Introduction Mon expérience professionnelle, en maternelle et en tant que ZIL, m’a permis de constater que les enfants en difficulté semblaient souvent se dégager de leur rôle d’élève, qu’ils en étaient pour beaucoup désinvestis. Lors du premier stage en situation de cette année de formation, j’ai pu vérifier ce fait et même observer que plus on montait dans les niveaux de classe, plus ce désinvestissement grandissait face aux disciplines, elles-mêmes de plus en plus problématiques pour l’élève en difficulté. En fin de cycle III, on se retrouve face à des élèves qui ont abandonné l’espoir ou l’envie d’apprendre même si souvent ils ont adopté une attitude « scolaire » qui tente de masquer leurs difficultés. En effet, ils connaissent la norme scolaire comme ils connaissent pour la plupart toutes les règles disciplinaires apprises et répétées maintes fois sans pouvoir pour autant les mettre en pratique. La difficulté du maître E sera de rendre les enfants qu’il prendra en regroupement d’adaptation acteurs de leurs apprentissages. Les motiver, leur redonner le désir d’apprendre et leur permettre de faire un lien entre l’écolier qu’ils savent être et l’élève qu’ils n’arrivent pas à être. Il me semblait important de trouver une activité qui permette cette mise en acte de l’élève tout en faisant du lien avec les acquis disciplinaires. Une activité qui soit un tant soit peu en marge du champ disciplinaire dans lequel les élèves éprouvent des difficultés dans le but de leur offrir les possibilités de changer leur point de vue sur la discipline elle-même et de s’investir à nouveau dans les apprentissages. Je voulais impliquer les enfants dans le choix du projet de groupe qui débuterait lors du deuxième stage en situation. J’ai donc demandé aux élèves de 1 CM2 pris pour des difficultés en langue écrite sur quel support ils aimeraient travailler lorsqu’on se retrouverait : un jeu, un conte, un album ou une pièce de théâtre ? La réponse a été unanime : une pièce de théâtre. Etre acteur c’est pouvoir endosser une autre personnalité. C’est aussi pouvoir se risquer au delà de ses propres limites. Est-ce que l’activité théâtrale qui semble évidente et adaptée permettra le changement attendu chez les élèves en difficulté ? Permettra-t-elle les échanges entre élèves autant que l’investissement individuel ? Permettra-t-elle aussi de faire du lien entre ce qu’il se passe en regroupement d’adaptation et dans la classe et, entre les diverses connaissances et compétences que les élèves en difficulté n’arrivent pas à mettre en pratique ? Au premier abord, il semble que la motivation soit présente dès le départ dans l’imagination des enfants concernés par le projet, dans leur représentation de l’activité. Cette motivation sera-t-elle assez solide pour surmonter les difficultés d’une mise en scène ? Perdurera-t-elle au delà du projet pour servir les apprentissages ? 2 Aspects théoriques 1. L’élève en difficulté. a) L’enfant/écolier/élève Etre à la fois enfant, écolier et élève est une réalité pour chaque petit individu qui se rend quotidiennement à l’école pour apprendre. L’Ecole, la Société attendent de l’enfant qu’il soit un bon écolier doublé d’un bon élève. La plupart des enfants y parviennent sans trop de problème. Que se passe-t-il pour l’élève en difficulté ? « On peut (donc) être un écolier sans être encore véritablement un élève, mais on ne peut pas être un élève sans être aussi un écolier. On décrit ainsi l’écolier de l’extérieur par ses comportements et ses conduites – sans donner d’importance particulière à ses contenus de pensée – on décrit en revanche l’élève de l’intérieur par ses démarches cognitives et les réalisations qui s’y rapportent. »1 Le trio enfant/écolier/élève se construit peu à peu. La Maternelle dont le premier objectif est la socialisation fait passer l’enfant du milieu familial au milieu scolaire en lui enseignant les règles spécifiques de l’Ecole. Les apprentissages disciplinaires se colleront à cette scolarisation pour devenir centraux lors du passage au CP. Mais pour que l’enfant devienne élève, cet accompagnement ne suffit pas. Encore faut-il qu’il ait le désir d’apprendre. On ne peut devenir élève sans ce désir là. Pour les enfants signalés au réseau d’aide, l’absence de ce désir se traduit soit par un comportement qui empêche l’enfant de devenir écolier, ce qui parasite ses apprentissages en tant qu’élève, soit par un trouble de l’apprentissage malgré un 1 J-J. Guillarmé & F. Eriksen : « Ecouter l’enfant, aider l’élève » EAP, Paris 2004. 3 comportement écolier. Si le Maître G aide en rééducation l’enfant empêché d’apprendre, le Maître E lui aidera, en regroupement d’adaptation, l’écolier en mal d’apprendre. Enfant Maître G Désir d’apprendre Elève Ecolier Maître E b) L’écolier en mal d’apprendre. Au cours de ma carrière, j’ai souvent été interpellée par le décalage existant chez certains enfants entre la capacité à emmagasiner les « informations scolaires » et l’impossibilité de les réinvestir. Ce décalage était pour moi comme pour de nombreux collègues source d’incompréhension et de désespoir. A l’occasion des observations et évaluations des élèves que j’ai accueillis en regroupement d’adaptation au cours de cette année de formation, j’ai pu écouter autrement les enfants et mieux localiser ce décalage. Leur vision des apprentissages même si elle se manifeste différemment selon l’âge, le niveau ou le cycle, reflète toujours la même chose : « apprendre c’est faire pour l’autre, c’est faire comme l’autre ». L’enfant se met en retrait. Il ne retire aucune satisfaction personnelle à apprendre, il n’en voit pas l’intérêt. Il est écolier à l’école comme on peut exercer une profession sans