Thermo-ablation par radiofréquence pulmonaire indications, technique, résultats F.Chamming’s ; V.Chabbert ; N.Lévèque ; J.Auriol ; J.Mazières ; P.Otal ; H.Rousseau CHU Rangueil 1, Avenue du professeur Jean Poulhes TOULOUSE Cedex 31403 JFR 2009 Introduction • Le cancer pulmonaire (CP) est la première cause de mortalité par cancer dans les pays occidentaux* • La survie sans traitement local des cancers non à petites cellules (NPC) de stade I est faible : 6 à 14% à 5 ans alors que la survie à 5 ans après traitement chirurgical est de 35 à 77% • Le poumon est aussi le deuxième site le plus fréquent de métastases de l’organisme *Jemal A, et al. Cancer statistics, 2007. Introduction • La résection chirurgicale est donc le traitement curatif de référence des CPNPC de stades précoces (Stades I ou II) et des métastases pulmonaires isolées*. • Seuls 15% des patients sont opérables. • Pour les autres patients, il faut proposer des alternatives au traitement local *Dienemann H. Principles of surgical treatment in localized non-small cell lung cancer.Lung cancer (Amsterdam, Netherlands)2001 Sep;33 Suppl 1:S3-8. Principe technique • La radiofréquence est une technique peu invasive décrite pour la première fois dans le poumon en 2000* • Elle repose sur la mise en place d’un circuit électromagnétique entre une électrode placée au centre de la lésion à traiter et quatre autres électrodes autocollantes cutanées • Elle utilise un courant alternatif (460-480 kHz, 10 à 200 Watts) • L’établissement de ce courant entraine la production de chaleur locale et ainsi la coagulation et la nécrose des tissus traités. *Dupuy DE, et al. Percutaneous radiofrequency ablation of malignancies in the lung. Ajr2000 Jan;174(1):57-9. Schématisation du principe de radiofréquence Images fournies par Boston Scientific Générateur de radiofréquence Modélisation du principe de la radiofréquence Exemple pour une tumeur du foie 1 : Mise en place du coaxial et ouverture de l’extrémité de l’aiguille dans la tumeur* *Images fournies par Boston Scientific Modélisation du principe de la radiofréquence Exemple pour une tumeur du foie 2 : Application du courant de radiofréquence et augmentation de la température locale Modélisation du principe de la radiofréquence Exemple pour une tumeur du foie 3 : Coagulation et nécrose de la tumeur et d’une « marge » de parenchyme sain péri lésionnel pour traiter d’éventuels foyers tumoraux microscopiques Indications A valider en réunion de concertation pluridisciplinaire • Traitement curatif • Traitement palliatif Indications : Traitement curatif • Tumeurs pulmonaires primitives ou secondaires • De taille inférieure à 30 mm • Maximum 5 métastases +/- bilatérales • En deuxième intention si tumeur non résecable ou patient non opérable (comorbidités le plus souvent cardio-respiratoires) • Peut être associée à d’autres traitements (Radio et/ou chimiotérapie) Facteur prédictifs de bonne réponse • Tumeur de petite taille • Située à distance des vaisseaux de plus de 3 mm de diamètre* • Pour les métastases, le contrôle local aura d’autant plus d’effet sur la survie que la maladie primitive est lentement évolutive, comme c’est notamment le cas pour les cancers colo-rectaux. *Gillams AR, Lees WR. Radiofrequency ablation of lung metastases: factors influencing success. European radiology2007 Nov 16. Indications : Traitement palliatif Si symptomatologie persistante ou invalidante – Douleur – Toux – Hémoptysie Contre-indications • Maladie néoplasique trop évoluée • Plus de 5 lésions • Lésions de plus de 4 cm de diamètre • Contre-indication fonctionnelle (VEMS inférieur à 1 litre) • Poumon unique (Contre-indication relative) • Lésion non accessible par voie per-cutanée • Lésion centrale (à moins d’1 cm du hile) • Troubles de l’hémostase • HTAP sévère Précautions • Pacemaker : Nécessite l’avis du cardiologue • Prothèse de hanche : Positionner les électrodes cutanées à distance (Flancs) Avant l’intervention • Bilan d’extension complet de la tumeur (Scanner,TEP..) • Validation de l’indication en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) • Consultation d’anesthésie • Explication au patient et consentement éclairé recueilli par le radiologue Le jour de l’intervention • Installation du patient • Mise en place des électrodes cutanées • Anesthésie Installation du patient (Ici en décubitus latéral) et disposition du générateur de radiofréquence Électrodes cutanées Images fournies par Boston Scientific mise en place des électrodes cutanées • Face antérieure des cuisses • Vérifier la qualité de l’application sur la peau (risque de brûlures cutanées). • Mettre les électrodes à la même hauteur • Eviter le contact entre les électrodes Mode d’anesthésie : Sédation consciente ou Anesthésie générale ? Sédation consciente • Diazanalgésie (Ex : Ketamine, sufentanyl, propofol) • Patients à risque anesthésique élevé ++ • Permet la coopération du patient avec apnée à la demande • Nécessite l’évaluation de la douleur par le radiologue et l’anesthésiste au cours de l’intervention avec adaptation du traitement. Anesthésie générale • Indispensable si traitement de lésion multiples • Meilleur contrôle de la douleur ? • Pour certaines équipes, possibilité d’intubation à double lumière permettant une apnée sélective d’un poumon pour faciliter le ciblage. • Hoffmann et al. ne montrent pas de différence significative en terme de qualité de ciblage et de taux de complication.