Repères économiques Vue d’ensemble pour les investisseurs NUMÉRO 14 • mars 2012 POINTS SAILLANTS › Selon l’opinion traditionnelle, cette ère de croissance économique stagnante devrait se traduire par des rendements boursiers plus faibles, mais les résultats des recherches à ce sujet sont étonnamment mitigés. Eric Lascelles Économiste en chef RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. › Nous avons élaboré cinq modèles pour tester la théorie. Ils ont confirmé l’existence d’une faible corrélation positive entre l’économie et les actions. › La diminution de 1 % par année du taux de croissance économique concorde avec une baisse de 0,5 % par année du rendement boursier. SIGNIFICATION D’UNE ÉCONOMIE STAGNANTE POUR LES ACTIONS Dans cet article, nous examinons ces allégations de façon plus détaillée. Notre démarche s’est avérée tortueuse. Bien qu’il soit logique qu’il y ait un lien entre une croissance économique plus lente et des rendements du marché plus faibles, les résultats des recherches à ce sujet sont étonnamment mitigés. Pour tenter de mettre fin à l’impasse, nous avons pris les choses en main et avons élaboré cinq modèles pour tester la théorie. Ainsi, nous avons réussi à découvrir une corrélation positive de force variable entre la croissance économique et les marchés boursiers (figure 1). La corrélation est à son plus bas degré lorsque les taux de croissance moyens à long terme des pays sont comparés entre eux, et à son plus haut degré lorsque les variations des attentes économiques sont testées au fil du temps. Cela ne signifie pas que le taux de croissance économique exerce la plus forte influence sur les rendements du marché. Ce n’est pas le cas. Seulement un tiers du mouvement des marchés boursiers est directement attribuable à la croissance du PIB. Bien d’autres facteurs pourraient agir dans le futur, allant d’un léger obstacle démographique à une foule d’influences compensatoires, comme une sous-évaluation persistante sur le marché boursier, la portée de la dissipation de l’aversion pour le risque au fil du temps, et même l’amélioration de la gouvernance et la diminution de la corruption dans les pays en Figure 1 : Corrélation internationale positive entre le PIB et les marchés boursiers Croissance moyenne annuelle du PIB (2000-2011) Dans le dernier numéro de Repères économiques, « Portrait d’une économie en recul », nous avions soutenu que la croissance économique future pourrait s’avérer plus lente que d’habitude. Parmi les sombres répercussions citées dans le rapport figurait la possibilité d’une ombre planant sur le rendement des placements. 8 7 6 5 4 3 2 1 0 -15 -5 5 15 Croissance moyenne annuelle des actions (2000-2011) 25 Nota : Chaque point représente un des vingt-huit pays examinés. Sources : RBC GMA, Haver Analytics développement. Comme toujours, les prévisions relatives aux marchés boursiers découlent d’un exercice qui repose sur des probabilités, et non des faits absolus. L’opinion traditionnelle L’opinion traditionnelle nous dit qu’il devrait y avoir une corrélation entre la croissance économique et les rendements du marché. Les marchés boursiers devraient prendre de la vigueur lors des périodes de forte croissance économique, et ce, pour trois raisons. D’abord, il n’est pas vraiment osé d’alléguer que les sociétés devraient préférer les économies en pleine amélioration à celles en pleine détérioration : la confiance du monde des affaires RBC Gestion mondiale d’actifs Finalement, dans un autre ordre d’idées, il est bien établi qu’un marché boursier plus vigoureux engendre une économie plus robuste, en vertu d’un effet de richesse qui pousse les investisseurs nouvellement enrichis et enhardis à investir une petite fraction de leurs gains (généralement, quelque chose comme cinq cents par dollar) dans l’économie. Bref, peu importe la causalité ainsi que la méthode des corrélations ou des décalages employée, on pourrait logiquement s’attendre à ce que les marchés boursiers et l’économie soient liés, bien que de façon non structurée. Pendant longtemps, les analyses scientifiques semblaient confirmer cette relation positive2. Contrepoint Dernièrement, la combinaison du bon sens et de la théorie a cependant été attaquée par des arguments contraires. De plus en plus d’études soutiennent que les rendements des marchés boursiers ont, après tout, peu de liens avec la croissance économique sous-jacente ; il pourrait même y avoir une association légèrement négative3. Cette conclusion est inattendue et un peu déconcertante pour un économiste. Deux conclusions particulièrement étonnantes sont citées par cette école de pensée. Tout d’abord, les économies des marchés émergents dont la croissance est la plus lente ont tendance à profiter de rendements boursiers sensiblement supérieurs par rapport à celles qui croissent le plus rapidement. 