10 - RYTHMES SCOLAIRES : COMPARAISONS INTERNATIONALES Les données internationales (OCDE ou Eurydice) permettent d’appréhender trois caractéristiques des rythmes scolaires : - la quantité totale du temps scolaire, selon l’âge des élèves et le niveau d’enseignement, mesurée en nombre d’heures par an ; - l’étalement de ce temps sur le calendrier annuel, à travers le nombre de semaines et de jours scolaires par an, mais aussi la fréquence et la durée des périodes de congés ; - la charge hebdomadaire et quotidienne : nombre de jours d’école par semaine, durée moyenne de la semaine scolaire et de la journée d’école, et durée des séquences d’enseignement. La combinaison de ces différentes variables donne une image assez précise de la situation de la France au regard de celle des autres pays. 1) Alors qu’un nombre croissant de pays tendent à étaler leur calendrier scolaire sur davantage de semaines, la France reste parmi les pays dont la scolarité est la plus concentrée, avec 140 jours d’école au primaire et 178 jours au secondaire, tandis que la moyenne OCDE est respectivement de 186 jours au primaire et de 184 jours au secondaire (Regards sur l’éducation, 2011) ; 2) En matière de congés estivaux, la France se situe dans la moyenne haute de l’Union européenne, avec 9 semaines. C’est en France que les congés en cours d’années sont les plus longs, avec 4 périodes de près de deux semaines réparties sur 10 mois de l’année scolaire. Dans la plupart des autres pays, les « petites » vacances dépassent rarement une semaine (Eurydice, 2010) ; 3) Si le calendrier scolaire français est concentré sur un nombre de jours limité, le volume horaire annuel est l’un des plus importants de l’OCDE. De ce fait, la journée des écoliers, collégiens et lycéens français est plus dense que celle de la plupart des autres élèves dans le monde. Depuis l’introduction en 2008 de la semaine de 4 jours à l’école, avec 24 heures de classe par semaine (heures de soutien non comprises), la journée d’école est passée à 6 heures, soit un record au sein de l’Union européenne. Au-delà des interrogations sur l’étalement des vacances ou sur le nombre de jours par semaine, les enjeux peuvent porter sur l’usage et sur l’emploi du temps scolaire. Des expériences menées en France, en Suède et aux Pays-Bas sur des emplois du temps scolaire « mobiles » ou « flexibles » où le temps est davantage référé aux objectifs pédagogiques et à leur variété, conduisent à des résultats positifs en termes d'autonomie des élèves et de stratégies d'apprentissage. Elles se fondent sur la mise en œuvre de pédagogies plus actives et favorisent leur développement. En France, dans le cadre d’une recherche à l’INRP, Aniko Husti a mené deux expérimentations dans une trentaine de lycées et collèges, entre 1980 et 1988. L’innovation portait sur l’introduction d’unités de temps « mobiles », définis par l’équipe pédagogique. Les évaluations réalisées auprès des élèves, des enseignants et des chefs d’établissements ont mis en évidence non seulement qu’une telle organisation est administrativement viable mais qu’elle est aussi porteuse de nombreux intérêts : - pour les élèves : plus grande implication personnelle dans le travail ; possibilité d’achever sa tâche ; meilleure acquisition d’autonomie ; - pour les enseignants : plus de réflexion sur la démarche pédagogique ; plus de travail en équipe et de disponibilité aux besoins individuels des élèves ; - pour les chefs d’établissement : renouvellement de la conception et de l’organisation du temps scolaire ; soutien à l’innovation. En Suède, une étude longitudinale menée pendant 5 ans (2000-2004) auprès de trois collèges introduit l’expérimentation de planning flexible. Les emplois du temps ont été construits par périodes de 5 à 6 semaines, chacune consacrée à l’étude d’un thème, abordé de façon transdisciplinaire et impliquant l’ensemble des enseignants. Le temps dédié aux enseignements par classes a été réduit de façon à dégager des temps de dynamique de groupe mais aussi des plages d’étude individuelle, pendant lesquelles chaque élève suit un plan de travail personnalisé. Les Pays-Bas ont récemment expérimenté un dispositif innovant qui repose également sur un emploi du temps flexible. Ce dispositif cible volontairement le niveau du collège, où se cristallisent de multiples difficultés, en particulier le manque d’attention et d’intérêt des