et à la réduction de la pauvreté des groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés. Ils atténuent les chocs économiques et sociaux, contribuant ainsi à intégrer les exclus et les vulnérables aux processus permettant de bénéficier des avantages des opportunités économiques élargies. 3.2 Mesures pour une croissance verte, gage de développement durable La croissance verte en Afrique en 2025 signifierait la promotion et l’optimisation des opportunités offertes par la croissance économique, par le biais des mesures suivantes : • Créer un environnement favorable à la croissance verte. Un cadre réglementaire et politique adéquat doit être mis en place. Les réglementations et normes mis en place par les gouvernements vont devoir fournir le cadre politique général pour encourager une transition vers une économie verte. Un environnement politique clair, prévisible et stable peut permettre de créer la confiance nécessaire pour stimuler l'investissement privé. • Renforcement de la résilience. Les populations et les économies africaines doivent devenir plus résilientes face aux chocs, qu’ils soient déclenchés par des événements environnementaux ou socioéconomiques. • Gestion efficace et durable des ressources naturelles. L’Afrique peut utiliser ses abondantes richesses en eau, forêts et minerais pour promouvoir la croissance tout en 8 préservant sa biodiversité et ses écosystèmes. L’innovation dans les technologies vertes offre de nouvelles possibilités de croissance et d’emplois productifs. • Promotion des infrastructures durables. L’Afrique aurait des systèmes de transport compatibles avec les préoccupations environnementales. Elle doit aussi mettre en place des infrastructures intégrées de l’eau pour appuyer l’agriculture, l’énergie, le transport et l’industrie et pour promouvoir la santé et l’hygiène. Et face à l’urbanisation croissante, elle peut réduire la pollution, améliorer la prestation de services de base et bâtir des villes durables pour limiter les risques de catastrophe. Elle peut aussi déployer davantage d’efforts pour améliorer sa sécurité hydrique et énergétique en exploitant l’énergie éolienne, solaire et hydraulique. 3.3 Mesures pour le rayonnement culturel - Collecte et la valorisation de la tradition orale, des chansons et pratiques culturelles communautaires par la recherche et la radiodiffusion, - Promotion des expressions artistiques traditionnelles - Promotion de la parenté à plaisanterie comme pratique de régulation sociale ; - Prise en compte des valeurs endogènes dans l’éducation; - Réalisation d’opérations de sauvegarde de la mémoire collective à travers les gentilés, les logos identitaires, les toponymes ; - intégration de la culture à la chaîne de production CONCLUSION Dans une approche prospectiviste, il est possible d’exploser les avenirs possibles du continent africain. Son évolution actuelle donne autant de raisons d’optimisme que de pessimisme quant à son développement. Au regard des aspirations communément partagées des africains, nous venons de développer la vision d’une Afrique à croissance inclusive, verte, d’intégration régionale et de rayonnement culturel. 9 Bibliographie : • La création d’emplois: un défi pour un dividende démographique, Commission économique pour l’Afrique (CEA) des Nations unies, Commission de l’Union africaine (CUA), 2013 • Afrique 2025 quels futurs possibles pour l’Afrique au sud du Sahara ?, Futurs Africains, 2004 • Tirer le plus grand profit des produits de base africains: l’industrialisation au service de la croissance, de l’emploi et de la transformation économique, Rapport économique sur l'Afrique, Commission économique pour l’Afrique 2013 • Perspectives économiques régionales Afrique Subsaharienne : maintenir le rythme, 2013 • Notes d’information pour la stratégie à long terme de la BAD, CROISSANCE VERTE : PERSPECTIVES POUR L’AFRIQUE ET LA BAD AU 21EME SIECLE, 2012, Banque Africaine de Développement • L’AVENIR DE L’ENVIRONNEMENT EN AFRIQUE, 2006, Programme des Nations Unies pour l’environnement • Au centre de la transformation de l’Afrique : Stratégie pour la période 2013-2022, Groupe de la Banque africaine de développement • Benoit-Cattin, M. L’Afrique : quelles stratégies de sécurité alimentaire ? Enjeux et prospective 10