1 Cette équation omet quelques détails, mais elle est essentiellement exacte. « Stock Returns and Real Activity: A Century of Evidence », G. William Schwert (1990) et « Stock Returns, Expected Returns and Real Activity », Eugene Fama (1990). 2 « Economic Growth and Equity Returns », Jay R. Ritter (2004) et « Economic Growth and Global Investment Returns », Elroy Dimson, Paul Marsh et Mike Staunton (2005). 3 2 | Repères économiques 5% 4% Taux de défaillance des sociétés (g.) Croissance du PIB, inversion (dr.) Les défaillances des sociétés atteignent un sommet lors de replis -6 -4 -2 3% 0 2% 2 4 1% 6 8 0% 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 Croissance annuelle du PIB réel aux É.-U. (en %) (inversion) Ensuite, les bénéfices des sociétés sont une composante directe du PIB. La somme des salaires et des bénéfices des sociétés correspond au PIB d’une économie1. Il s’agit d’une équation comptable qui ne laisse apparemment qu’un pas à faire entre les bénéfices et le rendement de l’ensemble du marché. Figure 2 : Lien entre les taux de défaillance des sociétés et l’économie Taux de défaillance des sociétés américaines grimpe, les ventes augmentent, le pouvoir de fixation des prix s’accroît et, par extension, les sociétés profitent d’une hausse des bénéfices et des cours boursiers. Par contre, lors de replis économiques, les sociétés reculent souvent, souffrent d’une chute de leurs bénéfices et une fraction disproportionnée d’entre elles sont incapables de rembourser leurs prêts ou font faillite (figure 2). Les guerres, les crises politiques et les catastrophes naturelles détruisent l’économie d’un pays et les marchés financiers dans la même mesure. Sources : Haver Analytics, S&P, RBC GMA Aussi paradoxalement, les marchés développés ont tendance à surclasser les marchés émergents, en dépit d’une croissance économique plus faible. Au cours des vingt dernières années, l’économie de la Chine a progressé à un taux annuel de 8 % supérieur à celui des États-Unis, alors que les investisseurs ont vu son marché boursier dégager un rendement annuel inférieur de 8 %. En outre, le marché chinois a aussi été plus volatil au cours de cette période. En termes simples, les actions des marchés émergents ont pu procurer une judicieuse diversification aux investisseurs, mais n’ont pas toujours livré des rendements supérieurs. Qu’est-ce qui pourrait bien expliquer ces conclusions, à savoir que les pays en plein essor ne génèrent pas nécessairement des rendements d’investissement plus élevés ? Voici trois justifications populaires. 1) Les maillons faibles de la chaîne Le principal lien entre l’économie et le marché boursier passe par les bénéfices. Toutefois, il y a bon nombre de maillons dans la chaîne et plusieurs forces extérieures à l’œuvre, ce qui augmente le risque qu’un vilain maillon faible puisse affaiblir ou même rompre la relation (figure 3). 2) Obstacle persistant Ces maillons faibles de la chaîne pourraient expliquer pourquoi la corrélation entre l’économie et les marchés boursiers est si souvent floue. Or, certains ont carrément observé des rendements plus faibles dans les marchés émergents à croissance rapide et des rendements plus élevés dans les marchés développés à croissance lente, et non pas seulement des rendements flous. Comment peut-on l’expliquer ? RBC Gestion mondiale d’actifs Figure 3 : Corrélation PIB-bénéfices secteur des soins de santé. Par ailleurs, plusieurs structures commerciales sont omises, telles les sociétés fermées, les sociétés de personnes et les entreprises individuelles. Plus important encore, le marché boursier ignore tout à fait les nouvelles et les petites entreprises. Elles connaissent une croissance des bénéfices des plus rapides ; leur exclusion peut déformer la croissance des bénéfices liés aux marchés boursiers et la rendre plus faible. PIB Profits des sociétés Les profits des sociétés ne constituent que 13 % du PIB des États-Unis. Les mouvements dans le 87 % restant pourraient bien être dominants, masquant ainsi l’influence du secteur des sociétés. Les changements apportés aux impôts et à la réglementation commerciale – qu’ils soient fortuits ou aient pour but une redistribution des revenus dans toute l’économie – peuvent aussi influer sur le rendement des entreprises par rapport au reste de l’économie. Des taux d’imposition plus élevés pourraient faire pencher la balance du côté des travailleurs ; des barrières additionnelles à l’entrée engendreraient des marges de profit plus substantielles et un monopole du pouvoir d’établissement des prix parmi les sociétés existantes. Le contraire est aussi vrai dans les deux cas. Finalement, environ 45 % des profits des composantes du S&P 500 sont d’origine étrangère et, par conséquent, se fondent sur des données économiques fondamentales étrangères. Dans la mesure où cette demande provient