Synthèse à destination des PE1 05-06 (suite aux 2 séances

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Synthèse à destination des PE1 08-09 (suite aux 2 séances de l’automne 08)
Il s’agit de présenter et de problématiser les principales théories de l’apprentissage et du
développement construites au cours du 20ème siècle.
Au début du 20ème siècle, la psychologie qui est devenue une science depuis la fin du siècle
précédent affirme sa dimension scientifique en se positionnant comme science des
comportements. Cette perspective qui est celle de l’école anglo-saxonne dite behavioriste est
confirmée par Piaget (cf vidéo) : la psychologie est la science des comportements, des
conduites, la conscience n’étant qu’une conduite parmi d’autres. J. Piaget dont l’œuvre couvre
à peu près tout le siècle (meurt en 1980) est le continuateur de cette construction scientifique
de la psychologie et son intérêt pour toutes les conduites (le tournesol, la cellule) fait le lien
entre son œuvre et les sciences dites « cognitives » qui prendront, dès les années 50, comme
objet toutes les formes (humaines, animales, organiques, machiniques, sociales) de la
cognition (comportement adapté). La psychologie scientifique se constitue en se démarquant
d'une psychologie philosophique voire littéraire, fondée sur l'introspection, l'interprétation des
intentions (1879 : premier laboratoire de psychologie de Wundt). Pourtant, nous verrons, à la
fin de notre exposé, comment le psychologue contemporain J. Bruner, héritier de toutes les
grandes traditions de la psychologie du XXème siècle, se réfère de nouveau à une psychologie
dite populaire. Il se demande, en effet, si, en se rendant aveugle à tout ce qui n'est pas
comportement observable, la psychologie ne s'est pas du même coup détournée de ce qui
constitue son objet essentiel, l'action humaine dans sa dimension d’intentionnalité. C’est cet
épisode de l’ histoire de la psychologie que nous allons parcourir avec en filigrane la
question : de quelle psychologie avons-nous besoin pour enseigner ?
Au début du XXème siècle, l’objectif des psychologues est de reconstruire ce qui se tient
derrière les comportements observables sans pour autant être autorisé à ouvrir la « boîte
noire » : ils se serviront pour élaborer leurs constructions de modèles tantôt empruntés à la
biologie (Piaget), à l’histoire (Wallon), à l'économie (psychanalyse), aux sciences de
l’information (cognitivistes).
Quant aux investigations neuro-scientifiques conduites grâce à l'imagerie cérébrale, elles
permettent d'établir des corrélations, des rapprochements significatifs entre des conduites qui
semblent pourtant, à l'observation, très éloignées les unes des autres. En réalité, personne n'a
jamais pu douter que toute activité mentale reposait sur un soubassement physiologique. Il
reste que si, chez l'homme, la vie mentale a des racines biologiques, elle est structurée par des
attentes sociales (J. White).
La nature objective du savoir produit par les psychologues scientifiques, qu’ils utilisent la
méthode clinique (psychanalyse) ou la méthode expérimentale (cognitivisme) ou un composé
des deux (Piaget), n’empêche pas que leurs œuvres laissent apparaître d’une manière plus ou
moins explicite une philosophie de l’homme, une anthropologie : l’homme avec comme
vocation la raison ; l’homme comme nœud de conflits ; l’homme stratège et manipulateur de
symboles….
Cette dernière remarque ouvre tout un champ de questions concernant les apports de la
psychologie particulièrement dans le domaine de l’apprentissage : ces théories à la fois
rendent compte du réel et nous fournissent les concepts au travers desquels nous
l’appréhendons : l’égocentrisme enfantin est l’outil forgé par Piaget pour résumer le caractère
propre aux comportements du jeune enfant (avant 6 ans) mais c’est aussi une catégorie de
1
pensée qui nous fait anticiper et, pourquoi pas, susciter les comportements dits
égocentriques…, comme les périodes de l’enfance élaborées par la plupart des civilisations
(infans, puer, adulescens, ..) créent l’enfant, l’adolescent avec leurs comportements attendus.
