L’Autonomie de l’IDE à travers la Prescription Infirmière Intervention lors du 30ème congrès du SNIIL à La Réunion – Novembre 2003 A - Introduction Nous allons parler d’autonomie… Avant de rentrer dans des détails sémantiques ou législatifs, nous devons expliquer le contexte dans lequel nous évoluerons. D’un point de vue sociologique, l’accession à l’autonomie peut être ramenée à une prise de pouvoir. Et toute prise de pouvoir se traduit par trois étapes consécutives : 1- l’analyse de la situation, c'est-à-dire l’acquisition des règles du jeu et des contraintes d’un système. Dans notre cas, il s’agit de maîtriser les différentes législations qui nous encadrent : Code de la Sécurité Sociale, Code de la Santé Publique, Décret de Compétences, Convention, Règles Déontologiques, Nomenclature Générale des Actes Professionnels, etc… 2- l’identification de zones d’incertitudes au sein desquelles nous pouvons éventuellement agir. En effet, si les textes sont nombreux, ils se contredisent parfois, ou restent muets sur certains points de notre exercice. 3- l’accession au pouvoir proprement dit, en gardant à l’esprit que le pouvoir recherché ici a le sens du verbe et pas celui du nom. Le pouvoir que nous revendiquons n’est alors que la possibilité de faire certains choix, donc d’agir sur des contraintes préalablement identifiées. Ainsi, pour « pouvoir », il faut « vouloir », donc ne pas se contenter d’un exercice figé, mais faire preuve de créativité au cours des actes de notre quotidien… B – Explication de termes 1- Autonomie – Indépendance Les dictionnaires ne nous aident pas beaucoup dans cette explication : la définition de l’autonomie est « indépendance », et vice-versa… Le serpent se mord la queue ! Dans mes recherches, je suis tombé sur une citation de Kant que je trouve très éclairante : « Il existe une forme supérieure de la faculté de désirer qui se caractérise par son autonomie, c'est-à-dire par le pouvoir de se donner à elle-même sa propre loi ». Ainsi, on retrouve dans l’autonomie la notion de pouvoir, mais aussi celle de loi. Que peut-on en déduire ? En bref, deux éléments différencient l’autonomie et l’indépendance. La première est le champs d’activité, partiel dans l’autonomie, total dans l’indépendance. Pour l’exemple, les provinces basques espagnoles, autonomes depuis 1936, revendiquent encore aujourd’hui leur indépendance, c'est-à-dire la disparition de tout lien avec l’autorité centrale madrilène. Le second élément est le lien de subordination qui n’existe pas dans le cas de l’indépendance. On pourra me répondre que les nations politiquement indépendantes évoluent dans un système mondial qui ne leur laisse pas forcément beaucoup de choix. Je raisonne dans l’absolu… L’autonomie serait donc la définition de champs d’activité au sein desquels existe la liberté de faire des choix et de prendre des initiatives pour soi-même. 2- Prescription – Ordonnance La prescription, au sens médical du terme, se définit comme une « recommandation expresse », c'est-à-dire exprimée, donc traçable. L’ordonnance n’est alors que le support de cette recommandation. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer l’importance de cette formalisation par l’écriture. Nous verrons plus tard que l’écriture est un enjeu de taille pour notre exercice futur. De fait, l’ordonnance matérialise un contrat civil de type tacite entre le médecin et son patient. Ce contrat implique des engagements réciproques : - pour le médecin, prodiguer des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données actuelles de la science, informer le patient de façon à obtenir son consentement « éclairé ». A noter que le devoir d’information est considérablement renforcé depuis l’adoption de la Loi du 04 Mars 2002. Parmi les engagements, on peut également citer l’obligation de mettre le patient au centre du projet médical et des objectifs de soins, ainsi que l’obligation de se former tout au long de sa carrière. - pour le patient, l’engagement se limite au respect de la prescription du médecin, en sachant que ce patient peut mettre fin au contrat