de pays en développement en pleine croissance rapide, il en résulte un gonflement de la croissance des profits dans le monde développé. De toute évidence, les bénéfices liés aux marchés boursiers peuvent, du moins en théorie, diverger des profits des sociétés en raison de ces facteurs. Il est concevable que lorsque l’investissement dans la machinerie et l’équipement excède le taux de croissance du capital humain, les profits des sociétés puissent occuper une plus grande part de l’économie, défiant ainsi l’ancienne tendance de retour à la moyenne par rapport aux salaires. Toutefois, les avantages de l’innovation technologique reviennent généralement aux consommateurs et non aux sociétés qui les génèrent. L’incidence nette est difficile à évaluer, mais le potentiel de divergence entre l’économie et les profits des sociétés existe bel et bien. Bénéfices liés aux marchés boursiers Bénéfice par action Profits des sociétés Bénéfices liés aux marchés boursiers La corrélation entre les profits des sociétés et les bénéfices liés aux marchés boursiers est aussi imparfaite. Seule une infime partie des sociétés sont inscrites en bourse. Une portion encore plus petite d’entre elles font partie du populaire indice S&P 500 des États-Unis. Heureusement, ces sociétés sont souvent les plus grandes du pays et elles s’approprient ainsi une part importante des profits à l’échelle nationale. Néanmoins, plus de la moitié des profits des sociétés américaines ne se reflètent pas dans le S&P 500. Les secteurs contenus dans un panier de marchés boursiers forment un groupe de sociétés non représentatif. Des secteurs entiers sont exclus ou sous-représentés, comme le droit, l’éducation et la majeure partie du Les investisseurs sont soucieux des bénéfices associés aux actions qu’ils détiennent, non pas par l’ensemble des profits d’une société. L’augmentation des profits par suite d’une nouvelle injection de capitaux externes n’apporte rien aux actionnaires actuels (cela peut même réduire leurs rendements si les nouveaux capitaux ne sont pas mis à profit aussi efficacement que les fonds déjà en place). Ce fut longtemps la calamité des investisseurs en titres des marchés émergents : une croissance économique rapide essentiellement attribuable à un afflux de capitaux, contrairement à des gains naturels qui procurent d’importants rendements aux investisseurs. Lorsque la croissance des bénéfices ne correspond plus à la croissance des bénéfices par action, il en résulte une autre dissociation entre l’économie et les marchés boursiers. Bénéfice par action Marchés boursiers Le bénéfice par action (BPA) ne se reflète pas directement dans les marchés boursiers, étant donné la possibilité que les ratios cours/ bénéfice brouillent les résultats. En fait, ces ratios font parfois contrepoids au BPA – en hausse lorsque le BPA est faible, en baisse lorsque le BPA est élevé. PLUSIEURS POSSIBILITÉS DE MAILLONS FAIBLES DANS LA CHAÎNE Modifications des taux d’imposition/ de la réglementation gouvernementale Bénéfices des sociétés PIB Salaires Incidence de l’approfondissement du capital/nouvelles technologies Économies extractives Bénéfices étrangers Dilution attribuable au nouveau capital Variations du ratio C/B Bénéfices liés aux marchés boursiers Bénéfice par action Marché boursier Sociétés à petite capitalisation/petites entreprises/sociétés fermées/nouvelles sociétés Repères économiques | 3 RBC Gestion mondiale d’actifs D’une part, on pourrait l’expliquer par le fait que les sociétés vendent leurs marchandises à l’échelle internationale, permettant ainsi un degré de convergence dans la croissance des profits, peu importe la santé de l’économie de leur pays. D’autre part, cela peut être dû au fait qu’une importante croissance économique découle souvent d’afflux de capitaux énormes qui diluent les rendements des investisseurs. 3) Comportement des investisseurs Les investisseurs contribuent aussi à la faible corrélation entre les données économiques fondamentales et le rendement du marché. Tout le monde se tourne vers les mêmes économies à croissance rapide pour profiter de rendements supérieurs. C’est cela même qui entraîne une hausse des valorisations et la perte de l’avantage au fil du temps. À l’extrême, les investisseurs peuvent exagérer, d’où une surévaluation des marchés à croissance rapide, suivie de rendements inférieurs5. Chercher un terrain d’entente De toute évidence, il existe des théories raisonnablement cohérentes qui expliquent pourquoi les marchés boursiers et l’économie ne fonctionnent pas en parfaite synchronisation. Toutefois, nous éprouvons encore un certain malaise face à la notion selon laquelle ils sont complètement indépendants l’un de l’autre. Il est particulièrement difficile d’entériner la conclusion apparente que les économies faibles offrent des 200 Indice (moyenne=0) Peut-être plus