Bruit et agents ototoxiques

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ED 5028
LE POINT DES CONNAISSANCES SUR...
février 2005
Si le bruit reste la nuisance la plus
nocive pour l'audition, certains
agents toxiques professionnels
comme les solvants aromatiques,
le monoxyde de carbone et l’acide
cyanhydrique, ou extraprofessionnels comme
les antibiotiques, les diurétiques,
les salicylates et les anti-tumoraux,
peuvent fragiliser l’oreille interne
des salariés. Or, les limites
réglementaires à l’exposition
au bruit ont été établies pour des
sujets sains ne présentant pas de
fragilité de l’oreille interne. Une
oreille envahie par un agent
ototoxique, ou une oreille
vieillissante, pourrait se révéler plus
vulnérable à une agression sonore
qu'une oreille exposée uniquement
au bruit. La question de la
pertinence des limites d’exposition
au bruit, ou des valeurs limites
moyennes d’exposition à des agents
ototoxiques lorsque des personnes
sont exposées à plusieurs nuisances
reste donc posée. Pour cette raison,
la réglementation devrait prendre
en considération les résultats
scientifiques récents pour protéger
l’audition des personnes exposées
à des multinuisances.
Une protection individuelle contre
le bruit et un suivi audiométrique
doivent permettre de protéger
l’audition des salariés exposés
à des ambiances professionnelles
multifactorielles.
Bruit et agents ototoxiques
En 1997, l’enquête SUMER 94 a montré que
plus de 3 millions de salariés étaient encore
exposés à des nuisances sonores pouvant
entraîner des surdités professionnelles,
malgré une réglementation française et
européenne [cf. infra Réglementation].
Rappelons que lorsque la protection
collective ne permet pas de réduire
suffisamment le niveau de bruit, une
protection individuelle doit être mise à
disposition des personnes exposées
pendant 8 heures à plus de 85 dB(A), ou à
plus de 135 dB « crête ». Les dernières
statistiques indiquent pourtant que 613 et
494 surdités ont été respectivement
reconnues en 2000 et 2001 au titre du
tableau n°42 du régime général des
maladies professionnelles. S’il est clair que
le bruit demeure le facteur professionnel le
plus nocif pour l’audition, certaines
substances chimiques peuvent également
provoquer des surdités en agissant
directement sur l’organe sensoriel de
l’audition, la cochlée (Fig. 1 page suivante),
ou en potentialisant les effets du bruit. Ces
agents chimiques toxiques peuvent avoir
une origine professionnelle, comme des
solvants aromatiques ou chlorés, ou extraprofessionnelle, comme des antibiotiques,
des diurétiques, des anti-tumoraux ou de
l'acide acétylsalicylique, pour ne citer que les
principaux. Les risques de surdité encourus
par des personnes exposées à des agents
ototoxiques (agents toxiques pour
l’audition) autres que le bruit, mais aussi la
potentialisation éventuelle de ces toxiques
sur les effets du bruit seront évoqués, en
fonction des différents agents que l’on peut
trouver sur le lieu de travail.
Organe de Corti
témoin.
Organe de Corti
endommagé
par un solvant.
Cochlée : récepteur
auditif périphérique.
mances dans le traitement des informations auditives par le nerf auditif. L'enregistrement des potentiels auditifs engendrés
par des bouffées de stimulations acoustiques de plus en plus rapprochées (rythme
croissant de stimulation) pourrait également constituer un test de fatigabilité.
Pour achever cette réflexion sur les effets
ototoxiques de solvants, on ne peut passer
sous silence les effets d'exposition combinée
au bruit et aux solvants. Cette fois encore,
l'expérimentation animale et des études épidémiologiques chez l’homme ont montré
qu'il existe un risque réel de potentialisation
des effets du bruit par les solvants.
Figure 1.
RISQUES
POUR L’HOMME
1. Les agents otoxiques
professionnels
1.1. Solvants aromatiques
Les solvants aromatiques comptent parmi
les produits chimiques les plus utilisés dans
l'industrie. Que ce soit le toluène, qui entre
dans la composition de peintures, vernis,
encres et agents dégraissants, le styrène,
limité essentiellement au processus de
fabrication des résines renforcées à la fibre
de verre, sans oublier le xylène et l'éthylbenzène, tous ces solvants organiques sont très
volatils et peuvent être toxiques pour les
salariés qui les inhalent. En France, plus de
520 000 personnes travaillent dans des
industries produisant et/ou utilisant des
résines polyester, et au moins 30 000 professionnels sont directement exposés au
styrène auxquels on se doit d'ajouter les
populations exposées au toluène, au xylène
et à l'éthylbenzène. De nombreuses études
épidémiologiques ont déjà souligné le
caractère ototoxique de ces solvants aromatiques. Cependant, la difficulté majeure est
de distinguer la surdité induite par les solvants, de celle induite par d'autres facteurs
confondants comme le bruit par exemple.
