PULCINELLA Dossier d`accompagnement

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Dossier d’accompagnement
PULCINELLA
De Igor Stravinsky
Direction musicale Marko Letonja
Mise en scène Julie Brochen
> Création musicale
avec la troupe du TNS, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg
et les chanteurs de l’Opéra Studio-Opéra national du Rhin
Du samedi 11 au samedi 18 octobre 2014
Tous les jours à 20h
Relâche dimanche 12
Salle Koltès
CONTACTS RELATIONS PUBLIQUES
> Chrystèle Guillembert
Tél. : 03 88 24 88 34
[email protected]
Concerts éducatifs
proposés par l’OPS
Du 13 au 17 octobre
Tous les jours à 10h
Réservations auprès de l’OPS
> Lorédane Besnier
Tél. : 03 88 24 88 47
[email protected]
> Juliette Lacladère
Tél. : 03 88 24 88 03
[email protected]
Dossier réalisé avec la participation de
Ameline Baudoin et Camille Ichou
Informations pratiques
TNS > 1 avenue de la Marseillaise 67005 Strasbourg Cedex • Tarifs > de 6 € à 28 €
Renseignements/Billetterie > 03 88 24 88 24 • Site internet > www.tns.fr
Pulcinella fut une découverte du passé, l’épiphanie grâce à laquelle
l’ensemble de mon œuvre à venir devint possible. C’était un regard en
arrière, certes, la première histoire d’amour dans cette direction-là ;
mais ce fut aussi un regard dans le miroir.
Igor Stravinsky - Expositions and Development
Es-tu vrai ? Ou n’es-tu qu’un comédien ? Es-tu un représentant ?
Ou bien es-tu toi-même la chose qu’on représente ?
En fin de compte tu n’es peut-être que l’imitation d’un comédien.
Friedrich Wilhelm Nietzsche - Le Crépuscule des idoles
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
Pulcinella
De Igor Stravinsky
Direction musicale Marko Letonja • Mise en scène Julie Brochen
Collaboration artistique Michele Monetta
CRÉATION MUSICALE
du TNS, de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et de l’Opéra national de
Strasbourg
Scénographie, masques et costumes Lorenzo Albani • Lumières Olivier Oudiou •
Assistanat à la mise en scène Maëlle Dequiedt (élève de l’École du TNS, section
Mise en scène) • Assistanat à la scénographie, aux masques et aux costumes
Cécilia Galli (élève de l’École du TNS, section Scénographie-Costumes)
Avec
Les comédiens de la troupe du TNS :
Muriel Inès Amat
Antoine Hamel
Ivan Hérisson
David Martins
Et André Pomarat
Les chanteurs de l’Opéra Studio – Opéra national du Rhin :
Gaëlle Alix Soprano
Peter Kirk Ténor
Nathanaël Tavernier Basse
Et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg
Du samedi 11 au samedi 18 octobre 2014
BORD DE PLATEAU
Mercredi 15 octobre
à l’issue de la représentation
Tous les jours à 20h
Relâche dimanche 12 octobre
Salle Koltès
Production Théâtre National de Strasbourg,
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Opéra national du Rhin
> Le décor et les costumes sont réalisés par les ateliers du TNS
Autour de la musique de Stravinsky, ce spectacle réunit le chef Marko Letonja et
l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, Julie Brochen et les comédiens de la
troupe du TNS, trois chanteurs, ainsi que Michele Monetta, grand maître de la
Commedia dell’arte.
Pulcinella est remonté des enfers, du tréfonds de notre mémoire originelle.
Inquiétant, insaisissable, capable de se transformer et se démultiplier… il est la
matière brute dont naissent tous les personnages possibles.
Pulcinella est une invitation à entendre autrement, en s’approchant du trouble des
origines, pour donner à « voir » ce qui, dans la musique, nous bouleverse.
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
Sommaire
Introduction à Pulcinella d’Igor Stravinsky ................. 5
> Résumé de Pulcinella ........................................................................................................................ 5
> La figure de Pulcinella....................................................................................................................... 6
> L’histoire d’une œuvre ..................................................................................................................... 8
> Igor Stravinsky ................................................................................................................................ 11
Pulcinella, une rencontre entre le Théâtre National de
Strasbourg et l’Orchestre Philharmonique de
Strasbourg ............................................................... 12
> Note d’intention du metteur en scène, Julie Brochen ................................................................... 12
> Entretien avec le collaborateur artistique, Michele Monetta ........................................................ 14
> La scénographie, les costumes et les masques : notes d’intention de Lorenzo Albani ................. 16
Annexes .................................................................. 18
> Peintres qui se sont inspirés de la Commedia dell’arte ................................................................. 18
> Extraits de textes du spectacle ....................................................................................................... 21
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
Introduction à Pulcinella d’Igor Stravinsky
> Résumé de Pulcinella :
« Musique de Pergolèse, arrangée et orchestrée par Igor Stravinsky »
L’argument de Pulcinella, tiré d’un manuscrit napolitain datant de 1700, est classique – celui d’un jeu
amoureux sous le déguisement. Toutes les filles aiment Pulcinella ; voilà pourquoi leurs amoureux,
vêtus comme lui, décident de le mettre à mort. Pulcinella et son ami Furbo échangent leurs
costumes, et ce dernier, mis à mal, fait semblant de succomber. Déguisé en magicien, Pulcinella
« ressuscite » son double… Amoureux et amoureuses finissent tous par s’épouser.