élèves. Il vise donc à stimuler la motivation et l’implication des élèves, « à les faire travailler davantage pendant les heures passées à l’école et à construire des lignes directes entre l’apprentissage à l’école et la vie réelle, entre le temps passé à l’école et le temps en dehors de l’école ». Les élèves sont présents à l’école de 8h30 à 16h cinq jours par semaine ; « il n’y a plus de cours proprement dits mais des blocs de travail thématiques » qui peuvent être modulés entre 1h30 et une demi-journée. Aucun devoir à la maison n’est demandé. Les résultats s’avèrent là aussi probants en termes de goût des élèves pour l’apprentissage. Paris, le 14 juin 2012 Secrétariat général Direction de l’éducation de la prospective et de la performance Mission aux relations européennes et internationales Rythmes scolaires : éléments de comparaisons internationales DEPP/MIREI n° 2012-0 Affaire suivie par Florence Lefresne Chef de la MIREI Téléphone 01 55 55 60 79 Florence.lefresne @education.gouv.fr 61-65 rue Dutot 75015 Paris Pour comparer les rythmes scolaires selon les pays, il existe deux sources d’information1 : - les données de l’OCDE, présentées dans la publication annuelle, Regards sur l’éducation. Les indicateurs D1 et D4 fournissent respectivement des chiffres sur les durées annuelles de scolarité des élèves et sur le temps de travail des enseignants. Nous utilisons ici ceux de l’année de référence 2008, sur laquelle porte Regards sur l’éducation 2010. Ce ne sont pas les données les plus récentes, mais le choix de cette année de référence autorise un calage avec les données d’Eurydice synthétisées dans un rapport thématique (cf. infra) ; - le réseau Eurydice qui décrit les caractéristiques des systèmes éducatifs de 33 pays (27 pays de l’Union européenne, augmentés du Liechtenstein, de la Turquie, de la Suisse, de l’Islande, de la Norvège, et de la Croatie), selon une grille d’analyse déterminée. Les données d’Eurydice fournissent des informations plus précises sur l’organisation de la semaine et de la journée scolaires. Nous nous référons ici à la publication transversale d’Eurydice, Organisation of school time in Europe: Primary and general secondary education, 2010-11 school year. Bruxelles : EACEA.2010. Les données mobilisées permettent d’appréhender trois caractéristiques des rythmes scolaires : - la quantité totale du temps scolaire, selon l’âge des élèves et le cycle scolaire, mesurée en nombre d’heures par an ; - l’étalement de ce temps sur le calendrier annuel, à travers le nombre de semaines et de jours scolaires par an, mais aussi la fréquence et la durée des périodes de congés ; - la charge hebdomadaire et quotidienne : nombre de jours d’école par semaine, durée moyenne de la semaine scolaire et de la journée d’école, et durée des séquences d’enseignement. La combinaison de ces différentes variables donne une première image des rythmes propres à chaque pays. 1 La présente note reprend, en les complétant, les éléments du Dossier d’actualité n°60, de l’INRP (Agnès Cavet, février 2011). 2/5 OCDE, indicateur D1, Regards sur l’éducation 2010 OCDE, indicateur D4, Regards sur l’éducation 2010 La durée des vacances d’été (Eurydice, 2010) La longueur des vacances d’été varie pour l’enseignement primaire du simple au double avec 12 ou 13 semaines dans 10 pays (la Bulgarie, l’Estonie, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, le Portugal, la Roumanie et la Turquie) et avec 6 semaines dans 5 pays (l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et le Liechtenstein) ; la France avec 9 semaines se trouve dans un groupe de 6 pays (la Belgique, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et l’Irlande du nord). Avec 10 ou 11 semaines, on trouve encore 8 pays (Chypre, la Finlande, la Hongrie, l’Irlande, la Pologne, l’Espagne, la Suède et l’Islande). Les vacances d’été sont de même longueur que le primaire pour le second degré sauf pour la Bulgarie, Chypre, la Grèce et la Lituanie où elles sont plus courtes et sauf encore pour l’Irlande, les Pays-Bas et l’Islande où elles sont plus longues. S’ajoutent les "petites vacances" et les jours de fêtes nationales ou religieuses avec des situations très différentes d’un pays à l’autre. 