File

publicité
CINQUANTE PROPOSITIONS DU FORUM DES CHEFS D’ENTREPRISES POUR UN
NOUVEAU PACTE DE CROISSANCE ECONOMIQUE
I. LES MESURES PROPOSEES
Proposition 1 : Rétablir la liberté totale de l’acte d’investir. L’investissement est libre et n’est
soumis à aucune autorisation ou agrément et ce conformément à l’article 17 de la Constitution. Les
avantages accordés à l’investissement sont octroyés directement par la loi. Le Gouvernement peut
annoncer et afficher des priorités en faveur de branches ou de filières qui revêtent, à ses yeux, le
caractère urgent, prioritaire ou stratégique, auxquelles il accorde des avantages incitatifs
supplémentaires. Pour les projets de grande envergure, les investisseurs bénéficient du régime de
la Convention signée avec les pouvoirs publics.
Proposition 2 : Lancer une politique de champions économiques. Ces champions bénéficieront du
soutien effectif des pouvoirs publics en phase de démarrage. Ils feront l’objet d’un suivi rigoureux
et permanent sur la base d’un plan de développement et d’objectifs à atteindre préalablement
définis. Une première liste de 200 champions privés nationaux, répartis sur tout le territoire
national, activant dans l’ensemble des branches et secteurs d’activité, sera sélectionnée.
Proposition 3 : Ouvrir de manière effective aux investisseurs privés nationaux l’ensemble des
secteurs d’activité économique qui leur sont aujourd’hui, dans les faits, fermés. Les secteurs
principalement concernés sont ceux des banques et assurances, de l’audiovisuel, du transport
maritime, du transport aérien, de la pétrochimie et de toutes activités en aval des hydrocarbures
etc.
Proposition 4 : Créer une banque d’investissement spécialisée dans le développement de la PMEPMI privée et dotée d’un capital équivalent à 10 milliards de $ US. Le capital de cette banque sera
ouvert à l’actionnariat privé et institutionnel et, éventuellement, à des investisseurs étrangers.
Proposition 5 : En matière d’investissement direct étranger (IDE), abandonner la règle des 51/49
appliquée systématiquement, mais afficher les branches ou filières considérées comme
stratégiques où la partie algérienne est obligatoirement majoritaire tels que : l’énergie, les
hydrocarbures, les TIC, l’eau, les banques, les assurances,
Proposition 6 : Au titre de la sécurité alimentaire nationale, décider d’un programme s’étalant sur
sept ans et visant l’autosuffisance complète ou partielle (70 à 80 %) pour les produits suivants :
céréales, légumes secs, lait et huiles. Les entreprises impliquées dans la réalisation de ce
programme bénéficient d’un soutien adéquat des pouvoirs publics.
Proposition 7 : Au titre des priorités de la politique sanitaire nationale, mettre sur pied un
programme précis de développement et de soutien aux fabricants nationaux visant à assurer dans
un délai n’excédant pas cinq ans, 70 à 80 % des besoins en médicaments.
1
Proposition 8 : Eriger des zones prioritaires de développement dans les Hauts-Plateaux et le Sud :
les investisseurs y bénéficieront notamment de l’octroi gratuit des terrains, de l’imposition unique
et forfaitaire de 3%, ainsi que des crédits bonifiés. Les premières zones prioritaires concerneront
les villes suivantes : Aïn Sefra, Tiaret, Bechar, Ghardaïa, El Menea, Ouargla, Touggourt, Tindouf,
Ilizi, Biskra, Tebessa.
Proposition 9 : Implanter de nouvelles zones industrielles le long de l’axe autoroutier Est/Ouest ;
spécialiser les zones industrielles par types d’activités en favorisant l’intégration vers l’amont,
notamment par une synergie entre agriculture et industrie.
Proposition 10 : En matière de gestion du foncier industriel, garder le système de la concession
pour la seule période de réalisation des projets d’investissement : au-delà, la pleine propriété sera
la règle.
Proposition 11 : Accorder la possibilité, à toutes les entreprises existantes, qui le souhaitent, de
rééchelonner leurs dettes bancaires, avec un délai de grâce de 3 années ; les agios de la période de
grâce seront supportés par le Trésor.
Proposition 12 : Réserver aux entrepreneurs nationaux les marchés publics dont le montant
n’excède pas 30 millions DA pour les services, 150 millions DA pour les fournitures et 200 millions
DA pour les travaux.
Proposition 13 : Rétablir le crédit à la consommation pour l’acquisition des biens et des services
produits localement.
Proposition 14 : Remplacer le soutien des prix pour les produits de large consommation par
l’instauration d’un complément de revenus au bénéfice des couches de population à faible revenu.
Proposition 15 : Reprendre et relancer sur base régulière et avec l’appui des pouvoirs publics la
campagne « Consommons national».
Proposition 16 : Mise en place et lancement d’un grand programme national de développement
des énergies renouvelables. Les entreprises privées nationales seront impliquées de manière
directe dans ce programme, en leur confiant en priorité la production des équipements
indispensables pour assurer le succès de ce programme.
Proposition 17 : Encourager le retour des populations rurales qui ont fui leurs lieux d’habitation du
fait du terrorisme, en portant l’aide accordée par les pouvoirs publics à Un (1) million DA par
famille.
2
Proposition 18 : Concevoir une politique différente du logement : faire du logement un produit
marchand, disponible sur le marché pour l’acquisition en toute propriété ou pour la location. L’Etat
interviendra pour le logement social à travers l’aide au financement pour une population ciblée et
il s’interdit de distribuer gratuitement le logement.
Proposition 19 : Concevoir un programme de nouvelles villes de différentes tailles (10.000, 20.000,
et 50.000 habitants) et réparties, dans le cadre de plans d’aménagement spatial, sur l’ensemble du
territoire national. Ces nouvelles villes seront construites le long de l’axe autoroutier Est-Ouest, et
des grandes zones de circulation et seront dotées de toutes les infrastructures et commodités
urbaines. Leur construction sera confiée aux entreprises algériennes.
Proposition 20 : En matière d’exportation, fixer un objectif de 10 milliards de dollars US à atteindre
dans un délai de cinq (5) à sept (7) années et de 20 milliards de dollars US à atteindre après dix (10)
ou douze (12) années.
En contrepartie, réformer en profondeur le système de régulation et d’encouragement de
l’acte d’exportation :
 Prendre en charge la totalité des frais de participation des exposants nationaux aux foires,
salons et expositions à l’étranger ;
 Organiser et financer les expositions spécifiques des produits algériens à l’étranger ;
 Autoriser l’entreprise exportatrice à garder la totalité des recettes de ses exportations ;
 Autoriser la création de structures commerciales à l’étranger en faveur des exportateurs
qui souhaitent consolider leur réseau sur les marchés d’exportation ;
 Prévoir la création de zones franches dédiées spécialement au développement des produits
destinés spécialement à l’exportation.
II. MESURES POUR REDUIRE LE CHAMP DE L’INFORMEL
LES OBJECTIFS :




Le secteur de l’informel est aujourd’hui très puissant et très solidement installé sur le
marché national. Il s’agit donc, à ce stade, non pas de l’éradiquer, mais de le contenir et de
réduire de manière graduelle son champ d’influence ;
Une démarche à base d’amnistie fiscale est recommandée pour réintégrer dans l’espace
légal les volumes financiers qui y échappent, tout en fixant un droit d’entrée qui permettra
de procurer des ressources au Trésor Public ;
En parallèle, une réforme du registre du commerce de même qu’une mise à niveau du
système d’information économique sont des axes incontournables d’une politique de
réduction sur le long terme des activités informelles ;
Enfin, il y a lieu de donner des réponses concrètes aux besoins d’une partie de la jeunesse
désœuvrée et pour laquelle l’exercice d’activités commerciales précaires par l’occupation
des espaces publics se trouve être un biais pour survivre. Les mesures proposées :
Proposition 21 : Décider une amnistie fiscale en taxant à hauteur de 10% les montants déclarés au
fisc puis déposés dans les banques. L’amnistie ne concerne pas les liquidités dont l’origine est
criminelle (drogue, terrorisme, corruption etc.)
3
Proposition 22 : Relever le plafond du chiffre d’affaires des entreprises et activités soumises à
l’impôt forfaitaire unique (IFU) à 30 (trente) millions de DA.
Proposition 23 : Multiplier les marchés de gros de fruits et légumes et en faire graduellement un
lieu de passage de l’ensemble du commerce de produits agricoles. Créer des marchés
bihebdomadaires de quartier pour y intégrer au fur et à mesure le commerce de rue et les
marchands à la sauvette.
Proposition 24 : Réformer en profondeur le système du registre de commerce. Passer à un système
déclaratif, à charge pour l’administration commerciale de développer son système d’observation
des pratiques commerciales sur les différents marchés et, le cas échéant, de sanctionner
sévèrement tous les contrevenants.
Proposition 25 : Moderniser et mettre à niveau le système national d’information économique et
social. Mettre l’accent sur le suivi des activités économiques du secteur privé national, en
travaillant à restreindre le champ de l’informel et des activités non saisies et notamment en
privilégiant le recours aux nouvelles technologies de l’information.
III. MESURES POUR SIMPLIFIER L’ENVIRONNEMENT DE L’ENTREPRISE ET AMELIORER LE CLIMAT
DES AFFAIRES.
LES OBJECTIFS :



Le climat des affaires et l’environnement de l’entrepreneur au sein de l’économie
algérienne sont reconnus de manière unanime pour être des freins à l’efficacité et à la
compétitivité des investisseurs et des producteurs ;
Les mesures à prendre en ce sens entrent dans un programme de longue haleine à mettre
en place pour jeter les bases d’un véritable droit économique cohérent et incitatif pour la
prise de risque et la création de richesses durables ;
Dans un premier stade, il s’agit de combler des lacunes ou des vides juridiques qui
contraignent l’activité des entreprises ou, plus simplement de mettre fin à des anomalies
organisationnelles ou même à des situations de non-droit.
Proposition 26 : Réformer en profondeur le droit économique algérien. Autoriser la constitution de
Sociétés par actions simplifiées et/ou introduire dans la législation la forme de Société anonyme.
Combler le vide juridique ou, dans certains cas, l’imprécision et l’inadaptation des textes en
vigueur en matière de : droit des sûretés ; droit foncier ; régime de la faillite et du règlement
judiciaire ; législation sur la généralisation des nouveaux modes de paiement dans les transactions
courantes du citoyen ; droit des sociétés et code de commerce ; droit de la propriété intellectuelle ;
etc. Cette réforme devra être conçue pour jeter les fondements solides du développement (8) et de
l’expansion de l’entreprise algérienne.
4
Proposition 27 : Engager une réforme fiscale profonde qui visera, d’une façon générale, à simplifier
l’environnement fiscal de l’entrepreneur, encourager la prise de risque en accompagnant les
projets novateurs, développer un système de fiscalité locale favorisant la décentralisation de la
décision économique, adapter la fiscalité aux besoins des grands groupes industriels et favoriser la
promotion de besoins sociaux nouveaux tels que la protection de l’environnement ou
l’aménagement du territoire etc.
Proposition 28 : Revoir le système appliqué à l’impôt sur les bénéfices en supprimant la double
imposition en matière d’IBS et d’IRG qui frappe les bénéfices distribués ; le paiement de l’IBS par
l’entreprise doit être libératoire.
Par ailleurs, il est proposé de ramener à 5% le taux d’imposition sur les bénéfices réinvestis.
Proposition 29 : En matière de financement des entreprises, favoriser les prêts à long terme pour
les projets d’investissement à maturation lente.
Proposition 30 : Relever le taux de rémunération des dépôts pour drainer davantage les capacités
d’épargne disponibles et réduire le phénomène de thésaurisation.
Proposition 31 : Changer la valeur faciale de la monnaie : 1 DA = 100 DA anciens.
Proposition 32 : Lever l’autorisation de la Banque Centrale, préalable à la mise en place des
agences bancaires, de sorte à impulser le développement du réseau bancaire national et à se
rapprocher des normes régionales en la matière, soit (1) agence bancaire en moyenne pour 10.000
habitants (contre 28.000 actuellement). Dans le même sillage, développer les réseaux de banques
algériennes à l’étranger pour permettre de collecter les ressources financières détenues
notamment par l’émigration nationale dans un certain nombre de pays partenaires.
Proposition 33 : Moderniser le régime des changes : Instaurer un marché à terme de la devise au
profit des entreprises ; responsabiliser les banques sur la gestion des devises liées à l’exportation
hors hydrocarbures et aux ressources de l’émigration ; mettre en place un instrument de marché
pour la couverture du risque de change. Organiser et lancer dans la pratique les opérations
d’installation d’agents de change en définissant les modes et les règles de leur rémunération.
Proposition 34 : Dynamiser la Bourse d’Alger : mettre sur pied un programme d’entrée en bourse
pour toutes les grandes entreprises publiques nationales ; prévoir des incitations d’ordre fiscal
pour stimuler l’entrée des entreprises privées et étrangères installées sur le marché national:
imposer le passage par la cotation en bourse pour les grandes opérations de privatisation.
Proposition 35 : Revoir le fonctionnement des Chambres de Commerce : adaptation de leurs
statuts, financement de leurs activités ; confier la création et la gestion des zones industrielles ainsi
que des zones portuaires aux Chambres de Commerce Régionales.
5
Proposition 36 : Lever la mesure légale qui interdit l’importation des équipements et matériels
d’occasion : usines, engins fixes et roulants, matériels et équipements du BTPH.
IV. MESURES D’ORGANISATION ECONOMIQUE OU D’ORDRE INSTITUTIONNEL
LES OBJECTIFS :