à tout moment et de manière unilatérale. C’est le principe du « libre choix ». Sans rentrer dans des détails techniques rébarbatifs, il faut savoir que le principe de la prescription médicale est fixé par différents arrêtés dont les plus anciens remontent à 1960 et 1962. Ces différents textes indiquaient la nature des actes exécutables par les médecins et ceux relevant des paramédicaux. Deux dates importantes jalonnent notre histoire : - 1978 : création du « rôle propre ». C’est le début de notre autonomie… - 2000 : suppression dans la définition de la prescription médicale des termes « qualitative et quantitative ». Ainsi, le détail d’une prescription n’appartient plus au seul médecin. Nous verrons avec la DSI en quoi cette modification est majeure pour notre exercice. A noter que ce « Rôle qui nous est Propre » est fixé par décret, donc juridiquement supérieur à un arrêté. Pour l’anecdote, la prise de la TA est toujours mentionnée dans l’arrêté de 1962 comme étant un acte strictement médical. 3- Métier – Profession Il est intéressant de reprendre l’exemple des médecins et d’essayer de comprendre pourquoi leur pouvoir est aussi étendu. Pour cela, nous devons nous interroger sur la notion de professionnalisation dont ils sont l’exemple le plus abouti. Le processus de professionnalisation est un processus d’autonomisation qui s’exprime sur trois niveaux : - Définir un territoire spécifique de pratique, avec ses spécificités (monopole) et ses limites. Découlent de ce point la notion d’exercice illégal, mais aussi celle de responsabilisation et de comptes à rendre. Les limites sont posées par notre Décret de Compétence (qui différencie Rôle Propre et Rôle Prescrit), mais aussi par notre NGAP. Nous verrons plus tard en quoi la non concordance de ces deux textes de référence peut être problématique. Par ailleurs, nous sommes les éléments d’un système de santé particulièrement complexe à gérer. Notre individualisme nous a trop longtemps fait oublier que nous n’étions pas seuls dans ce système. On peut donc considérer comme légitime le fait de fonctionner dans ce système et non pas dans sa marge. A ce titre, le fait de rendre des compte ne me parait pas incongru. D’autant que nous restons pour le moment maîtres de la forme. Qu’il s’agisse du dossier patient ou de l’utilisation des transmissions ciblées, il nous appartient de les utiliser comme des outils vecteurs de qualité. Ils ne sont pas une fin en soi. - Développer une culture commune. C'est d’abord l’élaboration d’un jargon, langage universel élaboré par des sociétés savantes et seulement compréhensible par les membres d’une même communauté. Ce jargon, pour ce qui nous concerne, est essentiellement fondé sur les diagnostics infirmiers. C’est ensuite l’accès à l’information et le partage de cette l’information. La formation continue, conventionnelle ou non, en est l’un des supports. Mais il n’est pas le seul. L’accès aux publications en est un autre. Et les sources sont nombreuses. Citons entre autres l’ARSI, le CREDES, les ORS, la CNAM, l’INSEE, le HCSP, l’INPES, etc… - Démontrer son utilité sociale, c'est-à-dire être capable de produire du savoir scientifique, mais aussi pouvoir s’évaluer d’un point de vue socio-économique. En effet, il ne suffit pas de dire que nous sommes les moins chers pour revendiquer des augmentations, encore faut-il pouvoir le prouver au regard du système dans sa globalité. C’est tout le problème posé par le paiement à l’acte : si l’acte n’est pas cher en soi, il est toujours un acte de plus qui doit être payé, donc retranché du budget alloué. La recherche infirmière (ARSI), les référentiels de bonnes pratiques (ANAES, CCLIN, CNAM), ou la protocolisation des démarches (DSI), sont autant de facteurs qu’il nous faut intégrer si nous voulons être en capacité de négocier notre rémunération, donc la valeur que nous donnons à notre utilité sociale. C – Brefs rappels sur notre Décret de Compétences Ce texte est donc un décret publié au Journal Officiel. A ce titre, il a force de loi, et nous confère un monopole en protégeant notre exercice. Il