important encore, les économies les plus performantes sont souvent l’apanage de pays en développement à économie extractive. Autrement dit, en raison d’une combinaison de facteurs (corruption, droits de propriété mal définis, système judiciaire inadéquat, gouvernance d’entreprise sous-développée et institutions publiques généralement faibles), certaines personnes – principalement des dirigeants et des membres de gouvernements – ont pu extraire une large portion des profits qui aurait pu être versée aux actionnaires. De récentes expériences en Russie et en Chine l’illustrent bien.4 La main-d’œuvre accapare aussi une part de la croissance en hausse, puisque les travailleurs des pays en développement commencent à demander des salaires correspondant à leur valeur. Figure 4 : Les principaux maillons de la chaîne ont tenu le coup au fil du temps Ces situations découlent du risque d’une correction subséquente des cours et aussi d’un ratio C/B élevé qui se traduit par de plus faibles ratios bénéfices/cours pour les nouveaux investisseurs. 5 4 | Repères économiques 0 -100 Ratio PIB/profits des sociétés Ratio profits des sociétés/bénéfice par action Ratio bénéfice par action/indice S&P 500 -200 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Nota : Le but est de démontrer que chaque maillon de la chaîne est relativement stable à long terme et ne traduit pas de dérive persistante. Sources : RBC GMA, Haver Analytics rendements similaires (et même meilleurs) que les économies fortes. Est-ce à dire que notre stratégie de placement devrait être axée sur les économies les plus dysfonctionnelles de la planète, soit la prochaine Grèce ou le prochain Portugal ? Le marché boursier grec a perdu près de 90 % de sa valeur depuis le début de 2008. Un investisseur aurait donc été particulièrement malavisé d’y faire un placement au début de la déchéance économique du pays. Une analyse approfondie est requise pour y voir clair. Les maillons faibles en perspective Bien que l’existence de maillons faibles dans la chaîne – du PIB aux marchés boursiers – soit certainement possible, un regard objectif révèle que la chaîne a sensiblement bien tenu au fil du temps (figure 4). Les tests économétriques confirment cette qualité de retour à la moyenne6. Même si ces corrélations ne sont pas parfaitement stables, le problème n’est pas majeur. Une variable peut systématiquement croître plus rapidement qu’une autre. Or, elles peuvent tout de même aller dans la même direction. Réduction des obstacles Il est vrai que le rendement des marchés émergents en particulier a nettement été inférieur si l’on tient compte de leurs Les tests économétriques officiels évaluent à 88 % la possibilité que la croissance des profits des sociétés se soit historiquement rapprochée de la croissance du PIB à long terme, signifiant ainsi qu’il s’agit d’une série de retour à la moyenne. Pour la corrélation entre les profits des sociétés et le bénéfice par action, il existe une probabilité de 99,9 % d’une relation stable. Pour la corrélation entre le bénéfice par action et les marchés boursiers mêmes, encore une fois, il existe une probabilité de 99,9 % d’une relation stable. 6 La classe moyenne étant trop petite, les secteurs de la finance et des ressources s’approprient une trop large part des marchés boursiers de ces pays. Ces secteurs sont particulièrement susceptibles d’être contrôlés par l’État. 4 100 RBC Gestion mondiale d’actifs gains économiques impressionnants. Comme nous l’avons vu, cela s’explique en partie par le fait que dans les économies extractives, une trop large part des gains sont accaparés par les dirigeants et les gouvernements, plutôt que de revenir aux investisseurs. Parallèlement à l’implantation de la démocratie, de l’État de droit, d’une bonne gouvernance d’entreprise, d’institutions renforcées et d’autres éléments importants d’un modèle capitaliste prospère, les bénéfices devraient suivre de plus en plus la croissance économique et se refléter dans le portefeuille des investisseurs. Il est réjouissant de constater que nous pouvons empiriquement démontrer que les assises sont établies pour cette progression. Les statistiques de la Banque mondiale montrent que 89 % des économies mondiales sont devenues plus favorables aux entreprises au cours des six dernières années et que les principaux pays émergents ont réalisé le plus de progrès à cet égard. Nous estimons que les conditions d’affaires générales et les conditions propres aux investisseurs se sont améliorées pour chacun des grands marchés émergents au cours de cette période (figure 5). Figure 5 : Les conditions d’affaires s’améliorent dans tous les principaux marchés émergents Turquie Favorable aux investisseurs Afrique du Sud Favorable aux affaires Russie Mexique Indonésie Inde Chine Brésil 0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 