La mise sur pied d’un véritable pacte de croissance impose de revoir certaines formes
d’organisation institutionnelle pour mieux asseoir les bases d’une politique cohérente en
direction du monde de l’entreprise ; un certain nombre de mesures sont conçues pour
créer un déclic et relancer le développement économique national sur des bases nouvelles.
Par ailleurs, il s’agit de reconnaître dans les faits et de consacrer le rôle éminent que joue
l’entreprise nationale, l’entreprise privée en particulier, dans le développement (13)
économique et social du pays. Les mesures proposées :
Proposition 37 : Créer un ministère de l’Economie nationale qui regrouperait : les ministères des
Finances, de l’Industrie et du Commerce, de sorte à structurer une administration économique
cohérente face au monde de l’entreprise.
Proposition 38 : Revenir au week-end universel ou permettre aux entreprises d’aménager le repos
hebdomadaire à leur convenance. Les administrations recevant le public telles que mairies, postes,
guichets de paiement etc. seront ouvertes le samedi.
Proposition 39 : Dépénaliser dans les faits les actes et fautes de gestion dans les entreprises
publiques économiques : une responsabilité accrue est à conférer aux organes de gestion de
l’entreprise ; développer une législation appropriée en matière de conflit d’intérêt et de prise
illégale d’intérêt et reconnaissance des risques réguliers inhérents à la gestion d’entreprise.
Proposition 40 : Instituer la représentation des entreprises dans tous les conseils, offices,
commissions ou organes de médiation ou de recours, dans lesquels l’entreprise a des droits à
défendre, tels que : Conseil de la concurrence, commission de marchés, Cnas, ports, commissions
de recours auprès du fisc, etc.
Proposition 41 : Investir massivement dans l’économie de la connaissance, en généralisant
l’enseignement des nouvelles technologies de l’information et de la communication comme
matière à part entière dans l’ensemble des écoles algériennes, et ce, dès le primaire. Equiper les
écoles et former les personnels en conséquence.
Proposition 42 : Simplifier et débureaucratiser la relation entre le citoyen et l’administration en
faisant aboutir dans les faits le programme de l’e-gouvernement, en faisant en sorte, notamment,
que les documents essentiels et des grands services publics soient accessibles sur une base
virtuelle. Impliquer en ce sens les entreprises privées.
6
Proposition 43 : Mettre sur pied dès maintenant des passerelles entre le système de formation et
le monde de l’entreprise de sorte à mieux intégrer les préoccupations des entreprises. Mieux
orienter les politiques de formation en général vers les besoins spécifiques des entreprises.
Proposition 44 : Mettre sur pied un programme de mise à niveau d’une dizaine de grandes écoles
ou d’universités nationales, avec un appui financier massif de l’Etat, dans des spécialités à définir
en liaison avec les priorités du développement économique national ; ces grandes écoles et
universités devront devenir, à échéance d’une dizaine d’années des pôles d’excellence au niveau
mondial. Associer étroitement à ce programme et mobiliser en ce sens la diaspora nationale à
l’étranger.
Proposition 45 : Introduire une plus grande flexibilité dans le système de régulation des relations
de travail et de l’emploi. Les progrès attendus concernent notamment : les missions actuellement
dévolues à l’Agence nationale de l’emploi (Anem) ; les obligations liées au contrat de travail, en
particulier les CDI-CDD ; les règles régissant les conventions collectives ; l’élaboration et la diffusion
de l’information liée au marché de l’emploi ; les aides à la formation professionnelle en entreprise ;
la lutte contre les pratiques du marché informel ; etc.
Proposition 46 : Mettre en place de manière systématique, des deadlines pour les principaux
documents et/ou autorisations délivrés par les administrations et les banques, tels que les permis
de construire : trois (3) mois maximum ; les avantages Andi : deux (2) mois ; la carte fiscale : un (1)
mois ; le registre de commerce : un (1) mois ; etc.
Proposition 47 : Engager une réforme de décentralisation économique poussée en faveur
d’administrations économiques régionales à compétence élargie.
La création de l’échelon régional pour les questions économiques et de développement
semble pertinente.
Des administrations régionales dotées de vraies prérogatives pourraient être chargées, dans
un premier temps, de délivrer tous les permis et autorisations et de coordonner les actions de
l’Etat au niveau régional, en particulier sur les ressources publiques comme le foncier des
infrastructures, l’accès au crédit, etc.
Proposition 48 : Mise en place d’un observatoire des échanges extérieurs, comme outil de
régulation devant aider à la restructuration graduelle de notre système d’échanges internationaux
et à l’accompagnement des transformations à engager à l’échelle de l’économie nationale (passage
d’une économie de rente à une économie productive et moins dépendante).
Cet organe aura également en charge la surveillance des transactions en matière de
commerce extérieur et, en particulier, les problèmes liés aux déclarations en matière de valeur en
douane.
Proposition 49 : Développer le dialogue économique et la concertation entre les autorités
publiques et les représentants du secteur privé.
Conforter les ressorts du dialogue économique en le structurant et en l’organisant :
calendriers et programmes de discussion fixés à l’avance ; échange et circulation de documents et
de réflexions concernant le développement économique national ; suivi effectif des mises en
œuvre des décisions prises ; participation du secteur privé à la préparation des lois et règlements
7
ayant un impact sur la politique économique publique ; publication de tous les projets de lois et
règlements à caractère économique.
Proposition 50 : Instituer et mettre en place un médiateur national en charge de la relation entre
les autorités économiques et l’entreprise, de sorte à créer progressivement la relation de confiance
indispensable au succès de la politique nationale de développement économique et social.
8
R.Hamiani : « Il faut lever le voile sur le pétrole ». Or, le mot Apocalypse signifie
étymologiquement : « dé-cacher », révéler. Les révélations faites à St Jean dans l’île de Patmos ont
été l’objet de deux interprétations différentes :


La première, cataclysmique, mobilise des peurs ancestrales chez les hommes : celles des
monstres et des fléaux. R.Hamiani avertit pour sa part que le pétrole est voué à
l’épuisement. Bien que cette ressource non renouvelable pourra faire vivre les algériens
encore quelques décennies, il n’en reste pas moins que si Hassi R’mel et Hassi Messaoud
devaient fermer leurs portes, la catastrophe frapperait plus tôt qu’à l’échéance fatidique
(« quelques décennies encore » --- prévoit-il).
La seconde fut notamment celle de St Augustin. Celui-ci s’insurgea contre la première
interprétation et expliqua plutôt que les révélations faites à St Jean contenaient un
message de paix à l’adresse des chrétiens persécutés. Les chrétiens devaient au contraire,
selon St Augustin, se réjouir puisque l’Apocalypse serait l’Heure où Dieu se révèlera enfin
aux croyants. De façon plus profane, il faut comprendre aussi que lorsqu’on parle avec des
symboles, on laisse l’homme libre. Il peut alors y aller de son libre-arbitre et développer sa
propre compréhension des choses : sa propre herméneutique pour ainsi dire. St Augustin
sollicita l’esprit humain plutôt que les peurs.
Faut-il alors comprendre que le FCE ferait office de divinité salvatrice et que grâce au « Nouveau
Pacte » (ou « Nouveau Testament » ? / « Pacte » ou « message de paix ») qu’il « propose »
(« révèle » ?) aux algériens (« tous drogués par le pétrole »), ces derniers seraient enfin sauvés ?
La teneur mystico-religieuse des propos de R.Hamiani (inadvertance ?) est étonnante. Le FIS en
tant que parti est mort, mais il faudra compter encore longtemps, en Algérie, avec la suspecte
influence d’esprits millénaristes et un tantinet pétris d’idéologie du Salut.
A trop prendre de haut « les idées générales » tout en sacrifiant au fétichisme de la précision et de
la concrétude, R.Hamiani condamne le FCE à n’avoir aucun socle doctrinal. Or, pensée dénuée de
doctrine voue fatalement à l’action chaotique --- sans espoir aucun qu’un tel chaos soit
« créateur » --- au sens de J. Alois Schumpeter (1883-1950). Ceci est d’autant plus fâcheux pour cet
organisme patronal qu’il ne se prive pas du recours aux symboles : le chiffre « cinquante » (« 50
propositions … ») renvoie aux cinquante années d’indépendance de l’Algérie. Le recours à ce
symbole est sensé être mobilisateur. Sauf que la précision ne concerne pas que le langage
technique. Le langage symbolique, lui aussi, est exigeant en matière d’ « Excellence » et R.Hamiani
serait bien avisé d’expliquer comment la majorité musulmane du pays pourrait s’accommoder de
la vision apocalyptique, très mystico-religieuse et … chrétienne, qui lui est … « proposée ». Mais les
méfaits du vide doctrinal ne s’arrêtent pas là malheureusement. Il faut aussi compter avec un
enclin très prononcé du FCE à l’Abstraction voire à l’Absolutisme.
Proposition 1 : Rétablir la liberté totale de l’acte d’investir. L’investissement est libre et n’est
soumis à aucune autorisation ou agrément et ce conformément à l’article 37 de la Constitution. Les
avantages accordés à l’investissement sont octroyés directement par la loi. Le Gouvernement peut
annoncer et afficher des priorités en faveur de branches ou de filières qui revêtent, à ses yeux, le
caractère urgent, prioritaire ou stratégique, auxquelles il accorde des avantages incitatifs
supplémentaires. Pour les projets de grande envergure, les investisseurs bénéficient du régime de
9
la Convention signée avec les pouvoirs publics.
 1. La Constitution (article 37) « « garantit la liberté du commerce et de l’industrie » et
cette liberté « s’exerce dans le cadre de la loi ».
 La loi est produite par le pouvoir législatif et entérine l’intérêt-général. Des
objectifs politiques stratégiques sont pris en compte et c’est à l’intérieur de ce
cadre stratégique préalablement défini que s’exerce la liberté d’industrie et de
commerce. Le FCE développe une conception abstraite de la liberté.
 Personne ne sait quels intérêts de groupe social représente vraiment le FCE
(notamment par rapport aux six autres organisations patronales et, évidemment,
tous les opérateurs non fédérés dans l’une ou l’autre des organisations existantes).
 2. Le FCE est très actif au sein de la Tripartite (Gouvernement/Patronat/Syndicat). Quoi
qu’on puisse penser de ce type d’institution, il fait en quelque sorte fonction de
« Parlement de l’industrie » (Keith Middlemas) similaire à celui que les pays industrialisés
(notamment le Royaume-Uni) ont adopté après la 1ère GM pour faire face à la crise de
capital et de main-d’œuvre qui sévissait depuis les deux premières décennies du 20ème
siècle.
 Il y avait eu encouragement, par les différents gouvernements britanniques qui se
sont succédés, de la croissance institutionnelle de corps (personnes morales)
susceptibles de servir d’intermédiaires entre l’Etat d’une part, et, d’autre part, les
détenteurs de capital ainsi que les travailleurs.
 Cela devait offrir un cadre de négociation et de dialogue en faisant l’économie de
la lutte des classes : une façon d’entretenir le consentement public. Mais, de ce
fait, toutes les autres institutions sensées être parties prenantes de la vie
démocratique virent leur signification politique décliner : les partis politiques, les
associations, la presse, les églises, le Parlement lui-même.
 3. Le FCE revient donc à la tradition démocratique (« Forum ») après s’être engagé dans
une démarche qui peut être légitimement considérée comme liberticide. Pourquoi ? Le
cadre de la Tripartite ne suffirait-il plus à défendre l’intérêt-général ? Pourquoi ne voit-on
pas de patrons s’engager activement dans des partis ? Serait-ce qu’ils tiennent à éviter
toute démarche en termes de « classes » ? Si tel est le cas, cela veut dire qu’ils estiment
n’avoir que des intérêts fonctionnels de propriétaires, exactement comme ce fut le cas des
propriétaires du 18ème siècle britannique : pourquoi ne l’expliquent-ils pas clairement en
élaborant une doctrine ?
 4. « Liberté totale » à qui exactement ? Quels intérêts concrets, compréhensibles ?
Pourquoi cette réfraction au relativisme tout autant qu’au pluralisme (Isaiah Berlin) et
cette vision, somme toute, mystico-religieuse et, sans aucun doute abstraite et quelque
peu absolutiste(« liberté totale » / « aucune autorisation …»)?
 5. Les membres du FCE incarneraient-ils l’Investisseur Rationnel par « excellence » qui, en
s’adonnant à la poursuite de ses intérêts et en maximisant son utilité individuelle, ne ferait
que réaliser le Plan Divin inscrit en lui alors-même qu’il était dans les limbes ? [Adam Smith
(1723-1790)] ?
 6. « Le Gouvernement » : le FCE n’évoque « l’Etat » que par trois fois. Pourquoi cette
apparente aversion au mot « Etat » d’autant plus que tout ce qui est « urgent, prioritaire
10




ou stratégique » devrait faire normalement l’objet de débats impliquant l’ensemble des
partenaires du jeu démocratique ? Pourquoi recourir à un ton condescendant envers « le
Gouvernement » (il est dit que celui-ci « peut » définir tout ce qui est essentiel pour
l’économie nationale) ? Qu’est-ce qui serait essentiel et, en même temps, pourrait être
défini à l’exclusion des autres forces politiques (« à ses yeux ») par « le Gouvernement » ?
7. Y aurait-il, d’une part, tout le champ des activités où le FCE exercerait sa « liberté
totale » d’investir, et d’autre part, les « branches ou filières » cruciales que « le
Gouvernement » jugerait bon de définir et « auxquelles il accorde des avantages incitatifs
supplémentaires ? Pourquoi un tel dualisme ?
8. Des « avantages incitatifs supplémentaires » par rapport à quoi ? Aux avantages à
octroyer au FCE dans l’exercice de sa liberté totale dans d’autres « branches ou filières »
non intégrées dans ce qui serait « urgent, prioritaire ou stratégique » ? Qui plus est,
l’adjectif « incitatif » suggère que le FCE milite en faveur d’un Etat Keynésien incitatif ou
d’un Etat Catalyseur. Pourtant, en expliquant en même temps que ce qui serait stratégique
devrait être défini par « le Gouvernement », il signifie que « les pouvoirs publics »
s’impliquent directement dans l’orientation de l’investissement à l’échelle nationale (« Etat
Keynésien planificateur » ?) --- (« projets de grande envergure »).
9. Pourquoi les patrons ne se sont-ils pas, depuis le début, fédérés eux-mêmes selon des
cohérences de « branches ou filières » ? Comment se regroupent-ils ? Selon quels types
d’affinités ?
10. « Annoncer et afficher » : vocabulaire de jeu de hasard. Théorie des jeux
bradée ? [théorie des jeux, telle qu’élaborée en 1944 par John Von Neumann et Oscar
Morgenstern (« The theory of games and economic behaviour » / « Théorie des Jeux et
Comportement Economique ») : « Vivre et laisser-vivre »/ « Dilemme du prisonnier » / « La
poule mouillée » / « Le passager clandestin » …] ?
11
ARTICLES DE PRESSE
Q.O (11.04.12) : « OUYAHIA PRÔNE LE ‘‘JIHAD’’ CONTRE L’INFORMEL » Z.MEHDAOUI (P.
02)









