Comment gérer la radio-dermite aiguë

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fiche
technique
Sous la responsabilité de son auteur
Steve Heymann, Céline Bourgier
(institut Gustave-Roussy, Villejuif)
Comment gérer
la radio-dermite aiguë ?
Définition
L
es réactions cutanées en cours de radiothérapie mammaire
concernent la majorité de nos patientes. Il y a peu de
données dans la littérature sur la fréquence et la prise en charge
de ces effets (1, 2). Il est important de distinguer les réactions
fréquentes et peu graves de celles plus rares mais dont le
traitement est plus difficile. Les oncologues, radiothérapeutes et
sénologues utilisent majoritairement la classification commune
des toxicités aiguës du National Cancer Institute (tableau) [3].
Les réactions de grade supérieur ou égal à 2 concernent 40 à
85 % des patientes selon les études en utilisant une technique
d’irradiation classique. Les effets indésirables sont diminués
de manière significative avec l’utilisation de la modulation
d’intensité du faisceau (4, 5). Elles surviennent essentiellement
dans la deuxième moitié du traitement, rarement après la fin de
la radiothérapie. Leur résolution spontanée après le traitement
est d’environ 2 semaines. Pendant la radiothérapie, chaque
patiente est vue une fois par semaine pour constater la présence
de réactions cutanées et apporter les recommandations et
prescriptions adéquates (figure 1).
Proposition de prise en charge
Chargari et al. avaient fait une revue de la littérature en 2009
et avaient bien mis en évidence l’absence totale de niveau de
preuve suffisant pour privilégier certaines crèmes, que ce soit
en situation préventive ou curative (2). De nombreux agents
sont à l’étude, dont l’un des plus prometteur est l’acide hyaluronique, mais un essai randomisé récent n’a pas pu établir sa
supériorité par rapport à une crème émoliente dans le traitement
R
Absence de toxicité
E
Grade 1
Érythème débutant, épithélite desquamative sèche
Grade 2
Érythème modéré à intense, dépilation, œdème modéré,
épithélite exsudative limitée aux plis cutanés
Grade 3
Épithélite exsudative confluente en dehors des plis
cutanés, œdème important, saignement provoqué par
un traumatisme modéré ou une abrasion cutanée
Grade 4
Nécrose cutanée, ulcération de toute l’épaisseur du
derme, saignement spontané dans les champs
d’irradiation
Grade 5
Décès
Figure 1. Exemple de toxicité cutanée grade 2.
F
I
C
H
E
À
D
É
T
A
C
Grade 0
H
Tableau. Classification des toxicités Common Toxicity Criteria (CTC)
version 4.0.
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t e c h n i q u e
f i c h e
Quelques idées reçues
sur la radiodermite
des grades 1-2 (6). Nous présentons ici notre arbre décisionnel
qui prend en compte les symptômes de la patiente, mais il
n’existe aucun consensus sur la prise en charge de ces réactions
(figure 2).
Radiodermite = brûlure ? Faux. Si certains symptômes y
ressemblent (grade 3), le mécanisme est différent.
Absence de réaction cutanée = absence d’effet ?
Faux, il existe une radiosensibilité cutanée individuelle.
La gravité dépend de la taille de seins : vrai. Plus le
volume des seins est grand, plus le risque d’avoir une radiodermite de grade supérieur ou égal à 2 est grand.
Rappel des règles simples
de prévention
Les consignes à respecter pour éviter d’aggraver les réactions
cutanées sont fondées sur le bon sens :
– porter des vêtements amples ou en coton ;
– éviter les armatures dans le soutien-gorge, qui risquent de
frotter contre la peau dans le sillon sous-mammaire ;
– ne pas exposer la peau irradiée aux ultra-violets ;
– éviter tout cosmétique à base d’alcool (parfum, déodorant) ;
– laver la peau à l’eau et au savon (surgras dans nos habitudes).
À l’avenir, on peut espérer que les multiples travaux en cours
sur les facteurs de radio-sensibilisation ainsi qu’en génomique
pourraient permettre d’identifier à l’avance les patientes ayant
une radiosensibilité cutanée élevée et leur proposer une prise
en charge adaptée.
■
Consultation
hebdomadaire
Oncologue
radiothérapeute
Nettoyage eau
stérile, séchage,
éosine acqueuse et
pansement
hydrococolloïde
Nettoyage eau
stérile, séchage,
éosine acqueuse
plusieurs fois
par jour
(arrêt de la crème
si en cours)
Pas de traitement
spécifique en
dehors du rappel
des règles de
prévention
Application d’une
crème émolliente
avec consignes
strictes (appliquer
2 heures après la
séance et bien laver
à l’eau tiède et au
savon le lendemain
matin et sécher à froid)
Dermocorticoïdes
en option
Si absence
d’amélioration
rapide, rajout
d’un pansemant
hydrococolloïde
En fonction de
l’étendu, de la région
et de la dose
délivrée, et des
symptômes,
interruption
temporaire
du traitement
Interruption
de traitement,
hospitalisation en
milieu spécialisé,
analyse de la
dosimétrie
Déclaration ASN
H
Prurit,
douleurs
A
C
Absence de
symptômes
Grade 4
R
Grade 3
E
Grade 2
Grade 1
É
T
Figure 2. Algorithme de décision.
E
H
C
lated radiotherapy results in significant decrease in
clinical toxicities compared with conventional wedgebased breast radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys
2007;68:1375-80.
6. Kirova YM, Fromantin I, De Rycke Y et al. Can we
decrease the skin reaction in breast cancer patients using
hyaluronic acid during radiation therapy? Results of phase
III randomised trial. Radiother Oncol 2011;100:205-9.
F
I
(CTCAE) Version 4.0. U.S.Department of health and
human services National Institutes of Health National
Cancer Institute;2010.
4. Pignol JP, Olivotto I, Rakovitch E, Gardner S, Sixel K,
Beckham W et al. A multicenter randomized trial of breast
intensity-modulated radiation therapy to reduce acute
radiation dermatitis. J Clin Oncol 2008;26:2085-92.
5. Harsolia A, Kestin L, Grills I et al. Intensity-modu-
À
D
Références bibliographiques
1. Hendry JH. Biological Response Modifiers and Normal
Tissue Injury After Irradiation. Semin Radiat Oncol
1994;4:123-32.
2. Chargari C, Fromantin I, Kirova YM. Importance of local
skin treatments during radiotherapy for prevention and
treatment of radio-induced epithelitis. Cancer Radiother
2009;13:259-66.
3. NCI. Common Terminology Criteria for Adverse Events
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