Amélioration de la portion des sous-composantes au cours des six dernières années Nota : La condition « favorable aux investisseurs » combine douze mesures relatives à la protection des investisseurs, au règlement des cas d’insolvabilité, à la solidité des contrats, aux taux d’imposition et aux droits juridiques entourant le crédit. Sources : Banque mondiale, RBC GMA Figure 6 : Le modèle transnational démontre une corr. pos. modeste entre le PIB-actions,, peu importe la période 1,0 Corrélation PIB-actions Perfectionnement de la méthodologie Nous mettons également en doute la méthodologie employée dans quelques-unes des études qui n’ont pas trouvé de lien entre la croissance et les rendements des marchés boursiers. D’abord, les études examinent la croissance du PIB par personne, contrairement à la croissance du PIB dans son ensemble. La motivation de ce choix est ambiguë, puisque le seul souci des investisseurs est le profit, peu importe s’il découle d’actions d’une ou de plusieurs personnes. Si l’on adhère à ce point de vue, quatre des cinq pays développés présentant les rendements boursiers les plus élevés ont aussi connu la plus rapide croissance de leur population dans l’échantillon. La prise en considération de la croissance réelle du PIB semble vraisemblablement plus pertinente. Du point de vue d’un investisseur d’un pays développé, un autre facteur minimise le rendement des marchés émergents. La plupart des études se concentrent sur le rendement boursier ajusté en fonction du taux d’inflation. Or, les investisseurs des pays développés ne sont pas du tout touchés par le taux d’inflation des pays en développement. Ils ne se préoccupent que de leur propre taux d’inflation et c’est tout. L’inflation est généralement plus faible dans les pays développés que dans les pays en développement. Cela signifie que les rendements 0,8 0,64 0,6 0,4 0,2 0,16 0,04 0,09 0,0 1961-2011 (6 pays) 1980-2011 (9 pays) 1990-2011 (14 pays) 2000-2011 (27 pays) Nota : Corrélation transnationale entre la croissance moyenne du PIB et le rendement des marchés boursiers. Sources : RBC GMA, OCDE, Haver Analytics boursiers des pays émergents sont minimisés, du moins aux yeux des investisseurs des pays développés7. En apportant des rajustements en fonction de ces deux incidences8, nous découvrons ce qui semble être une corrélation positive entre la croissance transnationale du PIB réel et la Certains avantages peuvent être réduits par une dépréciation compensatoire du taux de change – bien qu’il existe certains produits de placement assurant une couverture à cet égard – et les devises des marchés émergents se comportent généralement assez bien depuis dix ans, malgré un taux d’inflation plus élevé. 7 Hélas, l’étendue de nos données économiques est limitée comparativement à celles d’études plus importantes ; une parfaite comparaison ne peut donc être établie. Nous avons examiné 28 pays, majoritairement développés, mais aussi certains pays en développement. Les données historiques varient – certaines remontent jusqu’en 1960 – mais certains pays n’ont commencé à faire la collecte de leurs données qu’au cours de la dernière décennie. Dans la mesure du possible, nous avons apporté les corrections nécessaires pour faire abstraction de ces distorsions. 8 Repères économiques | 5 RBC Gestion mondiale d’actifs Une analyse longitudinale, et non seulement transversale La plupart des études doutant de la corrélation entre les actions et le PIB abordent le sujet sous un angle très précis et, par conséquent, omettent un point très important. Elles reposent uniquement sur des comparaisons transnationales. En termes clairs, cela signifie qu’elles établissent la moyenne du taux de croissance et des rendements des marchés boursiers pour chaque pays sur une longue période, puis qu’elles comparent ces moyennes entre pays. D’un point de vue mathématique, il n’y a rien de mal à cela ; cette façon de faire est valable si l’objectif consiste à déterminer si les placements dans les pays dont la croissance est la plus forte génèrent les rendements les plus élevés. Comme nous l’avons déjà mentionné, nous y voyons un très faible lien positif, en dépit des éléments contradictoires dans d’autres études. Or, cette démarche comporte deux problèmes. D’abord, la comparaison de pays fondée uniquement sur la croissance du PIB présente des lacunes, puisqu’elle ne tient pas compte des autres facteurs qui influent sur le rendement des placements, tels que le système de gouvernance, les taux d’imposition et les institutions d’un pays, et l’impact de catastrophes. Ensuite, notre intérêt est plus vaste que cela. Nous voulons essentiellement savoir si notre prophétie de croissance économique stagnante est de mauvais augure pour les marchés boursiers. Les comparaisons transnationales ne nous disent rien à propos de l’incidence de l’accélération ou de la décélération de la croissance d’un pays. Cela relève de l’analyse longitudinale – analyser le rendement des marchés boursiers lors d’expansions et de contractions de l’économie dans tous les cycles économiques et au fil du temps. Nous menons quatre types d’analyses longitudinales différentes, découvrant chaque fois un assez bon lien entre la 6 | Repères économiques Figure 7 : Le PIB est en corrélation positive avec les marchés boursiers dans tous les modèles 1,0 Corrélation PIB-actions variation nominale des marchés boursiers. Cela est vrai, peu importe la période utilisée, c.