L’observation des (très) jeunes enfants et l’identification de leurs besoins spéciaux: le point de vue logopédique SRAPL Catherine Berney, Logopédiste 27.11.10 [email protected] 1. 2. 3. 4. 5. Contexte théorique Eléments facilitateurs de l’émergence langagière Fonctions du bilan de communication Signaux d’alarme Présentation clinique 1 1. • • • • • • • Références théoriques Psycholinguistique pragmatique développementale. Interactionnisme social (Bruner,Vygotsky,Bronckart) Psychologie développementale (Rochat, Emde, Samerhoff) Psychodynamique (école de Genève) Guidance développementale (Fraiberg) Guidance interactive et guidance parentale (Mc Donough, Marte Meo ) Théories de l’attachement (Bowlby, Ainsworth) 2 La métaphore de la maison 1. Les fondations Substrat anatomo-physiologique: fonctionnement cognitif et affectif, aspects sociologique (société, environnement, famille) 2. Les murs Communication non verbale: attention conjointe, imitation, tours de rôles, jeu symbolique, intersubjectivité 3. Le toit Le langage: sachant qu’à 2 ans, le nombre de mots produits varie de 2 à 544 ! 3 2. Facteurs prédicteurs de l’émergence langagière (éléments facilitateurs) • Attention conjointe (regard, pointage) • Imitation (gestuelle puis vocale) • Intersubjectivité (se mettre à la place de l’autre) • Jeu symbolique • Référé commun • Tour de rôle 4 Attention conjointe et intersubjectivité • • • Entre 2,5 et 5 mois: interaction face à face sans objet : intersubjectivité primaire Dès 3 mois, les bébés commencent à regarder ce que l’adulte regarde. Entre 9 mois et 12 mois: le bébé alterne son regard entre l’adulte et l’objet: début de l’attribution d’une intentionnalité et de l’intersubjectivité secondaire. Il commence à réaliser que sa mère a « des choses à l’esprit », tout comme lui. Ces contenus peuvent converger ou diverger. 5 Attention conjointe • L’attention conjointe, la lecture des intentions de l’autre , l’accordage affectif, etc, attestent de cette intersubjectivité. • Le langage s’enracine dans des expériences partagées (« Format » Bruner) et le mot, concomittant de la marche, pourrait être considéré comme un « objet tiers », en tant qu’objet sonore. (Papandropoulou et Veneziano,1989). • Percevoir que les autres ont des intentions est crucial pour le développement cognitif, symbolique, social et donc langagier. 6 Format (Bruner) • • • « Echanges habituels qui fournissent un cadre pour l’interprétation concrète de l’intention de communication entre mère et enfant « (C.Garvey, 1974; Bruner, 1983). Les formats sont des structures interactives stables qui se répètent de manière régulière mais qui sont aussi douées de flexibilité (Guidetti, 2003) Ex.: bain, repas, jeux, etc Implique la présence de deux caractéristiques (Tomasello, 1999): - Focalisation de l’attention conjointe des deux partenaires sur un objet tiers - Interchangeabilité des rôles (Tour de rôle) 7 Imitation (Rochat, 06; Nadel) • • • • • Double fonction : communicative et d’apprentissage. En imitant autrui, le bébé considère son entourage social comme source d’apprentissage Rôle crucial pour le développement du langage Si les bébé sont « programmés » pour imiter, c’est aux parents de fournir les bons modèles. Les parents ont une tendance à refléter en miroir les productions de leur enfants en exagérant leurs caractéristiques 8 Le pointage • Pointage proto-impératif Comportement de demande d’objet, qui implique l’utilisation par l’enfant de l’adulte comme moyen pour obtenir un objet désiré • Pointage proto-déclaratif Comportement produit par l’enfant qui permet de diriger l’attention de l’adulte vers un objet ou un événement extérieur à la dyade Le pointage proto impératif est antérieur de quelques mois au protodéclaratif dans le développement. Les enfants autistes n’acquièrent pas le stade du proto-déclaratif Ces deux pointages se distinguent dans leur intentionnalité, pas dans leur forme (index pointé dans les deux cas). 9 ECSP Echelle de la commmunication sociale précoce M.Guidetti & C.Tourrette (1993) 3 fonctions 1. Interaction sociale (IS) 2. Attention conjointe (AC) But : partager l’attention avec autrui, sans intention d’agir ou de posséder l’objet. 3. Régulation du comportement (RC) But: modifier le comportement d’autrui ou posséder l’objet 3 rôles 1. 2. 3. Initier (I) Répondre ( R ) Maintenir (M) 10 Matériel permettant d’observer les fonctions de la communication • Avoir un poster d’un animal contre le mur (IAC ou RAC) • Poser un objet attractif hors de portée (IRC ou RRC) • Mettre un objet attractif dans une boîte transparente et difficile à ouvrir sans aide (IRC ou RRC) • Chanter « ainsi font font font les petites marionnettes » (IS) 11 Interactions • Observation et analyse des interactions selon trois modalités: 1. 