Comprendre le contexte historique des politiques de visite

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Comprendre le contexte historique
des politiques de visite
Dans le passé, les familles prenaient soin de leurs proches malades et en difficulté. Aujourd'hui, les
familles s’occupent encore souvent des soins à domicile. Par exemple, les maladies aiguës mineures sont
souvent traitées à domicile. De plus en plus, la récupération post-chirurgicale se produit à la maison. Les
personnes qui dépendent de la technologie et les personnes atteintes de maladies chroniques complexes ou
graves sont soignées à domicile par des membres de leur famille. Les établissements de soins palliatifs
aident les familles à dispenser des soins de fin de vie à leurs proches à la maison. Dans chacune de ces
circonstances, les membres de la famille et d'autres partenaires de soins peuvent contribuer à la
coordination des soins, à l’administration des soins et des médicaments, à l’accomplissement des activités
quotidiennes et au suivi de leur proche pour déceler des symptômes et des changements et prodiguer des
soins directs, au besoin.
Pourtant, quand une personne est hospitalisée, qu’il s’agisse d’un adulte en attente d’une intervention
médicale ou chirurgicale, d’un cas d’accouchement, d’un enfant qui a besoin de soins intensifs néonatals,
d’un enfant aux prises avec un problème chronique ou aigu ou d’un malade de tout âge atteint d’une
maladie mortelle ou terminale, les familles sont encore souvent dites « en visite » auprès de leurs proches.
Dans le milieu hospitalier, les membres de la famille ont souvent du mal à identifier des moyens de
participer à la prise en charge de leur proche. Dans les milieux de soins de santé, les politiques et les
pratiques qui régissent la présence et la participation de la famille sont encore souvent restrictives. Même
lorsque les politiques sont plus ouvertes, l'environnement physique est souvent disposé de manière peu
accueillante et peu accommodante.
En outre, les politiques hospitalières définissent souvent la famille de façon traditionnelle et peuvent, à
l’occasion, exclure des personnes ou des partenaires de soins importants pour le patient, comme un
membre de la famille élargie ou un ami proche.
Heureusement, un changement se produit. Toutefois, ce changement est souvent difficile à amorcer et
peut sembler lent à réaliser. Comprendre l’évolution des politiques et des pratiques de visite actuelles
peut contribuer à élucider le contexte du changement, ainsi que les défis communs à l’élaboration et à la
mise en œuvre de nouvelles lignes directrices concernant la présence et la participation de la famille.
Selon Giganti (1998), l'histoire des politiques de visite restreintes remonte aux premiers hôpitaux. Des
hospices pour malades démunis, ou asiles d’indigents, ont vu le jour au cours des années 1800. Étant
donnée que les patients étaient souvent marginalisés, à savoir des alcooliques, des marins ou des
prostituées, ils recevaient peu de visiteurs. Par ailleurs, les visites étaient très limitées, souvent réduites à
quelques heures, une fois la semaine, afin d’éviter que les amis des malades, en bonne santé eux, voire
tapageurs, n’occasionnent des ennuis à l’hospice.
Les divers milieux hospitaliers, des soins intensifs aux services d'urgence, en passant pas les soins de
maternité et d'autres encore, ont évolué à leur façon. Chacun a influencé les pratiques actuelles touchant la
présence et la participation de la famille. L'historique de l'apparition des les politiques et pratiques de
divers milieux de soins sera abordé ci-dessous.
Adultes aux soins intensifs
Les politiques de visite actuelles des unités de soins intensifs découlent de pratiques adoptées dans
les années 1960, au moment de l’apparition des premiers milieux de soins intensifs (Cullen, Titler,
et Drahozal, 1999). De strictes restrictions de visite étaient le résultat d’inquiétudes et d’un
manque d'information quant aux effets des visites sur les patients et leurs familles. Plusieurs
articles publiés au cours des années 1980 et au début des années 1990 encourageaient des
politiques de visite plus libres ou moins restrictives pour les adultes gravement malades.
Néanmoins, tandis que les enquêtes menées au cours des années 1980 et 1990 faisaient état d’une
grande diversité de politiques de visite dans les milieux de soins intensifs pour adultes, la plupart
étaient restrictive du point de vue de la fréquence, de la durée et du nombre de visites, en plus de
l'âge des visiteurs autorisés (Cullen et al. 1999).