3/5 En comparant ces données avec celles recueillies cinq ans plus tôt (Regards sur l’éducation 2005, année de référence 2003), on observe que plusieurs pays ont, dans cet intervalle, procédé à un allongement de leur calendrier scolaire, pour atteindre 38 à 40 semaines. Il en va ainsi de la Pologne (+ 1 semaine), de la République tchèque (+ 2 semaines), de la Corée (+ 3 semaines) et encore de l’Italie et du Japon (+ 5 semaines). Cet allongement du calendrier semble bien viser un meilleur étalement de l’année scolaire : il ne s’accompagne pas nécessairement d’une augmentation de l’horaire annuel et, lorsque c’est le cas, cette augmentation reste limitée. Seuls deux pays s’inscrivent à contre courant puisqu’ils ont réduit à la fois le calendrier et l’horaire scolaire annuel : la Grèce (- 4 semaines) et la Fédération de Russie (- 10 semaines). Sources : OCDE (2010), Regards sur l’éducation, indicateur D4. On peut signaler que plusieurs pays européens limitent la durée des congés des enseignants à 8 semaines par an, le temps de travail hors de la présence des élèves étant principalement consacré à la formation continue (Eurydice). Rythmes scolaires hebdomadaires et quotidiens Aucune enquête systématique ne permet de comparer l’organisation de la semaine ou de la journée scolaire dans les différents pays (Voir DALSHEIMER-VAN DER TOL Nadine, 2010, « Les rythmes scolaires à l’étranger ». Les dossiers Insertion, Éducation et Société, n° 198, décembre, p. 63-123). Cependant, en extrapolant les données de l’OCDE (division du nombre de jours d’école par le nombre de semaines scolaires), le modèle qui domine semble être celui d’une semaine scolaire de 5 jours pleins. Au-dessous de cette moyenne, la semaine de 4,5 jours est pratiquée en Belgique et dans le secondaire en France. Quant à la semaine de 4 jours, elle n’est en vigueur que dans l’enseignement primaire français. À l’autre extrême, la semaine de 5,5 jours est pratiquée en Indonésie et dans certains Länder d’Allemagne et d’Autriche (OCDE, 2010 ; Eurydice). En extrapolant encore les données de l’OCDE : - la charge hebdomadaire moyenne des enseignements serait de 23h30 au primaire et de 26h au secondaire (horaire total / nombre de semaines) ; - la charge quotidienne moyenne des enseignements serait de 4h au primaire et d’un peu moins de 5h au secondaire (horaire total / nombre de jours). Dans les deux tableaux suivants, la différence entre l’horaire minimal et l’horaire maximal correspond, selon les pays, à des enseignements optionnels ou à une certaine flexibilité à disposition des établissements scolaires. 4/5 Source : Eurydice 2010 Source : Eurydice 2010 Source : Eurydice 2010 De ces comparaisons internationales, il ressort plusieurs observations qui caractérisent les rythmes scolaires en France : 5/5 Alors qu’un nombre croissant de pays tendent à étaler leur calendrier scolaire sur un plus grand nombre de semaines, la France reste encore parmi les pays dont la scolarité est la plus concentrée, avec 140 jours d’école au primaire et 178 jours au secondaire, tandis que la moyenne OCDE est de 187 jours au primaire comme au secondaire ; En matière de congés estivaux, la France se situe dans la moyenne haute de l’Europe, avec 9 semaines. En revanche, c’est en France que les congés en cours d’années sont les plus longs, avec 4 périodes de deux semaines réparties sur les 10 mois de l’année scolaire. En effet, dans la plupart des autres pays, les « petites » vacances dépassent rarement une semaine (Eurydice, 2010) ; Si le calendrier scolaire français est concentré sur un nombre de jours limité, le volume horaire annuel est l’un des plus importants des pays de l’OCDE. De ce fait, la journée des écoliers, collégiens et lycéens français est plus dense et plus chargée que celle de la plupart des autres élèves dans le monde. Depuis l’introduction à la rentrée 2008 de la semaine de 4 jours à l’école, avec 24 heures de classe par semaine (non comprises les heures de soutien), le nombre d’heures par jour est passé à 6 heures, le plus élevé des pays de l’Union européenne. n° 60 février 2011 Rythmes scolaires : pour une dynamique nouvelle des temps éducatifs Par Agnès Cavet Chargée d’études et de recherche à la Veille scientifique et technologique Alors que se poursuit la Conférence nationale sur les rythmes scolaires ouverte en septembre 2010 par le ministère de l’Éducation nationale, ce dossier propose un tour d’horizon des différentes recherches et expérimentations menées en France, en Europe et en Amérique du Nord. 1. Les rythmes scolaires soumis