* *Hoffmann RT et al. Percutaneous radiofrequency ablation of pulmonary tumors--is there a difference between treatment under general anaesthesia and under conscious sedation? European journal of radiology2006 Aug;59(2):168-74 Sédation consciente / Anesthésie générale ? • En pratique : Fonction des patients et des équipes • Toujours, monitoring cardiorespiratoire du patient • Antibioprophylaxie : Augmentin 1g x 2/j pendant 48h Mise en place de l’aiguille • Utiliser des électrodes « déployables » • Le diamètre de l’extrémité de l’aiguille doit être choisi de plus de 1 cm par rapport au plus grand diamètre de la tumeur • Faire une première acquisition de repérage • Si sédation consciente : anesthésie locale de la peau et de la paroi thoracique (Xylocaïne ® 2%) • Mise en place d’un système coaxial 14G de 15 cm sous guidage scanner (Placer l’extrémité du co-axial à la jonction 1/3 proximal-1/3 moyen de la lésion) après repérage du point d’entrée à la peau • Puis mise en place dans le co-axial et déploiement d’une aiguille de 15G. Electrodes Boston LeVeen® déployables avec système coaxial. Les electrodes sont recourbées : une fois déployée l’aiguille reste en place dans la lésion même en cas de déplacement du poumon notamment en cas de pneumothorax. Préparation de la table et du matériel pour anesthésie locale Ouverture et préparation de l’électrode stérile Branchement des électrodes cutanées et de l’électrode de radiofréquence au générateur Repérage cutané du point de ponction Mise en place du co-axial Mise en place de l’aiguille dans le coaxial Penser à brancher l’électrode au générateur avant cette étape (sinon risque de déplacement du coaxial lors de la manipulation). Déploiement de l’électrode. Il est important de tenir fermement le coaxial pour éviter tout déplacement Aiguille en place, extrémité déployée Acquisition de contrôle du positionnement de l’électrode Une fois l’électrode en place – Mettre en marche le générateur – Débuter le traitement avec une puissance initiale faible et l’augmenter par palier. – Si la puissance initiale délivrée par le générateur est trop élevée, le tissu situé immédiatement au contact de l’électrode est carbonisé, ce qui va empêcher la diffusion du courant électromagnétique plus à distance et donc réduire la taille de la zone traitée. Une fois l’électrode en place – La puissance initiale et l’incrémentation dépendent du diamètre de l’aiguille et de la situation de la lésion par rapport à la plèvre – On augmente la puissance progressivement jusqu’à obtenir une augmentation importante et rapide de l’impédance (« roll-off ») – Puis on interrompt le traitement avant de reprendre à 70% de la puissance précédemment atteinte jusqu’à obtenir un deuxième «roll-off » . Roll Off : Augmentation importante et rapide de l’impédance Acquisition de contrôle en cours de traitement avec reconstructions MPR. Apparition d’une couronne de verre dépoli péri-lésionnelle Scanner de contrôle à la fin de l’intervention • Recherche de complications (Pneumothorax ++). • Premier bilan de l’efficacité locale : Y a t’il une couronne de verre dépoli périlésionnelle? – Vérifier que son diamètre est supérieur à 2 x le plus grand diamètre de la lésion, ce qui est un facteur prédictif de bonne réponse locale.* *de Baere T, et al.Midterm local efficacy and survival after radiofrequency ablation of lung tumors with minimum follow-up of 1 year: prospective evaluation. Radiology2006 Aug;240(2):587-96. Avant radiofréquence Après traitement : Couronne de verre dépoli péri-lésionnelle Verre dépoli périphérique Complications • Le pneumothorax est de loin la complication la plus fréquente • Le plus souvent minime • Pour en diminuer le risque, bien choisir le trajet de ponction* • Trajet le plus court possible • Si possible éviter les scissures • Attention aux bulles d’emphysème • Les autres complications sont rares (hémoptysies, pleurésies, brûlures cutanées..) *Gillams AR, et al. Analysis of the factors associated with radiofrequency ablation-induced pneumothorax. Clinical radiology2007 Jul;62(7):639-44. Complications Acquisition de repérage avant le traitement Pneumothorax de faible abondance en cours d’intervention. Noter que l’extrémité de l’aiguille reste en place dans