Premier Ministre : Invité par FCE à présenter le programme de son parti (09.04.12) à l’Hôtel
El Aurassi.
Programme articulé en 07 points :
 1. « Préservation d’une Algérie unie dans son territoire et dans son peuple
 2. « Consolidation de la stabilité et de la cohésion nationales
 3. « Développement d’une économie productive et compétitive, à même de
garantir le bien-être de notre population
 4. « Offrir une chance et un avenir à tous nos jeunes ici en Algérie
 5. « Pérennisation et rationalisation de la politique sociale du pays
 6. « Conforter l’état de droit pour la sécurité des citoyens et de l’économie ainsi
que pour le recul de la bureaucratie ».
 7. « Associer nos compatriotes expatriés à la construction d’une Algérie
indépendante, stable et forte, qui en appelle à leur participation et qui sera
disponible pour leur protection là où ils résident ».
A.Ouyahia prône la « continuité dans la politique de développement économique du
pays ». Il affirme ne faire « aucune distinction entre l’entreprise publique et l’entreprise
privée et que les deux réunies représentent le moteur du développement économique
national.
Issad Rebrab (« patron de Cevital) : évoqua « les mesures obligeant le privé algérien à
s’associer d’abord avec le public pour investir dans certains secteurs ».
« Ouyahia, en fin diplomate, n’hésitera pas à qualifier Rebrab de ‘‘capitaine de l’industrie’’
et de représenter une fierté pour le pays, mais rappelle à l’industriel Algérien que son
projet (Cap Djenet) relève de la loi qui ne permet pas encore l’investissement dans les
ports. Le chef du RND conseillera à Rebrab d’être « patient et de continuer à naviguer en
évitant les obstacles. »
Ouyahia : « Il existe 200 distributeurs de médicaments et seulement 10 fabricants ». Et « il
soulignera que les patrons penchent plutôt vers l’importation que vers la fabrication ».
« Questionné sur les lourdeurs et les blocages de l’administration, Ouyahia reconnaît
clairement ‘‘qu’il existe des lobbies qui gravitent autour de l’administration’’ ». Il incita les
patrons à dénoncer par voie de presse les obstacles et autres lourdeurs qu’ils rencontrent.
Il ajouta aussi : « je serais malhonnête d’affirmer que le patron a entre les yeux l’intérêt
général en premier lieu ».
Au sujet de l’informel : « Il y a des gens qui avaient déclaré qu’ils étaient prêts à débourser
10 milliards de centimes pour tout brûler lors des émeutes de janvier 2011 à cause des
mesures décidées par le gouvernement, notamment celles relatives à l’obligation de
délivrer des factures et à l’utilisation du chèque quand la transaction dépasse les 500.000
DA… Il faut un véritable Djihad et un front national contre ce phénomène ».
Ouyahia « affirme par ailleurs que son parti partage 25 propositions parmi les 50 suggérées
par le FCE en mars dernier pour passer du système rentier à une véritable économie. La
règle de 51/49% n’y figure pas bien évidemment. Ahmed Ouyahia a défendu bec et ongles
12

ce choix imposé aux investisseurs étrangers en déclarant ‘‘qu’il faut arrêter de nous
prendre pour des indigènes’’. Pour Ouyahia, si la mesure a été décidée c’est parce que des
entreprises étrangères ont tenté de flouer le gouvernement Algérien ».
Ouyahia « a mis en garde contre l’économie basée sur la seule rente pétrolière. ‘‘Le réveil
sera brutal si les choses continuent comme ça’’ a-t-il averti en faisant savoir que si l’Algérie
ne découvre pas de nouveaux gisements, le pays commencera à importer le pétrole dans
une quinzaine d’années. Pis, si notre économie n’est pas diversifiée d’ici là, le pays n’aura
même pas les moyens d’importer de l’essence dans une trentaine d’années. »
L.S.A (11.04.12) : « SELON OUYAHIA LE MARCHE DE GRE A GRE A ATTEINT 10 MILLIARDS DE
DOLLARS » CHERIF BENACEUR (P.03)

« Plus de mille milliards de dinars (environ une dizaine de milliards de dollars) de marchés
de gré à gré ont été conclus durant les trois dernières années. Selon le premier ministre et
secrétaire-général du RND, ces marchés ont été contractés entre des entreprises publiques
et privées nationales.
L.S.A (11.04.12) : « SORTIR DU ‘’BOOGLI-BOOGLA’’ POLITIQUE ! » ABDELMADJID BOUZIDI (P.24)

« […] doit-on attendre de vraies réformes politiques (mais qui les fera ?!) pour pouvoir
réussir la nécessaire restructuration de notre économie ou bien doit-on plutôt faire germer
les réformes politiques par des transformations structurelles de l’économie, audacieuses
qui libèrent les initiatives et débureaucratisent la gestion ?
LA RELANCE DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE PASSE PAR UNE REFONDATION DE LA
TRIPARTITE :




« Notre pays a la chance d’être doté de ce qui devrait constituer assurément une véritable
institution : la tripartite.
Une tripartite devrait être un espace stratégique de dialogue social et de débat et
concertation économiques. Nous avons là, en effet, réunis les acteurs réels de l’économie
nationale : les patrons d’entreprise, les représentants des travailleurs, les pouvoirs publics.
« Mais jusqu’à maintenant, cette instance que beaucoup de pays nous envient est une
coquille vide : on se réunit, on prend du thé et on arrête quelques procédures de partage,
non pas de valeur-ajoutée créée par l’effort productif, la performance et la compétitivité
des entreprises, mais on partage la rente. Dans notre pays, seule la distribution fonctionne
bien.
« Le problème chez nous, aujourd’hui, est bien celui de trouver les meilleures voies et
moyens d’engager et de gagner la bataille de l’investissement et de la production. Nous
devons passer du pacte social au pacte productif et la prochaine session de la tripartite
devrait être consacrée exclusivement à l’élaboration de ce pacte productif.
« Trois grands chantiers devront être engagés :
13

1) « Comment débrider l’investissement productif. Il ne s’agit pas ici de poursuivre
sur la démarche actuelle d’adoption de mesurettes au gré de la conjoncture et qui,
additionnées, donnent un fatras ‘‘d’obligations de faire et de ne pas faire’’
incohérent et qui crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Non. Il s’agit de définir
la stratégie à adopter en matière d’investissements productifs pour les cinq années
à venir.
o Qui seront les acteurs de ces investissements ?
o Quelle option privilégier : substitution aux importations ou orientations
exportatrices ou bien les deux mais alors où placer le curseur ?
o Quels instruments financiers mettre en place pour réaliser cette stratégie
d’investissement ?

2) « La deuxième question à débattre … est celle qui doit traiter de l’augmentation
de la production. Ici, il n’ya pas à bricoler : l’augmentation de la production passe
par une politique déterminée de recherche-innovation. C’est à l’Etat que revient en
premier lieu cette tâche.
o L’augmentation de la production passe aussi par une nouvelle politique de
formation des ressources humaines. Une formation orientée sur la
demande et non plus une formation d’offre comme c’est le cas aujourd’hui.
Il faut que notre appareil de formation cesse de tourner pour lui-même : il
forme des ressources humaines sans se soucier de la demande du marché
du travail. Formation et besoins en ressources humaines des entreprises
sont parallèles : ils ne se rencontrent jamais !
o L’augmentation de la production passe aussi par la fameuse mise à niveau
de nos entreprises. Ah ! la mise à niveau, ce véritable serpent de mer. Et
pourtant, il n’est assurément pas difficile de passer réellement à l’acte et
de le réussir !

3) « Le troisième chantier que doit engager le pacte productif est celui de
l’économie fondée sur la connaissance (EFC). Aujourd’hui et encore plus à l’avenir,
la production dépend non plus seulement de la productivité globale des facteurs
capital et travail, mais de plus en plus de l’EFC, c’est-à-dire :
o de l’éducation-formation
o de la recherche-innovation
o des technologies de l’information et de la communication (TIC).
o du climat des investissements (qui doit être favorable). Dieu, que le retard
est grand dans ces domaines dans notre pays !! Alors on arrête de bricoler,
on mobilise nos élites (et elles sont consistantes) et on engage la
bataille ! »
L.S.A (03.04.12) : « RACHID BENAÏSSA: ‘‘Nous avons un problème de capacités humaines’’ » LYAS
HALLAS (P.6)
 1. R.Benaïssa : « Certaines personnes croient tout savoir ! Cela prouve plutôt qu’elles n’ont
pas pu intégrer les mutations en cours. Ce que je peux leur dire, est qu’elles prennent le
temps de nous écouter ».
14

Bien que personne n’ait été cité par le ministre de l’agriculture et du
développement rural (M.A.D.R), l’on ne peut que considérer ses propos comme
une réponse au FCE. Il signifie que « les mutations » sont impulsées par « le
Gouvernement ». Ce message montre que l’enjeu est bien un enjeu de pouvoir. Et
le ministre fait état, aussi, d’un problème de communication --- essentiel en
politique.
 Comprendre aussi que la posture du FCE est celle de ceux qui n’ont pas pu intégrer
les mutations en cours.
 2. Propos formulés le 08.04.12, « au siège de son département » à l’occasion du
« lancement d’un atelier d’appui technique qui s’inscrit dans le cadre du partenariat
stratégique 2011-2014 entre le MADR et la Banque Mondiale (B.M), en appui justement au
Programme de renforcement des capacités humaines et d’assistance technique
(P.R.C.H.A.T) ».
 3. Programme d’assistance technique « à la mise en œuvre de pôles agroalimentaires, au
programme de soutien au renouveau rural et au renforcement des statistiques agricoles,
de systèmes d’information et de suivi du P.R.C.H.A.T.
4. Objectifs : « renforcement de la croissance par la diversification de l’économie, la
promotion d’un développement durable et la réduction des disparités territoriales et le
renforcement des institutions de planification économique, de suivi et d’évaluation de
décision. »
 « Ce sont les objectifs de la politique du renouveau agricole et rural mise en œuvre
en Février 2009 ».
 « Le gouvernement veut créer une synergie dans le secteur, fédérant toutes ses
composantes, publiques et privées, les agriculteurs, les éleveurs, les industriels, les
institutions financières, les chambres d’agriculture, la société civile et
l’administration ».
 « Défis énormes » : « Etablir un cadre structurel et organisationnel adéquat
permettant de dynamiser l’activité agricole sur l’ensemble du territoire national
suivant les spécificités de chaque région et réduire graduellement la dépendance
alimentaire ».
 4. « De grands projets ratés à cause du cloisonnement de leurs initiateurs » :
 « Nous avons assez d’expériences faites de réussites, d’échecs, de regrets et
d’occasions ratées. Une expérience qui nous a permis de faire le diagnostic
nécessaire : le potentiel, les moyens et les contraintes. Cela nous a donné de la
visibilité. Et ainsi nous avons lancé un programme de recentrage ». R.B.
 « Nous avons régularisé les problèmes du foncier agricole parce qu’il fallait
sécuriser la relation des créateurs de richesse (agriculteurs, éleveurs …) avec la
terre. Nous avons facilité l’accès au financement à travers des crédits bonifiés et
des procédures simplifiées et, surtout, nous avons donné la parole aux créateurs
de richesse par le renouvellement des chambres d’agriculture, l’installation de
conseils interprofessionnels nationaux et régionaux pour toutes les filières et aussi
l’implication de la société civile dans les zones rurales par la création des cellules
d’animation communales ». R.B.
 « La dynamique est engagée et nous sommes maintenant dans une phase de
consolidation … Je voudrais lancer un message. Nous sommes là dans l’action.
15