L'audiométrie tonale, seule technique utilisée pour diagnostiquer une surdité, ne permet pas de dissocier le traumatisme chimique du traumatisme acoustique, tous
deux se manifestant par une diminution de
la sensibilité auditive au voisinage des 4-6
kHz, encore appelée scotome auditif. Ce
moyen d'investigation ne fournit donc pas
de signature audiométrique permettant
d'affirmer que la surdité diagnostiquée est
due à une intoxication par les solvants
(Fig. 1), et pas seulement à l'exposition au
bruit. Ceci explique sans doute pourquoi
aujourd'hui, seul le bruit est considéré
comme agent responsable de la surdité professionnelle et fait l'objet de prévention puis
d'indemnisation lorsque « le mal est fait ».
En prévention, le nouveau défi à relever
serait d'utiliser des outils capables d'identi2
Point des connaissances ED 5028
fier la nature du dommage cochléaire et par
là-même, la nature d’agents ototoxiques
insoupçonnés jusqu’à aujourd’hui. Une fois
identifiés et reconnus, ces agents ototoxiques pourraient alors faire l'objet d'une
véritable politique de prévention. Le modèle
animal a fourni des informations précieuses
concernant le pouvoir ototoxique de solvants aromatiques. En outre, il a permis
l'identification des tissus cochléaires les plus
sensibles aux solvants : les cellules ciliées
externes (CCEs) se sont révélées les plus vulnérables (Fig. 1). Il a permis aussi de distinguer les traumatismes cochléaires induits
par les solvants de ceux provoqués par le
bruit.
Le bruit endommage mécaniquement les
stéréocils implantés au sommet des cellules
ciliées externes (CCEs) et internes (CCIs),
tandis que les solvants empoisonnent les
CCEs par leur base en préservant les CCIs.
Ces caractéristiques histopathologiques
entre les effets de solvants et ceux du bruit
offrent des pistes prometteuses pour améliorer la prévention. En effet, la recherche de
l'outil de diagnostic des souffrances
cochléaires engendrées par les solvants doit
s'inspirer de la connaissance des mécanismes ototoxiques.
Si l'audiométrie tonale reste un outil performant pour diagnostiquer une surdité globale et centrale, il n'est certes pas le plus
adapté pour déceler un empoisonnement
du récepteur auditif périphérique, et plus
spécifiquement des CCEs qui sont capables
de vibrer. Lorsque la physiologie générale de
la cochlée est quelque peu perturbée, ces
cellules constituent en fait le générateur
d’oto-émissions. En provoquant les otoémissions et en les mesurant chez des
sujets exposés aux solvants, il serait sans
doute possible de mesurer la souffrance des
CCEs induite par l'intoxication aux solvants.
Les produits de distorsion acoustique (2f1-f2),
déjà utilisés en clinique, seraient sans doute
un outil précieux dans la surveillance de
l'audition des personnes exposées. Par
ailleurs, l'empoisonnement des CCEs par des
solvants laisse présumer une fatigabilité
accrue et donc une diminution des perfor-
1.2. Monoxyde de carbone
et acide cyanhydrique
Le monoxyde de carbone [CO] et l’acide
cyanhydrique [HCN] comptent parmi les gaz
les plus dangereux en milieu professionnel.
Il est apparu récemment chez le rat que, si
CO et HCN n’engendrent aucune perte auditive par eux-mêmes, ils peuvent néanmoins
potentialiser les effets du bruit. Par ailleurs,
il a été montré qu’une exposition sonore
non traumatisante peut le devenir lorsque
du CO ou de l’HCN est présent simultanément à l’exposition au bruit. Les risques
inhérents aux expositions combinées au
bruit et au CO ou HCN doivent donc faire
l’objet d’une attention particulière et d’une
surveillance audiométrique régulière.
Comme pour les autres agents ototoxiques
déclinés ci-dessus, se pose alors la question
de la pertinence des limites d'exposition
lorsque les personnes sont en exposition
multifactorielle.
2. Les agents ototoxiques
extra-professionnels
2.1. Antibiotiques
Parmi les différentes classes d'antibiotiques,
seuls les aminoglycosidiques (AA), antibiotiques à large spectre, seront évoqués en raison de leur ototoxicité. Depuis l'arrivée des
céphalosporines, l'utilisation des AA a baissé
bien que leur recours s'avère encore nécessaire dans bien des pathologies, surtout
lorsqu’une résistance aux micro-organismes
est constatée. Les plus largement utilisés à
des fins thérapeutiques sont énumérés
dans le tableau ci-dessous.