Rien de plus difficile à observer qu’un développement ou un apprentissage, surtout s’ils sont
harmonieux. Les concepts de la psychologie nous font voir et comprendre mieux et ils
informent notre action éducative. Jusqu’où néanmoins ? Quels sont les rapports possibles
entre psychologie et pédagogie ? L’éducation prend l’enfant tel qu’il est mais c’est pour faire
de lui un être nouveau ; elle croise avec les données « naturelles » les finalités relatives à un
état de la réflexion philosophique, politique, morale, religieuse sur les valeurs.
Bref, et pour reprendre une formule du philosophe Alain, faut-il connaître l’enfant pour
l’éduquer ou l’éduquer pour le connaître ?
La question est d'autant plus cruciale que nos certitudes concernant la nature de l'enfance et le
statut de l'enfant semblent bien vaciller aujourd'hui1. On assiste à un irrésistible
rapprochement de la condition d'adulte et de celle d'enfant du fait de l'extension de l'exigence
démocratique d'égalité. Peut-on pour autant nier la spécificité de l'enfance et de ses besoins
éducatifs telle qu'elle était si fortement affirmée au début du XXème siècle?
Le concept d'enfance est historique, les théories de l'apprentissage et du développement ne le
sont pas moins. Ce qui n'ôte rien à leur rigueur et à leur scientificité. Les grandes théories du
développement telles que celles de Piaget ou Wallon se présentent comme d'ambitieuses
reconstitutions en harmonie avec les grandes théories politiques et historiques contemporaines
qui informaient parallèlement la compréhension du monde (structuralisme, marxisme…). Les
ambitions idéologiques de la fin du siècle dernier et du début de celui-ci sont revues à la
baisse. Avec la fin des "grands récits" on assiste plutôt désormais à l'éclosion de "théories
modestes, d'intérêt local qui ne contiendront pas de grands concepts sur les possibles futurs"2.
Tel est l'état des lieux aujourd'hui et cela n'exclut en rien l'apparition future d'une "nouvelle
espèce de théories du développement"3
Je distingue trois types de théories concernant l’apprentissage et le développement :
- les théories du développement ou théories génétiques : Piaget, Wallon, la psychanalyse.
- La théorie cognitiviste (en France : J. Mehler, J.-F. Richard)4
- La théorie dite psychologie culturelle : J. Bruner influencé par L. Vygotsky.
1. Les théories du développement : elles présentent toutes un système de stades qui se
succèdent dans un ordre nécessaire et font accomplir à l’enfant un parcours du temps 0 au
temps de la maturité intellectuelle et affective. Un stade est une période de temps pendant
laquelle l’enfant présente une homogénéité de comportement.
Les points de vue et les intérêts évidemment ne sont pas les mêmes entre Piaget
(épistémologie génétique, intérêt exclusif pour le phénomène de la connaissance) ; Wallon
(médecin et philosophe, attentif aux pathologies du développement et engagé dans la réforme
de l’Ecole) ; Freud (son objectif est thérapeutique ; son intérêt pour l’enfance est lié à ses
1
Voir l'ensemble des articles de la revue Le Débat, n° 132, nov-déc 2004 intitulé : L'Enfant-Problème
2
J. Bruner : la théorie développementale comme une culture in Culture et modes de pensée, Retz, 2000, citation
p 177
3
J. Bruner, idem
4
Dans le monde anglo-saxon : D. Broadbent, J. Bruner, H. Ebbinghaus, L. Festiger, M. Posner, R. Shepard, H.
Simon, F. Varela, J. Fodor….. On peut aussi consulter les listes de chercheurs sur les sites des différents
laboratoires de recherche en France et à l'étranger.