peut schématiquement se décrire en trois points : - - Rôle Propre : soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes (Articles 3, 4 et 5). Rôle prescrit : actes exécutables hors présence d’un médecin (article 6 et 7), en présence d’un médecin pouvant intervenir à tout moment (article 8), actes relevant de l’aide au médecin (article 9), actes de spécialités infirmières (IADE= article 10, PUER = article 11, IBODE = article12), urgences (article 13). Santé Publique : actions de santé publique, éducation, formation, aide humanitaire. Nous allons plus spécifiquement raisonner sur le Rôle Propre, en posant comme point de départ que les actes du Rôle Propre sont facturables en AIS. Ainsi, je défini les Actes Infirmiers de Soins comme des actes permettant d’aider les personnes ou les groupes de personnes à adopter des comportements évitant la prise de risque en matière de santé et facilitant leur vie en présence d’une infirmité ou d’une maladie. En ce sens, je positionne ces actes comme des facteurs d’autonomisation des patients leur permettant de faire des choix en matière de santé. A partir du Décret de Compétences, et en particulier de son article 5 qui définit les actes relevant de notre Rôle Propre, nous pouvons dès lors définir quatre champs au sein desquels pourrait s’exprimer notre autonomie et la prescription qui en découle. D - Champ N°1 : Les Pansements La dernière version de notre Décret de Compétence a fait passer dans le champ de notre Rôle Propre les pansements d’escarres et d’ulcères. Plus précisément, nous sommes désormais habilités à effectuer dans le cadre de notre Rôle Propre : - la réalisation, la surveillance et le renouvellement des pansements non médicamenteux - la réalisation et la surveillance des pansements et des bandages autre que ceux visés à l’article 6 (qui sont les pansements médicamenteux et les bandages de contention) - la prévention et les soins d’escarres - les soins et la surveillance des ulcères cutanés chroniques Voilà pour notre autonomie. Mais qu’en est-il de la prescription ? Il faut remonter au rapport Brocas (1998) pour trouver la trace de la possibilité de prescription infirmière : « Sauf indication expresse du médecin, le paramédical prescrit les matériels, produits et petits matériels requis pour les soins qu’il dispense (tels sonde, pansement, appareils de contention, pommade…) ». Ce rapport est également intéressant par le fait qu’il pointe du doigt les faiblesses de la prescription médicale. En effet, madame Brocas relève que les prescriptions médicales « …indiquent mal le partage des rôles entre médecins et paramédicaux… » et qu’il serait souhaitable que « … la prescription médicale décide de l’intervention du paramédical…, mais non de la nature des actes. ». En ce sens, on prépare dans ce rapport la redéfinition de la prescription médicale telle qu’expliquée plus haut. Pour mieux comprendre la possibilité de prescription des pansements, il faut également éclaircir la définition du médicament et introduire la notion de dispositif médical. Ainsi, selon l’article L 5111-1 du Code de la Santé Publique, est considéré comme médicament « … toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives… ». Or, les pansements sont eux soumis à l’article L 665-3 du même code, qui dans la Loi du 18 Janvier 1994 définit le dispositif médical comme « … tout instrument, appareil, équipement, matière, produit,… ou autre article utilisé seul ou en association,… destiné par le fabriquant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. ». En deux mots, lorsque nous utilisons des hydrocolloïdes ou des hydrocellulaires, nous restons dans le cadre du dispositif médical, et serions donc habilité à prescrire… Définissons maintenant les arguments en faveur de cette prescription : - formation continue sur le processus de cicatrisation dirigée (EPU, DU, informations par les labos) - possibilité d’utiliser les échantillons fournis par les laboratoires (accès aux dernières technologies) - possibilité de mutualiser les échantillons et les surplus de matériels dans le cadre d’un cabinet