Certains ont compris les enjeux très rapidement et ont pris des initiatives. D’autres
ont continué à travailler suivant les anciens schémas, dans un cloisonnement total,
et nous ont fait perdre de grands projets parce qu’en se réveillant, ils se sont
rendu compte qu’ils sont dépassés par les mutations en cours. Nous avons
effectivement un grand problème de capacités humaines. Certaines personnes
croient tout savoir ! Cela prouve plutôt qu’elles n’ont pas pu intégrer les mutations
en cours. Ce que je peux leur dire est qu’elles prennent la peine de nous écouter
Nous n’avons peut-être pas su intéresser les gens et les fédérer autour d’objectifs
entre guillemets ‘‘excitants’’. La question qu’on se pose est de savoir comment
faire, de manière pragmatique, pour mobiliser et fédérer des appuis multiples »
R.B.
L.H conclue : « L’information constitue désormais un enjeu capital dans la mise en
œuvre de la politique de renouveau agricole et rural. »
 Tout ce qui précède montre bien l’importance du concept de « Capital Social » et celle du
concept de « Capital Humain qui lui est lié (J.S.Coleman). Le ministre explique que sur le
plan de la connaissance de la situation agricole et de ce qui serait à faire dans le sens d’un
renouveau, il y a « visibilité ». Le vrai problème résiderait dans l’organisation du Capital
Social grâce auquel le Capital Humain pourrait croître.
 Autre concept important et qui nous vient de l’Economie Institutionnaliste : celui de « Coût
de Transaction ».
16
LSA : « Croissance économique ces 10 dernières années : Hamiani dénonce les exhorbitantes
dépenses publiques (23-04-12) M.Kebci (P.7)»
 Conférence de presse de présentation du 12ème Sipsa : Hamiani, à propos du recours aux
volumineuses dépenses publiques des 10 dernières années (« Nous ne disons pas que c’est
mauvais mais nous pensons qu’il est temps de passer à une autre étape, celle d’une
production purement locale »).
 Suite à la diffusion des 50 propositions du FCE, une rencontre est prévue le 25 avril 2012
avec « les acteurs du médicaments ».
 « Des conclaves du même genre regrouperont tous les 15 jours des intervenants de divers
secteurs d’activités, dira-t-il, faisant part d’une campagne de sensibilisation pour
consommer national : ‘‘ Il n’est pas normal d’importer des produits qu’on peut produire
localement … Les vertus prêtées aux produits importés sont des leurres’’ ».
 « Hamiani dénoncera aussi la démarche purement sociale des pouvoirs publics quant au
soutien de quatre produits de large consommation. Pour le patron du FCE, c’est une
démarche ‘‘ moralement inadmissible puisque profitant aussi bien aux pauvres qu’aux
riches et économiquement inefficace car profitant aux réseaux de la contrebande qui fait
que ces produits sont frauduleusement acheminés en dehors de nos frontières’’ ».
 « L’orateur invitera les pouvoirs publics à « se casser davantage la tête pour soutenir les
franges vulnérables de la société ».
 « Le président du FCE a plaidé pour une meilleure organisation du circuit de distribution
des produits alimentaires, saluant, dans ce sillage, la création prévue d’une cinquantaine
de marchés de gros à travers le territoire national ».
LSA : « Recherche Scientifique et Economique : Déficit d’implication institutionnelle et privée,
manque de visibilité …» (23-04-12) C.B P.07
 Hammouda Nacer Eddine (directeur du CREAD) : il « relève que le partenariat chercheurinstitution est davantage entre les personnes qu’entre les institutions ».
LSA : « 12ème salon international de l’élevage, de l’agroalimentaire et de l’agroéquipement : Sous le
sceau de la valorisation du produit agricole local » M.K
 Amine Bensemmane (Président de la fondation Filaha --- organisatrice du Salon) : « les
industriels se doivent de sécuriser leurs approvisionnements aux activités de
transformation des produits agricoles et se procurer localement la matière première en
quantité et en qualité et ne plus recourir à terme à l’importation …» Et, en agissant de la
sorte, « les agriculteurs auront créé en amont des débouchés suffisants pour dynamiser
leur production ».
Q.O (23-04-12) : « Selon le patron de l’UGTA : Les prix otages de la politique --- Une alliance s’est
opérée pour officiellement lutter contre la flambée des prix des produits agricoles et alimentaires
de large consommation, qui s’est emparée de l’ensemble des marchés et commerces de quartiers »
Yazid Alilat (P.02).
17
 « Il faut que le pouvoir public réinstaure son autorité … La transition de l’économie
administrée vers l’économie de marché s’est faite sans logique… Absence de l’Etat
stratège, de l’Etat Puissance et de l’Etat régulateur ».
18
Streeten, Paul P.: Thinking about development, Cambridge University Press, 1997. Cf particulièrement : Third
lecture : ‘‘The Judo Trick : The Role of Direct Private Foreign Investment in Developing Countries, pp. 145-194.
Les finesses du judo (« judo tricks »)
Paul Patrick Streeten parle plutôt de « judo tricks » (que je traduis par « les finesses du judo »).
En traitant du rôle de l’investissement direct privé étranger dans les pays en développement, il
adopte une approche centrée sur les innovations institutionnelles susceptibles de concilier les
intérêts des investisseurs étrangers avec ceux des pays hôtes. Et il estime que les entreprises
étrangères pourraient servir à regrouper autour d’elles nombre d’entreprises, et en particulier celles
du secteur informel du pays hôte, sur le modèle des « grappes » (« clusters »). A propos du secteur
informel, Streeten réprouve sa répression systématique. Plutôt que de provoquer des effets
d’éviction (« crowding-out ») les gouvernements des pays en développement devraient tenter
d’intégrer (« crowding- in ») dans leurs stratégies de développement économique ce que ce secteur
tant controversé recèle de fécond et d’utile.
Entre autres avantages dont disposent les activités informelles (158) par rapport aux grandes
firmes du secteur formel, il cite :
--- les avantages de localisation, lorsque les matières premières sont dispersées et que
l’entreprise les utilise dans sa fabrication, ou quand les marchés sont locaux et que le transport coûte
cher ;
--- les avantages liés au process de production ou au produit, lorsque le travail requiert un
assemblage simple ou d’autres activités qui sont mieux réalisées manuellement ou à l’aide d’outils
simples ;
--- les avantages liés au marché, lorsque cela revient moins cher d’opérer à petite échelle pour
un marché local que de travailler à grande échelle, ou lorsque le service doit être rendu là où
résident les consommateurs …
--- les avantages liés à l’adaptabilité et à la réactivité face aux changements de la demande ou
de la technologie : adaptabilité et réactivité permises par l’absence de coûts fixes élevés.
Streeten pense que quatre raisons devraient inciter à innover institutionnellement et
politiquement pour mettre à profit les avantages de l’informalité (pp. 160-161). Ces raisons sont à
lier au besoin manifeste, dans les pays du Tiers-Monde, d’augmenter la production, l’emploi (et ce
qu’il procure en termes de reconnaissance et de respect de soi), et les revenus. Existe aussi un besoin
d’éviter la rébellion politique.
--------(157) Streeten, Paul P.: Thinking about development, Cambridge University Press, 1997. Cf particulièrement :
Third lecture : ‘‘The Judo Trick : The Role of Direct Private Foreign Investment in Developing Countries, pp. 145194.
(158) ‘‘[….] informal sector activities are a way of doing things, characterized by an ease of entry, reliance on
indigenous resources, family ownership of enterprises, small scale operations, labour-intensive and adapted
technology, skills acquired outside the formal educational system, unregulated and competitive markets.’’
19
1°) Quoi qu’on en pense, le secteur informel tel que défini en bas de page est une importante
réserve potentielle de productivité, nonobstant la capacité de ses acteurs à gagner leur vie par euxmêmes. Bien que toutes les activités informelles n’aient pas ce potentiel, certaines l’ont de fait.
2°) La croissance de la population, combinée à l’urbanisation rapide ainsi qu’à la récession a,
dans les pays à faibles revenus, provoqué un important développement du secteur informel.
Parallèlement, les secteurs formels en place (industriel et agricole) ne peuvent pas absorber la force
de travail.
3°) Bien que le secteur informel ne saurait être vu comme n’englobant que les pauvres (bien
des acteurs de l’informel gagnent mieux leur vie que nombre de gens travaillant dans les secteurs
formels) c’est quand même en son sein qu’on les trouvera en grand nombre. Ainsi, s’il était possible
d’améliorer leur productivité et leur rémunération sans porter atteinte à la productivité (plus élevée)
du secteur formel, il serait possible d’augmenter la production ainsi que les opportunités d’emploi. Et
l’on évitera les conflits entre l’« efficience » et l’« équité ».
4°) Le chômage prolongé est source d’aliénation. Et il engendre le sentiment d’être inutile.
D’où, à terme, des risques de rébellion plutôt que des chances de favoriser l’activité productive.
Ce qui est souhaitable, précise Streeten, c’est que le secteur informel ne soit pas subventionné
au détriment du secteur formel et de sa productivité. Il ne faudrait pas non plus que les privilégiés
du secteur formel en viennent à mettre sous pression le secteur informel et à l’exploiter injustement.
L’issue serait alors de créer entre les petites entreprises du secteur informel et les entreprises, plus
grandes, du secteur formel, y compris les firmes multinationales étrangères, des relations de
complémentarité.
Maints exemples sont cités comme autant d’expressions et applications pertinentes d’un tel
esprit de conciliation :
--- La stratégie de Mao Tse Toung prônant qu’il faille « marcher sur ses deux jambes » en est un
exemple.
--- La réussite japonaise quand il s’est agi de combiner les deux secteurs : le secteur moderne
(grandes entreprises) et les entreprises de petites dimensions.
--- Dans l’Est asiatique, le marketing des produits d’exportation est confié à des firmes
étrangères.
----------.
‘‘Among other definitions of the informal sector are the following : self-employment ; unpaid family workers,
domestic servants and those self-employed who are not professionals and technicians; workers in small-scale
units of production, sometimes including domestic servants and casual workers; sometimes also low-wage
employees of ‘modern’ firms; unprotected, unregulated economic activities; illegal, clandestine and
unregistered activities; ‘traditional’ sector; ‘subsistence’ sector; ‘marginalized mass’; very small economic units
or micro-businesses; an abnormally swollen, overdistended tertiary sector of minimal productivity; a sector in
which wage rates equal marginal productivity.’’ Paul P.Streeten, op. cit. p.157. Il reprend en fait une définition
de l’OIT : International Labour Office : Employment, Incomes and Equality : A Strategy for Increasing Productive
Employment in Kenya, Geneva : International Labour Office, 1972, p.6.
20
--- A Singapour, ce sont les firmes transnationales qui furent chargées du marketing de la
production des filiales locales (dont elles étaient entièrement, ou majoritairement, propriétaires).
--- La Corée, aux premiers stades de son développemnt, eut recours à des acheteurs étrangers
pour écouler ses produits mais aussi pour acquérir le savoir nécessaire en matière de styles, de
designs, et de technologies.
--- La tendance à sous-traiter à de petites entreprises la fabrication de composants à assembler
dans de grandes entreprises (« production modulaire ») « encourage aussi la croissance du secteur
informel », dit Streeten : la perspective lui paraît tellement prometteuse qu’il prend soin de préciser
dans son texte qu’il intègre quant à lui, dans le secteur dit informel, toutes les entreprises de petites
tailles ainsi que les micro-entreprises (p. 156).
Ces exemples illustrent bien, à son avis, ce que le judo offre comme finesses susceptibles de
valoriser tous les potentiels du secteur informel en jonction avec le secteur formel :
« All these are illustrations of ways of using the power of the large firms, the Goliaths, in their selfinterest, for the benefit of the poor, the little Davids, rather as a judo fighter uses the power of his opponent for
his purposes. Let us call this the judo trick, partly because it uses the leverage of an initially antagonistic force
with multiplied effect, and partly because it uses the force of what is usally regarded as a powerfull, strong
opponent for the benefit of the weak.» ibid. p. 162.
Conduisant plus avant sa demarche exploratoire, Streeten donne en exemple de
symbiose entre secteur formel et secteur informel, des projets agricoles : l’un concerne la production
d’huile de palme en Malaisie (« Kulai oil palm project »), et l’autre a trait à la production de thé au
Kenya (« Kenya Tea Development Authority »).
Les montages qui ont été fait en Malaisie et au Kenya ont consisté à rassembler de petits
exploitants autour d’une grande exploitation moderne. Celle-ci se réserve le management, la
transformation (« processing ») de la matière première fournie par les petits exploitants,
l’exportation du produit fini, et le marketing. Elle fournit aussi aux petits exploitants les services
d’appoint (nettoyage des produits, transport, manutention, restauration des travailleurs, emballage
etc.) et le crédit. C’est-à-dire que les activités qu’il est préférable de réaliser à grande échelle et avec
des techniques modernes sont à la charge du « nucleus » (de la grande propriété formelle). Et les
petits exploitants informels se chargent de la plantation et de la récolte. Si ce type de projet connaît
du succès, il a cependant l’inconvénient du recours intensif aux ressources managériales. Le répliquer
à grande échelle dans des économies dotées de surplus en main-d’œuvre comme c’est le cas dans les
pays sud-asiatiques, exige qu’il soit conçu pour faire moins appel aux compétences managériales et
aux services d’appoint. En Inde par exemple, la production de lait organisée par le National Dairy
Development Board se fonde essentiellement sur le travail traditionnel et informel des femmes.
Un autre modèle est appliqué par des firmes internationales comme Heinz, Del Monté, United
Brands, Nestlé et Shell. Ce schéma d’action appelé « core-satellite » se base sur des contrats de
farming avec de petits exploitants. Les firmes internationales fournissent le marketing, l’équipement,
l’assistance technique, le crédit, les engrais et d’autres inputs ainsi que les services d’appoint et les
petits exploitants se chargent du reste (plantation, récolte). Ils doivent par ailleurs être organisés
pour renforcer leur pouvoir de négociation et l’utiliser directement et indirectement en vue d’avoir
l’appui de l’Etat. Etant donné l’importance des coûts fixes qu’impose la transformation industrielle,
21
les firmes doivent garantir un approvisionnement conséquent et fluide en inputs, et cela doit être
clairement stipulé dans le contrat de farming. Cette forme contractuelle peut permettre aux petits
exploitants de s’assurer l’accès à des débouchés commerciaux, du crédit et des inputs.
Ce que Streeten cherche à faire, c’est surtout d’y aller de sa créativité et de son imagination
personnelles pour, grâce à l’observation de ce qui se fait déjà en la matière, formuler des politiques
et des mesures pouvant concilier les intérêts des secteurs formels et informels. Il sait pertinemment
que de sérieux problèmes de répartition des gains peuvent se poser, et c’est pour cela qu’il suggère
que la recherche scientifique devrait s’intéresser de très près à cette question. Toujours est-il que le
type d’arrangement institutionnel qu’il décrit-là lui paraît fécond en ce qu’il permettrait de combiner
certains des avantages de l’agriculture centrée sur le modèle de la plantation (contrôle de qualité,
coordination des interdépendances qui existent entre certains maillons de la production et le
marketing) avec ceux dont disposent les petits exploitants (autonomie, puissants dynamismes et
capacité de génération de revenus). Certes, le risque demeure que la grande firme formelle utilise
son pouvoir de monopsone contre les petits exploitants. D’où qu’il faille contrebalancer un tel
pouvoir par des organisations de défense de leurs intérêts ; et là, l’Etat peut aussi intervenir par la
régulation et fonder son interventionnisme, conformément à ce qui se fait au Japon et en Corée du
Sud, sur la prescription plutôt que sur la proscription (pp. 206-207).
En matière d’industrie, Streeten estime que le modèle de la production modulaire est le plus
proche de sa démarche. Il est possible, affirme-t-il, d’imaginer qu’autour d’usines modernes soient
regroupées en « grappes » (« clusters ») de petites activités informelles chargées de la réparation, de
la production de composants ou de pièces détachées, et de fournir à l’usine des services d’appoint.
La production modulaire a par exemple, dans le secteur de l’automobile, soit remplacé, soit complété
le travail à la chaîne en tant que méthode de production. Le design et l’assemblage d’un moteur de
voiture peuvent alors être réalisés sur le mode modulaire. Le secteur informel (moindres coûts de
main d’œuvre) peut fournir les tableaux de bord, les portes ou les toits de voitures, la visserie etc…
pendant que la grande firme se concentre sur la conception du style, l’assemblage global du véhicule,
le marketing et la distribution.
Mais pour que la démarche soit effective et qu’on puisse profiter de son apport, encore
faudrait-il que des changements aient lieu en matière de politiques gouvernementales (p. 164):
renoncer à la régulation répressive, au harcèlement et à la discrimination contre le secteur informel ;
cesser par exemple de démolir systématiquement les locaux où sont installées ces activités sans que
la planification urbaine se charge de leur aménager des espaces. Au Pérou par exemple, les