Cet argument n’a, en soi, aucune importance – c’est un code plus qu’une histoire, un archétype plus
qu’une anecdote. Comme tel, il est superposable à d’autres et illustre la constante attirance de
Stravinsky pour certains types structurels d’arguments théâtraux qui gouvernent aussi bien
Petrouchka que Pulcinella ou The Rake’s Progress.
A. Boucourechliev, Igor Stravinsky , « Années Cruciales »
éd. FAYARD, coll. Les Indispensables de la musique
Giovanni Battista Pergolesi (Jean-Baptiste Pergolèse)
Giovanni Battista Pergolesi est né en Italie le 4 janvier 1710. Il devient compositeur de
musique baroque et se fait remarquer en 1731 dès sa sortie du conservatoire grâce à son
œuvre de fin d'étude, la Conservatione di San Guglielmo d'Acquittana. Dès lors, on lui
commande des opéras et il se met également à écrire des œuvres religieuses. Il décède
de la tuberculose le 17 mars 1736, âgé de seulement 26 ans.
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
> La figure de Pulcinella
Pulcinella est en effet un rustaut, un balourd, un âne,
comme l’appelle son ami Scaramouche ; mais Pulcinella
a une vieille expérience des hommes et des choses, et,
depuis l’an 2000 avant Jésus-Christ, époque à laquelle
on fait remonter son origine, il a vu passer trop
d’événements et s’est trouvé en rapport avec trop de
personnages importants, pour être jamais dupe.
Pulcinella vivait bien antérieurement à la fondation de
Rome, c’est chose prouvée. Il y a plus : on le prétend
contemporain des Pharaons, et Champollion a retrouvé
sa grotesque physionomie dans quelques-unes des
peintures des sépulcres égyptiens. Polichinelle, lorsqu’il
débuta joyeusement dans le monde, n’habitait point
Naples, qui n’existait pas, mais la cité d’Atella, que les
Osques avaient bâtie à mi-chemin de Capoue à la mer ;
Maccus était son nom, et, si le Romain Meo Patacca
prétend descendre de ce grand personnage, c’est pure
vanité de manant.
André Degaine, Histoire du théâtre dessinée,
Saint Genouph, Editeur Nizet, 1992
Depuis ces temps reculés, le physique de Polichinelle n’a pas changé, son costume seul a subi
quelques modifications. Le Vésuve était encore au niveau de la plaine, que la double bosse de
Pulcinella se dressait majestueusement sur son abdomen et entre ses deux épaules ; son nez, qui
ressemble au bec disproportionné d’un jeune poulet, et auquel il doit son nom plus moderne, flaira
la fumée des cuisines des Baïa et les parfums de roses de Poestum ; l’empreinte de ses sabots, car
dès lors il avait des sabots, fut marquée sur le sol de la Campanie bien avant celle de la sandale de
Platon ou de la pantoufle de bronze d’Empédocle.
Si la tournure et les dehors de Polichinelle ont peu changé, son caractère et ses habitudes sont
toujours aussi à peu près les mêmes ; il ne se modifie qu’en apparence, et encore il ne modifie que
ses actions et son langage, et garde presque toujours le même costume ; il s’occupe des personnages
du jour, les applaudit ou les baffoue, les méprise ou les craint ; mais tout en se laissant aller au
courant du monde, en ayant l’air de hurler avec les loups, au fond sa philosophie est immuable.
Cette philosophie, c’est celle des gens qui ont beaucoup vu et beaucoup vécu : le plus parfait
égoïsme ; son cœur est fait de la même matière que ses sabots, c’est-à-dire du bois le plus dur ;
d’ailleurs, il est si profondément enseveli sous ses deux énormes gibbosités, que, fût-il d’une matière
plus malléable, il ne courrait jamais grand risque d’être sérieusement entamé.
Comme tous les égoïstes, Pulcinella a une morale des plus accomodantes : pourvu que les ricochets
ne l’atteignent pas, qu’il y trouve son profit, il fait le mal sans scrupule, et se soucie de la vie d’un
homme comme de rien. Pulcinella a cependant l’air bonhomme, il a des manières toutes rondes, une
constante belle humeur, un langage naïf, parfois même enfantin, et un laisser aller de nigaud ; mais
on ne se figurerait jamais tout ce que, sous sa balourdise et son apparente bonhomie, il sait cacher
d’astuce, de noirceur et même de férocité ; c’est bien de lui qu’on peut dire que sa gaieté est
implacable, car il n’est jamais méchant que lorsqu’il s’abandonne à sa grosse joie. S’il se met à rire,
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
c’est qu’il vient de faire quelque mauvais coup ; rit-il aux éclats, tenez pour certain qu’il a tué son
homme.
