question d`actualité

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N°2 Septembre 2003
QUESTION
D’ACTUALITÉ
Spectroscopie-IRM de la Prostate
Richard Aziza, Radiologie Institut
Claudius Regaud.
I. INTRODUCTION
L
a spectroscopie par résonance
magnétique nucléaire (RMN)
est une méthode non invasive
permettant d’étudier la nature
biochimique des tissus. Elle complète l’imagerie anatomique,
morphologique, par une « imagerie du métabolisme cellulaire ».
Grâce aux récents développements des aimants, des antennes
et surtout des logiciels de posttraitement, elle s’intègre de façon
plus large aux explorations standardisées de la prostate sur les
imageurs IRM actuels. L’apport
réel de la spectroscopie dans la
détection des cancers de la prostate infra-cliniques reste toutefois à
démontrer pour une utilisation en
pratique courante.
II. RAPPEL DES ASPECTS
TECHNIQUES : LE SIGNAL
RMN - LE SIGNAL
SPECTROSCOPIQUE
L’imagerie par résonance magnétique découle des propriétés
magnétiques de la matière. Les
noyaux hydrogènes situés dans un
champ magnétique intense et sou-
Michel Soulié
Urologue CHU de Rangueil,
Toulouse
mis à une onde de radiofréquence
précise subissent un phénomène
de résonance puis de relaxation à
l’origine du signal RMN.
Pour une série d’impulsions de
radiofréquence choisie (séquence
d’imagerie) les temps de relaxation T1, T2 (retour à une phase
d’équilibre des protons hydrogènes) varient en fonction de la
nature des tissus. Ces variations
déterminent le contraste des images (pondération T1 ou T2). Le
signal IRM dépend donc des
temps de relaxation.
La spectroscopie RMN est une
analyse détaillée des fréquences
de résonance (et non des temps de
relaxation) d’atomes de même
nature dans un environnement
chimique différent. Dans des
conditions de très bonne homogénéité, la fréquence de résonance
pour un atome d’hydrogène dans
différents composés chimiques
est déplacée selon le groupement
chimique dans lequel cet atome
est engagé. Par exemple, les
protons hydrogènes liés aux lactates ont une fréquence de résonance différente de celle des protons
hydrogènes liés aux lipides ou à
la choline). Ce déplacement chimique permettant d’étudier l’en8
vironnement électronique d’un
atome est à l’origine de la spectroscopie RMN.
III. LE MÉTABOLISME
PROSTATIQUE
Les travaux de COSTELLO (1) ont
largement développé les mécanismes de production du citrate prostatique à partir de modèles animaux et d’extraits ex vivo de prostate. Cette glande produit, sécrète et stocke des sécrétions riches
en citrate dont la concentration
est variable en fonction de ses
zones anatomiques. Des taux élevés sont observés dans la zone
périphérique et des taux plus faibles dans les zones transitionnelle
et centrale ainsi que dans les
zones peu glandulaires antérieures et urétrales.
A la différence des citrates, le
spectre de la choline n’est pas spécifique d’un seul composé (phosphocholine, glycérophosphocholine, éthanolamine…) ce qui
explique l’importance de la choline dans les spectres des tissus
péri-urétraux car le liquide séminal est riche en glycérophophocholine (Figure 1).
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Spectroscopie-IRM de la Pr ostate
Figure 1 : cartographie des métabolites dans la zone centrale et périphérique de la prostate.
IV. VARIATION DU MÉTABOLISME LIÉE AU CANCER
Un cancer se développant dans la
zone périphérique engendre une
augmentation du taux de choline
dans la zone périphérique normale et une diminution du taux des
citrates car existent une diminution des sécrétions prostatiques,
une augmentation de l’oxydation
des citrates et une diminution des
canaux glandulaires contenant le
citrate.
La technique RMN actuelle offre
par codage 3D la possibilité de
localiser les spectres du citrate et
de la choline de toutes les régions
prostatiques anormales, de les
corréler à une image haute résolution, de repérer l’extension spatiale du métabolite anormal et de
couvrir l’ensemble de la glande
prostatique. Les variations de ces
métabolites sont au mieux précisées par un rapport choline +
créatine rapporté au lactate (dérivé des citrates). Ainsi dans les
zones tumorales, le rapport choline + créatine / lactate est augmenté. Des acquisitions multi
voxel sont aujourd’hui disponibles
avec des temps d’examen raisonnables de 20 à 30 minutes. Un examen complet intégrant l’imagerie
anatomique et l’étude spectroscopique avec l’antenne endorectale
ne dépasse pas une heure.