opérateurs formels et informels se sont unis dans un cadre institutionnel (« Union of Formals and
Informals ») pour inciter l’Etat à réduire la pression des régulations et des ingérences
bureaucratiques. Encore faudrait-il aussi organiser politiquement et institutionnellement la
disponibilité du crédit, des informations et des inputs importés dont a besoin le secteur informel. Et
il serait tout aussi judicieux, selon Streeten, de proscrire la législation qui octroie au secteur formel
des avantages spéciaux dans les relations d’achat et de vente qu’il engage avec le secteur informel.
L’interprétation que Streeten fait de ce qu’il appelle « les ficelles du judo » lui paraît d’autant
plus pertinente qu’elle a, affirme-t-il, des implications ‘‘radicales’’. En effet, un tel modèle remet en
cause l’idée largement répandue que la hausse des salaires réels empêche d’accroître l’emploi et
les revenus. En général, quand les salaires sont bas au sein du secteur formel, les activités de
22
nettoyage ou d’entretien, de transport, d’emballage, de réparation, et de production des pièces
détachées sont réalisées au sein de l’entreprise formelle. Quand les salaires augmentent, il est plus
intéressant, pense-t-il, de sous-traiter ces activités au secteur informel étant donné qu’il ne tient pas
compte de la législation relative au salaire minimum. Par ailleurs, le secteur informel utilise des
techniques beaucoup plus axées sur un recours intensif en travail que ça n’est le cas dans le secteur
formel. Même si une telle sous-traitance devait être suivie d’une compression d’effectifs au sein du
secteur formel (plutôt que d’un redéploiement de personnel au sein du secteur formel-même), et
que les employés mis au chômage devaient exercer une pression sur les revenus au sein du secteur
informel, dans l’ensemble, le capital et les profits épargnés peuvent être suffisants pour permettre
des augmentations de revenus et la création d’emplois par les sous-traitants. C’est certainement le
cas par exemple lorsque le petit entrepreneur installé à son compte travaille plus ardemment qu’il ne
le faisait en tant qu’employé ou manager au sein du secteur formel. Un effet similaire peut être
obtenu avec une législation instaurant une semaine de travail plus courte au sein du secteur formel
alors que le secteur informel n’y serait pas tenu. Et ce serait encore le cas si les firmes informelles
devaient ne pas subir d’augmentation de la pression fiscale, voire même s’adonner à l’évasion fiscale.
C’est encore là que le cas du Japon (159) est cité comme exemple par Streeten. Il reprend en
celà Ronald Dore :
“Ronald Dore has suggested that the same effect can be achieved by the Japanese practice
of high average wages with lifetime employment and a retirement age at 50. The worker then sets himself up
in a small subcontracting business, and makes use of his connection with the large firm, which regards him as
loyal and reliable”. Streeten, op. cit. p.165.
Nombre de mesures doivent, selon Streeten, appuyer la quête d’arrangements institutionnels :
1- Encourager le secteur informel en veillant à ce que les prix des inputs (y compris les inputs
importés) soient justes.
2- Veiller à ce que les inputs (y compris les inputs importés) et le crédit soient disponibles.
3- Favoriser l’accès aux institutions de marketing et de crédit, et garantir que la corruption ne
sévisse pas au sein des dispositifs administratifs, nonobstant que leur fonctionnement soit efficient.
4- La technologie la plus appropriée aux entreprises de petites tailles doit faire l’objet d’un
travail de recherche conséquent, non seulement en vue de l’adaptation des techniques existantes
aux entreprises de petites tailles mais aussi en vue de créer cette technologie quand elle peut ne pas
exister dans un domaine donné d’activité.
---------(159) Comme modèle d’arrangement institutionnel conforme à sa vision de la complémentarité à encourager
entre le secteur formel et le secteur informel, Streeten cite le Kanban japonais et sa similitude avec les ateliers
décentralisés du Mexique (« maquilas ») --- formes modernes du système de « putting-out » du 18ème siècle
européen : ‘‘In Mexico a large number of small, decentralized workshops (maquilas) and household units are
subcontractors for the large firms. The uncertainties of the 1980s have encouraged the rise of these units which
produce specialized products with a broadly skilled and weakly specialized labour force. The division of labour
resembles the Japanese kanban where many small suppliers and subcontractors are clustered round a large
firm.’’ (concept de specialisation flexible). Ibid. p. 171.
23
5- Créer une banque du savoir qui diffuserait les résultats de la recherche en matière
technologique. Il s’agirait aussi de veiller à l’instruction des opérateurs et des personnels :
management, comptabilité, calcul des coûts de revient …
6- Disponibilité d’une infrastructure (routes, communications, ports et utilités) afin de faciliter
la vente des produits du secteur informel et leur acheminement vers les marchés national et
international.
7- Encourager la propension au « compter sur soi » (« self-reliance »), et soulager les opérateurs
d’une régulation excessive et du harassement administratif.
Remarquons surtout que Streeten ne prône à aucun moment une transition radicale de ce
qu’il appelle le « Fordisme », à ce qui serait une période « Post-Fordiste » totalement centrée sur la
petite taille, l’individualisme, la privauté et la latitude de ne s’engager que dans des choix
individuels. Les deux modèles peuvent exister simultanément et être complémentaires l’un de
l’autre. Ce point de vue est réitéré quand il explique que sa démarche serait tout aussi utile dans le
champ de l’administration et dans celui de la culture :
‘‘The idea of flexible specialization can be carried from the domain of production into
administration and culture. Asluggish centralized bureaucracy corresponds to Detroit’s assembly line. The new
problems of government, deteriorating public schools, soaring health costs, shrinking tax revenues, persistent
welfare demands, call for different forms of government: more decentralized, some privatization and
contracting out of certain services, more delegation to schools. The home, with computer, fax machine, copier
and telephone, replace the large factory; the video the large cinema; the stereo the large opera house. In
architecture, Fordism took the form of mass and geometry, Le Corbusierism and towerblocks, while postFordism rejects public and corporate architecture, ans stand for smallness, individualism, privacy, choice.
Informality may win across the board. The main thesis of the judo trick, however, is not to subscribe to this
view, but to say that Fordism and post-Fordism can be simultaneous and complementary. Assembly lines can
franchise and subcontract, and can house their workers in individually designed houses. Theme parks for the
masses can compete with home entertainment and soon with ‘virtual reality’ ’’.
Il n’est pas inutile non plus de constater que le « radicalisme » de Streeten procède d’un
enclin à se démarquer du marxisme et de la tradition révolutionnaire. La sous-traitance organisée par
la firme Marks and Spencer (vente au détail) en Grande-Bretagne et dans nombre de pays du TiersMonde combinée à des garde-fous institutionnels pour prévenir l’exploitation et le travail exténuant
lui paraît pouvoir faire plus pour les démunis que « Marx et Engels réunis » :
‘‘ … [Another] illustration to be found in a modern version of the 18th-century putting-out system.
Subcontracting by large firms to small, sometimes informal firms or cottage industries is quite common in the
developing world. But there is still much scope for importing houses in advanced countries or retail chains
independent of developed country producer interests to apply the putting-out system to informal sector firms in
developing countries. The large firms provides the materials, the designs, the credit and the marketing, while
the informal sector firm produces the clothes, the sport equipment, the electronic components, the cloth and
woodwork for handicrafts, or the crops. The British retail chain Marks ans Spencer have employed this modern
putting-out system not only in England but also in some developing countries.
There opens up another use for the judo trick. The political power of these retail chains, such as Atlantic
and Pacific stores or Safeways, can be used to counteract the pressures for protection by the producer lobbies
in the industrial countries. Their interest in low-cost, labour-intensive imports coincides with those of the
poor producers in the developing countries. If institutional safeguards are adopted to prevent exploitation
24
and sweated labour, firms such as Marx and Spencer can do more for the poor of the world than Marx and
Engels.’’ Ibid. p.167.
Et en traitant de la notion de “spécialisation flexible”, de la capacité des activités du secteur
informel à répondre dynamiquement aux changements de la demande et de la technologie, à
favoriser l’instauration de relations sociales plus humaines et responsables (par opposition au
secteur formel, ou traditionnel, caractérisé par la grande échelle, l’importance des coûts fixes, la
production de masse…) Streeten estime que politiquement, ces unités de production incarnent « une
nouvelle forme de coopération ». La vieille confrontation entre le capital et le travail est remplacée
par une confrontation entre les managers, les propriétaires et les travailleurs des firmes soustraitantes d’une part, et d’autre part, les grands opérateurs qui achètent leur production. En
somme, politiquement, des confrontations entre des « intérêts fonctionnels » (comme ceux du 18ème
siècle britannique qui ont été évoqués précédemment) permettraient de faire l’économie des
violences liées aux luttes de classes. Cela devrait aller de pair avec un soutien des autorités locales en
matière d’information, de savoir-faire technique et de formation. Que des politiques sociales bien
conçues appuient l’ensemble du dispositif institutionnel est certainement à encourager :
‘‘There is also a new form of cooperation between the small firms, and the old confrontation
between labour and capital is replaced by one between the managers, owners and workers in the small,
subcontracting firms, on the one hand, and the large buyers of their output. In addition, supportive local
institutions evolve that provide information, technical know-how and training. All this holds out great
productive and social promise for the informal sector, especially if supported by the right social policies.’’ Ibid.
p. 172.
Deux autres points importants sont à noter : tout d’abord que Paolo Sylos Labini (pp. 305-309)
prône qu’il faille aller plus avant dans la démarche et encourager la croissance du taux de naissance
des petites entreprises au lieu de les soutenir seulement pendant les premiers stades de leur
développement comme cela est fait par « incubation ». Il s’agirait donc que de nouvelles firmes
soient crées par les grandes firmes elles-mêmes en recourant au soutien par le crédit, la fiscalité et
les mesures organisationnelles.
Le deuxième point important est soulevé par Michael Lipton (pp. 318-320). Ce dernier relève
avant tout que l’expression « judo trick » est inadéquate et qu’il faudrait éventuellement en adopter
une autre parce qu’en judo, le combattant le moins avantagé cherche à utiliser la force de l’autre
pour le conduire à l’auto-destruction et à la perte du combat. En matière de relations à promouvoir
entre les firmes du secteur formel et les plus petites firmes familiales informelles, il avance que les
premières ne seront jamais disposées à exister en symbiose avec des firmes qui auraient pour
dessein de les détruire ou de les neutraliser.
Ceci dit, Lipton suggère qu’il faille adapter les politiques au type d’activités informelles que
l’on choisit d’aider. En général, ce qui est recherché, c’est l’avantage qui réside dans le recours, par
le secteur informel, à des techniques labour-intensive. Surtout, les coûts supportés par la grande
entreprise quand il s’agit de rechercher les employés, de les sélectionner à l’embauche, de les
recruter, et de superviser sont autrement plus bas dans le secteur informel, largement encadré par
une organisation familiale. D’autres avantages moins évoqués résident dans le fait que des inputs
critiques tels que la supervision, le stockage, les véhicules, le cash peuvent être shuntés, selon la
pression de la demande et les cycles saisonniers, non seulement au niveau des lignes de la
25
production mais aussi entre la production des firmes familiales en question et la consommation de
ces mêmes familles. Il y a donc « fongibilité élargie » : elle contribue fortement à l’efficience et à la
flexibilité dans leur utilisation des ressources. La grande firme formelle est, là, désavantagée. C’est le
cas dans les activités (exploitations) agricoles, le commerce de détail, et la construction : la
« fongibilité élargie » y explique la prépondérance de sous-secteurs familiaux. Cependant, les
grandes entreprises formelles, dit Lipton, sont aidées par l’Etat à travers le zoning, l’octroi de
licences, les règles de santé, et le harcèlement contre les colporteurs et autres démarcheurs. Il s’agit
d’autant d’appuis et d’aides octroyés par l’Etat aux grandes entreprises formelles contre la
compétition que pourraient leur faire les petites entreprises informelles. Qui plus est, même quand
l’Etat aide les petites entreprises informelles, il le fait le plus souvent dans les secteurs urbains, et
délaisse les petites entreprises informelles familiales des zones rurales. Autant dire que lorsque l’Etat
aide les petites entreprises informelles, il a plutôt tendance à le faire au détriment d’autres, plus
petites encore, au sein du secteur informel. Si bien, ajoute Lipton, qu’on se demande bien comment
toutes ces familles généralement dispersées et caractérisées par l’analphabétisme, pourraient avoir
un pouvoir de négociation suffisant pour influencer un Etat dominé par les grandes familles, et dont
les intérêts s’enchevêtrent au sein des firmes du secteur formel. Pourtant ces activités familiales
informelles délaissées par les dispositifs de soutien disposent aussi des avantages de l’informalité et
de la fongibilité.
‘‘ How is the informal, small family firm to be ‘baled in’ via the judo trick --- and via state policies
that favour it --- rather than excluded ?Even if this trick is brought off, Streeten himself stresses the danger that
the large formal enterprise may exploit or entrap small informal enterprises, leaving them worse off than before
the judo started, and unable to extract themselves. There are many examples of this in the history of outwork.
The danger, however, can be reduced. Household lace workers in southern India can organize as union,
bargaining with the large purchaser about the price of their craftwork. Several substancial purchasers may
compete for the informal-sector product, as when small tea growers in Kenya or Sri Lanka have the choice
among estates to process their leaf. Or --- perhaps least desirable, because so readily diverted to bad ends --the state can set up a regulatory review system. Lipton, ibid. p.319-320.
La question s’avère plus pertinente encore quand la grande firme formelle est une firme
multinationale et qu’elle doit nouer des liens de complémentarité avec ces mêmes entreprises
familiales informelles et fongibles :
‘‘Success in such areas seems to be relatively unlikely, if we insist on looking first to multinational
corporations as the formal-sector partner in judo. One such corporation, Browson and Polson, was the
predecessor, indeed the proximate cause, of the dairying cooperative in Anand that was the seed of India’s
National Dairy Development Board. This Board, as Streeten mentions, has achieved a successful ‘judo trick’; the
many poor family-farm buffalo-owners sell milk, for reliable collection at a reasonable price, to the Board’s
large formal processing concerns. However, before the advent of the cooperative, judo was not played. The
multinational has found it more profitable to provide processing on conditions dictated by market power, and
highly exploitative of the buffalo-owners.
How should competitive, or at least equal-exchange, relationships between informal and formal
enterprises be promoted ? First, as Streeten (like Berger and Piore) emphasizes, the informal sector, in flexible
contractual relationships with formal firms, can both provide and require seasonal or counter-cyclical
stabilization of employment for the poor. Second, the sector can sometimes compete effectively against the
high-wage formal ‘labour aristocracy’”. Lipton, ibid. p. 320.
26
Un tel cadre de réflexion a pour mérite de permettre l’élaboration d’une stratégie d’action
susceptible de dés-enchâsser les structures de la PME-PMI et des activités informelles du sombre
univers de la « réciprocité négative » dans lequel elles paraissent enfermées, pour les ré-enchâsser
d’une autre manière, au cœur-même des tissus sociaux, de sorte que soit réinstauré une visibilité
satisfaisante.
27
L’Angleterre avait ceci d’exemplaire que ce fut la nation qui engendra la fameuse révolution
industrielle et que celle-ci avait été impulsée grâce à des dynamismes sociaux de l’ « ancienne
société » (« The old society »), ce qui n’était pas pour laisser indifférents les défenseurs du projet de
« prospérité » (Fukoku) qui était au centre de l’agenda politique à l’Ere Meiji. Précisément, cette
société britannique du 18ème siècle n’était pas à proprement parler une société de classes (« a
classless hierarchy » affirme Perkin) :
‘‘ Like most pre-industrial, civilized societies, English society on the eve of the Industrial Revolution
was first of all an aristocracy, a hierarchical society in which men took their places in an accepted order of
precedence, a pyramid stretching down from a tiny minority of the rich and powerful through ever larger and