Il signora Pulcinella est peut-être bon croyant, mais il y paraît peu : il assomme un moine comme il
assommerait un derviche. Nous ne le croyons donc ni chrétien ni Turc ; il a déjà vu, il est vrai, passer
plus d’une religion ; toutefois, sur ces matières-là, il est fort réservé et sait parfaitement tenir sa
langue en bride : il le faut bien. Pulcinella, comme Stentarello et Cassandrino, et en général comme
tous ces personnages ultramontains, aime passionnément le beau sexe, mais il est rarement dupé
comme eux ; sa grande expérience lui a fait connaître d’irrésistibles moyens de séduction.
Avec les femmes il est dur, caustique, méchante langue, insolent quelquefois, entreprenant toujous ;
aussi, malgré les petites mais trop visibles imperfections de sa personne, réussit-il auprès d’elles
d’une manière inexplicable. Pulcinella se pique peu de constance ; il se fait gloire de tromper sa
femme quotidiennement et de changer de maîtresse beaucoup plus souvent que de chemise ; nous
devons dire cependant, à la louange de Pulcinella, que, pour un Napolitain, il porte en général du
linge assez blanc. La célébrité de ce personnage est européenne ; aussi nous dispenserons-nous de
dessiner sa personne et de décrire son costume, qui, d’un peuple à l’autre, varie peu. Chez nous, il a
conservé son nom ; les Anglais l’appellent Punch, et les Allemands Hanswurst, ce qui veut dire Jean
Saucisse. Nous ne raconterons pas non plus son histoire vulgaire et ses aventures si connues. Qui de
nous ne l’a vu assommer amis, femme, commissaire, médecin, gendarmes, et tenir même bravement
tête au diable en personne, auquel il croit à peine ? N’a-t-il pas en effet déjà vu détrôner Pluton ?
F. Mercey, Le Théâtre en Italie, t. III, Les Théatres napolitains – Scaramouche et Pulcinella,
in « La Revue des deux mondes », Tome deuxième, 1840.
André Degaine, Histoire du théâtre dessinée, Saint Genouph, Editeur Nizet, 1992
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
> L’histoire d’une œuvre
En 1919, sur une commande de Serge Diaghilev, Stravinsky compose cette musique pour le ballet
Pulcinella. La chorégraphie est de Léonide Massine et le chef d’orchestre se nomme Ernest
Ansermet. Les décors du spectacle sont du célèbre peintre Pablo Picasso. La pièce est jouée à
l’Opéra de Paris le 15 mai 1920. Il s’agit d’un ballet en un acte inspiré d’œuvres musicales de
Giambattista Pergolesi (Pergolèse en français). Ce compositeur italien a vécu au XVIIIe en Italie. Il
est très célèbre dans l’histoire de la musique baroque. Stravinsky puise donc sa musique dans celle
de Pergolèse mais aussi un peu dans celle d’autres compositeurs italiens de la même époque. En
1922, le compositeur tire du ballet une « Suite Italienne ».
Inspiré par le récent succès des Femmes de bonne humeur de Scarlatti, ballet donné à Rome
et à Naples dans les décors de Picasso, Diaghilev songe à un spectacle sur des fragments manuscrits
de Pergolèse découverts dans la poussière des conservatoires italiens et complétés dans les
bibliothèques de Londres : un matériel considérable.
« Diaghilev me [Strasvinsky] le montra et m’engagea beaucoup à m’en inspirer pour
composer la musique d’un ballet dont le sujet était tiré d’un recueil contenant de nombreuses
versions des aventures amoureuses de Pulcinella. Cette idée me séduisit énormément. La musique
napolitaine de Pergolès m’avait toujours charmé par son caractère populaire et son exotisme
espagnol. La perspective de travailler avec Picasso, qui devait faire le décor et les costumes et dont
l’art m’était infiniment précieux et proche, le souvenir de nos promenades et multiples impressions de
Naples, le vrai plaisir que j’avais goûté à la chorégraphie de Massine pour les Femmes de bonne
humeur, tout cela parvint à vaincre mon hésitation devant la tâche délicate d’insuffler une vie
nouvelle à des fragments épars et de construire un tout avec des morceaux détachés d’un musicien
pour qui j’avais toujours ressenti une inclination et une tendresse particulière » (Chroniques).
Cette proposition faite à Stravinsky place de la Concorde, par un après-midi de printemps, et
qui devait devenir Pulcinella, avait, en fait, de prime abord déconcerté le compositeur qui, de
Pergolèse, ne connaissait que le Sabat Mater et la Serva Padroma. Son « inclination » et sa
« tendresse particulière » sont néanmoins bien réels, dans la mesure où elles s’appliquent au XVIIIe
siècle en général, et à ses conventions stylistiques en particulier. C’est sans doute là que se cristallise,
que se précise chez Stravinsky la tentation d’utiliser l’histoire musicale du passé comme ressource
stylistique du présent.
« Néoclassique », Pulcinella ne l’est au reste pas : il s’agit d’une œuvre proprement classique,
entièrement composée ou plutôt re-composée à partir de musiques existantes. Néanmoins, cette
œuvre prélude à une longue étape créatrice que sans doute elle a dans une certaine mesure révélée
à la conscience d’un musicien déjà prêt à s’y engager.