Depuis plus d'une décennie, les données révèlent clairement que les patients et les membres de
leur famille souhaitaient des politiques de visite plus libres. D’ailleurs, c’est l’une de leurs
premières priorités (DeJong & Beatty, 2000). En outre, nombre d’infirmières reconnaissaient que
les visites libres sont salutaires pour les patients et leurs familles, car elles diminuent l’angoisse
(Simon, Phillips, Badalamenti, Ohlert, et Krumberger, 1997). Par ailleurs, des études ont montré
que les visites libres augmentent le niveau de satisfaction des patients et de leurs familles
(Gavaghan et Carroll, 2002). En 2004-2005, un groupe de travail mis sur pied par l'American
College of Critical Care Medicine a élaboré des lignes directrices portant sur les soins intensifs
centrés sur le patient et sa famille. Entre autres recommandations, les lignes directrices appelaient
aux « visites libres » et à la présence de la famille lors de manœuvres de réanimation (Davidson,
2007).
La recherche indique clairement que le fait de séparer les patients des personnes qui les
connaissent le mieux, au moment où ils sont le plus vulnérable, augmente le risque d’erreur
médicale, de préjudice émotionnel, d’incohérences de soins et de prestation de soins inutiles
coûteux (Cacioppo et Hawkley, 2003 ; Clark, 2003). La recherche révèle également que pour de
nombreux patients âgés, une hospitalisation pour maladie grave ou critique est associée à une
réduction de la fonction cognitive (Ehlenbach, 2010). Les familles et les autres « partenaires de
soins » sont beaucoup plus conscients de tout changement dans la fonction cognitive du patient
que le personnel hospitalier, de sorte qu’ils sont une ressource précieuse en cas d'hospitalisation.
En dépit de ces données probantes et d’un plaidoyer en faveur de l’assouplissement des politiques
de visite, le changement s’opère lentement dans le domaine des soins intensifs dispensés aux
adultes. En 2010, une enquête auprès de plus de 200 unités de soins intensifs du Royaume-Uni a
révélé que des politiques et des pratiques de visite restrictives étaient toujours en place dans 165
unités, soit chez 80 % des répondants (Hunter, Goddard, Rothwell, Ketharaju, & Cooper, 2010).
Toujours en 2010, l’American Association of Critical-Care Nurses (AACN) a senti le besoin
d'émettre un Avis de pratique indiquant que les membres de la famille de tout patient subissant
des manœuvres de réanimation ou une intervention invasive devraient avoir le choix d’être aux
côtés de leur proche (American Association of Critical-Care Nurses, 2010). Un an plus tard, un
autre Avis de pratique de l’AACN revendiquait l’élimination de touts restriction de visite pour les
« partenaires de soins » des patients adultes aux soins intensifs (American Association of CriticalCare Nurses, 2011). A cette époque, AACN estimait que 70 % des politiques en vigueur dans les
unités de soins intensifs en milieu hospitalier imposaient des restrictions aux visites de la famille.
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Soins d’urgence
Règle générale, si un adulte ou un enfant a besoin de soins d'urgence, les membres de sa famille
sont présents au début de la situation urgente et ce sont eux qui reconnaissent le besoin de services
d’urgence pour leur proche. Conséquemment, ils sont des informateurs clés pour le personnel de
soins d'urgence, car ils sont présents au début de l’administration des soins et même au début de la
réanimation si elle commence à l'extérieur de l'hôpital. Or, trop souvent, ils sont séparés de leurs
proches lorsque les manœuvres de réanimation se produisent dans une salle d'urgence d'hôpital
(Boudreaux, Francis, et Loyacono, 2002).
De plus en plus, la littérature professionnelle souligne l’apport positif de la présence des membres
de la famille lors d’interventions urgentes, notamment en cas de réanimation. Cependant, quant à
savoir si les familles devraient être soignées séparément des patients ou si leur présence et leur
participation active aux efforts de réconfort de leurs proches devraient être encouragée, le débat
entre divers prestataires de soins de santé fait rage depuis des années.