ou d’une association (réactivité à J+1 en cas de nécessité de modification de protocole, et économie car pas d’obligation de prescrire à chaque fois) - rôle de conseil auprès du médecin (puisque dans la plupart des cas, nous orientons déjà sa prescription) Ainsi, en terme d’évaluation médico-économique, nous prouvons là notre efficience, la qualité au meilleur coût. Force est de constater que notre NGAP n’est pas en correspondance avec notre Rôle propre… E - Champ N°2 : L’Education L’éducation peut se définir à plusieurs niveaux : - éducation pour la santé, concernant l’individu sous un éclairage de santé publique - promotion de la santé, intéressant une population Education thérapeutique et éducation nutritionnelle feront l’objet d’un chapitre spécifique, celui concernant le champ N°4. On retrouve la justification des actes d’éducation dans les articles 1, 2-1, 3, 5 et 14 de notre Décret de Compétences. C’est dire leur importance. Ainsi, l’article 5 met au rang du rôle propre l’aide à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable, la vérification de leur prise et de leurs effets, et « l’éducation des patients », ce qui limite ici la portée du texte à l’éducation thérapeutique. En contrepartie, l’article 14 ouvre de façon très intéressante les possibilités d’actions éducatives: « Selon le secteur d’activité où il exerce, y compris dans le cadre des réseaux de soins, et en fonction des besoins de santé identifiés, l’infirmier propose des actions, les organise ou y participe dans les domaines suivants : - […] - formation, éducation, prévention et dépistage, notamment dans le domaine des soins de santé primaires et communautaires - dépistage, prévention, éducation en matière d’hygiène, de santé individuelle et collective et de sécurité - […] - éducation à la sexualité - participation à des actions de santé publique - […] Il participe également […] à toute action coordonnée des professions de santé et des professions sociales conduisant à une prise en charge globale des personnes. » Comme on peut le constater, le programme est varié. Il concerne autant l’éducation, que la prévention, ou le dépistage. Il peut être mis en coïncidence avec un projet de Loi relatif à la Santé Publique datant de 2003 duquel on peut extraire plusieurs sujets d’intervention : faible consommation en fruits et légumes, iatrogénie d’origine ambulatoire, obésité, diabète, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, insuffisance rénale chronique, dénutrition du sujet âgé, chute des personnes âgées, consommation médicamenteuse chez le sujet âgé,… Ainsi, avec ou sans participation dans un réseau, nous voyons ici la richesse de nos interventions potentielles. Le problème, c’est la rémunération de telles actions puisque même dans le cadre de réseaux, les tutelles s’effraient de mesures dérogatoires (qui pourraient faire « jurisprudence ») et s’appuient généralement sur les textes en vigueur. C’est ainsi que l’on est la plupart du temps amenés à utiliser la cotation AIS pour pouvoir facturer des actes apparentés à de l’éducation ou de la consultation infirmière. Or, nous verrons dans le chapitre suivant que si ces actes sont à mon avis légitimes, la procédure qui autorise leur facturation n’est pas du tout adaptée à de telles interventions. Je voudrais profiter de ce chapitre pour citer les 4 principes éthiques qui fondent toute action d’éducation pour la santé, et par là même, tout acte de soin : - la bienfaisance, c'est-à-dire faire du bien. On oublie souvent de se poser cette question fondamentale… - la non malfaisance, c'est-à-dire porter attention aux effets délétères de nos actes, ne pas culpabiliser ou blâmer - la justice, c'est-à-dire la réduction des inégalités sociales en santé, ce qui sous-entend de donner plus de chances au personnes démunies (principe d’équité) - l’autonomie, c'est-à-dire ne pas agir à la place de la personne, mais lui laisser la possibilité de faire des choix pour elle-même (ce qui est souvent en contradiction avec l’organisation de notre travail, voire avec une certaine routine qui s’installe