-à-d. que les données remontent à 1961 (disponibles pour seulement six pays) ou à des périodes un peu plus récentes (1980-2011, 1990-2011, 2000-2011) qui touchent un plus grand nombre de pays. La corrélation va d’un faible +0,04 à un vigoureux +0,64, mais demeure positive pour les quatre périodes et les groupes de pays à l’étude (figure 6). La figure 7 montre la médiane de ces résultats comme étant le modèle A. Cette relation est somme toute mineure : nous n’allons donc pas exagérer son importance. Cependant, elle est à tout le moins positive. 0,8 Lien faible, mais ne nécessite que le PIB 0,6 0,44 0,4 0,2 0,0 Lien plus fort, mais nécessite le PIB projeté 0,57 0,59 (D) Modèle longitudinal axé sur le PIB consensuel (E) Variations longitudinales du modèle du PIB consensuel 0,35 0,13 (A) Modèle transnational (B) Modèle longitudinal (C) Modèle longitudinal axé sur le PIB projeté Nota : Le modèle (A) montre la médiane des quatre estimations sous-jacentes. Les modèles ne peuvent pas être parfaitement comparés en raison des données différentes utilisées dans (A) c. (B) et (C) c. (D) et (E). Sources : RBC GMA, Haver Analytics Figure 8 : Évaluation du lien entre la croissance du PIB et les actions DANS TOUS LES PAYS AU FIL DU TEMPS NOS CONCLUSIONS CE QUE DISENT LES ÉTUDES Lien légèrement positif Aucun Lien très positif Lien très positif lien Source : RBC GMA croissance économique annuelle et les rendements boursiers (figure 8). Le premier, et le plus simple, des modèles examine le lien contemporain entre la croissance du PIB réel et les rendements des marchés boursiers. Vingt-six des vingt-huit pays à l’étude ont profité d’une corrélation positive (figure 9), avec une moyenne respectable de +0,44 (figure 7, modèle B). Ce résultat est rassurant, puisqu’il confirme l’impression logique que les actions sont à leur pire lors de récessions et à leur meilleur lors de bonnes périodes. Vers l’avant Ensuite, nous cherchons à savoir si le taux de croissance économique de l’année subséquente peut être un meilleur RBC Gestion mondiale d’actifs Toutefois, les marchés boursiers ne savent jamais avec précision quel sera le taux de croissance économique de l’année subséquente. Peut-être serait-il plus juste d’utiliser les attentes des marchés concernant la croissance économique de l’année à venir. Les données disponibles ici sont beaucoup plus limitées, tant en ce qui concerne le nombre de pays que les périodes. Compte tenu de cette restriction, la corrélation entre les marchés boursiers et la croissance économique prévue atteint une moyenne notable de +0,57 (figure 7, modèle D). La conclusion logique de cet exercice est que les marchés sont censés être raisonnablement rationnels, c’est-à-dire qu’ils tiennent immédiatement compte de tous les renseignements disponibles, actuels et futurs. Si cela est vrai, la meilleure façon d’expliquer les mouvements des marchés boursiers serait de se fier aux variations imprévues des attentes consensuelles relatives à la croissance. De fait, ce facteur fait ressortir la correspondance optimale : une grappe serrée de corrélations positives pour les six pays à l’étude, avec une moyenne de +0,59 (figure 7, modèle E). Bien entendu, il ne s’agit pas de savoir si cette dernière relation est vraiment utile aux investisseurs : pour en profiter, il faudrait être capable de faire de meilleures prévisions que le marché en ce qui a trait à la croissance économique future. Par contre, la barrière n’est pas si haute pour quelques-unes des relations plus anciennes. Il est donc peut-être plus commode d’en tirer parti. Conclusion Établir un lien Ayant abordé la question des liens entre les marchés boursiers et l’économie à l’aide de cinq démarches statistiques différentes (une analyse transversale et quatre analyses longitudinales) et de données englobant pas moins de 28 pays sur une période de 50 ans, nous pouvons raisonnablement conclure à l’existence d’une connexion positive, mais ténue dans certains cas. Figure 9 : Le modèle longitudinal montre une corr. pos. solide entre la crois. du PIB et les actions dans tous les principaux pays Inde 0,84 Chine 0,71 Russie 0,64 Japon 0,57 Brésil 0,50 É.-U. 0,38 Canada 0,33 Allemagne 0,30 R.