Au fil des ans, parmi les préoccupations soulevées par les professionnels, on recensait :
l'événement pourrait être trop traumatisant pour la famille ; les soins cliniques pourraient être
gênés ; les membres de la famille pourraient devenir trop émotifs ou incontrôlables ; le personnel
pourrait subir un stress accru en raison de la présence des membres de la famille ; les services
d'urgence sont trop engorgés ; le personnel se concentre sur le patient et pourrait ne pas être
disponibles pour aider les membres de la famille ; il y a une pénurie d'infirmières et le risque de
poursuite pourrait augmenter (Emergency Nurses Association, 2001).
Quoi qu’il en soit, dès 2000, une étude portant sur un service d'urgence où les familles étaient
présentes lors d’interventions invasives et de réanimation a trouvé que, en fait, la présence de la
famille était bénéfique à bien des égards et n’occasionnait pas de perturbations de soins. Par
ailleurs, la majorité des prestataires étaient à l'aise avec la présence de la famille (Meyers et al.,
2000).
En 1993, l’Emergency Nurses Association (ENA) a rédigé un énoncé de position qui appuyait «
la présence de la famille au chevet du patient lors d’interventions invasives et de manœuvres de
réanimation. » Mis à jour à maintes reprises, il comprend les directives suivantes (Emergency
Nurses Association, 2010) :
• L’ENA appuie la possibilité pour la famille d’être présente lors d’interventions invasives et /
ou d’efforts de réanimation.
• L’ENA appuie le développement et la diffusion de ressources pédagogiques pour le public
concernant la possibilité pour la famille d’être présente lors d’interventions invasives et / ou
d’efforts de réanimation.
• ENA appuie l’adoption de politiques et de procédures permettant aux familles d’être présentes
lors d’interventions invasives et / ou de réanimation.
En 2013, une équipe de médecins a publié un rapport au sujet d’une étude contrôlée randomisée
sur la présence de la famille lors de la réanimation cardio-respiratoire (RCR) dans 15 unités
d'urgence en France (Jabre et al. 2013). Cette équipe a évalué l’incidence de ce choix sur 500
proches de patients qui avaient subi une RCR. L'équipe a également évalué l'impact de la présence
de la famille sur les interventions médicales, le personnel et les taux de poursuites. Les résultats
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indiquent que des symptômes du syndrome de stress post-traumatique étaient 60 % plus
susceptibles de se produire chez les membres de la famille qui n’assistaient pas à la RCR par
rapport à ceux qui y assistaient. Ces familles ont également vécu plus d’angoisse et de dépression.
Comme moult études antérieures l’avaient déjà signalé, la présence de la famille n'a pas contribué
au stress de l'équipe ni rallonger le processus de RCR. Le taux de survie était le même. Aucune
des familles n’a intenté une poursuite.
Soins post-anesthésiques
Depuis le milieu des années 1970, on constate un nombre croissant d'articles traitant de la
présence de la famille dans les unités de soins post-anesthésiques (USPA ou salles de réveil) à la
fois pédiatriques et adultes. Une série d’études sur l'amélioration de la qualité réalisées sur plus de
14 ans à l'Hôpital pour enfants de Boston a déterminé que les enfants qui avaient subi une
chirurgie pleuraient moins, étaient moins agités et nécessitaient moins de médicaments lorsque
leurs parents étaient présents et que ceux-ci contribuaient à l'évaluation et à la gestion de la
douleur. Les infirmières ont estimé que ce changement de pratique avait enrichi leur pratique de
soins infirmiers (Fina, 1997).