wider layers of lesser wealth and power to the great mass of the poor and powerless’’, Perkin, op. cit. p.17.
Les tensions et les hermétismes de la société de classes ne deviendront réalités qu’à l’amorce
des deux premières décennies du 19ème siècle, après n’avoir prévalu au 18ème que sous des formes
latentes dans le système usinier naissant. Au 18ème siècle britannique, la propriété précédait l’accès
aux « rangs », aux « degrés » et aux « ordres » (concepts qui étaient usités en référence aux
hiérarchies de ce 18ème siècle : on ne parlait pas encore de « classes » et il faudra attendre la
naissance de la pensée de David Ricardo et des courants qui s’y opposèrent pour que la référence à
la « classe » commence à faire son apparition) contrairement à la période féodale où l’accès à la
propriété dépendait d’abord de l’obtention d’une place dans la hiérarchie formelle (à un titre
honorifique, tel que chevalier ou lord …) au regard de services rendus à la couronne par exemple.
L’intériorisation par chacun de sa place dans la hiérarchie sociétale contribuait donc à faire, au
18
siècle britannique, que l’on défendait de « grands intérêts fonctionnels » dictés par les
exigences et autres nécessités de la bonne marche des activités économiques dont on tirait sa
subsistance : on ne se battait pas vraiment pour une part de pouvoir contre l’ordre établi (la
légitimité de la Reine et celle des propriétaires terriens étaient sauves). Là, le « lobbing » et le
recours aux relations sur le mode du « patronage » (solidarités verticales) l’emportaient sur toute
autre modalité violente d’action :
ème
‘‘Up to Waterloo, power was unquestionably in the hands of the great landowners and their friends
of one or the other faction, whom the ‘great functional interests’ lobbied not for a share of power but for
patronage of their particular policies. In so far as economic questions entered politics at all, it was via these
‘interests’, the various trades, industries, and professions, considered as hierarchies within the general hierarchy
of society, and representing through their leaders all levels of society from the squire, great merchant or
industrialist down to the humblest labourer, seaman or handicraft worker’’, Perkin, p. 29.
La question des droits de propriété ayant été réglée par le fait que les propriétaires terriens
avaient déjà, depuis longtemps, conquis le pouvoir contre les paysans, l’Eglise et la Couronne, c’est le
pouvoir social de la propriété (incontestée au 18ème siècle) qui sous-tendait les stratégies de
placement des hommes. Puisque le pouvoir social conféré par la propriété n’était pas confiné à la
seule élite des propriétaires terriens, et que chaque individu, quelle que fût sa place dans la
hiérarchie globale et quelle que fût la nature ou l’importance de sa propriété détenait sa propre part
d’« influence légitime » à exercer sur les personnes dépendant de lui dans la constellation des
rapports de travail à l’intérieur de la propriété et dans son environnement, on peut alors comprendre
que les tensions de classes n’aient émergé que plus tard. Derechef, insistons sur le fait qu’au cœur
de ce système trônaient les propriétaires terriens et que toute la constellation des jeux d’influence à
l’échelle de la société entière servait en définitive, via les propriétaires terriens, la Reine. Il s’agissait,
28
nous dit Perkin, d’une élite unifiée. Citant Raymond Aron, Perkin explique le sens donné à ce qu’il
appelle « élite unifiée », car cela renvoie à ce qu’est une « société sans classes » :
‘‘If, as one modern sociologist [R. Aron, en l’occurrence] has put it, a classless society is one with a
unified elite, which unites in itself the political, economic and social power of the community, then eighteenth
century England was a classless society. The landed aristocracy, standing at the head of all the ‘interests’ of the
social pyramid, held in its hands the strings of connection and dependency which held society together in a
hierarchical system’’. Ibid, p. 37.
Plus d’une quarantaine de rangs différents (cf. tableau suivant) s’échelonnait de bas en haut en
une chaîne continue et, tout comme au Japon il se trouva des défenseurs (et encore à ce jour) de la
« beauté » du legs de l’ancienne société, l’Angleterre avait aussi ses propres nostalgiques de la
« beauté » des structures sociales du 18ème siècle (80):
‘‘In most other countries, society presents scarcely anything but a void between an ignorant
labouring population, and a needy and profligate nobility ; … but with us the space between the ploughman and
the peer, is crammed with circle after circle, fitted in the most admirable manner for sitting upon each other, for
connecting the former with the latter, and for rendering the whole perfect in cohesion, strength and beauty’’.
L’hostilité de classes n’était donc pas encore, au 18ème siècle, au rendez-vous, et son lot de
tensions et violences en vue de l’acquisition du pouvoir. David Robinson, fit état, en 1824, des
propos d’un nostalgique qui, comparant l’Angleterre à la plupart des autres pays (« in most other
countries ») voyait le « secret historique » de la « liberté » des anglais dans le fait que la pyramide
sociale se constituait d’une superposition de « cercles » qui s’emboîtaient verticalement les uns aux
autres sans qu’il y eût rupture ou « vide » (« void ») à un niveau ou à un autre. La seule séparation
franche et nette qui existait concernait ceux qui étaient considérés comme « gentlemen » et ceux
qui ne l’étaient pas : les gens du commun. Autrement, entre les propriétaires terriens (au sommet
de la pyramide) et le travailleur pauvre, une longue chaîne de « rangs sociaux moyens » (« middle
ranks ») garantissait la cohésion du tout. Les violences étaient donc amorties par une telle
configuration hiérarchique, et les relations personnalisées caractérisant le « patronage » (deuxième
facteur structurel opérant avec l’organisation dite « aristocratie ouverte », et émanant d’elle),
lubrifiaient les rouages de l’ensemble de l’édifice sociétal. Cette lubrification des rouages sociaux
opérait d’autant mieux que chaque personnalité influente puisait sa légitimité dans des ancrages
locaux. Ce qui, au 19ème siècle, avec l’émergence ultérieure de procédures impersonnelles régissant
l’accès aux places sociales, à la valeur (au sens économique) et à la réputation, fut taxé de
« corruption », était au contraire, au 18ème siècle, bien perçu, valorisant, et valorisé.
Le patronage du 18ème siècle britannique se distinguait des relations clientélistes de la féodalité
(il y a eu révolution politique au 17ème siècle) en ce que les liens « d’amitié verticale » (« vertical
friendship ») entre patrons et clients qui le caractérisaient étaient moins formels que ceux de la
féodalité, et qu’on pouvait s’en défaire plus facilement (à l’époque féodale, il n’était pas possible de
se dégager des liens de dépendance tissés sous la coupe des seigneurs féodaux). Le patronage se
distinguait aussi des liens de dépendance caractéristiques des relations d’emploi contractuelles du
capitalisme qui adviendra ultérieurement en ce qu’il permettait précisément une approche
personnalisée et compréhensive susceptible d’aider autrui et de renforcer les loyautés verticales
pour que de haut en bas, et vice-versa, des cohésions solides puissent servir les intérêts
fonctionnels de la propriété.
29
‘‘Patronage, however, was more than a device for filling jobs, fostering talent, and providing
pensions for the deserving and the undeserving. In the mesh of continuing loyalties of which appointments were
so much in the fortuitous juxtaposition of degree above degree, rank upon rank, status above status, as in the
permanent vertical links which rather than the horizontal solidarities of class, bound society together. ‘Vertical
friendship’, a durable two-way relationship between patrons and clients permeating the whole of society, was a
social nexus peculiar to the old society, less formal and inescapable than feudal homage, more personal and
comprehensive than the contractual, employment relationships of capitalist ‘Cash Payment’. For those who
lived within its embrace it was so much an integral part of the texture of life that they had no name for it save
‘friendship’’’.
Le patronage, ou sélection personnelle des individus à affecter aux places ou postes ‘‘utiles’’,
agissait à l’échelle gouvernementale comme partout ailleurs : le patronage gouvernemental se
réservait les places les plus lucratives, tandis que le patronage privé concernait le plus grand nombre
des autres places et postes de la hiérarchie en société. Le capital relationnel était, en sus de la
propriété elle-même, ce qui déterminait la distribution des places (aucun organe politique central ne
la régissait). Ces réseaux relationnels se composaient d’abord des membres les plus proches dans la
famille directe et leurs relations. S’y ajoutaient aussi les plus proches de la famille élargie et, par
extension, leurs relations. Le troisième cercle incluait les fermiers chargés de l’exploitation des terres
et les gens du village. Quatrièmement, il y avait les alliés politiques ainsi que ceux qui leur étaient
associés et les supporters du même courant politique. Et il fallait en fin compter, comme membres
du réseau d’influence, toute personne dont on estimait qu’elle était dotée d’un mérite particulier,
ou qui pouvait rendre des services utiles aux intérêts fonctionnels qu’on défendait (le Duc de
Buccleuch offrit à Adam Smith, pour n’en rester qu’à cet exemple parmi tant d’autres, les conditions
nécessaires à la rédaction de son livre sur les « origines de la richesse des nations » ; A. Smith à son
tour, et avec l’aide de Lord Kames, firent en sorte que John Millar, élève d’A. Smith, obtienne la
chaire de Droit à l’université de Glasgow).
Il y a seulement que les « intérêts fonctionnels » pris en charge par un tel patronage, vu qu’ils
consistaient à répondre aux exigences de la bonne marche des structures de production (y compris
celles de la production scientifique et intellectuelle) contraignaient à choisir des gens compétents :
John Millar était certes l’élève d’Adam Smith, mais ce dernier ne l’aurait pas avantagé s’il n’avait pas
été sûr de sa compétence. De ce fait, au cœur d’un tel système, il n’y avait aucune honte à solliciter
des services. Et l’on s’enorgueillissait d’en rendre : l’ensemble des relations et influences façonnait
la société pour, en fin de compte, servir la Reine, tout comme au Japon il s’était agi
ultérieurement, à l’Ere Meiji, de servir l’Empereur.
‘‘In that age of glittering courtiers and competing favourites, patronage shaped society into a
complex solar system, planet around planet, moon around moon, all revolving about the sun and centre of
their world, the Queen herself’’… By the eighteenth century the Court counted for less and the Cabinet for
more, and the distribution of rewards depended more on the horse-trading of an oligarchy than on the
arbitrary whim of royal favour, but the system was essentially the same. Indeed, patronage was the middle
term between feudal homage and capitalist cash nexus.’’ Perkin, op. cit. p. 49.
L’ensemble de l’organisation sociétale ainsi montée par l’« aristocratie ouverte » du 18ème siècle
britannique se caractérisait aussi par une forte mobilité sociale qui aérait verticalement la pyramide
sociale. A n’en rester qu’aux pratiques familiales de transfert de la succession, et pour que les
fortunes ne se morcèlent pas à terme, prévalait en Grande-Bretagne une politique qui consistait à
léguer la succession à l’aîné. Il s’agissait surtout, dans l’ensemble, d’un choix délibéré de politique
30
familiale et non pas tant d’un souci de conformité au principe de primogéniture qui aurait été
entretenu et hérité en droite ligne, sous forme d’archétype, depuis la période féodale. Si bien que
les cadets de la progéniture, soutenus par la famille tant sur le plan du financement qu’au niveau
relationnel, étaient orientés vers d’autres vocations (église, armée, la marine de guerre ou
marchande, les arts et métiers, la East India Company…) en les confiant à des tuteurs. Les coûts de
cette stratégie étaient élevés si bien qu’en contrepartie, la famille attendait de cette progéniture que
son succès ultérieur lui profitât en retour : sur le plan de la réputation tout autant que du capital
qu’elle pouvait se constituer par elle-même (intégration ultérieure de ce capital à celui de la famille
d’origine). Tout cela conférait à la société un dynamisme remarquable en ce qu’une forte mobilité
verticale à double sens avait lieu : ascension d’hommes nouveaux, des classes moyennes vers l’élite
terrienne ; déclassements de fils de propriétaires terriens qui se réinsèreront dans les classes
moyennes. A cela s’ajoutait le flux à double sens (ascension/déclassement) des filles --- elles aussi. Et
ce qui est à retenir de tout cela c’est que les dynamismes de l’aristocratie dite « ouverte » tels que
décrits avaient ceci de particulier qu’ils facilitèrent la croissance économique sans changement
fondamental de structure :
‘‘The buoyant effects of this social mobility could be felt almost to the bottom of urban society, and
radiated outwards to the countryside [la campagne et la paysannerie n’étaient pas en reste parceque les
propriétaires terriens étaient profondément ancrés dans la terre et la vie locale: ils y puisaient leur légitimité
(Nda)]. Meanwhile, the landed aristocracy and gentry were constantly replenished with men, heiresses and new
wealth from below, thus replacing their own wastage by failure of heirs, bankruptcies, competitive expenditure,
and family jointures, portions and dowries. ‘Plus ça change et plus c’est la même chose’. The result was a selfcontained system of social movement which left the shape and structure of society precisely as before, a
‘stationary state’ based on the restless motion of its constituent atoms.’ Ibid, p. 62.
L’« aristocratie ouverte » ne s’était pas donnée comme objectif de créer la croissance : elle en
créa les conditions en se conformant à ses seuls intérêts fonctionnels. Il n’est pas inutile non plus de
noter que l’ « aristocratie ouverte » britannique était une oligarchie qui, si elle tenait à défendre ses
« intérêts fonctionnels » et la propriété, a consenti à en payer le prix, et à ouvrir ses rangs à tous
ceux qui pouvaient acquérir financièrement un bien et devenir propriétaires :
‘‘The old society was, finally, an open society. The triumph of the English landowners was gained at
a price which few oligarchies have been willing to pay. Not only were they willing to tax themselves, in land
and luxury taxes, to defend themselves from counter-revolution and, in poor rates, to buy internal peace from
those whose lives they made insecure. They paid for their unique conception of property, for the freedom to
do what they would with their own, by opening their ranks to all who could acquire the one necessary
qualification, the purchase-price of an estate. From the dawning of the old society with the decline of
feudalism and serfdom in the fourteenth century (though there are traces of it as far back as the reign of Henry
I) there began that familiar rise of new men into the gentry and nobility which became the most distinctive
feature of English History.’’ Perkin, H.: op. cit. p. 57.
31
32
THE MITSUI HOUSE
33
Adam Smith (1723-1790) :
Economiste écossais, Smith naquit à Kirkcaldy --- près d’Edimbourg. Il étudia à l’université de
Glasgow et à Balliol College (Oxford), se concentrant sur les mathématiques, la philosophie, les
classiques latins et grecs, les langues française et italienne. En 1762 il obtint son doctorat de droit à
Glasgow. Renonçant à une vocation cléricale, il devint professeur de littérature anglaise à
l’université d’Edimbourg, et y donna aussi des cours d’économie politique. Peu de temps après, on
lui offrit la chaire de logique à Glasgow et, un an plus tard, celle de philosophie morale. Ses cours
devinrent célèbres et en 1759, il publia sa Théorie des Sentiments Moraux. En 1764-66, il voyagea
en exerçant les fonctions de tuteur du jeune Duc de Buccleuch, qu’il accompagna en Suisse et en
France ; là, il rencontra plusieurs personnes éminentes telles que les leaders de l’Ecole
Physiocratique. En 1764, Smith avait déjà entamé sa fameuse « Investigation sur la Nature et les
Causes de la Richesse des Nations » qu’il compléta à Kirkcaldy, à son retour, grâce à une pension à
vie obtenue dans le cadre de son tutorat. Publié en deux volumes en 1776, le livre eut un succès
extraordinaire et fut traduit en plusieurs langues. Etant donné que Smith, par sa réputation
personnelle, avait contribué au rayonnement de celle de l’Angleterre, il fut nommé par le roi
comme membre de la commission des douanes en Ecosse (1778) : position très lucrative, et Smith
utilisa secrètement une grande partie de ces revenus dans des œuvres caritatives. Il fut élu comme
recteur de l’université de Glasgow (1787) mais continua de vivre à Edimbourg, où il mourut. Dans
sa « Richesse des Nations », il postula la théorie du laisser-faire, examina la valeur, la division du
travail, le processus de production, la liberté commerciale, les développements institutionnels, la
liberté naturelle, la fonction du gouvernement, et le rôle du capital. Il attaqua les mercantilistes et
rejeta la théorie des Physiocrates selon laquelle la terre est la seule source de richesse. Adam
Smith a souvent été qualifié de « père de l’économie ».
Joseph Alois Schumpeter (1883-1950) :
Economiste américain né à Triestsch, Moravie (Autriche), Schumpeter étudia le droit à
l’Université de Vienne et assista aux séminaires d’économie de Wieser Bohm Bawerk (1851-1914)
et d’Eugen von Philippovich (1858-1917). Il fut enseignant dans les universités de Czernowitz, Graz
et Bonn et rejoignit l’Université d’Harvard en 1932. Il fut président de l’American Economic
Association (1948) et de l’Econometric Society (1939-41). Parmi ses publications les plus
remarquables, il faut citer :