aux comparaisons internationales Des comparaisons internationales quantitatives, il ressort une grande variabilité entre les pays, d’où se dégagent pourtant quelques tendances : − l’étalement de l’année sur 38 à 40 semaines scolaires, ponctuées par des vacances d’une semaine et des congés estivaux de 6 à 8 semaines ; − la dominance du modèle de la semaine de 5 jours ; − des moyennes hebdomadaires de 23h30 au primaire et de 26h au secondaire ; − des moyennes quotidiennes de 4h au primaire et d’un peu moins de 5h au secondaire. Dans ce paysage, les rythmes de l’école française apparaissent concentrés sur un nombre de semaines et de jours bien inférieur à la moyenne. Aussi, la journée scolaire est plus chargée en France que dans de la plupart des pays (Eurybase ; OCDE, 2010). 2. Le temps scolaire au cœur d’enjeux de société En un siècle, le temps de travail des adultes a été pratiquement divisé par deux, pendant que le temps scolaire des élèves a diminué d’un tiers. Pourtant, la journée des écoliers français n’a pas évolué, restant fixée à 6 heures (Lelièvre, 2008a ; 2008b). L’histoire montre que la régulation du temps scolaire n’a longtemps été qu’une question de gestion du temps de travail des enseignants (Lelièvre, 2008a). Aujourd’hui encore, le temps scolaire des élèves resterait « une variable d’ajustement » (Delahaye, 2006). Dans l’espace social, la question des « rythmes » se concentre sur la délimitation des contours du temps scolaire hebdomadaire et du calendrier des congés, sources de conflits entre des intérêts concurrents : économiques (secteurs du tourisme, des loisirs et du transport), familiaux, pédagogiques et organisationnels pour l’Éducation nationale (Lelièvre, 2008a ; Sue & Caccia, 2005). Ainsi, le calendrier scolaire apparaît-il comme un « objet à négocier » avec tous les partenaires sociaux de l’école, en vue de parvenir à un « compromis acceptable » (Vermeil, 2009). La domination qu’exerçait le temps de travail s’est émoussée avec l’émergence du « temps libre », nouveau temps fort des sociétés post-modernes. Dans la vie des enfants et des adolescents, le temps libre entre également en concurrence avec le temps scolaire, non seulement en termes de volume mais aussi en termes de valeur. L’école et sa construction du savoir sur le temps long ont plus de mal à « faire sens » pour des élèves qui accèdent à de multiples connaissances plus immédiates à travers leur temps libre. En outre, le temps libre tend à renforcer les inégalités socio-culturelles et scolaires page 1 / 4 Dossier d’actualité de la VST, n° 60, février 2011 – L’essentiel Rythmes scolaires : pour une dynamique nouvelle des temps éducatifs Ce document synthétise en quatre pages les principaux constats développés dans la version intégrale du Dossier d’actualité. Retrouvez la version intégrale sur notre site : http://www.inrp.fr/vst, rubrique Dossiers d’actualité. La plupart des liens renvoient vers les fiches correspondantes de notre bibliographie collaborative, qui comprennent les références complètes et, le cas échéant, des accès aux articles cités (accès libre ou payant, selon le cas et selon les abonnements électroniques souscrits par votre institution). entre les jeunes, dans la mesure où la nature et la qualité des activités extra-scolaires qu’ils pratiquent hors de l’école conditionnent fortement leurs chances de réussite scolaire (Sue, 2006 ; Barrère & Jacquet-Francillon, 2008). 3. Les chronosciences pour le respect des rythmes de l’enfant La chronobiologie et la chonopsycho-biologie étudient de façon expérimentale les rythmes biologiques et comportementaux aux différents stades du développement des enfants et des adolescents. Les résultats de ces recherches conduisent l’Académie de médecine à adresser diverses recommandations aux décideurs en matière de rythmes scolaires : − « aménager la journée scolaire en fonction des rythmes de performance et enseigner les matières difficiles aux moments d’efficience scolaire reconnus, en milieu de matinée et en milieu d’après-midi » ; « retarder l’entrée des enfants en classe en créant une période intermédiaire d’activités calmes en début de matinée » ; « instituer une heure d’étude surveillée en fin d’enseignement » ; − « aménager la semaine sur 4 jours et demi ou 5 jours en évitant la désynchronisation liée à un week-end dont le samedi matin est libre ; − respecter le sommeil de l’enfant et le considérer comme un sujet de santé publique au même titre que tabac, alcool et alimentation ; − évoluer vers un calendrier de 7-8 semaines de classe et 2 semaines de vacances, ce qui implique un remaniement des 1er et 3e trimestres ; − alléger le temps de présence quotidien de l’élève à l’école en fonction de son âge » (Touitou & Bégué, 2010). 