Une étude réalisée en 2009 a révélé que l’attitude, les croyances et les pratiques du personnel
responsable des soins en phase post-aiguë quant à la présence de la famille dans la salle de réveil
étaient inégales - « 83,7 % du personnel aurait voulu la possibilité de visiter un membre de sa
famille dans la salle de réveil ; mais seuls 47 % des membres du personnel estimaient que les
familles devraient avoir la possibilité de visiter leur proche dans la salle de réveil. » Selon la
pratique de l’époque, 8 % des patients adultes étaient toujours autorisés à recevoir la visite d'un
membre de leur famille et chez 11 %, c’était la majorité du temps (DeLeskey, 2009). L'Université
de Californie à San Diego a mené une étude selon un modèle d’enquête préalable et postérieure
pour mieux comprendre la perception des avantages d’une politique de visite libre en salle de
réveil chez les patients, leurs familles et les membres du personnel. Après l’entrée en vigueur des
« visites libres », les perceptions avaient changé : plus de 65 % des patients estimaient que la
présence de la famille du patient était bénéfique pour lui et 90 % des familles étaient vivement
d'accord. Les préoccupations des infirmières quant à la protection des renseignements personnels
et le maintien d’un espace de travail suffisant avaient sensiblement diminué et, par ailleurs, elles
percevaient plus de bienfaits à la présence de la famille (Li, Yates, Brown et Berry, 2011). En
2012, une étude contrôlée randomisée de 45 patients d’un grand hôpital communautaire a trouvé
que les membres de la famille qui faisaient de brèves visites à l’unité de soins post-anesthésiques
étaient moins angoissés que les membres de la famille qui n’y faisaient aucune visite (Carter,
Deselms aimé, Ruyle, Morrissey-Lucas, Kollar, Cannon, et Schick, 2012).
Soins de maternité
Presque tout au long de l'histoire, la grossesse, le travail et la naissance ont été perçus comme des
éléments naturels d’une vie normale et des expériences sociales et émotionnelles partagées en
famille, à la maison. Autrefois, voisins et amis soutenaient souvent la femme et sa famille
pendant et après les naissances. Cependant, au cours de années 1900, la culture de
l'accouchement a changé et celui-ci s’est déplacé vers le milieu hospitalier. Les soins étaient
centrés sur la science et mettaient l'accent sur l'asepsie, le soulagement de la douleur,
l’accouchement sécuritaire, les routines standardisées et le travail géré par le médecin. À
l'époque, ces pratiques ont donné lieu à une réduction de la mortalité maternelle et infantile, mais
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ont aussi séparé la femme de sa famille.
Au cours de la première moitié du XXe siècle, le nombre de naissances à l'hôpital a augmenté de
façon spectaculaire aux États-Unis. Pendant une grande partie de cette période, les bébés étaient
gardés dans de grandes pouponnières centralisées et réunis avec leurs mères pour la tétée toutes les
trois à quatre heures. Les mères récupéraient à l'hôpital pendant sept à dix jours et recevaient peu
de visites de leur famille ou de leurs amis.
Dans les années 1940, une pénurie de personnel, suivie du baby-boom, a conduit à un
déplacement précoce vers les services ambulatoires et à une réduction du séjour post-partum
(Phillips, 1999). Par ailleurs, de nouvelles théories sur la psychologie infantile ont abouti à
des premières expériences de « cohabitation.»
Dès les années 1950, le mouvement de l'accouchement naturel commence à réclamer une
intervention médicale minimale pendant le travail et l'accouchement ainsi que plus de contact
entre la mère et l’enfant, ainsi qu’avec la famille, pendant la période post-partum. Dans les
années 1960, le plaidoyer pour des soins de maternité centrés sur la famille prend de l'ampleur
dans le sillage de la revendication de l’accouchement naturel et de la présence active du mari lors
de celui-ci.
Dans les années 1970, la recherche sur l'attachement mère-enfant ajoute à la pression croissante
des usagers qui demandent des changements aux pratiques de maternité. Dès les années 1980 et
au début des années 1990, des centres de maternité indépendants commencent à offrir aux
familles une solution de rechange à la naissance en milieu hospitalier, et la plupart des hôpitaux
commencent à changer leurs installations physiques et leur modes de pratique pour minimiser
l'importance du modèle de la maladie et intégrer plus de respect pour les choix individuels et la
présence de la famille.
Néanmoins, certains milieux de maternité ont toujours une philosophie et une approche de soins
centrés sur le personnel, malgré qu’ils prétendent offrir des soins de maternité centrés sur la
famille. Souvent, ces milieux adaptent leurs environnements pour offrir un cadre plus intime, un
accouchement et une récupération plus individualisés et « accueillants », mais ils ne changent pas
leurs politiques et leurs pratiques pour véritablement centrer leurs soins sur le patient et sa famille
(Phillips, 1999). Pourtant, les résultats d'une étude qualitative publiée en 2007 ont confirmé que
les femmes souhaitent non seulement un soutien social pendant l'accouchement, mais qu’elles
veulent établir leurs propres règles concernant les « visites » pendant leur travail (Price, 2007).