“The Theory of Economic Development (1934)”
“ Capitalism, Socialism and Democracy (1942)”
“Business Cycles (1939)”
“The Great Economists (1951)”
“History of Economic Analysis (1954, sa contribution la plus importante, publiée à titre
posthume par son épouse)’’.
Bien plus qu’un économiste, Schumpeter ne versait pas seulement dans la théorie économique,
mais aussi dans les mathématiques, la philosophie sociale, et les statistiques. Il s’intéressa à tous
les problèmes pratiques et concrets qui se posaient de son temps. Ses écrits contiennent des
concepts relatifs à tout le processus économique : la situation d’équilibre, la théorie des cycles
d’affaires, ainsi que de nombreuses conclusions et autres questions stimulantes concernant la
34
survie du capitalisme. Bien que la réputation de Schumpeter fût internationale, il ne prétendit pas
propager un nouveau système économique, tout comme il n’avait pas l’intention de regrouper ses
nombreux partisans au sein d’une « école » ; il lui était plus important d’offrir son message et
d’inscrire ce qu’il pouvait recéler de sens fécond dans le flux des idées de son temps --- à charge
pour autrui de prendre librement en charge ses interprétations, ou pas.
Wieser Böhm-Bawerk (1851-1914) :
Economiste autrichien né en Moravie où son père était vice-gouverneur, Böhm-Bawerk étudia le
droit et l’économie politique dans les universités allemandes de Heidelberg, Leipzig, et Jena sous la
houlette de Karl Knies (1821-1898), William Georg Friedrich Roscher (1817-1894) et Bruno
Hildebrand (1812-1878). Il étudia aussi à l’université de Vienne et enseigna dans celles d’Innsbruck
et de Vienne tout en alternant l’enseignement universitaire et son travail au service du
gouvernement. Il fut ministre des finances par trois fois et promulgua la grande réforme fiscale
autrichienne qui devint loi en 1896.
Sa théorie de base fut formulée pendant son séjour à Innsbruck où il obtint le titre de professeur à
l’âge de 37 ans. Son premier travail, Geschiste und Kritik der Kapital Zinstheorien (1884), fut traduit
en anglais par William Smart sous le titre Capital and Interest (1890). Böhm-Bawerk publia aussi
Grundzüge der Theorie des Wirtschaftlichen Güterwertes (1886), Positiv Theorie des Kapitals
(1889), Zum Abschluss des Marxschen Systems (1890) et maints articles dans des revues
européennes et américaines. Il critiqua sévèrement les idées marxistes. Dans ses travaux, BöhmBawerk suivit les enseignements de Karl Menger (1840-1921) et ceux de son proche ami Friedrich
Freiherr von Wieser (1851-1926), mais il présenta une théorie de la valeur encore plus complète. Il
distingua entre la valeur subjective et la valeur objective et décomposa la valeur subjective en
valeur d’usage et valeur d’échange. Concernant la détermination des prix, il introduisit son idée de
« paires marginales » et estima que la valeur d’échange objective, exprimée en prix, dépend de
l’évaluation individuelle. Ses contributions à la théorie de l’intérêt, qui conduisit à la théorie du
discount ou de l’agio sont remarquables. Il en vint à la conclusion qu’ « en dernier ressort, le
problème de l’intérêt est un problème de valeur ».
Eugen von Philippovich (1858-1917) :
Economiste autrichien né à Vienne, il étudia à Graz, Vienne, et Berlin. Il fut l’un des plus grands
enseignants de son temps, et professeur à l’université de Vienne. Ancien étudiant de Karl Menger,
il combina les apports des deux Ecoles Historiques Autrichienne et Allemande … Il fut le premier à
parler de la formation du revenu à travers la distribution et s’intéressa vivement à la politique
sociale. Concerné par la concentration croissante des affaires, il proposa des formes de contrôle
susceptibles d’assurer l’équilibre entre les intérêts publics et les intérêts privés.
Max Weber (1864-1920) :
Né à Erfurt en 1864 dans un milieu libéral protestant allemand. Juriste de formation, il enseigne en
1896 à Heildeberg, avec son ami E. Troeltsch. Malade, il interrompt son cours en 1898 et voyage en
Europe durant plusieurs années. En 1904 il fonde avec Sombart la revue Archiv für
Sozialwissenschaft und Sozialpolitik (archives des sciences sociales et politiques). Lors d’un séjour
aux Etats-Unis, il fait l’expérience d’un univers social marqué par l’éthique calviniste. Attiré par
35
l’action politique, il est membre de la délégation allemande du Traité de Versailles (1918) et joue
un certain rôle dans l’élaboration de la Constitution de Weimar. Il meurt en 1920.
Trois thèmes forment l’essentiel de la contribution de Max Weber à la méthodologie des sciences
sociales :