4. Le temps au service de la réussite éducative Aux États-Unis, le rapport Prisoners of Time (1994, réédité en 2005) a initié un courant critique sur l’organisation du temps pédagogique dans les établissements scolaires. En France, Aniko Husti (1994 ; 1999) est à l’origine d’un mouvement similaire. Depuis plus d’un siècle, l’organisation du temps scolaire reste surdéterminée par un principe administratif de gestion des personnels enseignants, dont les obligations de service sont définies par un certains nombre d’« heures de cours », face à une classe d’élèves. Ainsi, l’équation « une heure – un enseignant – une discipline – un cours – une classe » dicte la construction des emplois du temps de l’enseignement secondaire, en imposant une organisation pédagogique du temps centrée sur les enseignants et non sur les élèves. Porteuse d’une « forme scolaire » qui n’apparaît plus adaptée aux besoins actuels de transversalité des enseignements et d’individualisation des apprentissages, cette organisation fait l’objet d’une critique récurrente. Elle est jugée responsable de l’immobilisme de l’école et contribue au profond malaise qui affecte la profession enseignante, ainsi qu’au manque de motivation des élèves (Waaub, 2006 ; Giordan cité par de Perreti & Muller, 2008 ; AFAE, 2007). En Amérique du Nord comme en Europe, ces remises en question ont stimulé de nouvelles approches et de nouvelles idées pour permettre aux acteurs scolaires de se réapproprier cette ressource essentielle que constitue le temps afin de mieux assurer leur mission éducative. Il s’agit alors de mettre le temps scolaire au service d’un projet centré sur les élèves, la qualité des apprentissages, la réussite, l’équité scolaire et encore une plus grande ouverture de l’école sur son environnement. Trois axes d’évolution sont explorés par les chercheurs en éducation. Allouer plus de temps à l’enseignement ? Aux États-Unis, le rapport Prisoners of Time a contribué à répandre l’idée que l’augmentation du temps d’enseignement est une clé pour de meilleurs apprentissages. Plus de temps pour tous, d’abord, par l’allongement et la réorganisation d’un calendrier scolaire caduc, dont la conception remonte à l’époque où l’Amérique était « une nation de fermiers », pour reprendre la formule du Président Obama (cité par Dixon, 2010). L’enjeu est ici d’augmenter le temps d’étude pour faire atteindre à tous les élèves un niveau de compétence plus élevé, en adéquation avec les ambitions de l’Amérique du XXIe siècle. Plus de temps pour « ceux qui en ont besoin », ensuite. C’est-à-dire, d’abord, les élèves scolarisés en milieu défavorisé, qui accusent des performances scolaires insuffisantes. L’équité est ici l’enjeu. Ensuite, plus de temps pour permettre une remédiation aux élèves en difficulté scolaire. À cette fin, il est préconise de rendre le temps « modulable » en fonction des besoins de chaque élève. On rejoint ici le champ de l’individualisation et de la pédagogie différenciée (NECTA, 2005 ; Davis & Gabrieli, 2009). Si elle est communément admise dans la conception des décideurs et d’une partie de la communauté éducative, l’équation « plus de temps » ⇒ « plus de résultats » ne va page 2 / 4 Dossier d’actualité de la VST, n° 60, février 2011 – L’essentiel Rythmes scolaires : pour une dynamique nouvelle des temps éducatifs pourtant pas de soi. En effet, la confrontation des nombreux travaux qui ont tenté de mesurer « l’efficacité » du temps scolaire invite à une certaine prudence : la relation entre la quantité de temps d’enseignement et son efficacité n’est pas mathématique. Certaines études ont même montré qu’en matière de remédiation, un changement de pratique pédagogique pouvait avoir plus d’effets bénéfiques qu’une augmentation du temps d’enseignement (Chopin, 2010 ; 2011). Et si le temps est « la ressource centrale pour les apprentissages des élèves, […] sa dimension qualitative est plus importante que sa dimension quantitative : c’est bien l’usage que l’élève peut faire du temps et non seulement son volume qui