2. Critères comportementaux: - de l’adulte: contingence, synchronie, accordage affectif, - de l’enfant (coopération, évitement, etc) Tonalité affective 3. Perceptions et représentations de l’enfant 12 Etayage Compétences communicationnelles (Monfort, 1996) Les parents ont un talent naturel pour des aptitudes interactionnelles hautement sophistiquées (Rochat 06): le « Parentage intuitif » (Papousek, 1987) • • • • • Observer son enfant Suivre Faire des pauses, attendre Imiter Nommer : ce que l’on fait ce que l’enfant fait Il n’y a pas d’acquisition sans interaction et sans plaisir 13 3. Fonctions du bilan de la communication et des interactions Valeur diagnostique : 1. Du bilan de communication de l’enfant 1. Du type d’interactions parents/enfant Observation des actions (le faire) des émotions des cognitions (représentations) 14 Fonction du bilan de la communication et des interactions Valeur thérapeutique : • Préserver la self-estime des parents en relevant leur expertise par rapport à leur enfant et en leur offrant des alternatives de compréhension des signaux de leur enfant • Co construire un regard commun sur leur enfant qui va permettre d’appréhender les mesures thérapeutiques comme une conséquence cohérente des besoins de leur enfant Regarder ensemble (parent/thérapeute) l’enfant est une expérience transformatrice, en miroir du passage de l’intersubjectivité primaire (duo) à secondaire (objet tiers). • • Contribuer à la construction d’une alliance thérapeutique rapide et solide 15 4. Identification des signaux d’alarme Cette identification va dépendre: • du cadre théorique du clinicien et de sa formation • de la définition du trouble choisie • des outils d’évaluation utilisés Moyens a) qualitatifs • Connaissance des « seuils d’alerte » ( prédicteurs négatifs d’Olswang) • Recueil anamnestique • Observation spontanée et « dirigée » (selon certaines grilles) • Bilans complémentaires et travail en réseau 16 Identification des signaux d’alarme (suite) Moyens b) Quantitatifs • Tests de dépistage • Questionnaires parentaux La très grande hétérogénéité du développement langagier entre 18 et 36 mois rend l’évaluation quantitative trop aléatoire en dessous de 3 ans. Une bonne connaissance de la norme développementale est un pré-requis nécessaire. Le diagnostic entre un retard développemental et un trouble plus spécifique structurel est difficile. 17 Signaux d’alarme Facteurs de risque (Audette Sylvestre, 1998 et 2008) • 15% des enfants de moins de 3 ans présentent un retard de langage (RL) sans cause explicative Facteurs de risque: monoparentalité, migration, carence, antécédents familiaux, type de relation P/E, développement cognitif inférieur à QI 85, dépression maternelle, etc • Un parent stressé par le retard de son enfant est moins disponible, l’ajustement à son enfant va se péjorer en conséquence. Il est donc essentiel de répondre à la demande d’un parent inquiet du développement langagier de son enfant. Une simple réassurance n’est pas toujours suffisante. • Une faible niveau économique ne provoque pas en soi un retard de langage mais rend le parent indisponible pour l’éducation 18 Facteurs de risque • • • Le nombre de facteurs de risque (et non pas la nature de ces facteurs) sont prédicteurs d’une altération du développement du langage (Samerhoff, 1987). Peu d’influence jusqu’à deux facteurs. Si cumul de 6 facteurs: le risque de retard de langage est augmenté de 24 fois Les antécédents familiaux peuvent augmenter de 2 à 7 fois le facteur de risque de trouble langagier. 19 Facteurs de risque • La persistance d’un retard de langage (atteinte syntaxique, symbolique et pas seulement phonologique) à 5 ans est associée à un risque accru d’évolution vers une pauvreté langagière et des difficultés scolaires à 12,6 ans. (Beitchman & al, 1996) 20 Prédicteurs négatifs à l’émergence du langage: signaux d’alarme nécessité d’intervention. (B.Olswang, 1998) Facteurs verbaux • • • • Production (peu de vocabulaire, peu de verbes) Compréhension (retard de 6 mois, large décalage entre production et compréhension) Phonologie (peu de vocalisations, peu de consonnes, erreurs dans les voyelles, absence d’allongement final de la syllabe). Imitation (peu de reprises spontanées du modèle adulte) 21 Prédicteurs négatifs à l’émergence du langage: signaux d’alarme/ nécessité d’intervention.(B.Olswang, 1998) Facteurs non verbaux • • • Jeu symbolique (manipulation plutôt qu’utilisation symbolique des objets) Gestualité ( gestes complémentaires ou additionnels plutôt que supplémentaires). Ex: hocher négativement la tête et dire « non » Habiletés sociales (problèmes de comportement, peu d’initiatives de conversation, privilégie les adultes au détriment des pairs) 22 Prédicteurs négatifs à l’émergence du langage: signaux d’alarme/ nécessité d’intervention.