Cette écriture orchestrale kaléïdoscopique, qui constitue la marque personnelle de
Stravinsky, le paradoxe d’une main-mise profondément originale sur un matériau donné, est bien ce
qui choqua Diaghilev qui voulait, semble-t-il, une simple et délicate orchestration dans le style de
l’époque. Mais Stravinsky imposa son alchimie sonore, la transsubstantiation complète à quoi elle
aboutit ; et le spectacle fut un triomphe en grande partie grâce à cela.
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
Picasso subit lui aussi les ires de Diaghilev : de lui, on attendait un décor de commedia
dell’arte ; il proposa une scène et des personnages d’Offenbach portant de grands favoris en manière
de masques. Diaghilev, furieux, jeta par terre les premiers dessins. Picasso en fut grandement
offensé, puis il s’amadoua et présenta la maquette d’une petite salle italienne du XVIIIe siècle avec
lustres, loges, etc., où la commedia dell’arte figurait comme le théâtre dans le théâtre. Finalement,
on n’utilisa qu’un décor unique – merveilleux, semble-t-il – représentant une rue de Naples au clair
de lune, avec vue sur la baie et Vésuve fumant.
Quant à Massine, il avait travaillé sur les fragments de la partition de piano, au fur et à
mesure qu’ils arrivaient de Morges : il en résulta de grands malentendus lorsqu’on se rendit compte
que Stravinsky avait prévu un orchestre de trente-trois personnes et non un grand appareil
symphonique.
Malgré ce climat orageux et ces malentendus, attisés par Diaghilev, Stravinsky semble avoir
beaucoup goûté les répétitions auxquelles il venait fréquemment assister. Pulcinella fut créé le 15
mai 1920 à l’Opéra de Paris, sous la direction d’Ansermet, avec Massine lui-même dans le rôle titre
et Karsavina en Pimpinella ; si l’œuvre connut le triomphe auprès du public, elle fut la cible de la
plupart des critiques qui crièrent au « sacrilège à l’égard de Pergolèse » ; on ne saurait imaginer
critique plus imbécile.
A. Boucourechliev, Igor Stravinsky , « Années Cruciales »
éd. FAYARD, coll. Les Indispensables de la musique
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
Les Ballets russes
Ce ballet est très important dans l’histoire de la danse contemporaine. Michel Fokine,
chorégraphe novateur, donne un souffle nouveau aux ballets russes dirigé par Serge
Diaghilev, grand découvreur de talents. Ce dernier réunit de grands danseurs russes comme
Pavlova, Karsavina, Nijinski mais aussi des musiciens comme Stravinsky et des peintres pour
les décors tel que Picasso. Le ballet devient un spectacle total mêlant la danse, la musique et
les arts plastiques.
Serge Diaghilev
Serge Diaghilev est un organisateur de spectacles, critique d’art, impresario de ballet, né le 31
mars 1872 à Selichtchi (Russie), mort le 19 août 1929 à Venise. Créateur et impresario de
génie, il a fondé les Ballets russes d’où seront issus de nombreux danseurs et chorégraphes
qui ont fait l’art de la danse du XXe siècle.
La période de Vaslav Nijinski
Diaghilev prend sous son aile le jeune danseur Nijinski. Il est talentueux et sa technique
impressionnante. Il danse dans Petrouchka et remporte un grand succès. Le 29 mai 1912,
Nijinski chorégraphie et joue L’Après-midi d’un faune d’après le poème de Mallarmé sur la
musique de Debussy. C’est un scandale auprès du public, choqué par une danse provocante.
Un an plus tard, jour pour jour, Nijinski présente son Sacre du Printemps sur la musique de
Stravinsky et avec un décor du peintre Nicolas Roerich. Le thème de rites archaïques, la danse
cassant avec les codes de la danse classique, les costumes et la musique trop modernes sont
très mal reçus par le public. Le scandale éclate et c’est la bataille dans la salle. Quelque temps
plus tard, Nijinski épouse une jeune danseuse. Jaloux, Diaghilev, qui avait été l’amant de
Nijinski, renvoie ce dernier. Le danseur sombrera dans la folie en 1920.
L’après Sacre du Printemps
À partir de 1913, Diaghilev recrute Léonide Massine, danseur et chorégraphe américain
d’origine russe, et travaille avec Cocteau. On fait appel à des artistes de génie mais au
détriment de la chorégraphie qui s’essoufle et ne présente plus vraiment d’innovation.
Pourtant, les Ballets russes présenteront encore de beaux spectacles. Cocteau fait appel à la
sœur de Nijinski, Bronislava Nijinski. Elle continue les recherches de son frère et fait preuve
d’un grand talent de chorégraphe. Elle crée des œuvres comme Renard, Noces, Le Train bleu
ou Les Biches qui sont toujours au répertoire. Georges Balanchine prendra le relais jusqu’à la
disparition de Diaghilev en 1929. Les Ballets ne lui survivront pas.
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
> Igor Stravinsky
Igor Stravinsky vers 1930
Stravinsky en quelques dates
1882 : Naissance à Oranienbaum en Russie dans une famille de quatre enfants.