la lésion Complications • En pratique en cas de pneumothorax : • Possibilité d’exsufflation en fin d’intervention par le système coaxial si significatif (Volumineux et /ou symptomatique) • Drainage si nécessaire (persistance malgré l’exsufflation) éventuellement sous scanner • Hospitalisation au moins 72 heures • Antalgiques • Contrôle Radio de thorax à J1 et J2 Pneumothorax Exsufflation par le coaxial laissé en place Complications • Les autres complications sont rares – Les hémoptysies sont plus rares que lors des ponctions pulmonaires diagnostiques (coagulation par l’augmentation de la température locale?) – Pleurésies, douleurs pariétales d’origine pleurale – Brûlures cutanées : Pour les prévenir, vérifier la bonne application des électrodes cutanées au début et en cours d’intervention Complications Pneumothorax 21 (72%) Minime 15 (50%) Exsufflation 4 (14%) Drainage 2 (7%) Pleurésie 2 (7%) Emphysème sous cutané 2 (7%) Malaise vagal 1 Pneumopathie 1 Hémoptysie 0 Décès 0 Nature et fréquence des complications dans notre centre (série de 29 patients) Complications dans la littérature Lencioni et al. Nombre de patients 106 Simon et al. 60 De Baere et al. 153 Pneumothorax . mineur . majeur 28 (26%) 27 (25%) 23 (38%) 17 (28%) Pleurésie . mineur . majeur 11 (10%) 4 (4%) 7 (12%) - - Hémoptysie 3 (3%) 7 (12%) 5 (3%) - 4 (7%) 4 (3%) Pneumopathie infectieuse 34 (22%) 18 (12%) Modalités de suivi A distance : Recherche de signe de récidive locale A ce jour pas de protocole standard pour le dépistage précoce des récidives locales • En pratique : Surveillance par scanner avec injection à 3, 6, 12 et 18 mois • Autres protocoles discutés: – TEP ? A quelle échéance ?* – Biopsie systématique ? *Kang S, et al. Single group study to evaluate the feasibility and complications of radiofrequency ablation and usefulness of post treatment position emission tomography in lung tumours. World journal of surgical oncology2004;2:30. Modalités de suivi A distance : Recherche de signe de récidive locale • Les arguments en faveur d’une récidive locale au scanner sont : – Une augmentation de la taille lésionnelle après le troisième mois* – Une prise de contraste nodulaire (Noter qu’une prise de contraste périphérique régulière est banale dans les premiers mois suivant l’intervention.) • Rôle de la TEP en cas de doute sur une reprise évolutive mais Il peut exister des hyperfixations liées aux remaniements inflammatoires post-thérapeutiques à la suite de la radiofréquence. A quelle échéance doit-elle être proposée? (Des études sont en cours afin de l’évaluer) Bojarski JD, et al. CT imaging findings of pulmonary neoplasms after treatment with radiofrequency ablation: results in 32 tumors. Ajr2005 Aug;185(2):466-71. Évolution habituelle • Augmentation de taille de la tumeur après le traitement en rapport avec les remaniements post-thérapeutiques et notamment des phénomènes inflammatoires locaux. • Aspects classiques au scanner : – – – Couronne de verre dépoli péri-lésionnelle Excavation fréquente Prise de contraste périphérique régulière • Puis diminution progressive de la taille lésionnelle • Le plus souvent persistance d’une opacité séquellaire plus ou moins importante Évolution habituelle 2 jours 4 mois 12 mois 2 mois 18 mois Efficacité • Contrôle local très satisfaisant : jusqu’à 93%* • Ce chiffre concerne les lésions de petite taille (< 3cm ++) • Ce résultat repose sur la surveillance et l’évolution de la lésion traitée mais il n’y a pas à ce jour de méthode standard validée pour évaluer précocement l’efficacité du traitement local. *De Baere et al. Radiology 2006 Taux de survie global dans la littérature Primitif Auteur Nombre de patients 1 an 2 ans Lencioni¹ 106 70% 48% Simon² 153 78% 57% 3 ans 36% Métastase colo-rectale 4 ans 27% 5 ans 27% 1 an 2 ans 89% 66% 87% 78% 3 ans 4 ans 5 ans 57% 57% 57% 1. Lencioni R, et al. The lancet oncology 2008 Jul;9(7):621-8. 2. Simon CJ, et al. Radiology 2007 Apr;243(1):268-75. • Comparativement, la survie sans traitement local des CPNPC de stade I est de 6 à 14% à 5 ans • La survie après traitement chirurgical est quand à elle de 35 à 77% à 5 ans* *Haasbeek et al. The Oncologist 2008 Conclusion • La thermo-ablation par radiofréquence pulmonaire est une technique peu invasive • Elle permet un contrôle local très satisfaisant pour les tumeurs de moins de 3 cm • C’est donc une alternative au traitement chirurgical chez les patients non opérables • Des questions subsistent : – Place par rapport à la radiothérapie stéréotaxique ? – Quel est la place de la TEP dans le dépistage précoce des récidives locales ? • Dans l’avenir d’autres techniques vont se développer : Microondes*, cryo-ablation.. •Wasser EJ, Dupuy DE. Microwave ablation in the treatment of primary lung tumors.Seminars in respiratory and critical care medicine2008 Aug;29(4):384-94.