Soins intensifs néonatals
Dès 1907, certains pédiatres avisés notent une perte d'intérêt de la mère pour son nouveau-né si
aucun contact ne leur est autorisé (Kennell, 1999). De 1930 à 1960, aucun membre de la famille
n’est admis dans les unités responsables de nourrissons prématurés. Puis, au début des années
1960, la technologie médicale élargit les frontières de la médecine néonatale : les unités de soins
intensifs néonatals (USIN) et le domaine de la néonatologie voient le jour. En raison de sérieuses
préoccupations quant au risque de maladies transmissibles et au système immunitaire immature
des nourrissons prématurés, les USIN se dotent à l’origine de politiques de visite très restrictives.
Dans les années 1970, avec la disponibilité accrue d'antibiotiques et la publication de recherches
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indiquant de sérieuses préoccupations concernant les effets de la séparation mère-enfant, ces
politiques restrictives commencent à s’assouplir (Griffin, 1990). En 2005, une enquête menée
auprès des infirmières gestionnaires des soins intensifs néonatals de 61 établissements révèle que
98 % des unités ont une politique de « visites libres » pour les parents, mais qu’il existe encore des
moments où les familles doivent quitter le chevet de leur enfant, par exemple, pour les
changements de quart, les rondes et les interventions d'urgence (Harris & Little, 2005).
Même aujourd’hui, dans de nombreux établissements de soins intensifs néonatals, des obstacles
physiques, mécaniques, psychologiques et humains entravent toujours la pleine participation des
parents. Par ailleurs, la recherche indique que le séjour d'un nourrisson aux soins intensifs
néonatals continue d’être un événement très stressant pour les familles (Obeidat, 2009).
Soins pédiatriques
Suite à la création d'hospices au milieu des années 1800, des hôpitaux pour enfants sont ouverts
pour s’occuper de l’enfance indigente (Giganti, 1998). Les politiques de l'époque veulent que ces
enfants restent à l'écart des influences externes, de sorte que les visites de la famille sont très
limitées. Les jeunes qui ne sont pas dans le besoin sont soignés à la maison.
Dans la première moitié des années 1900, l'hôpital est de plus en plus considéré comme la
source des « soins modernes et scientifiques. » En raison de l’importance accordé à
l'asepsie — nécessaire, car l’hôpital est une source d'infections dangereuses — les visites
demeurent limitées (Zwelling et Phillips, 2001). Jusque dans les années 1950, les
politiques hospitalières quant aux visites restent restrictives. On limite couramment les
visites à une heure ou deux par semaine. Dès les années 1950, des études portant sur les
enfants hospitalisés révèlent des effets négatifs associés à leur séparation forcée de leurs
parents, notamment le sentiment d’isolement, la dépression et le désintéressement. En
dépit de cette recherche, la pratique met du temps à changer.
Au cours des années 1960, les hôpitaux commencent à progressivement accueillir les mères pour
des visites de plus en plus longues jusqu’à éventuellement leur permettre des visites quotidiennes,
en après-midi et en soirée, et même des séjours la nuit. Des articles de journaux scientifiques et
des rapports de conférence contribuent à répandre des observations à l’effet que la présence
maternelle pendant l'hospitalisation d'un enfant a u un effet bénéfique sur les enfants : ceux-ci
sont plus calmes, plus heureux et récupèrent plus rapidement. Plus tard, les pères et, et plus tard
encore, les frères et sœurs, sont autorisés à rendre visite aux enfants hospitalisés.
Dans les années 1960 et 1970, tandis que le mouvement de la prise en charge personnelle prend
son envol, les parents commencent à s’organiser et à réclamer un rôle plus important dans le
cadre des soins prodigués à leurs enfants. Un groupe de parents du Massachusetts met sur pied
un groupe appelé « Children in Hopitals. » En 1973, le groupe publie sa première enquête
semestrielle des pratiques de visite à l'hôpital, intitulé Consumer Directory of Massachusetts
Hospitals. Un répertoire ultérieur (2000) est publié conjointement avec le ministère de la Santé
publique du Massachusetts. Cette publication a conduit à des changements de politiques dans les
hôpitaux et, éventuellement, à des critères réglementaires et d’agrément exigeant des hôpitaux
qu’ils accueillent la présence des parents 24 heures sur 24 dans les établissements pédiatriques.