2
découvertes concernant les névroses des adultes : le sujet humain se constitue au milieu des
conflits qui opposent entre elles les différentes instances de la personnalité). L’accent est mis
tantôt presqu’exclusivement sur la dimension intellectuelle, tantôt sur la dimension affective.
En mettant en valeur le rôle essentiel joué par l’action dans l’apprentissage inséparable du
développement, la théorie piagétienne est un argument puissant en faveur d’une pédagogie
active et coopérative. En revanche, elle accorde une importance réduite aux apprentissages
langagiers et culturels, au travail sur les représentations. Ce sont ces différents points qui
seront réévalués par les théories suivantes.
On retiendra la théorie constructiviste du développement : l'enfant construit son intelligence
au cours de ses interactions réfléchies avec son environnement. Il se donne le concept de
nombre, par exemple, plutôt qu'il ne le reçoit d'un maître. Cette hypothèse constructiviste est
cohérente chez Piaget avec des hypothèses fortes concernant l'accès de chaque homme à la
rationalité commune à partir de l’appareillage biologique commun. Le reste-t-elle quand on
récuse les présupposés piagétiens?
Précisément, "faut-il brûler Piaget?" Même s'il a posé les questions fondamentales concernant
le devenir cognitif de l'enfant, Piaget n'a pas donné les réponses définitives. On reconnaît
aujourd'hui au bébé des compétences que Piaget ne lui aurait probablement pas accordées. De
plus, on interprète autrement que lui, les erreurs commises par les enfants aux épreuves dites
"piagétiennes" (conservation des quantités et autres) : il en faisant le signe du rattachement du
sujet à un stade particulier. On pense aujourd'hui que beaucoup de ces erreurs révèlent
seulement une difficulté pour le jeune enfant à inhiber certaines formes de raisonnement plus
simples, plus immédiates au détriment d'un raisonnement logique déjà disponible mais occulté
par ces démarches plus spontanées parce que plus économiques. En général, on pense plutôt
que les compétences intellectuelles sont plus précoces que Piaget ne le croyait mais qu'en
revanche, les erreurs sont plus tardives, persistantes voire permanentes au cours de la vie5.
2. Les théories cognitivistes :
Là où Piaget parlait d’opérations intellectuelles, les cognitivistes parlent d’activités mentales.
La psychologie cognitive appartient à un ensemble plus vaste de disciplines (intelligence
artificielle, linguistique, neurosciences, philosophie) qui s’intéressent au phénomène général
de la cognition (c’est à dire la production de conduites adaptées intelligentes). L’étude de ces
conduites chez l’homme se fait à partir d’une comparaison avec le fonctionnement de
l’ordinateur. L’hypothèse que nous sommes tous des systèmes de traitement de l’information
(STI) se révèle fructueuse pour interpréter les activités de résolution de problème, de lecture,
de jeu d’échecs, de reconnaissance de forme, … L’intelligence humaine (le cerveau, disent les
neurosciences) prélève, stocke, manipule des informations sous forme de représentations.
La psychologie cognitive abandonne le projet d’une restitution historique du développement.
Les apprentissages sont décrits comme ponctuels et c’est au gré de leur histoire cognitive, de
leur profil cognitif que les individus se révèlent tantôt experts, tantôt novices et cela plus en
fonction du domaine concerné qu’en fonction d’un stade de développement. La différence
entre enfant et adulte perd de sa pertinence. Les cognitivistes reconnaissent qu’on peut
apprendre par l’action (résolution de problèmes) comme par le « texte »(lecture, écoute de la
parole d’autrui qui permettent de construire des réseaux sémantiques).
5
voir le Que sais-je? de O. Houdé : La psychologie de l'enfant (PUF)
3
Le cognitivisme permet de résoudre certaines difficultés laissées par la doctrine de Piaget :
pourquoi les enfants n’apprennent-ils pas au même rythme ? Que peut-on attendre de la
complémentarité action/réception ? Quel rôle joue le langage pour apprendre ? Il permet des
recherches sur des apprentissages fondamentaux comme la lecture6.