-U. Moyenne de 28 pays 0,0 0,26 0,44 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Corrélation PIB-actions Sources : Haver Analytics, RBC GMA Figure 10 : Une croissance plus rapide du PIB correspond à des gains boursiers plus importants Incidence d'une variation de 1 % du PIB sur les actions facteur déterminant des marchés boursiers que la croissance actuelle. Après tout, les marchés sont censés être tournés vers l’avenir. Certains rapports de recherche indiquent que ce lien est beaucoup plus fort. Notre propre enquête démontre, une fois de plus, un lien clair, mais légèrement plus faible que dans l’étude contemporaine : 25 pays sur 28 montrent un lien positif, avec une corrélation moyenne de +0,35 (figure 7, modèle C). Incidence d'un 14 % changement 12 % durable de la croissance 10 % du PIB 8% 6% 4% 2% 0% Incidence d'un choc ponctuel du PIB 12,3 % 9,9 % 4,9 % 3,8 % 0,5 % (A) (B) (C) Modèle transnational Modèle longitudinal Modèle longitudinal axé sur le PIB projeté (D) Modèle longitudinal axé sur le PIB consensuel (E) Variations longitudinales du modèle du PIB consensuel Nota : Le modèle (A) montre la médiane des quatre estimations sous-jacentes. Les modèles ne peuvent pas être parfaitement comparés en raison des données diffé rentes utilisées dans (A) c. (B) et (C) c. (D) et (E). Sources : RBC GMA, Haver Analytics Lien imparfait Néanmoins, nous insistons sur le fait que la relation est loin d’être parfaite. Il existe certainement des cas d’économies faibles générant des rendements énormes, tout comme il y a des pays comme la Chine qui ont combiné croissance économique incroyable et rendements boursiers moroses. En fait, la croissance économique n’explique pas plus qu’un tiers du mouvement des marchés boursiers dans n’importe lequel de nos cinq modèles, et seulement un soixantième pour certains. Les marchés boursiers sont fuyants et animés par des facteurs capricieux, notamment la croissance du PIB mais aussi les valorisations boursières, l’attrait relatif des placements alternatifs, les données démographiques, la volatilité, l’offre et la demande, les taux d’intérêt, l’inflation, l’humeur et Repères économiques | 7 RBC Gestion mondiale d’actifs Il ne faut pas croire que la relation est inutile pour autant. Au contraire, la découverte d’un avantage par rapport au marché est un processus rigoureux, selon lequel l’accumulation de petits indices, telle l’existence d’un lien entre la croissance et les actions, peut faire boule de neige au fil du temps et donner lieu à un avantage probabiliste unique pour les investisseurs. Quantification du lien À quel point une croissance économique plus rapide stimulet-elle les rendements boursiers ? Nos modèles produisent des estimations remarquablement différentes (figure 10). Figure 11 :Le ratio C/B reste historiquement faible Fonction de distribution de probabilité même les changements de gouvernance et la qualité des institutions nationales. Historiquement, le ratio C/B est plus élevé 65 % du temps Ratio C/B actuel : 14,5 5 8 11 14 17 20 23 26 29 32 Ratio C/B du S&P 500 Sources : Bloomberg, RBC GMA La démarche transversale (A) met en lumière une relation modérée procurant un apport annualisé de 0,5 % aux marchés boursiers pour chaque point de pourcentage supplémentaire de la croissance économique annuelle. Les quatre autres démarches (B à E) reposent toutes sur des données longitudinales, ce qui signifie que chaque pays a été examiné au fil du temps. Naturellement, cela signifie que le cycle économique est présenté en entier, y compris les manies des investisseurs au sommet du cycle et leurs paniques au creux du cycle. Ces excès cycliques se traduisent par un lien assez important entre l’économie et les marchés boursiers, chaque point de pourcentage supplémentaire de la croissance du PIB entraînant une hausse des actions allant de 4 % à 12 %. Utilisation du lien Étant donné nos prévisions de croissance économique stagnante, qu’est-ce que cela veut dire pour les marchés boursiers ? La perte cyclique de 1 à 1,25 point de pourcentage pour la croissance économique d’une seule année pourrait temporairement retrancher de 4 % à 15 % de la hausse des marchés boursiers, par rapport à leur trajectoire précédente. 