Antibiotique
Utilisation thérapeutique
Amikacine
infection nosocomiale
Gentamicine
pneumonie, méningite
Tobramycine
associé avec gentamicine
Kanamycine
tuberculose si résistance
Néomycine
infection de peau et muqueuse
Streptomycine
endocardite, tuberculose
L'ototoxicité des AA se traduit par des
pertes auditives aux fréquences élevées
(sons aigus) se propageant ensuite vers les
basses fréquences (sons graves) en fonction de la durée du traitement. C'est surtout l'organe de Corti (Fig. 1) qui est lésé, les
CCEs du premier rang disparaissent les premières, suivies par celles du second rang,
puis par celles du troisième rang. Les AA
pénètrent dans les liquides de l'oreille
interne (OI) en traversant la barrière
hémato-labyrinthique. Si l'élimination des
AA ne nécessite guère que 8 heures, elle est
plus longue dans les liquides de l’OI. Chez le
rat, par exemple, l’AA peut persister 15 jours.
Par ailleurs, les recherches sur animaux ont
montré que les AA peuvent s’accumuler
dans les cellules ciliées jusqu’à en devenir
toxiques. Les AA sont donc des agents
potentiellement ototoxiques.
Bien entendu, les risques pour l’audition
encourus par les personnes sous traitement sont pris en considération par le
médecin ; il s'agit bien souvent du seul
choix possible compte tenu des pathologies développées par les patients. La pertinence du choix de tel ou tel AA ne sera donc
pas discutée ici, nous soulignerons plutôt
les risques encourus par les personnes qui,
au terme de leur convalescence, reprennent
leur travail. En effet, des études chez le
cobaye ont montré qu'il existe une synergie
entre les effets ototoxiques des AA et ceux
du bruit. Fort de ces données expérimentales, il convient d’informer le personnel
ayant subi un traitement des risques
encourus, ou de le protéger (protecteurs
individuels contre le bruit, pauses soustrayant au bruit, suivi audiométrique) des
ambiances sonores limites par rapport à
celles recommandées à ce jour par la législation : 85 dB(A) pour 8 heures de travail.
2.2. Diurétiques
Le furosémide, l'acide éthacrynique, le
bumétanide sont trois diurétiques connus
pour leurs effets ototoxiques regrettables
mais temporaires. Trois caractéristiques
essentielles permettent de distinguer l'ototoxicité de ces diurétiques de celle des AA :
L a R é g l e m e n tat i o n
EXPOSITION DES SALARIÉS
AU BRUIT
Directive 2003/10/CE du parlement européen et du conseil du
6 février 2003.
La réglementation française
concernant l’exposition des
salariés au bruit est issue de
deux directives européennes : la
directive 86/188/CEE du 12 mai
1986 et la directive 89/392/CEE
du 14 juin 1989. Si la première
concerne la protection des travailleurs contre les risques dus à
l’exposition au bruit, la seconde
concerne les machines et spécifie les exigences à respecter,
notamment en matière de bruit
émis. La réduction des risques
auditifs dus au bruit s’impose
donc non plus seulement aux
employeurs, mais aussi aux
constructeurs de machines ou
d’équipements industriels et
aux concepteurs des locaux de
travail.
La réglementation s’appuie
essentiellement sur deux indicateurs de niveau de risque :
En cas de dépassement d’un des
deux niveaux de risque, les dispositions précisées dans le
tableau ci-dessous, sont applicables.
■ Réduire le bruit au niveau le plus bas raisonnablement possible, compte tenu de l’état des techniques.
■ Maintenir l’exposition sonore à un niveau compatible avec la santé des travailleurs.
■ Établir et mettre en œuvre un programme de mesures techniques et d’organisation du travail afin de
réduire l’exposition sonore ; le présenter au CHSCT dans le programme annuel de prévention des risques
professionnels.
■ Estimer l’exposition sonore des travailleurs et identifier tous les travailleurs exposés.
■ Prévoir le mesurage de l’exposition dans un document soumis pour avis au CHSCT.
■ Mesurer les niveaux d’exposition sonore.
■ Tenir les résultats du mesurage à disposition des travailleurs exposés, du médecin du travail, du CHSCT.
■ Informer et former les travailleurs sur les risques dus à l’exposition sonore et sur les moyens pris pour
les prévenir.
■ Organiser la surveillance médicale incluant le contrôle audiométrique des travailleurs.