Il laisse ouvertes d’autres questions : comprendre comment on traite de l’information ne suffit
pas pour comprendre comment on construit des significations. En abandonnant la perspective
diachronique, l’idée d’une histoire que parcourt chaque enfant, le cognitivisme se prive d’un
moteur qui expliquerait comment et pourquoi les acquisitions s’enchaînent les unes aux
autres, et selon quelle logique.
Passer de la question du traitement de l’information à celle de la construction de la
signification, c’est ce que réalise la synthèse tentée par le psychologue américain J. Bruner.
Pour lui :"le concept fondamental de la psychologie est la signification ainsi que les processus
et les transactions qui concourent à sa construction"… "…la psychologie, quand elle se
consacre principalement à la signification, devient inévitablement une psychologie culturelle
et elle doit s'aventurer au delà des ambitions traditionnelles de la science positiviste, avec ses
idéaux de réductionnisme, d'explication causale et de prédiction"7.
3. La psychologie culturelle :
J. Bruner s’efforce de compléter les apports de la psychologie cognitive à l’aventure de
laquelle il a participé. Il s’appuie sur les travaux anciens (années 20) mais peu connus
(censure) d’un psychologue russe (soviétique) dont la carrière a été aussi brève (il meurt en
1934) que brillante (il a eu néanmoins le temps d’une correspondance critique avec Piaget) :
Lev Vygotsky (« le Mozart de la psychologie » !).
Vygotsky met l’accent sur la double dimension sociale de l’apprentissage : l’enfant grandit en
se servant de la culture comme d'un instrument et en prenant appui sur la pensée d’autrui. Il
croise ses concepts spontanés avec ceux qu’une éducation systématique lui prodigue.
L’apprentissage tire le développement. C’est ce qui est en jeu dans la fameuse Zone
Proximale de Développement, formule par laquelle Vygotsky décrit le caractère progressif
des apprentissages et le besoin d’étayage qui est celui de l’enfant qui apprend d’abord à faire
avec autrui avant de savoir faire seul : « les enfants grandissent au sein de la vie intellectuelle
de ceux qui les entourent » et encore : « pour résoudre des tâches pratiques, les enfants se
servent aussi bien de la parole que de leurs yeux ou de leurs mains ».
Ce que Bruner reprend en disant que la société nous procure un ensemble d’outils, de
concepts, d’idées et de théories qui nous permettent d’atteindre mentalement un niveau
supérieur.
C’est là le sens de la formule « psychologie culturelle » : l’éducation, « c’est entrer dans la
culture », comme le dit un titre de Bruner, « car la culture donne forme à l’esprit » selon un
autre titre. La culture, c’est au sens large du terme, ce que l’enfant trouve à sa disposition
comme autant d’outils pour donner un sens à son expérience, organiser son monde : un
langage, des histoires, des images, des personnages…
Il n’y a pas de rupture entre la grammaire implicite des gestes accomplis par l’enfant qui joue
et la grammaire du langage qu’il acquiert ensuite : le sujet humain s’approprie les éléments de
la culture comme autant de prothèses qui deviennent partie intégrante de son intelligence.
L’enfant satisfait son besoin spontané de sens en s’emparant des propositions de la culture
ambiante.
6
Voir par exemple : l'apprentissage de la lecture, fonctionnement et développement cognitifs, J. Ecalle et A.
Magnan , Colin, 2002
7
J. Bruner in …Car la culture donne forme à l'esprit
4
Par exemple, les très jeunes enfants se saisissent de la forme littéraire du récit parce qu’ils y
sont fortement exposés et parce qu’elle leur permet de mettre de l’ordre dans leur jeune vie en
s’expliquant pourquoi on va à la crèche, on n’y va pas, papa n’est pas rentré.. D’après Bruner
l’ordre d’apprentissage du langage suit exactement les exigences d’un récit de plus en plus
riche.