8 | Repères économiques Toutefois, la perspective d’un ralentissement semi-permanent de la croissance économique peut difficilement freiner autant la croissance annuelle à tout jamais. Avant longtemps, les certificats d’actions vaudraient moins que le papier sur lequel ils sont imprimés. C’est illogique. Par conséquent, nous estimons qu’il est préférable de recourir aux estimations les moins sensibles (transversales) des cinq modèles pour nos besoins, parce qu’elles reflètent mieux l’aspect permanent, contrairement à la nature cyclique, du changement que nous proposons. Selon cette hypothèse, les marchés boursiers pourraient rapporter environ un demi-point de pourcentage par année de moins qu’habituellement au cours de cette période de croissance ralentie. Cela semble bien peu, mais ces pertes s’accumulent au fil du temps, et présente un autre défi de placement dans cette conjoncture de croissance lente et de faibles rendements en revenu. D’autres vents favorables pourraient compenser ce frein, telle la hausse du ratio cours/bénéfices (figure 11), mais ces facteurs méritent d’être examinés un à la fois, et dans un autre cadre. Comme toujours, le simple nombre d’éléments mobiles et d’hypothèses requises rend la prévision de l’orientation des marchés boursiers aussi exaspérante que fascinante. RBC Gestion mondiale d’actifs Le présent rapport a été préparé par RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. (RBC GMA) à titre d’information seulement et ne doit pas être reproduit, distribué ou publié sans le consentement écrit préalable de RBC GMA. Les renseignements y figurant ne constituent pas des conseils juridiques, comptables, fiscaux, financiers, ni des conseils de placement ou autres, et ne devraient pas être considérés comme tels. RBC GMA prend des mesures raisonnables pour fournir des renseignements à jour, exacts et fiables, et croit qu’ils le sont au moment de leur impression. En raison de la possibilité que survienne une erreur humaine ou mécanique ainsi que d’autres facteurs, notamment des inexactitudes techniques et des erreurs ou omissions typographiques, RBC GMA décline toute responsabilité à l’égard des erreurs ou des omissions que pourrait contenir le présent document. RBC GMA se réserve le droit, à tout moment et sans préavis, de corriger ou de modifier les renseignements, ou de cesser de les publier. Tout renseignement prospectif sur les placements ou l’économie contenu dans le présent rapport a été obtenu par RBC GMA auprès de plusieurs sources. Les renseignements obtenus de tiers sont jugés fiables, mais ni RBC GMA ni ses sociétés affiliées ni aucune autre personne n’en garantissent explicitement ou implicitement l’exactitude, l’intégralité ou la pertinence. RBC GMA et ses sociétés affiliées n’assument aucune responsabilité à l’égard des erreurs ou des omissions. Les opinions et les estimations que renferme ce document représentent notre jugement à la date indiquée et peuvent être modifiées sans préavis ; elles sont fournies de bonne foi, mais n’impliquent aucune responsabilité légale. Dans la mesure autorisée par la loi, ni RBC GMA ni ses sociétés affiliées ni aucune autre personne n’assument une responsabilité quelconque à l’égard de toute perte découlant directement ou indirectement de l’utilisation des renseignements prospectifs que contient ce document. Les taux d’intérêt et les conditions du marché peuvent changer. Note sur les énoncés prospectifs Le présent rapport peut contenir des déclarations prospectives au sujet des rendements futurs, stratégies ou perspectives, ainsi que sur les mesures qui pourraient être prises. L’emploi des modes conditionnel ou futur et des termes « pouvoir », « se pouvoir », « devoir », « s’attendre à », « soupçonner », « prévoir », « croire », « planifier », « anticiper », « évaluer », « avoir l’intention de », « objectif » ou d’expressions similaires permet de repérer les déclarations prospectives. Les déclarations prospectives ne garantissent pas le rendement futur. Les déclarations prospectives comportent des incertitudes et des risques inhérents quant aux facteurs économiques généraux, de sorte qu’il se peut que les prédictions, les prévisions, les projections et les autres déclarations prospectives ne se réalisent pas. Nous vous recommandons de ne pas vous fier indûment à ces déclarations, puisqu’un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent considérablement de ceux qui sont mentionnés, explicitement ou implicitement, dans les déclarations prospectives. Ces facteurs comprennent notamment les facteurs généraux d’ordre économique et politique ou liés au marché du Canada, des États-Unis et du monde entier, les taux d’intérêt et les taux de change, les marchés mondiaux des actions et des capitaux, la concurrence, les évolutions technologiques, les changements législatifs et réglementaires, les décisions judiciaires et administratives, les actions en justice et les catastrophes. La liste de facteurs essentiels ci-dessus, qui peut avoir une incidence sur les résultats futurs, n’est pas exhaustive. Avant de prendre une décision de placement, nous vous invitons à prendre en compte attentivement ces facteurs et les autres facteurs pertinents. Toutes les opinions contenues dans les déclarations prospectives sont sujettes à changement sans préavis et sont fournies de bonne foi, mais sans responsabilité légale. ® / MC Marque(s) de commerce de la Banque Royale du Canada, utilisée(s) sous licence. © RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. 2012.