Aujourd'hui, les effets positifs de la visite libre sont largement documentés dans la littérature
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scientifique.
Bien que la majorité des unités de pédiatrie générale des Etats-Unis et d’ailleurs permettent
maintenant des visites parentales 24 heures sur 24, même les politiques de « visites libres » sont
souvent accompagnées de limites associées aux rondes, aux changements de quarts et aux
interventions urgentes. En pédiatrie, les soins centrés sur la famille et la présence de la famille sont
souvent illustrés par des rondes centrées sur la famille (RCF). En 2003, l’American Academy of
Pediatrics (AAP) recommande que la présence de la famille lors des rondes devienne la norme.
Pourtant, en 2007, seule la moitié des groupes de médecine pédiatrique en milieu hospitalier
avaient adopté les RCF (Kuo, Houtrow, Arango, Kuhlthau, Simmons, et Neff, 2012). Des limites
moins manifestes à la présence des parents sont posées par des caractéristiques environnementales
comme l’absence de sièges ou de lits confortables.
D’autres milieux de soins pédiatriques, tels que l'unité de soins intensifs pédiatriques (USIP),
l’induction de l'anesthésie, l'unité de soins post-anesthésiques (USPA) et les services d'urgence
(SU) imposent généralement plus de restrictions aux visites que ne le font les unités de pédiatrie
générale.
Soins en fin de vie
Dans le passé, la mort était un événement naturel survenant souvent à la maison où le
malade était entouré de sa famille élargie. Par exemple, dans les années 1900, environ 90
% des décès se produisaient à la maison (Buckman, 1997). Or, au cours des dernières
décennies plus de 65 % des décès sont survenus dans des hôpitaux ou des cadres
institutionnels. Plusieurs facteurs expliquent ce changement. Parmi ceux-ci, Buckman
(1997) cite les suivants :
• Socialement, les personnes âgées sont moins susceptibles de vivre avec des enfants ou des
petits-enfants qui les accompagnent tout au long d'une maladie en phase terminale.
• Médicalement, l'augmentation du nombre d’établissements de soins de santé et de
traitements a conduit à des interventions plus fréquentes vers la fin de la vie qui ont pour
effet de séparer les patients de leurs aidants naturels encore davantage.
Le concept des soins palliatifs a fait son apparition aux États-Unis au cours des années 1960, la
même décennie pendant laquelle le Dr Kubler-Ross publie son livre phare, On Death and Dying,
dans lequel elle fait un plaidoyer pour les soins à domicile en fin de vie. Selon la National
Hospice & Palliative Care Organization (2012), le premier centre de soins palliatifs a commencé
à fournir des services en 1974, à titre de projet de démonstration financé par le National Cancer
Institute. À la fin des années 1970, 26 centres de soins palliatifs sont financés en tant que projets
de démonstration par la Health Care Financing Administration. Dans les années 1980, les
services des hospices sont couverts par les régimes d’assurance privés parrainés par l’employeur
(Medicare). Vers le milieu des années 1990, le nombre de d’hospices couverts par le régime
Medicare passe à plus de 1200 et 36 états offrent des services d’hospices dans le cadre de leur
régime s’assurance publique pour les personnes indigentes (Medicaid). Ainsi, les soins palliatifs
deviennent un aspect courant des soins de santé. En 2005, le nombre d'organisations qui
dispensent des soins palliatifs aux Etats-Unis atteint 4000 et en 2011, leur nombre s’établit à
5300.
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Le développement des soins palliatifs est étroitement associé à l’essor du mouvement des
hospices. À l’origine, il s’agit d’un terme générique employé pour désigner l'administration de «
soins de confort » et la prestation de traitements visant à « contrôler les symptômes », en
particulier en ce qui concerne la douleur et l’angoisse associées aux soins en phase terminal. Au
fil du temps, l’expression « soins palliatifs » en arrive à signifier une approche par équipe de la
prestation de « soins de confort » qui peuvent être dispensés dans un hospice ou ailleurs.