1891 : À 9 ans, Igor commence le piano.
1902 : Il rencontre le compositeur Rimski-Korsakov qui le soutient dans son travail.
1906 : Stravinsky épouse Catherine Gavrilovna Nossenko avec qui il aura quatre enfants.
1910 : Stravinsky compose L’Oiseau de feu, un immense succès.
1913 : Il crée Le Sacre du Printemps qui marque une révolution musicale. Stravinsky
tombe malade et part en maison de santé. À sa sortie, il compose des chansons et se
remet à son opéra Le Rossignol commencé quelques années plus tôt.
1918 : Manquant d’argent, il imagine un spectacle de poche, L’Histoire du soldat.
1920 : Il compose Pulcinella d’après Pergolèse. Stravinsky vit dans le sud de la France.
1940 : Il part aux États-Unis et continue de composer et de diriger.
1971 : Stravinsky décède à New-York. Il est enterré à Venise, au cimetière de l’Ile de San
Michele.
Pulcinella amorce un tournant capital dans la vie et la création stravinskienne. Tournant de vie
d’abord : en 1920, Stravinsky quitte définitivement la Suisse pour la France, renonce à la Russie pour
l’Occident. Tournant créateur aussi : tout en restant fidèle à ses exigences fondamentales, il leur
donnera des supports changeants ; en l’occurrence, et pour longtemps, le support sera ancré dans le
classicisme.
A. Boucourechliev, Igor Stravinsky , « Années Cruciales »
éd. FAYARD, coll. Les Indispensables de la musique
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
Pulcinella, une rencontre entre
le Théâtre National de Strasbourg et
l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg
> Note d’intention du metteur en scène, Julie Brochen
Ce projet est né de plusieurs rencontres. Dans un premier temps, celle que la troupe et moi avons
vécue avec le chef Marko Letonja et l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg.
Le désir de travailler ensemble était une évidence et nous sommes très vite tombés d’accord sur une
autre évidence : Pulcinella.
Pulcinella est une musique pour ballet avec chant, que Stravinsky a composée en 1919.
À l’origine il s’agit d’une commande de Diaghilev, un organisateur de spectacles, créateur et
imprésario de génie : c’est lui qui a fondé les Ballets russes. Il commande à Stravinsky une musique
pour ballet, lui demandant de s’inspirer de l’œuvre de Giovanni Battista Pergolesi (Pergolèse),
compositeur italien mort en 1736. Pour la conception de la scénographie et des costumes, Diaghilev
allie Pablo Picasso à Stravinsky sur ce projet.
Très vite, Stravinsky et Picasso s’accordent sur la nécessité d’une sonorité nouvelle, d’une esthétique
nouvelle à élaborer à partir de ce « retour aux sources ». En 1917, les deux hommes s’étaient rendus
à Naples, sur les traces du personnage de Pulcinella, dont il reste des bribes de canevas de
Commedia dell’arte de différents auteurs…
Je trouve fascinant d’imaginer ces deux grands hommes dans les rues de Naples, transformés en
enquêteurs qui se sont mis en charge de retrouver le personnage à l’origine de tous les autres…
Ce devait être un voyage « libérateur », jouissif. Pour l’anecdote : il paraît qu’ils ont été arrêtés pour
avoir été surpris en train de pisser sur un monument…
Ils quittent Naples chargés de fragments d’une histoire inracontable, car Pulcinella est tout à la fois.
Stravinsky s’inspire de musiques de Pergolese, de Gallo… Pour les transposer, les transfigurer dans un
traitement novateur. Il en repense le rythme. Il choisit parfois de mettre au premier plan ce qui
n’était qu’une faible présence dans la partition originale…
Pulcinella, à sa création, fait scandale : on accuse Stravinsky de « pastiche », voire de « trahison » et
on ne pardonne pas à Picasso, qui a réalisé décor et costumes, de marier classique et cubisme…
Plus tard, on dira de cette œuvre qu’elle ouvre l’ère du « néo-classique »…
Plus je m’y plonge, plus je trouve que Pulcinella, le personnage de Commedia à l’origine de cette
composition, est un matériau passionnant. C’est ce qui m’a séduite dans ce « sujet », l’idée qu’il soit
inracontable et tout à la fois.
J’ai demandé à Michele Monetta, grand maître de la Commedia dell’arte de nous servir de guide, de
nous confier les secrets de ce personnage.
Pulcinella a deux origines dans la mythologie grecque : il descend à la fois de Protée et de Pan.
De Protée, il a hérité le don de changer à loisir de forme et de visage. C’est le seul masque de la
Commedia capable d’en changer.
De Pan, il a hérité son lien avec la nature.
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
Pulcinella est à la fois l’œuf et le poussin, la boucle parfaite et qui pourtant n’est jamais que
l’esquisse de lui-même et de tous les possibles. En cela, c’est un personnage brouillon, archaïque,
inquiétant.
Il est revenu des enfers, il est notre inconscient, la voix qui chuchote à nos oreilles, notre démon
interne…
Il est tout ce qui est en nous : homme, femme, animal…
Dès qu’on pense le cerner, il se transforme, évolue, se multiplie.