■ Fournir des protecteurs individuels aux travailleurs.
■ Prendre toutes les dispositions pour que les protecteurs individuels soient utilisés.
■ Signaler les lieux de travail bruyants.
TABLEAU DE MALADIE PROFESSIONNELLE
Le tableau 42 du régime général, publié au JO le 28-09-2003, régit les atteintes auditives provoquées par
des bruits lésionnels. Il ne prend en compte que les effets auditifs dus au bruit au cours d'une période
n'excédant pas une année après cessation de l'exposition au bruit professionnel.
3 ■ l'ototoxicité des diurétiques n'intéresse que la cochlée (Fig. 1); le vestibule
(récepteur neurosensoriel de l’équilibre)
semble être préservé de l'action toxique du
diurétique.
Les diurétiques perturbent les équilibres
ioniques existant entre le sang et les
liquides de l’OI, entraînant ainsi une baisse
de l’acuité auditive. Les personnes sous trai-
Comme évoqué précédemment avec les AA,
il conviendra d’apporter une protection particulière au personnel sous traitement, surtout lorsque les salariés sont soumis à des
2 ■ à la différence de celle induite par les
AA, la surdité régresse parallèlement à l’élimination des diurétiques et cesse à la disparition totale du produit ;
b) le niveau de pression acoustique de crête qui correspond à
l’intensité maximale, exprimée
en dB, qui ne doit pas être
dépassée sans porter un protecteur auditif (135 dB).
Actions requises selon les niveaux sonores
tement doivent donc être informées des
risques encourus. De plus, des études expérimentales et des cas cliniques montrent
qu'il existe une synergie entre les effets ototoxiques des antibiotiques et ceux des diurétiques. Par ailleurs, une récente étude
révèle la potentialisation des effets ototoxiques de certains métaux lourds, comme
le cadmium, par le furosémide. La prescription de diurétiques devra donc s’accompagner d’une information non seulement sur
les risques d’hypoacousie contemporains à
la prise du médicament, mais aussi sur les
risques encourus par une prise combinée de
diurétiques avec d’autres médicaments ototoxiques.
1 ■ la surdité apparaît quelques minutes
seulement après l'administration ou l'ingestion du diurétique ;
a) le niveau d’exposition sonore
quotidien ou niveau moyen de
bruit (85 dB(A)) auxquels est
exposé un travailleur durant sa
journée de travail (8 heures) ;
ambiances sonores limites par rapport à
celles recommandées par la législation.
2.3. Salicylates
L'acide acétylsalicylique, ou aspirine, est le
médicament
le
plus
couramment
consommé dans les sociétés industrielles
modernes. Si les effets analgésiques, antiinflammatoires ou anti-pyrétiques sont les
plus souvent recherchés, certaines personnes souffrant de maladies cardio-vasculaires peuvent également en consommer
pour accentuer la fluidité sanguine. Un
niveau sérique de 10-15 mg pour 100 mL correspond à la dose généralement prise pour
calmer une migraine, un mal de dent, une
fièvre ; il correspond également au traitement préventif des angines de poitrine. À de
telles concentrations, des déficits auditifs
partiels et temporaires peuvent survenir.
ED 5028 Point des connaissances
3
TRAVAUX DE L’INRS ET SES PARTENAIRES
Au sein du projet Européen Noisechem (de
2000 à début 2004), l’INRS a étudié les effets
ototoxiques des solvants aromatiques notamment du styrène et du toluène, seuls et en
association avec du bruit. Des risques induits
par la synergie entre bruit et agents ototoxiques ont été mis en évidence.
Le vieillissement comme facteur de fragilisation de l’oreille interne a également été étudié.
http://europa.eu.int/comm/research/qualityof-life/ka4/ka4_noise_en.html
Certaines personnes ne s'aperçoivent même
pas de l’hypoacousie dont elles souffrent.
Lorsque la concentration sérique d’acide
acétylsalicylique atteint 19,6 mg pour
100 mL, la majeure partie des sujets ayant
une audition « normale » avant la prise d’aspirine, se plaint alors d'un sifflement de
l'oreille ou acouphène. Comme les diurétiques, l'aspirine agit en modifiant les équilibres ioniques entre le sang et les liquides
de l’OI. Elle modifie le comportement des
cellules ciliées externes provoquant ainsi
une hypoacousie et des acouphènes. La
question de la potentialisation des effets du
bruit et de l'aspirine reste débattue à ce jour.
Quoi qu'il en soit, les salicylates peuvent être
à l’origine d’hypoacousies temporaires et,
pour des raisons déjà évoquées précédemment, les acteurs de la prévention se doivent
d'informer les personnes exposées au bruit,
chacune d'entre elles étant un consommateur potentiel d'aspirine.