parfois insidieusement). Ces principes ne se substituent pas aux règles déontologiques, mais les complètent… F - Champs N°3 - La Démarche de Soins Infirmiers (DSI) La DSI est le support de la « nature qualitative et quantitative de la prescription » infirmière. En ce sens, elle peut-être considérée comme une véritable ordonnance. Sa finalisation n’a été rendue possible que grâce à une circulaire de 2000 modifiant la définition de la prescription et retirant au médecin le monopole de préciser la nature des actes prescrits ainsi que le proposait le rapport Brocas en 1998 (cf. B-2 et D). C’est un premier pas… Le problème posé par la DSI dans sa forme actuelle est double : Æ elle ne pourra être considérée comme une prescription pleine et entière que lorsque la contre signature du médecin aura disparu Æ elle verrouille tous les actes facturés en AIS à l’exception des gardes de jour ou de nuit. Ainsi, on peut considérer que c’est un outil puissant pour faire le distinguo entre l’aide et le soin, dans le cadre du maintien à domicile et/ou des prises en charge globales de patients. Mais pour tous les autres cas (éducation thérapeutique par exemple), cet outil pose problème. Nous allons développer ce point dans le chapitre suivant à partir d’un exemple. G – Champs N°4 – L’Education Thérapeutique et l’Education Nutritionnelle La justification de ces actes ayant déjà été abordée, nous allons voir maintenant dans quelle mesure la démarche éducative se différencie de la DSI. Pour cela, prenons l’exemple d’une prescription médicale nous demandant d’autonomiser une personne de 40 ans à se faire des injections S/C d’une thérapeutique anti-virale dans le cadre d’une infection par le HCV. Cette personne travaille et ne présente aucun déficit physique ou cognitif. Si l’on considère la prise en charge sous l’angle éducatif, pas question de facturer des AMI 1 pour de simples injections ! Chaque séance dure entre 30 et 45 minutes, donc un AIS 3 est le minimum… Il faudrait donc faire une DSI, et envoyer le résumé à la caisse avant de commencer les soins. Mais que mettre dans cette DSI ? - il n’existe aucune altération dans l’évaluation, hormis « quelques difficultés » dans l’item « autonomie thérapeutique » - on peut cocher deux croix dans le tableau d’alarme : l’une pour le besoin d’apprendre, l’autre pour le besoin d’agir selon ses croyances et ses valeurs, c'est-à-dire n’être pas dépendante d’une tierce personne pour l’accomplissement des soins et la prise en charge de sa pathologie - deux diagnostics infirmiers peuvent en découler : « manque de connaissances », et « prise en charge inefficace du programme thérapeutique » C’est peu, et surtout, c’est standard !... Cette démarche pourrait être photocopiée à chaque fois qu’un même soin se présente… Où donc est passée la finesse d’analyse promise par cet outil ? Il faut donc proposer un autre outil en se basant sur les spécificités de la démarche éducative. En premier lieu, il faut signaler que le recueil de données qui présente le bilan situationnel du patient est indissociable des représentations de ce patient, c'est-àdire de la façon dont LUI voit et vit SA situation. Cela diffère de la DSI dans la quelle nous confrontons la situation à NOS représentations, ce qui se traduira par la définition de diagnostics INFIRMIERS. Dans la démarche éducative, l’identification des besoins se traduit donc par des diagnostics EDUCATIFS. En second lieu, il faut préciser que les objectifs qui en découlent doivent être réalistes, évaluables, et réalisables à court terme, ce qui n’est pas toujours le cas dans la DSI. On retrouve ici la notion de projet éducatif, c'est-à-dire de contrat. Par ailleurs, ces objectifs sont de deux ordres : soit sécuritaires (en relation directe avec les risques vitaux), soit spécifiques (choisis par le patient). Quels qu’ils soient, ils se traduisent ensuite par des actions pédagogiques dans les domaines du savoir, du savoir faire, et du savoir faire. En règle générale, ces actions devront être adaptées selon que l’on s’adressera à un enfant ou à un adulte, à un individu