Bref, il est à la fois très « codifié » dans sa représentation masquée en Commedia dell’arte et
insaisissable.
Partant de cela, quel doit être l’acte théâtral et son espace dans ce spectacle ?
Ce Pulcinella protéiforme, revenant des enfers, comme sans cesse « convoqué » me renvoie à
l’image des personnages de théâtre : que deviennent-ils lorsqu’on cesse de les « interpréter » ?
Je les imagine errant dans les dessous de scène, attendant leur « libération » ou souhaitant enfin,
qu’on arrête de les mettre au travail.
Ils sont en perpétuelle errance, et toujours convoqués comme des animaux de laboratoire soumis à
nos expériences théâtrales.
Partant de cette idée nous avons imaginé, avec Lorenzo Albani, scénographe, un espace où, devant
l’orchestre de l’OPS placé sur le plateau Koltès, existera un chemin de bois, comme une digue entre
l’orchestre et les spectateurs.
Derrière et à l’avant de ce chemin, des trappes, d’où surgira un Pulcinella, qui se transformera pour
en devenir un autre, voire se multiplier.
Le Pulcinella de la Commedia bien sûr, pour commencer. Mais l’idée est qu’il soit le père d’un
« répertoire ». Celui que j’ai eu la chance de partager avec le public du TNS lors des créations avec la
troupe, d’une part, mais aussi davantage…
Je pense, bien sûr, à Sganarelle, à Firs, à Gauvain…
À la fois âmes et bestioles, soumises et rebelles, ils surgissent, ils réclament « leur temps ».
J’imagine des personnages plus ou moins rétifs à l’idée de réapparaître. Les grands personnages sont
ceux qui dérangent et qu’on dérange…
Pulcinella est le « sujet » de la musique. Il est la boucle parfaite ; il est aussi celui qui bouleverse
l’ordre établi, celui qui remet tout en question, allant jusqu’à saccager l’harmonie…
D’ailleurs, des dissonances apparaissent dans les derniers mouvements de Pulcinella.
Je me réjouis de cette collaboration avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et avec le Studio
de l’Opéra national du Rhin dont sont issus les trois chanteurs (mezzo-soprano, basse et ténor). De
cette collaboration naîtra le « bouleversement » nécessaire dans notre travail, cette liberté que nous
désirons nous accorder et partager avec le public. Pour être fidèles à notre vision de l’essentiel et qui
est à l’origine de ce spectacle : la rencontre.
Julie Brochen
Propos recueillis par Fanny Mentré le 21 mai 2014
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Théâtre National de Strasbourg
Pulcinella
> Entretien avec le collaborateur artistique, Michele Monetta
Maëlle Dequiedt : Quel est votre rapport à la Commedia dell'arte ?
Michele Monetta : Mon approche de la Commedia dell'arte a débuté par la pratique du dessin et de
la sculpture lors de mes études artistiques. C'est comme ça que j'ai commencé à m'intéresser aux
expressions des visages, aux attitudes, à la qualité des regards, etc. Quand on fait de la sculpture, on
est obligé d'avoir une réflexion concrète pour travailler la matière, on la touche pour la modeler. J'ai
ensuite rencontré au théâtre la question des masques : les masques tragiques, comiques,
grotesques, grecs et latins.
C'est en 1979, un an après avoir commencé le théâtre à l'université, que j'ai pour la première fois
travaillé avec un masque de Commedia dell'arte. Ce fut une grande découverte. J'ai dû jouer le
masque de Brighella dans une pièce de Carlo Gozzi. J'ai eu beaucoup de difficultés à jouer ce masque
car il vient du Nord de l'Italie, alors que je viens du Sud l'Italie, avec un langage et un esprit
complètement différents. Je me suis alors intéressé aux gravures des XVIème et XVIIème siècles. Cette
recherche iconographique a été une étape importante dans mon parcours.
J'ai ensuite commencé à étudier le mime, le geste et tout le travail corporel. La pratique des arts
martiaux a été importante également puisqu'elle a beaucoup de similitude avec le théâtre. Ce qui
m'intéresse au travers de la commedia, c'est la pratique du masque, l'étude des canevas et des
attitudes, la façon de marcher, l'étude des caractères humains qui sont très utiles comme training
pour l'acteur d'aujourd'hui. La Commedia dell'arte est une pratique très concrète qui enracine
l'acteur, qui lui donne la conscience de son corps et de l'espace. Quand on travaille avec le masque,
on développe une nécessité à survivre sur scène. Il faut toujours être très attentif car il y a un danger
permanent. La manière de respirer, la façon de regarder, la perception de l'équilibre changent
complètement. Le masque apporte des contraintes très utiles pour l'acteur, qui lui permettent
d'évoluer et de dépasser les aspects psychologiques. Il doit alors interpréter un être qui doit réagir
concrètement dans une situation précise. Le grand metteur en scène russe Meyerhold s'est d'ailleurs
servi de la commedia dell'arte pour développer son travail sur la biomécanique qui a représenté une
grande découverte théâtrale. Le rapport du style baroque avec la commedia dell'arte compte
également beaucoup pour moi. C'est à cette époque, au XVIIème siècle, que la pensée moderne a
émergé. Avant cette époque, on pensait que l'homme était au centre de l'univers et que le Soleil lui
tournait autour. Cela a complètement changé au XVIIème siècle. On s'est rendu compte que c'était la
Terre qui tournait autour du Soleil. Toute l'humanité est alors devenue comme un radeau dans la
tempête. Le théâtre baroque est un théâtre vraiment très intéressant, qu'il soit espagnol, italien,
français, anglais ; il a compté de grands acteurs et de grands auteurs. Tout l'esprit de cet âge baroque
se retrouve dans la commedia dell'arte qui aborde les questions de l'homme moderne et représente
une humanité difforme, toujours dans un état de nécessité. En fin de compte, je m'intéresse à la
commedia dell'arte, non pour la rejouer à l'identique comme autrefois - ce qui n'aurait pas de sens
puisque que c'est un art qui appartient au passé - mais je m'en sers d'outil pour révéler l'acteur
d'aujourd'hui et peut-être celui de demain.