V. APPLICATIONS CLINIQUES
L’imagerie IRM « classique » en
pondération T2 représente les
zones pathologiques de la prostate périphérique par des signaux
9
de faible intensité (hyposignal)
qui contrastent avec le signal
élevé des zones saines (hypersignal). Cependant toutes les
lésions de bas signal ne sont pas
toujours de nature maligne. La
détection des métabolites cellulaires dans ces zones suspectes chez
un patient porteur d’un cancer
prostatique améliore la spécificité
de l’examen (Figure 2).
Yu (2), Scheidler (3), Kurhanewicz
(4) ont décrit les premières applications cliniques puis l’amélioration de la détection d’une extension extracapsulaire par l’utilisation conjointe de l’imagerie habituelle et de la spectroscopie 3D
proton. Kaji (5) a montré que la
spectroscopie associée à l’imagerie augmente de manière très
significative la possibilité de
détecter les zones tumorales au
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sein des foyers hémorragiques
après biopsies par rapport à la
seule utilisation de l’imagerie
classique. Le repérage de foyers
tumoraux est, de ce fait, fortement utile dans le cas d’une
deuxième série de biopsies si la
première série n’est pas contributive (Figures 3 et 4).
Les traitements hormonaux et la
radiothérapie, au même titre que
des lésions de prostatites, des
dépôts de corps amylacés et des
hématomes post-biopsies, effacent le signal intense de la zone
périphérique et masquent les
zones tumorales. Evaluer l’effet
thérapeutique sur une plage
tumorale ou prouver une récidive
locale (en dehors de nouvelles
biopsies) est peu concevable par
l’imagerie spin écho habituelle.
La spectroscopie IRM offre l’avantage de s’affranchir de ces
limites. Mueller-Lisse(6) a ainsi
montré que la spectroscopie 3D
RMN, combinée à l’imagerie
IRM, 4 mois après un traitement
hormonal avait la même capacité
et la même précision de localisation des zones tumorales que
pour un groupe témoin non traité
par hormonothérapie.
Coakley (7) a intégré la spectroscopie RMN à l’imagerie IRM pour
étudier le volume tumoral. Il
démontre que la technique est
réalisable pour des volumes de
0,5 cm3 mais qu’au-dessous de ce
seuil les variabilités de mesure
limitent l’estimation quantitative
du volume tumoral surtout pour
les petites tumeurs.
Ces quelques exemples montrent
les nouvelles possibilités de l’IRM
prostatique avec spectroscopie.
Cependant cette technique d’examen n’est pas encore suffisamment diffusée. Elle demande une
grande rigueur dans sa phase de
mise en place et une bonne
connaissance de cette nouvelle
sémiologie radiologique pour
l’interprétation des résultats.
Figure 2 : identification des métabolites
dans une zone tumorale de bas signal à
droite (pic de citrate abaissé) et dans une
zone saine à gauche (pic de citrate élevé).
Figure 3 :A. la lésion de bas signal dans la zone périphérique
droite témoigne d’un cancer car le pic du citrate est effondré et
celui de la choline augmenté. B. ici la lésion de bas signal n’est
pas tumorale mais est liée à une séquelle de biopsie, le pic du
citrate est supérieur à celui de la choline.
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Figure 4 : représentation colorimétrique des métabolites à partir des spectres du citrate et de la choline de la tumeur
prostatique dans la zone périphérique gauche.
*images provenant d’une plaquette d’information technique de Ge Medical Systems.
RÉFÉRENCES
1. Costello LC., Littleton GK,
Franklin RB : regulation of citraterelated metabolism in normal and
neoplatic prostate. In Sharma RK,
CrissWE (eds):endocrine control
in neoplasia. New york, raven
press 1978, p 303.
2. Yu KK.et coll .: prostate cancer :
prediction of extracapsular extension with endorectal Mr imaging
and three-dimensional proton Mr
spectroscopic imaging. Radiology
1999; 213:481-488.
3. Scheidler J et coll.: prostate cancer :localisation with three-dimensional proton Mr spectroscopic
imaging, clinicopathologic study.
Radiology 1999; 231:473-480.
4. Kurhanewicz J et coll.: threedimensional H-1 MR spectroscopic imaging of the in situ human
prostate with high ( 0.24-0.7 cm3)
spatial resolution. Radiology
1996; 198:795-805.
5. Kaji et coll. :localizing prostate cancer in the presence of postbiopsy
changes on Mr Images : role of
proton MR spectroscopic imaging.
Radiology 1998; 206:785-790.
11
6. Mueller-Lisse U et coll. : localized
prostate cancer : effect of hormone
deprivation therapy measured by
using combined three-dimensional 1H MR spectroscopy and MR
imaging: clinicopathologic casecontrolled study. Radiology 2001;
221: 380-390.
7. Coakley FV et coll.: prostate cancer tumor volume: measurement
with endorectal MR and MR spectroscop ic ima ging. Radiology
2002; 223: 91-7
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