(B.Olswang, 1998) Facteurs de risques • Otites • Hérédité Parents • Bas statut socio-économique • Style interactionnel: injonctif et négatif • Degré d’inquiétude extrême 23 Dépression maternelle périnatale (Nathalie Nunzer, 2010) • • • • • Les dépressions post-partum touchent 13% des femmes dans l’année après l’accouchement. Les dépressions pré-partum doivent être dépistées, 50% d’entre elles vont donner lieu à une dépression post-partum. Les dépressions ont un effet délétère sur la relation mère-enfant, avec des conséquences négatives sur le développement du langage. Elles ne sont pas détectées dans 50% des cas. Le pédiatre a un rôle clé dans cette détection. 24 Anamnèse de la communication et du langage • • • • • • • • • • • • • Antécédents familiaux? Signes de dépression pré et post-partum? Niveau d’études des parents, de la mère en particulier? Qualité de la relation parents/enfants? Niveau de stress des parents? Présence de babillage ? Pointage à 12 mois avec quelle intentionnalité ? Evolution? Allers et retours avec ses yeux entre un objet attractif et l’adulte ? Age de la marche? Age des premiers mots ? Type de jeux ? Répétitions spontanées du modèle adulte ? Stagnation ou arrêt du développement ? Otites, existence d’un bilan ORL ? 25 Bégaiement Le concept de « bégaiement physiologique » en début d’apparition du langage est remis en question La guidance parentale est impérative pour la prévention du bégaiement entre 2 et 4,5 ans. • 3 enfants sur 4 ne bégaieront plus à l’âge adulte • Fort pourcentage de garçons par rapport aux filles ( 3 sur 4) • Le bégaiement est la seule urgence logopédique: il est impératif de consulter! 26 Bilinguisme • Le plurilinguisme est une richesse, non un handicap pour autant que soit appliqué la règle: une personne /une langue (= que la même personne parle toujours la même langue). Le bilinguisme peut être: • additif (enrichissant) lorsqu’il n’y a pas de rapport conflictuel entre les deux langues) • soustractif (appauvrissant) lorsque aucun des deux codes n’est maîtrisé. 27 Le pédiatre a un rôle clé dans la détection et la prévention des troubles du langage et de la communication chez le jeune enfant Il un rôle clé dans la détection des dépressions post-partum chez la mère 28 • Le bilan logopédique est une porte d’entrée privilégiée pour répondre aux inquiétudes des parents. • En partant du toit, l’accès aux murs et aux fondations est facilité. • Il est possible d’évaluer un enfant sans langage Ecoutons les mères ! 29 Repères développementaux • • • • • • • 3-8 mois: Attention conjointe Babillage canonique (succession consonnes/voyelles) 12 mois: pointage à valeur de partage avec autrui stade des « holophrases », mots-phrases 18 mois: 50 mots en production Vers 2 ans: acquiert entre 8 et 10 mots par jour 2-3 ans: env 100 mots en production apparition du « je » ( vers 3 ans) 3-4 ans: comprend 1000 mots en utilise plus de 500 4-5 ans: maîtrise l’articulation et la parole. Fait des récits. 30 Repères développementaux • L’acquisition normale du langage parlé se caractérise d’abord par ses variations interindividuelles (Van Hout, 2002) in Dialogoris 0/4 ans • A 20 mois, le nombre de mots produits va de 3 à 544! • Le niveau de compréhension verbal est supérieur au niveau de production. • La compréhension contextuelle (le plus souvent citée en exemple par les parents) est à différentier de la compréhension textuelle. 31 EPDS Edinburgh Postpartum Depression Scale Pendant la semaine qui vient de s’écouler: 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. J’ai pu rire et prendre les choses du bon côté Je me suis sentie joyeuse et confiante en pensant à l’avenir Je me suis reproché, sans raison, d’être responsable quand les choses allaient mal. Je me suis sentie inquiète ou soucieuse sans motif Je me suis sentie effrayée ou paniquée sans vraiment de raison J’ai eu tendance à me sentir dépassée par les événements Je me suis sentie si malheureuse que j’ai eu des problèmes de somme Je me suis sentie triste ou peu heureuse Je me suis sentie si malheureuse que j’en ai pleuré Il m’est arrivé de penser à me faire du mal La dépression postnatale Dr Nathalie Nanzer 32 EPDS Edinburgh Postpartum Depression Scale • • Aide au bon sens clinique: ne permet pas de poser un diagnostic de dépression. Validé dans le pré et post partum Cotation en nombre de points: 3 Oui très souvent 2 Parfois 1 Presque jamais 0 Jamais Score : minimal: 0 maximal 30 Plus le score est élevé, plus le risque de dépression est grand Un score sup ou égal à 12 correspond à 42% de risque de dépression Un score inf à 11 indique 95% de chances de ne pas souffrir de dépression 33