Un autre exemple fourni par un auteur qui s’intéresse à la question classique : qu’apporte au
sujet humain l’entrée dans l’écrit, la maîtrise de la lecture et de l’écriture ? Dans un ouvrage
passionnant, D. Olson montre que l’entrée dans ce que l’anglais appelle « literacy » provoque
chez le sujet des transformations profondes relatives à sa conception du monde, de lui-même
et des autres : lire, c’est apprendre à restituer au texte muet les intentions de signification d’un
auteur absent, comprendre ce qu’il a voulu dire, c’est donc entrer dans le monde des réalités
mentales, comprendre comment fonctionne l’esprit et les mécanismes de la pensée et de la
volonté. Une certitude en découle : l’appropriation par le sujet humain d’une technologie
culturelle comme la lecture/écriture est la cause d’un développement significatif des
compétences intellectuelles voire morales et sociales. On est bien dans la perspective de
Bruner et de Vygotsky avant lui.
L’approche de la psychologie culturelle remet au centre des préoccupations de l’éducateur le
souci de ménager à l’enfant la rencontre avec les formes culturelles efficaces autant que
signifiantes, dont il est l’héritier et dont il a besoin pour se développer.
Dans le cadre de l'accès à cet instrument culturel qu'est le savoir lire (mais pas seulement là),
l'enfant développe ce que la psychologie a désormais pris l'habitude de nommer des théories
de l'esprit qui n'est autre que la capacité d'attribuer à soi-même et à autrui des états mentaux
qui, pourtant, ne sont pas directement observables. Piaget, Wallon déjà s’étaient interrogés sur
les idées des enfants concernant la pensée, le rêve….
Cette compétence, peut-être spécifique à l'homme, commande l'entrée dans un grand nombre
de savoir-faire intellectuels et sociaux. L'enfant, en quelque sorte, a besoin de devenir
psychologue pour être « intelligent »! Probablement innée, cette capacité semble néanmoins
manquer chez les enfants autistes dont on sait qu’ils ne réussissent pas à s’intéresser à la
communication, à ses enjeux sociaux, à leur propre pensée. Bien que présente dès la
naissance, cette capacité à se donner des théories de l’esprit se construit au cours du
développement et des apprentissages : progressivement les enfants apprennent, par exemple, à
identifier les fausses croyances qui font agir un personnage contre toute attente ou à distinguer
la réalité de l’apparence. Il semble que plus les apprentissages scolaires exigés sont
complexes, plus les élèves ont besoin de comprendre ce que l’on sait et comment on parvient
à le savoir. D’où l’invitation faite aux pédagogues d’expliciter les différents actes intellectuels
mis en œuvre à l’école, leur variété (savoir, penser, croire, se souvenir, supposer, ….) et de
développer chez leurs élèves l’attitude réflexive (penser la pensée) qui augmente la prise de
conscience et le contrôle.
Arrivé au terme de notre parcours, nous retrouvons cette notion de conscience dont Piaget
affirmait (cf l’entretien vidéo) le statut de « conduite comme les autres. Sur ce point , les
psychologies les plus contemporaines sont en décalage avec Piaget et mettent au contraire
l’accent sur l’efficacité de la prise de conscience comme source du contrôle que le sujet
exerce sur ses activités intellectuelles et comme moteur de leur développement. On voit
comment tout en continuant à revendiquer son statut de science à part entière, la psychologie
contemporaine se démarque des approches volontairement réductrices du début du siècle (le
XXème) et accepte de prendre en compte une dimension difficilement observable mais
déterminante de l’action humaine : son caractère intentionnel. Dans cette perspective, l’école
5
apparaît comme le lieu privilégié de l’apprentissage volontaire et conscient où les savoirs sont
saisis au travers des intentions qui les sous tendent, par contraste avec les apprentissages
spontanés ou incidents.