La sociologie est une science de l’action sociale. Weber distingue quatre types d’action :
l’action rationnelle par rapport à un but (l’acteur organise les moyens nécessaires au
succès d’un but qu’il conçoit clairement) ; l’action rationnelle par rapport à une valeur
(l’acteur est conséquent avec l’idée qu’il se fait de ce qui est moralement valable) ; l’action
traditionnelle (celle dictée par la coutume) et enfin l’action affective (qui est une réaction
purement émotionnelle). La tâche du sociologue est de comprendre le sens que l’acteur
donne à sa propre conduite. La réalité empirique, infinie, ne peut être embrassée
totalement par aucune science. Une science est toujours une activité de sélection des faits
et de construction de concepts. Cette activité, dans les sciences de la nature, consiste à
établir des relations nécessaires entre les objets qu’elle se donne, l’idéal étant de pouvoir
faire un système déductif. Dans les sciences de la culture, la chaîne causale est impossible.
Ce que le sociologue pourra faire, c’est organiser les faits pour une interprétation
rationnelle des actions des agents sociaux. Cette construction se fera grâce à la
construction de types idéaux forgés par le rassemblement des traits caractéristiques d’une
réalité historique singulière.
L’apport de Weber ne se réduit pas à la méthodologie. Il faut rappeler ses analyses sur le
protestantisme comme cause psychologique du capitalisme industriel. Dans un temps où
les études sur le capitalisme étaient nombreuses, l’originalité de Weber fut de se tourner
vers les pays où le capitalisme ne s’était pas développé malgré un ensemble de conditions
objectives favorables (par exemple la Chine du VIIème siècle avant J.C) et de tirer parti de
cette vue différentielle. Il analyse alors le rôle du calvinisme comme système de valeurs qui
organise l’action de certains agents sociaux et leur fait engendrer le capitalisme.
L’entrepreneur puritain, d’une part, s’interdit d’utiliser, pour sa jouissance personnelle, les
biens qu’il accumule et, d’autre part, cherche, dans le travail, à réaliser sa vocation et à
confirmer sa grâce. De la contradiction entre ces deux conduites --- accumuler des biens et
ne pas les consommer --- naît le monde industriel moderne. Notons que Weber ne fait pas
du calvinisme la cause du capitalisme mais une des multiples causes, dont toutes ne sont
pas connaissables. Rejetant tout rituel comme résidu superstitieux, valorisant l’activité
professionnelle et rationnelle, pour la plus grande gloire de Dieu, la calvinisme achève le
« désenchantement » du monde, amorcé par le prophétisme hébreu.
Citons aussi les analyses de Weber sur la bureaucratie comme type d’organisation sociale.
La bureaucratie, système hiérarchique fonctionnel, aux relations impersonnelles entre ses
membres, réglées par des normes fixées, est l’instrument de la rationalisation du monde
moderne. Forme supérieure d’organisation du point de vue technique, la bureaucratie
permet la précision et le calcul du résultat, en éliminant les rapports personnels et en
subordonnant chacun à une finalité collective. Il faudrait aussi signaler l’importance des
travaux de sociologie des religions qui fait de Weber le père de cette discipline.
MARGINALISME :
36
La découverte, en trois pays différents, en 1871, de la notion d’utilité marginale donna
successivement naissance à trois courants : l’école de Vienne, l’école de Lausanne, l’école de
Cambridge. L’ensemble de leurs études constitue un système appelé « marginalisme », reposant
sur une théorie de la « valeur-utilité », opposée à la théorie marxiste de la « valeur-travail » :
1) c’est la dernière dose consommée d’un bien supposé divisible qui détermine la valeur de
l’ensemble aux yeux d’un consommateur et lui permet de choisir tel bien plutôt que tel autre.
2) en matière de production, c’est le coût de la dernière unité produite (coût marginal) qui limite le
volume de production de l’entrepreneur : le volume de la production aura un effet optimal (c’està-dire que l’avantage que peut en tirer le producteur sera maximum) lorsque le coût marginal sera
égal à la recette marginal.
3) l’école de Vienne s’attache surtout à l’étude des rapports de la valeur et de l’utilité. On lui doit la
loi de la proportionnalité des utilités marginales aux prix des produits : le consommateur tend à se
procurer des quantités de biens telles que les rapports de leurs « degrés » finals d’utilité soient
égaux aux rapports de leurs prix. Si un litre de vin coûte quatre fois plus qu’un kilo de pain, les
quantités de vin et de pain achetées seront telles que le rapport des utilités marginales de ces deux
tiers soit égal à 4. L’utilité marginale du vin doit être quatre fois supérieure à celle du pain. L’école
de Vienne reconstruit ainsi, à partir des échelles de préférences individuelles, l’activité
économique.
L’école de Lausanne est dite aussi école de l’équilibre général. Léon Walras étudie
l’interdépendance des marchés des produits et des services et montre comment s’établit
l’équilibre général. Vilfredo Pareto, par ses recherches sur le maximum d’« ophélimité » (d’utilité),
éclaire d’un jour nouveau la loi de l’égalisation des productivités marginales des facteurs de
production au prix de ces facteurs : pour Walras, cette loi permettait d’affirmer que la libre
concurrence est la meilleure situation possible. Pareto montre qu’il n’existe pas de critère absolu
permettant de dire que telle situation est préférable à telle autre, il indique simplement que des
modifications dans les choix de méthodes de production retenues spontanément par les
entreprises provoquent une perte d’efficacité de l’appareil de production.
L’école de Cambridge (Alfred Marshall), ou école de l’équilibre partiel, a apporté à l’analyse
économique de nombreux concepts : élasticité de la demande, courte et longue période,
« économies externes » (la décroissance des coûts tient à des faits situés en dehors de l’entreprise
elle-même, par exemple l’amélioration des transports). Elle ne recherche plus les conditions d’un
équilibre général, elle préfère étudier l’équilibre de la forme, du secteur. Elle se veut beaucoup
plus concrète que les écoles précédentes et ne répugne pas à intégrer des données sociologiques à
ses hypothèses.
37
LES CONCEPTS DE CAPITAL SOCIAL ET DE CAPITAL HUMAIN CHEZ JAMES S. COLEMAN
A
C
B
INFORMAL ORGANIZATION
ORGANI
FORMAL ORGANIZATION
38
100
French Revolution
A. Comte (Cours)
Marx
(Critique)
Durkheim on Division
of Labour
Park & al. (The
City)
Great Society
90
F. Toennies
(Gemeinschaft
& Gesellschaft)
80
70
Percentage of
US labor force
in agriculture
Weber (on
Bureaucracy)
Lazarsfeld
radio research
Blau & Duncan
First Sociology
Department at Chicago
60
50
40
30
20
Percentage of US
population in
urban areas
10
0
1780
.
.
1800
.
1820
.
1840
.
1860
.
.
.
.
1880
1900
1920
1940
39
.
1960
.
1980
2000
James S. Coleman : “Constructed Organization : First Principles” in Journal of Law, Economics and
Organization, Vol. 7, Special Issue: [Papers from the Conference on the New Science of
Organization, January 1991. (1991), pp. 7-23.
1. INTRODUCTION
Un changement majeur de la structure sociale eut lieu à partir du 13ème siècle avec l’émergence
d’une nouvelle forme de corps institutionnel. Otto Von Gierke en Allemagne et Frederick Maitland
en Angleterre ont mis en évidence la croissance de cette nouvelle forme institutionnelle.
Contrairement aux anciennes formes institutionnelles, les nouvelles furent considérées comme
personnes légales (« legal person ») indépendantes de toute personne physique et considérées
pendant un certain temps par la loi comme personnes fictives (« fictional persons ») --- à cause de
l’absence de corps physique qui les caractérisent. Ces corps institutionnels prirent d’abord la forme
de municipalités ou arrondissements urbains agréés par le roi et aptes à imposer un péage, à
disposer d’une trésorerie, à poursuivre en justice et à être eux-mêmes poursuivis. Cette forme
« fictive » se développa ultérieurement jusqu’à générer les grandes compagnies commerciales de
l’Angleterre des 17ème et 18ème siècles. Sur la base du principe de la responsabilité limitée,
l’invention de la société à responsabilité limitée [East India Company (Angleterre - 1600), Mississipi
Company (France – 1717) et autres compagnies…] conduisit à une croissance explosive de cette
nouvelle forme d’organisation.
Celle-ci ne constitue pas seulement une innovation légale mais aussi une innovation de
l’organisation sociale. Elle peut être décrite comme une organisation sciemment construite
(« purposively constructed organization ») par contraste avec l’organisation sociale qui naît des
racines primordiales (« primordial roots ») sises dans la famille, le clan, la tribu. En tant
qu’organisation sciemment construite, elle n’est pas seulement sujette à la description et l’analyse
scientifiques, mais aussi à une science de l’organisation qui conduit à des principes de conception
optimale.
Une composante de cette nouvelle science de l’organisation est l’analyse des types de relation qui
existe au sein d’une organisation construite (« constructed organization »). Les chapitres 2 et 16 de
Foundation of Social Theory sont un début d’élaboration d’une telle analyse. Le présent article
procède à un élargissement de l’analyse en se concentrant sur trois points : premièrement, la
distinction entre relations sociales simples et relations sociales complexes, et la correspondance
entre cette distinction et les deux formes institutionnelles évoquées ci-dessus ; deuxièmement, les
modes de viabilité nécessaires à l’organisation et, en particulier, les différents modes de viabilité
sur lesquels une organisation construite peut être basée ; et, troisièmement, les deux façons de
structurer les incitations (encouragements, motivations …) au sein de l’organisation construite. Sur
la base du troisième point, j’esquisse ce qui pourrait caractériser l’organisation sociale du futur.
2. CARACTERISATION DES DEUX FORMES DE L’ORGANISATION SOCIALE
Hayek, dans son livre intitulé ‘‘Law, Legislation and Liberty’’, exprime son intérêt pour les sources
et les formes de ce qu’il appelle « ordre ». Ce que Hayek appelle ainsi est, dit-il, ce que les
spécialistes en sciences sociales désigneraient par un autre terme, « structure » ou « système » ou
40
« organisation sociale ». J’utiliserai le dernier de ces termes pour décrire deux formes
d’organisation sociale. Hayek en a distingué deux en recourant d’une part au terme « spontané »
(« Spontaneous » / « grown ») et, d’autre part, au terme « fait ordre » (« made order »). Il
distingua les deux formes comme suit :
« L’étude des ordres spontanés a longtemps été la tâche particulière (peculiar --- singulière) de la théorie économique
bien que, évidemment, la biologie a, depuis ses débuts, été concernée par cette espèce particulière d’ordre spontané que
nous appelons un organisme ... la distinction entre cette sorte d’ordre, et l’ordre élaboré par quelqu’un qui a mis des
éléments à leurs places dans un ensemble ou qui a dirigé leurs mouvements, est indispensable à faire s’il s’agit bien de
comprendre les processus qui fondent la société et toute forme de politique sociale … ce qui est « fait ordre » (« the
made order ») … peut derechef être décrit comme une construction, un ordre artificiel ou, spécialement là où nous avons
affaire avec un ordre social dirigé, comme une organisation. D’autre part, l’ordre-né (« grown order »), ou déjà-là, est le
plus correctement décrit, en anglais, par l’expression « ordre spontané » (« spontaneous order »). La Grèce Classique
avait plus de chance, parce qu’elle disposait de mots pour nommer les deux types d’organisation, à savoir taxis pour dire
« ordre construit » et kosmos pour « ordre spontané ». (P.36-37)
L’argument communément avancé contre cette distinction que fait Hayek entre les deux formes
d’organisation sociale est que ce qu’il appelle « ordre spontané » ne l’est pas du tout, mais dépend
de certaines règles ou lois. Il est dit en ce sens que le marché, qui est le cas prototypique d’ordre
spontané tel que défini par Hayek, dépend de la forme des droits de propriété autant que des lois
qui garantissent l’application des contrats. Néanmoins, cet argument introduit une
mécompréhension de l’argument développé par Hayek : à savoir que dans l’ordre social spontané,
les règles ou lois ne font que spécifier un cadre ouvert, au sein duquel les parties en présence
établissent des relations, entreprennent des transactions et développent une organisation sociale.
Dans ce qu’il appelle un « ordre fait » (et ce que j’ai précédemment appelé une organisation
sociale construite), la structure des relations est établie par design, les relations sont entre des
positions dans l’organisation, sachant que les personnes ne sont que des occupants dans chaque
position de la structure, et ce qui les motive (« incentives ») en tant que tels est spécifié dans le
design.
Un argument majeur de Hayek dans ses textes est que l’ordre social spontané est l’ordre social
approprié (par excellence, pour ainsi dire) et que, par contre, l’ordre social construit est
antagonique à la liberté. Les économies planifiées du socialisme d’Etat étaient les principaux
exemples concrets de l’ordre social construit qui préoccupait Hayek, et il avait établi un contraste
fondamental entre, d’une part, un état libéral limitant ses interventions à l’application des contrats
et à la résolution des conflits civils et, d’autre part, un état au sein duquel les transactions
économiques et sociales étaient centralement conçues et réalisées. Hayek se sentait concerné par
les dangers que font peser sur la liberté et, en fin de compte, sur le bien-être, les états du second
type ainsi que les tendances à centraliser la conception et la réalisation de l’organisation qui se
manifestent même au sein des économies ouvertes. Il n’entrevit pas l’effondrement économique
de ces régimes mais fut, au contraire, spécialement concerné par eux à cause de la viabilité
économique potentielle qu’ils avaient tout en représentant pourtant des dangers pour la liberté.
Un contraste similaire pourrait être fait à des niveaux moins macro-sociaux --- par exemple, au sein
d’une industrie, entre marché et hiérarchie ; ou entre deux sortes d’organisation sociale,
ordinairement caractérisées comme organisation sociale informelle (ou spontanée) et organisation
formelle. Dans ce cas, toutefois, personne ne pourrait arguer qu’aucune analogie ne pourrait être
faite avec l’ « ordre social construit » de Hayek. Comme Williamson et d’autres l’ont clairement
41
avancé, le degré d’internalisation (plutôt que d’être laissées au marché) des activités économiques
au sein des grandes firmes verticalement intégrées est hautement variable d’une industrie à
l’autre, et hautement dépendant des propriétés des activités elles-mêmes. Nous le savons, la
production économique de la complexité ne pourrait pas avoir lieu sans la firme, qui est analogue à
l’ « ordre construit » de Hayek. Dans les domaines non-économiques, il est également clair que les
organisations sociales ne peuvent pas toutes être informelles ; l’organisation formelle est
nécessaire pour que certaines tâches puissent être menées à bien.
Une source majeure de la nécessité qu’il y ait des ordres construits tant dans la sphère de la
production économique que dans celle des activités sociales est l’existence d’externalités ou biens
publics. Les externalités économiques sont internalisées en intégrant au sein de l’organisation les
activités qui sont grandement affectées par les externalités ; et dans la vie sociale, des
organisations formelles sont créées quand la nature de bien public que recèle l’activité désirée par
tous détruit les motivations des individus indépendants à s’engager d’eux-mêmes dans l’activité.
L’internalisation des externalités ne résout pas, évidemment, le problème des externalités.
L’activité continue d’être menée par différents acteurs au sein de l’organisation ; donc, à moins de
structurer convenablement les incitations, les résultats seront inefficients. Rien ne garantit que les
incitations seront adéquatement structurées, de sorte que soient atteints les objectifs escomptés.
Par conséquent, les choses ne sont pas aussi simples que Hayek l’aurait voulu : un optimum social
ne saurait être atteint en évitant toutes les tentatives d’ériger un ordre construit et en se limitant à
l’ordre spontané. En fait, l’on peut décrire la tâche de la science sociale positive en termes
constructifs : comment concevoir une organisation sociale de sorte que les personnes qui agissent
dans le sens de ce qu’ils estiment être leurs meilleurs intérêts, provoqueront des effets qui sont
des objectifs du schéma conçu. Charnes et Stedry formulent le problème général qui se pose en
matière de conception de l’ordre construit :
Peut-être qu’un but ultime serait de promouvoir une organisation dont le système de contrôle serait conçu de telle façon
que l’atteinte des buts assignés aux employés à tous les niveaux contribue aux buts de l’organisation. Cela ne veut pas
dire que tous les employés d’une organisation devraient s’engager fidèlement au profit des buts de l’organisation --- ex. il
n’est pas nécessaire qu’un tourneur (« lathe operator ») s’engage à défendre l’accroissement de la part de marché de
l’entreprise. Mais plutôt, qu’il est nécessaire de concevoir, à l’adresse du tourneur, un ensemble de buts et de
récompenses de nature telle qu’en poursuivant ce qu’il considère comme ses propres intérêts (quelle que soit la forme -- rationnelle ou pas --- des règles de décision qui sont siennes), il contribuera autant que possible à l’atteinte des buts de
l’organisation (P.169).
Si ce qu’avancent Charnes et Stedry est accepté, alors une question s’ensuit : comment cela peut-il
être réalisé ? Une partie de la réponse réside dans l’analyse des formes de relations sociales
internes et externes de l’ordre construit.
3. RELATIONS SOCIALES SIMPLES ET RELATIONS SOCIALES COMPLEXES
Une façon de conduire l’analyse nécessaire à la conception de l’ordre construit consiste à
descendre à un niveau encore plus micro et à examiner les différences entre les relations sociales
qui existent au sein de l’ordre dit « construit » et celles de l’ordre spontané (Hayek). Ces dernières
(relations propres à l’ordre « spontané ») sont des relations entre deux parties et doivent satisfaire
un critère : celui de l’indépendance de chaque partie en matière de choix relationnel. Le solde de
chaque partie dans son rapport à l’autre doit être positif (relation gagnant-gagnant). Chacune
42
d’entre les deux parties doit pouvoir considérer qu’elle aura obtenu de cette relation plus qu’elle
n’aura elle-même donné.
Au sein d’un ordre construit, la relation n’a pas besoin de satisfaire à un tel critère. L’organisation
constitue-là une tierce partie potentielle dans chaque transaction. Cette troisième partie peut, en
tant que telle, établir des balances comptables de toutes les relations contractées en son sein. Elle
rend par là-même possible un éventail beaucoup plus vaste de relations que ne pourrait générer
deux parties prises séparément. Considérons par exemple, au sein d’une firme, la relation d’un
manager et de sa secrétaire. Celle-ci prend en charge des activités du manager, mais ce dernier ne
procure pas, en retour, de bénéfices à la secrétaire. Ces bénéfices lui sont octroyés par la firme
sous forme de salaires. De ce fait, les activités qui existent au sein d’une organisation construite
peuvent être conçues pour produire les effets désirés sans avoir à s’assurer que chaque paire de
relations au sein de l’organisation aboutisse à des balances relationnelles positives pour chaque
partie impliquée. Grâce à ce potentiel, les activités qui existent au sein d’une organisation
construite peuvent être conçues pour produire les résultats désirés sans prêter attention au fait
que chaque pair de relations aient, ou pas, abouti à un résultat positif pour chaque partie. Cela ne
signifie pas qu’il ne faille pas
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Gierke, O. von 1934 (1913). Natural Law and the Theory of Society 1500-1800 (Trans. E.Barker)
Cambridge: Cambridge University Press.
Maitland, F.W. 1904. Trust and Corporation. Cambridge: Cambridge University Press.
Coleman J.S. 1990. Foundation of Social Theory. Cambridge Mass. : Harvard University Press.
Hayek, F.A. von. 1973. Law, Legislation and Liberty, Vol. 1. London: Routledge and Kegan Paul.
Charnes A. and A. C. Stedry. 1966. The Attainment of Organizational Goals, in J.R. Lawrence, ed.,
Operational Research and the Social Sciences. London: Tavistock Publications.
43
Téléchargement