MD : Comment décririez-vous le personnage de Pulcinella ?
MM : Le personnage de Pulcinella est présent dans toutes les cultures. C'est une figure grotesque qui
symbolise la folie et l'anarchie dans la société. Historiquement, ce personnage trouve ses racines
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Pulcinella
dans l'Atellana, une pantomime archaïque jouée avec des masques au IVème siècle av. J-C, dans le Sud
de l'Italie. À l'époque, il y avait plusieurs masques : Maccus (le fou), Pappus (le vieux), Bucco (celui
qui parle trop), Dossenus (le bossu, masque proche du Polichinelle français au XVIIIème siècle). Tous
ces personnages ont plus tard été repris par l'écrivain latin Plaute, qui les a fait évoluer. C'est en 1609
qu'apparaît plus précisément le personnage de Pulcinella, dans une pièce écrite où il a du texte pour
la première fois. C'est un personnage qui vient des sous-sols et qui est toujours en relation avec les
enfers (comme la plupart des personnages de la Commedia). "Pulcinella" en italien signifie petit
poussin. C'est un petit poussin qui sort de l'oeuf et qui, quand il grandit, devient une poule qui à son
tour pond des oeufs : une image intéressante et étrange puisque l'oeuf est le symbole du cosmos, de
l'harmonie et de l'équilibre, d'où sort Pulcinella image de folie et de désordre.
MD : Comment abordez-vous le travail avec les comédiens ?
MM : Je cherche avant tout à travailler sur la coordination et les réactions corporelles des comédiens
et à rendre plus riche leur langage gestuel et corporel. Plus ce langage sera riche, plus ils auront de
libertés et de possibilités pour l'utiliser et improviser. J'utilise les masques pour travailler avec eux
sur l'animalité ; la commedia dell'arte s'inspire beaucoup des comportements animaux. Avant de
jouer un personnage, il faut trouver l'animal qui lui correspond. On peut associer chaque masque à
un animal (chien, chat, cochon, corbeau...), dont chaque acteur va trouver le rythme. En même
temps, ce travail sur l'animalité permet à l'acteur d'aller au-delà d'une approche psychologique du
personnage qui pourrait bloquer ses actions corporelles et limiter son imagination.
MD : Travailler sur une oeuvre musicale change-t-il votre manière de procéder ?
MM : Dans une oeuvre musicale comme Pulcinella, ou à l'opéra, la musique est pour moi l'élément le
plus important. Il faut être attentif à ne pas "cacher" la musique par l'action théâtrale. La musique
est à mon avis le langage artistique le plus abstrait et le plus technique à la fois. Il est tellement riche
qu'à l'opéra, si l'on ferme les yeux, on peut suivre l'histoire rien qu'en écoutant. Lorsqu'on travaille
sur une pièce de théâtre écrite, l'action se trouve déjà dans les mots du texte. Quand on travaille sur
une oeuvre musicale, le travail de l'acteur est très différent. Il faut parvenir à donner à l'acteur une
certaine énergie corporelle pour qu'il évolue dans cet univers musical sans jamais prendre le pas sur
lui... comme un poisson dans l'eau, en quelque sorte.
Entretien réalisé au TNS en septembre 2014
par Maëlle Dequiedt, assistante à la mise en scène et élève du Groupe 42
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Pulcinella
> La scénographie, les costumes et les masques :
Note d’intention de Lorenzo Albani

La scénographie
Pour le décor, nous voulions avec Julie un espace qui puisse permettre la surprise. Il fallait un jeu de
trappes, de découvertes, de circulation qui permette au personnage de Pulcinella de ne jamais cesser
de se transformer, de se multiplier et de sans cesse créer la surprise.
C’est aussi un espace précaire, léger, qui ne tient qu’à un fil. C’est aussi un espace qui, comme les
costumes, réécrit l’imaginaire de la Commedia avec des lignes plus franches, presque cubistes.