LES PUBLICATIONS DE L’INRS
Effets des salicylates sur le système auditif :
revue bibliographique. Cahiers de Notes Documentaires. 1991, 142 , pp. 79-86.
■
■ Réduire le bruit dans l’entreprise. 1997, ED 808,
94 pages.
Comment explorer l’ototoxicité des solvants
dans le cadre d’études épidémiologiques en
milieu professionnel. Notes scientifiques et techniques. 2001, NS 202, 34 pages.
■
Articles parus dans Documents pour le médecin
du travail
■ Audition : l'amplificateur cochléaire.
Documents pour le médecin du travail. 1992, 49,
pp. 15-22.
■ SUMER 94. Documents pour le médecin du travail. 1997, 69 , pp. 63-70.
Agents ototoxiques et exposition au bruit.
Documents pour le médecin du travail. 2001, 86,
pp. 177-182.
■
2.4. Anti-tumoraux
Le cisplatine ou le carboplatine sont des
anticancéreux très employés en chimiothérapie. Leur utilisation est susceptible de
modifier la composition électrochimique
des liquides de l’OI et de détruire des cellules
ciliées. Ils sont donc ototoxiques. Quant aux
effets conjugués du bruit et des anti-tumoraux, un risque accru de déficit auditif à l’exposition au bruit a été mis en évidence chez
l’animal. Il est donc fondamental d’avertir
les salariés concernés par ce type de traitement des risques encourus par une exposition sonore, même de faible intensité et, le
cas échéant, de les en protéger.
COMMENT PROTEGER
LES HOMMES ?
Surveillance audiométrique
Une protection individuelle contre le bruit et
un suivi audiométrique des individus soumis à des ambiances sonores dont le niveau
est proche de celui recommandé par la législation sont autant de pistes à explorer pour
protéger l’audition des salariés exposés à
des ambiances professionnelles multifactorielles. Des outils audiométriques récents,
comme les produits de distorsion (2f1-f2),
sont plus sensibles aux agressions des cellules ciliées externes que ne l’est l’audiométrie tonale classique. Un tel outil pourrait
fournir la possibilité de découvrir des indices
précoces de souffrance cochléaire ou, dans
une hypothèse moins heureuse, d'identifier
des agents ototoxiques autres que le bruit.
Une fois identifiés et reconnus, ces agents
ototoxiques pourraient alors faire l'objet
d'une véritable politique de prévention.
Formation
Une formation des acteurs de la prévention
à l’usage des produits de distorsion serait
indiscutablement un atout supplémentaire
dans le dépistage de surdité induite par des
agents ototoxiques.
Mesures d’ordre réglementaire
Les limites réglementaires à l’exposition au
bruit ont été établies pour des sujets sains
ne présentant pas de fragilité cochléaire. Or,
une oreille interne envahie par un agent
ototoxique, ou vieillissante, pourrait se révéler plus vulnérable à une agression sonore
qu'une oreille exposée uniquement au
bruit. La question de la pertinence des
limites d’exposition au bruit, ou des Valeurs
limites de Moyennes d’Exposition à des
agents ototoxiques lorsque des personnes
sont exposées à plusieurs nuisances reste
donc posée [VME est exprimée en cm3/m3
(ppm) et en mg/m3. Elle vise à protéger les
travailleurs contre des effets résultant d'une
exposition prolongée, exposition au cours
d'un poste de huit heures. Ces valeurs sont
utilisées en France dans le cadre de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs contre les risques liés à une exposition à des agents chimiques sur le lieu de
travail]. Pour cette raison, les législateurs
devraient prendre en considération les
résultats scientifiques récents pour renforcer la protection de l’audition des personnes
exposées à des multinuisances.
Information
Il conviendra d’informer et de surveiller les
personnes convalescentes (retour d’hospitalisation par exemple), d’insister sur la vigilance particulière à apporter vis-à-vis des
signaux sonores d'avertissement pour les
salariés prenant occasionnellement des diurétiques ou de l’aspirine.
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Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles
30, rue Olivier-Noyer 75680 Paris cedex 14 Tél. 01 40 44 30 00 Fax 01 40 44 30 99 Internet : www.inrs.fr e-mail : [email protected]
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Point des connaissances ED 5028
•
paru dans Travail et Sécurité n° 648, février 2005 © INRS
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Auteurs : Pierre Campo avec Graziella Dornier
Coordination : Martine Puzin Contacts : [email protected]
Secrétariat de rédaction : Christine Larcher
Photographie : Philippe Renault.
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