D'un point de vue méthodologique, on retiendra la réhabilitation partielle par Bruner de la
psychologie dite populaire, spontanée, celle qui parle justement en termes d'intentions. Cette
revalorisation a lieu au nom de la préférence accordée à la notion d'action au détriment du
cadre trop restreint du comportement. L'action humaine est composée de l'acte et des paroles
qui l'accompagnent pour en dire le sens. Par exemple, l'excuse qui succède à un geste
involontairement agressif dit la signification du geste et compte au moins autant que lui.
Pourquoi faudrait-il, pour être plus scientifique, donner le pas à l'acte pur sur le récit explicatif
qui en est fourni?
Conclusions :
Les quelques approches qui ont été évoquées ici ne se situent pas dans un rapport de
contradiction et pas même de concurrence. Elles connaissent des prolongements
parallèles.Aucune n’est plus « vraie » que l’autre. La diversité des points de vue et des
philosophies qui les sous tendent explique leurs divergences. On ne reviendra probablement
pas sur la nécessité d’une pédagogie active telle que suggérée par Piaget ; on la complétera
néanmoins par l’apport de ceux qui mettent l’accent sur la dimension affective de l’apprendre
comme de ceux qui rappellent que l’enfant n’apprend pas seulement par l'action ni seul, mais
au cœur d’une culture qui lui livre le résultat de milliers d’années d’élaborations
intellectuelles dont on ne saurait le priver sans lui faire un grave tort.
Qu’en est-il maintenant des relations entre psychologie et pédagogie ? Il y a certes beaucoup à
apprendre de la psychologie qui se construit dans les laboratoires et décrit les limites et les
conditions de possibilité de notre intervention éducative.
Reste qu’un tel savoir ne suffit pas pour informer totalement une pratique pédagogique dont
les visées sont en grande partie normatives (quel type d'homme voulons-nous éduquer?).
Ce qu’on peut attendre d’une connaissance des théories généreuses et stimulantes
intellectuellement dont nous venons de parler : comprendre la signification de l’action
pédagogique en la situant dans la perspective du sujet qui fait l’expérience universelle de
l’apprendre ; apprécier la légitimité des prescriptions qui dynamisent notre métier mais aussi
parfois l’alourdissent et résister à des perspectives unilatérales en contradiction avec la
complexité et la richesse de l’histoire de l’enfant qui apprend et qui grandit ; s’approprier,
enfin, un regard théorique sur l’enfant, révélateur de l’état de notre civilisation et constitutif
de son statut contemporain.
« L’enfant, constructeur de son savoir » ; « Donner du sens aux apprentissages »,….
Autant de formules qui méritent d’être interrogées à la lumière de ce que les psychologies de
l’apprentissage et du développement nous ont appris à problématiser.
A la lumière de la psychologie contemporaine (et plus on s'éloigne de Piaget) on s'achemine
vers des pédagogies moins centrées sur l'enfant (child-centered), moins préoccupées d'être un
accompagnement du développement (une notion très questionnée aujourd'hui) que d'être des
vecteurs efficaces de la médiation culturelle…
6
Quelques références :
J. Bruner (1991) car la culture donne forme à l’esprit, Eshel
(1996) l’éducation, entrée dans la culture, Retz
J.-F. Richard (1990) les activités mentales, Colin
D. Olson (1998) l’univers de l’écrit, Retz
D. Olson (2005) L’école entre institution et pédagogie. Repenser la réforme. Retz
Tran-Thong (1980) stades et concept de stade de développement de l’enfant dans la
psychologie contemporaine, Vrin
O. Houdé (2004) La psychologie de l'enfant, PUF, Que sais-je?
J. Wilde Astington (1999) Comment les enfants découvrent la pensée, Retz
Eliane Ricard-Fersing, novembre 08
7
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