Les costumes et les masques
Le premier costumier de Pulcinella était Pablo Picasso. Je me suis alors penché sur son lien avec la
Commedia dell’Arte, qui irrigue son œuvre et particulièrement ses jeunes années. En réalité, ce
théâtre a eu un grand impact sur l’imaginaire de nombreux peintres du début du XXe siècle, Klee
notamment. Chacun d’eux semblait trouver dans ces damiers, ces silhouettes, un prétexte pour une
recherche picturale propre.
C’est dans cette approche que nous avons voulu nous inscrire. Ne pas lutter contre les clichés qui
nous viennent à l’esprit quand on pense à Colombine, Arlequin ou Polichinelle, mais en faire un point
de départ pour une exploration de formes et de couleurs. Paradoxalement, partir de ces archétypes
devient alors une recherche très libre et personnelle.
Ensuite, il y avait à rendre compte de la complexité du personnage de Pulcinella, et de sa faculté de
prendre des formes très diverses, homme, femme, jeune, vieux, animal. Nous voulions avec Cécilia
Galli (qui a créé les masques des Pulcinella) donner à chacun une identité, être aussi au plus près de
la morphologie de chaque comédien. L’idée était de montrer l’esprit d’un personnage insaisissable à
travers une variation qui crée le trouble, et qui va jusqu’à la poule !
Croquis réalisé par Lorenzo Albani, Pulcinella
Croquis réalisé par Lorenzo Albani, Pulcinella la poule
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Les sources d’inspiration pour les costumes et la scénographie

Paul Klee (1879 – 1940)
Ancient Sound, Abstract on Black, 1925

Croquis réalisé par Lorenzo Albani, Palumbella
Pablo Picasso (1881 – 1973)
Croquis réalisé par Lorenzo Albani, Pulcinella
Arlequin,1923
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Annexes
> Peintres qui se sont inspirés de la Commedia dell’arte

Giandomenico Tiepolo (1696 – 1770)
Pulcinella innamorato, 1797
Pulcinella sviene sulla strada
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
Jean-Antoine Watteau (1684 – 1721)
Les Comédiens italiens, 1720
L’amour au théâtre italien, 1721
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
Jacques Callot (1592 – 1635)
Personnages de la Commedia dell’arte. Gravure. XVIIe siècle
 Pablo Picasso (1881 – 1973)

Pulcinella, 1920
Pulcinella e Arlecchino, 1943
Gino Severini (1883 – 1966)
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> Extraits de textes du spectacle

La Cerisaie - Acte IV
Les derniers mots de Firs
Ils sortent.
La scène est vide. On entend refermer à clé toutes les portes, puis s’éloigner les équipages. Tout
s’apaise. Au milieu du silence, résonne le choc sourd de la hache sur les arbres, un bruit solitaire et
triste.
On entend des pas. Par la porte de droite apparaît Firs. Il est vêtu, comme d’habitude, de son frac et
de son gilet blanc, mais chaussé de mules. Il est malade.
FIRS (il s’approche de la porte, touche la poignée).
Fermée. Partis... (Il s’assied sur le divan.)
Ils m’ont oublié... Ça ne fait rien... je peux rester assis là…
Leonid Andreïtch, je parie, il n’a pas mis sa pelisse, on est parti en manteau...
(Il soupire d’un air soucieux.)
Dès qu’on a le dos tourné... Ah, jeunesse !
(Il marmonne quelque chose qu’on ne peut pas comprendre.)
La vie, elle a passé, on a comme pas vécu...
(Il se couche.)
Je me couche un peu...
T’as plus de forces, mon pauvre vieux, il te reste rien, rien de rien...
Propre à rien, va !...
Il reste couché, immobile.
On entend un bruit lointain, comme s’il venait du ciel, le bruit d’une corde cassée, mourant, triste. Le
silence se fait, on entend seulement, loin dans la cerisaie, la hache qui cogne sur un arbre.
A.Tchekhov, La Cerisaie,
traduit par André Markowicz et Françoise Morvan,
ed. Babel en 2006
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
Don Juan aux enfers
Charles Baudelaire
Quand Don Juan descendit vers l'onde souterraine
Et lorsqu'il eut donné son obole à Charon,
Un sombre mendiant, l'œil fier comme Antisthène,
D'un bras vengeur et fort saisit chaque aviron.
Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes,
Des femmes se tordaient sous le noir firmament,
Et, comme un grand troupeau de victimes offertes,
Derrière lui traînaient un long mugissement.
Sganarelle en riant lui réclamait ses gages,
Tandis que Don Luis avec un doigt tremblant
Montrait à tous les morts errant sur les rivages
Le fils audacieux qui railla son front blanc.
Frissonnant sous son deuil, la chaste et maigre Elvire,
Près de l'époux perfide et qui fut son amant,
Semblait lui réclamer un suprême sourire
Où brillât la douceur de son premier serment.
Tout droit dans son armure, un grand homme de pierre
Se tenait à la barre et coupait le flot noir;
Mais le calme héros, courbé sur sa rapière,
Regardait le sillage et ne daignait rien voir.
C. Baudelaire, Les Fleurs du mal, « La Mort »,
Le Livre de Poche, 2009
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