ou à un groupe, ainsi qu’en fonction des capacités intellectuelles, des habiletés et des attitudes de la/des personne(s) éduquée(s). En dernier lieu, cette démarche comme toute autre fera l’objet d’une évaluation. REPRESENTATIONS et INFORMATIONS = Connaissances (Savoir, Savoir Faire, Savoir Etre) + Attitudes (Rapport à la Transgression, au Risque) + Comportements (Négociation Economique) Ð AUTONOMISATION Renforcement des capacités de choix par rapport à la santé Ce schéma synthétique nous rappelle les différents niveaux du recueil des données du bilan situationnel du patient: - qu’a-t-il ? (dimension biologique) - que fait-il ? (dimension socioprofessionnelle) - que sait-il ? (dimension cognitive) - qui est-il ?(dimension psychoaffective) Ces différents items ne se retrouvent pas systématiquement dans le formulaire de la DSI. Or, ils sont indispensables à l’élaboration de la démarche éducative, puisque de ces renseignements dépendent toutes les actions pédagogiques à mettre en place. Il est donc indispensable d’élaborer un outil plus adapté, permettant à la fois la coordination des intervenants, la formalisation et l’évaluation de la démarche éducative proposée. En effet, si la DSI comme nous l’avons vu n’est pas un outil adapté, le dossier patient ne l’est pas plus dans le sens où il peut être lourd à mettre en œuvre dans le cadre d’actions éducatives ponctuelles (dans l’exemple proposé, la prescription valait pour quatre séances à raison d’une par semaine pendant quatre semaines). Par ailleurs, les fiches de ces dossiers sont conçues pour des actes de maintien à domicile, et pas pour des actions pédagogiques. Il ne tient qu’à nous de faire preuve d’inventivité dans la mesure où nous gardons l’initiative et la responsabilité de créer et de gérer de tels outils (cf. article 3 du Décret de Compétences). H – Les Conditions de la Prescription 1 - Utilisation de l’écriture Mise en place d’outils permettant de « rendre des comptes » aux collègues, aux patients, aux prescripteurs, aux payeurs, à la communauté,… En ce sens, développer traçabilité, coordination, évaluation, et interdisciplinarité 2 – Accès à l’information Prodiguer des soins conformes aux dernières données de la science. Cela passe par la formation continue (conventionnelle ou non) et un exercice professionnel en adéquation avec les Recommandations de Bonnes Pratiques (de l’ANAES, de la CNAM, du CCLIN, etc…). 3 – Acquisition d’une culture commune Cela implique la généralisation de l’utilisation des Diagnostics Infirmiers et des Transmissions Ciblées, mais aussi de faire sien le savoir scientifique généré par la recherche infirmière 4 – Adaptations administratives Corollaire de la responsabilisation, il est indispensable de mettre en adéquation la Convention et la NGAP avec les réalités de notre exercice et avec le Décret de Compétences, d’adapter les outils à notre exercice (et pas le contraire), et d’acquérir l’autorisation d’établir des ordonnances dans le cadre de soins relatifs au rôle propre (les pansements d’escarres et d’ulcères en particulier). Concernant plus précisément la NGAP, on pourrait imaginer (revendiquer ?...) des AIS 1 par tranche de 10 minutes. Cela ne changerait rien aux cotations actuelles, mais permettrait plus de nuances pour certains soins, et l’accession au remboursement de certains actes (pose de bas à varices par exemple). Par ce biais, et en supprimant le régime dérogatoire lié aux grands pansements et aux différents stades d’une perfusion, ce serait l’occasion de faire enfin apparaître les fameux actes invisibles actuellement intégrés dans les forfaits de soins AIS. I – Craintes et Espoirs à venir… Différents textes législatifs et rapports sont susceptibles de porter ombrage à notre exercice. Je n’en citerai que quelques uns, et développerai plus longuement dans un autre document le Plan « Vieillissement et Solidarités » paru en Novembre 2003. En effet, s’il fait directement suite à la canicule de l’été, ce texte matérialise une idée à laquelle nous nous attendions depuis longtemps déjà : la création d’un cinquième