La constitution d’équipes de soins palliatifs dans des hôpitaux, dans des établissements de soins de
longue durée et dans des foyers de soins infirmiers s’est faite plus récemment, mais de manière
remarquable. Les données de l'American Hospital Association (2010) indiquent que plus de 1500
hôpitaux ont des programmes de soins palliatifs à présent - soit une augmentation de 100 % de
2000 à 2010. Les programmes de soins palliatifs en milieu hospitalier sont généralement structurés
comme des services de consultation interne et travaillent en collaboration avec les services
d’oncologie, de médecine générale, de pédiatrie, et de gériatrie.
Les programmes d’hospices et de soins palliatifs considèrent que le patient et sa famille font partie
de l'équipe de soins de santé du patient et reconnaissent que les familles elles-mêmes ont besoin
d'information et de soutien. Lorsque les soins d’hospice ou les soins palliatifs sont dispensés à
domicile ou dans un contexte ambulatoire, la présence de la famille est pleinement acceptée et
soutenue. Lorsque les soins palliatifs ou d'autres soins de fin de vie sont prodigués dans un cadre
institutionnel, des questions entourant la présence de la famille, le soutien et le confort de la
famille, la participation de la famille à la prise de décisions et aux soins directs sont également
d'une importance capitale, quoique plus facilement occultées.
Contexte actuel
Les politiques restrictives quant aux visites ont été élaborées dans un contexte social et médical
complètement différent de celui d’aujourd'hui. Nombre de professionnels de soins de santé et de
familles comprennent maintenant l'importance capitale que revêt la participation des membres de la
famille et d'autres partenaires de soins pour la santé et le bien-être des proches malades ou blessés.
En outre, les prestataires de soins de santé reconnaissent de plus en plus l’importance de la
présence de la famille et de sa participation à la prestation de soins personnalisés pour assurer une
plus grande sécurité et améliorer les résultats cliniques du patient. De même, les prestataires de
soins de santé apprécient de plus en plus les avantages que présentent l'accès et la participation à la
prise en charge de leurs proches pour les familles. Par ailleurs, la recherche et l'expérience clinique
discréditent les préoccupations antérieures au sujet d’éventuelles difficultés associées à la présence
de la famille dans le milieu hospitalier. (Pour la liste complète des références à ce sujet, consulter
Changing the Concept of Families as Visitors Bibliography, disponible dans la trousse.)
Depuis peu, le rôle des familles et d'autres partenaires de soins fait l’objet d’une attention
croissante. La note présidentielle du mois d’avril 2010 du président Barack Obama au sujet des
visites à l'hôpital envoyée au Secrétaire de la Santé et des Services sociaux (Obama, 2010) et les
règlements fédéraux promulgués en réponse à celle-ci établissent que les patients hospitalisés ont
le droit à la présence des membres de leur famille et d'autres partenaires de soins. L’Institute for
Patient- and Family-Centered Care (IPFCC) a préparé une réaction à la note présidentielle (Institut
pour le patient et la famille-Centered Care, 2010). Les nouvelles normes de communication
centrées sur le patient imposées aux hôpitaux par la Commission mixte, publiées en janvier 2010,
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reconnaissent le droit du patient à définir qui sont les membres de sa famille et ses partenaires de
soins et de les inviter à participer aux discussions touchant ses soins (Commission mixte, 2010).
Pourtant, les politiques et les pratiques restrictives demeurent monnaie courante dans la majorité
des hôpitaux des États-Unis et du Canada. Par exemple, en 2012, suite à la promulgation de lois
fédérales et étatiques, deux organisations, New Yorkers for Patient & Family Empowerment et
New York Public Interest Research Group, ont publié un rapport résumant les résultats d'un
examen de la présence de la famille dans 99 hôpitaux de soins actifs comptant 200 lits ou plus de
l'état de New York. Ils ont constaté d’énormes variations sur le plan des politiques et des pratiques
régissant la présence de la famille, la définition de la « famille » et la communication des droits
des patients et de leurs familles à déterminer qui peut avoir libre accès au malade. Le est temps
est venu pour les hôpitaux de modifier leurs politiques – de passer d’une conception des
membres de la famille en tant que « visiteurs » à leur intégration à titre de partenaires de
soins, selon les préférences du patient.
Adapté de: Ahmann, E., Abraham, M., & Johnson, BH (2003). Changing the concept of families
as visitors: Supporting family presence and participation. Bethesda, MD: Institute for FamilyCentered Care.
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Références
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