détermine l’efficacité pédagogique » (Suchaut, 2009). Faire un meilleur usage du temps scolaire Contrairement au précédent, ce courant de pensée défend l’idée que, sans faire appel à un supplément de ressources, l’école peut déjà accomplir pour elle-même et faire accomplir aux élèves des progrès significatifs en cherchant à faire un meilleur usage du temps scolaire dont elle dispose. C’est donc autour du projet d’améliorer la « qualité » du temps pédagogique qu’il s’agit de mettre les acteurs scolaires au travail. Ce courant pédagogique préconise de repenser l’organisation du temps en fonction de la pédagogie et des objectifs à atteindre. Autrement dit, le temps est un ingrédient pédagogique qui participe au projet. À titre d’exemple, Husti a développé en France un modèle alternatif sur le principe du « temps mobile » : − durée des cours variables, entre 1h et 4h selon les besoins pédagogiques ; − concertation des enseignants sur la planification du programme respectif de chaque discipline, pour faire coïncider des temps propices aux approches transversales ; − 15% du temps réservé au « travail à rythme individuel », seul ou en petit groupe ; − implication de chaque élève dans l’élaboration de son propre emploi du temps de la journée (Husti, 1999). De tels dispositifs requièrent une participation active des enseignants et impliquent des changement dans la mise en pratique de leur métier : le travail en équipe est fondamental, ce qui nécessite que les enseignants acceptent de travailler dans l’établissement scolaire plutôt que chez eux (Waaub, 2006). Mettre le temps scolaire en synergie avec les autres temps éducatifs La troisième évolution porte l’effort sur la mise en cohérence du temps scolaire avec les autres temps de vie des enfants et des jeunes. Le pari qui est fait ici est que « si l’on veut faire progresser l’école, c’est paradoxalement sur le hors-scolaire qu’il faut travailler ». En France, c’est Roger Sue et Marie-Françoise Caccia qui sont porteurs de cette réflexion. Entre le temps privé et le temps scolaire, le « temps intermédiaire » de la vie des enfants constitue un temps privilégié durant lequel peuvent être réalisés des objectifs socio-éducatifs de première importance : développement et épanouissement personnel, intégration sociale, ouverture sur le monde, enrichissement culturel, autonomisation, implication dans la collectivité… Par un travail concerté entre l’école et divers partenaires locaux (communes, parents, animateurs, secteur associatif…), des projets peuvent être élaborés dans une même synergie éducative, l’école constituant un lieu privilégié pour accueillir des activités nouvelles hors du temps scolaire. D’un point de vue pédagogique, il s’agit de stimuler chez l’enfant un processus de « reliance éducative », qui lui permette donc de « relier » des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être, scolaires et non scolaires, en participant à des projets conçus à cet effet. Il revient donc aux éducateurs de s’inscrire dans un travail en synergie, afin de « donner une unité à des actions et à des champs éducatifs hétérogènes ». Les effets attendus ne se situent pas en priorité dans le domaine scolaire, mais plutôt dans celui d’un développement harmonieux des enfants aux plans psycho-affectif, cognitif, social et culturel. Les répercussions sur la réussite scolaire sont un profit supplémentaire, qui devrait bénéficier en priorité aux enfants en difficulté (Sue & Caccia, 2005 ; Sue, 2006). 5. Des expériences alternatives dans le monde Un seul modèle expérimental d’augmentation du temps scolaire a été observé : • Aux États-Unis, des établissements en milieu très défavorisé augmentent le temps scolaire annuel de 25%. Ils obtiennent des résultats positifs en termes de performances scolaires et de qualité des apprentissages. Dans le contexte où ils s’inscrivent, ces dispositifs parviennent à atténuer l’effet du milieu socio-culturel sur la réussite scolaire des élèves (Gabrieli, 2010 ; More Time for Learning, 2010). Plus nombreuses et plus variées sont les expérimentations qui portent sur la modification de l’emploi du temps, voire de son usage : page 3 / 4 Dossier d’actualité de la VST, n° 60, février 2011 – L’essentiel Rythmes scolaires : pour une dynamique nouvelle des temps éducatifs • • • Deux mesures semblent permettre de mieux équilibrer la répartition du temps scolaire : l’étalement du calendrier sur une plus longue période (38 à 40 semaines) ; l’adoption d’un rythme régulier dans l’alternance périodes scolaires / périodes de congés. Le modèle de l’école du matin a fait la preuve de ses limites. L’Espagne, qui l’a adopté il y a plus de dix ans, rencontre les mêmes difficultés que les pays qui le pratiquaient de longue tradition : performances scolaires insuffisantes ; inégalités scolaires ; relations parents-école difficiles… (Gonzalez Faraco, in AFAE, 2007). Les expériences d’emploi du temps variable menées en France (Husti, 1999), en Suède (Nyroos, 2007 ; 2008) et aux Pays-Bas (Mulder, in AFAE, 2007) reposent sur la flexibilité des plages de travail selon les besoins, la recherche des synergies entre les disciplines pour les apprentissages transversaux, le travail en équipe des enseignants, la diversification des modalités de travail des élèves... Ces organisations obtiennent des résultats très positifs en termes d’ouverture, d’autonomie des élèves, de stratégies d’apprentissage, de compétences sociales... Elles influencent la motivation non seulement des élèves mais aussi des enseignants et se prêtent bien à la mise en œuvre de pédagogies plus actives. Enfin, différentes expériences vont dans le sens d’une fédération des temps socioéducatifs autour de l’école : • Les dispositifs d’aménagement du temps de vie des enfants (ARVE) expérimentés en France ont réuni activités scolaires, sportives et socio-culturelles dans un même cadre éducatif global. On observe des effets positifs sur les compétences sociales des élèves. L’impact scolaire n’est sensible que sur les élèves en difficulté, point positif dans le sens de la remédiation (Sue & Caccia, 2005). • Le modèle de l’école à temps plein se généralise en Allemagne (Tarazona, 2010), en Suisse (Aeberling & Binder, 2005) et en Grèce (Loukeris et al., 2009). En collaborant avec des acteurs associatifs externes, l’école se redéfinit comme un lieu de vie ouvert toute la journée, qui assure sa mission de base d’enseignement et fédère une offre d’activités péri-scolaires variée, généralement facultative. Les évaluations témoignent d’une influence positive sur la performance scolaire, mais les résultats les plus marqués concernent l’épanouissement personnel et social des jeunes et la qualité des relations qu’ils entretiennent avec les adultes. • Dans des environnements très défavorisés, les écoles communautaires ouvertes toute l’année aux jeunes et à leurs familles permettent d’associer dans l’enceinte de l’école action éducative et action médico-sociale (Bédard, 2009). • Au Royaume-Uni, la formule de l’Extended school généralise le concept de l’école multi-services ou école globale, fédérant dans son enceinte et sa périphérie un ensemble de services éducatifs, sociaux, culturels et de loisir, ainsi qu’une gamme de prestations familiales allant de la garde d’enfant au soutien parental. Les résultats globalement positifs témoignent cependant d’une moindre participation des enfants et parents de milieux défavorisés (Smith, 2005 ; Wallace et al., 2009). On peut noter deux observations transversales : • Dans toutes les expériences réussies, la notion de devoirs à la maison disparaît. • Il semble que les réformes visant à décentraliser le système éducatif, à promouvoir plus de démocratie à l’école et à accorder plus d’autonomie pédagogique aux établissements scolaires offrent un cadre plus favorable qui permet d’amplifier les effets bénéfiques des dispositifs. Pour citer ce Dossier : CAVET Agnès (2011). « Rythmes scolaires : pour une dynamique nouvelle des temps éducatifs ». Dossier d’actualité de la VST, n° 60, février. En ligne : <http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/60-février-2011.php>. page 4 / 4 Dossier d’actualité de la VST, n° 60, février 2011 – L’essentiel Rythmes scolaires : pour une dynamique nouvelle des temps éducatifs Sur notre site http://www.inrp.fr/vst, retrouvez également : • l’actualité de la recherche en éducation (ouvrages, revues, colloques...) ; • la collection des Dossiers d’actualité (mensuels) ; • des dossiers de synthèse et de ressources ; • le blog « Écrans de veille en éducation » ; • un espace collaboratif de bibliographie... { { Abonnez-vous pour recevoir par courriel nos Dossiers d’actualité et notre bulletin VST Actus. Des flux RSS sont également disponibles pour chacune de nos productions.