risque. Nous verrons donc en quoi cette réforme peut retentir sur notre exercice. En attendant, notre vigilance doit d’ores et déjà s’exercer sur les points suivants : - Validation des Acquis et de l’Expérience (circulaire du 19 Février 2002) - Création du DE d’Auxiliaires de Vie Sociales (Décret du 16 Mars 2002) - Création du métier d’Assistant de Vie (Arrêté du 22 Juillet 2003) - Notion d’IDE à Compétences Elargies (Rapport Berland - 2002) - Evaluation des Compétences (Rapport Matillon – 2003) - Pénurie en IDEL (source CNAM: - 0.7% en 2002) - Réforme de la Sécurité Sociale (Rapport Chadelat - 2003) Concernant les espoirs et opportunités, je citerai rapidement deux textes : Æ L’Art. 36 du PLFSS 2004 (Après l'article L. 183-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 183-1-1 ainsi rédigé…) « …Art. L. 183-1-1. - Les unions régionales des caisses d'assurance maladie peuvent passer des conventions avec des groupements organisés de professionnels de santé conventionnés exerçant à titre libéral dans une aire géographique définie. Les engagements de ces groupements et les objectifs quantifiés associés peuvent porter sur l’évaluation et l’amélioration des pratiques des professionnels concernés, la mise en œuvre des références médicales, la gestion du dossier du patient ou la mise en œuvre d'actions de prévention et de dépistage. La convention prévoit le montant des financements alloués à la structure en contrepartie de ces engagements ainsi que les conditions dans lesquelles les actions font l’objet d’une évaluation. » Æ L’Article L162-12-20 du CSS (inséré par Loi nº 2002-322 du 6 mars 2002 portant rénovation des rapports conventionnels - Art. 4 – J.O. du 7 mars 2002) « La ou les conventions […] peuvent déterminer les conditions dans lesquelles les professionnels de santé conventionnés peuvent adhérer individuellement à des contrats de santé publique qui ouvrent droit à une rémunération forfaitaire. Ces contrats, définis par la convention, fixent les engagements des professionnels concernés et précisent les modalités d'actualisation de la rémunération forfaitaire qui leur est associée. Ils comportent nécessairement, […] des engagements des professionnels relatifs à leur participation : 1º Soit à des actions destinées à renforcer la permanence et la coordination des soins, notamment à des réseaux de soins ; 2º Soit à des actions de prévention. » J – En Conclusion L’Autonomisation de l’infirmière et la légitimité de sa prescription seront le point final d’un processus de professionnalisation qui a commencé avec la définition d’un Rôle Propre dans son Décret de Compétences. Nous devons travailler à ce que le Rôle Propre devienne Rôle Autonome. Cela ne sera possible que par la généralisation d’outils et de pratiques seuls capables de démontrer notre efficience, donc notre utilité sociale. Autonomisation = accession à la liberté de faire des choix dans un champs de compétences donné Légitimité = reconnaissance donnant possibilité de remboursement. N’oublions pas que les actes de notre rôle propre ne sont soumis à prescription médicale que dans l’optique d’un remboursement… Prescription = formalisation de l’expression de notre compétence. Processus = dynamique, évolution, phénomène actif et volontaire. Pour « pouvoir », il faut « vouloir ». Professionnalisation = le moyen de parvenir à l’autonomie Rôle Propre = expression remboursable de notre compétence soumise à prescription médicale. Rôle Autonome = expression remboursable de notre compétence non soumise prescription médicale. Généralisation = utilisation par l’ensemble de la profession sans exception Outils et pratiques = ensemble des éléments imposés ou non qui nous permettent d’accomplir le processus de professionnalisation. Efficience = qualité au meilleur coût. Utilité Sociale = justification de la reconnaissance et de la rémunération que nous revendiquons. Nous avons vu que l’autonomie est pour les patients une valeur placée au rang de l’ETHIQUE… Pourquoi cette valeur deviendrait-elle « politiquement incorrecte » dès lors que nous la réclamons pour nous-mêmes ?