en éprouver l’amour du métier. Lire pour l’élève de CP en difficulté c’est « travailler », c’est « pour faire plaisir à la maîtresse ». Au CE1, la même image de la lecture peut perdurer. S’ajoutent alors les premières règles grammaticales et avec elles, un autre décalage. « Une 4 phrase commence par une majuscule et fini par un point ». Les enfants sont fiers de pouvoir répéter cette phrase, car apprendre par cœur ce genre de choses c’est « travailler », c’est « faire ce que la maîtresse demande ». Et ainsi de suite jusqu’à la fin du Cycle III. Comme le souligne Jacques Lévine : « Le sens qu’il (l’enfant) donne a son histoire personnelle, familiale, sociale peut aussi bien jouer un rôle stimulateur qu’inhibiteur par rapport aux investissements scolaires. »2 La distanciation que l’élève en difficulté met entre ce qu’il faut apprendre et le pourquoi il faut apprendre est significative de la distance qu’il met entre être écolier et être élève. Pour apprendre il faut donner du sens à ce qu’on apprend, pour être élève il faut donner un sens à sa présence à l’école. L’élève en difficulté n’arrive pas à s’approprier le savoir. Le sens qu’il donne aux apprentissages l’en empêche. Les raisons inconscientes peuvent en être diverses. Elles sont rarement identifiables par l’entourage. Ce qui reste visible, ce sont des comportements inadaptés qui se répètent. Ces comportements naissent lorsque l’enfant se rend compte qu’il est en échec. Cette prise de conscience est une blessure qu’il s’évertuera à ne plus revivre. C’est alors qu’il va adopter une attitude passive face à la tâche scolaire qui lui pose problème. Car être passif, c’est ne pas se risquer, c’est ne pas s’exposer. Aider un élève en difficulté c’est l’aider à abandonner certaines attitudes pour en construire de nouvelles plus actives, plus dynamiques, et à retrouver le désir d’apprendre en donnant un sens aux apprentissages auxquels il est confronté. 2. Le maître E et le regroupement d’adaptation. 2 Entretien avec J. Lévine dans « Comprendre et aider les enfants en difficulté scolaire » de la FNAME, chez RETZ, Paris 2004. 5 En quoi l’action du maître E doit-elle différer de celle du maître de la classe pour aider l’élève en difficulté à s’impliquer dans les apprentissages ? En quoi le regroupement d’adaptation offre-t-il un cadre qui permettra ce changement ? a) Rôle et fonction du maître E. C’est en tiers que le maître E doit se positionner. C’est d’abord en tant que membre du réseau d’aides spécialisées, dispositifressource d’après la circulaire du 30 avril 2002, et aussi de part sa fonction d’enseignant spécialisé qu’il occupe par rapport à la difficulté scolaire un rôle de médiateur au sein de l’équipe pédagogique. Et comme l’indique cette même circulaire : « La collaboration qui doit s'établir entre les enseignants et les intervenants spécialisés renforce la qualité de l'observation et du suivi des élèves. Elle favorise le perfectionnement et l'ajustement des techniques, la pertinence de l'interprétation des faits ainsi que la conception d'actions pédagogiques et éducatives adaptées aux individus et aux groupes. Cette collaboration entraîne des modifications des attitudes individuelles et collectives devant les difficultés des élèves, ainsi qu'une meilleure compréhension de leur situation »3. Le maître E se pose donc aussi en tiers entre l’élève en difficulté et son enseignant. Il apporte un éclairage professionnel qui pourra changer le regard de ce dernier sur son élève dont l’image se réduit souvent aux yeux des autres à l’ensemble de ses difficultés scolaires. En parallèle, il redonne confiance en lui à l’élève, il lui permet d’adopter une attitude plus adéquate en classe, ce qui renforce ce changement d’image non seulement auprès de l’enseignant mais aussi auprès des autres élèves de la classe. « Le plus grand danger, pour un élève en difficulté scolaire un peu importante, est de se trouver confronté à une sorte de machination qui unit les adultes face à lui pour lui faire apprendre coûte que coûte ce qu’il n’arrive pas à apprendre »4. Le 3 Les dispositifs de l'adaptation et de l'intégration scolaires dans le premier degré, Circulaire du 30 avril 2002 – Chapitre II.1 Deux missions pour les personnels des RASED 4 Y. de La Monneraye : « N’ajoutons pas, par une aide intempestive, aux difficultés de l’enfant » dans « Comprendre et aider les enfants en difficulté scolaire » de la FNAME, chez RETZ, Paris 2004. 6 maître E ne doit pas être un adulte de plus qui s’occupe de l’élève en difficulté mais un adulte différent. Il ne doit pas s’imposer comme omniscient mais comme garant d’un savoir accessible par l’élève. Il doit se poser en tiers, en médiateur entre l’élève en difficulté et le savoir. Pour cela, il doit établir une relation de confiance avec l’enfant. Que celui-ci sente qu’on s’intéresse à lui, qu’on le respecte et qu’on lui donne la parole. Cette possibilité de parole est l’élément qui permettra à l’enfant de se sentir « sujet » à part entière. Et se sentir sujet c’est pouvoir désirer. Pour l’élève en difficulté, c’est pouvoir abandonner enfin une certaine passivité et devenir acteur de ses apprentissages. Tout en établissant cette relation privilégiée avec l’élève en difficulté, le maître E mettra en place une aide spécifique. Cette aide, devra permettre à l’élève de remettre en question ses stratégies erronées d’apprentissage et d’en découvrir de plus appropriées. Le modèle de la Zone Proximale de Développement proposé par Vygotski (voir plus bas) nous indique comment l’enseignant spécialisé devra tenir compte des acquis réels de l’élève au début de la prise en charge (évaluations et observations) pour l’aider à atteindre un niveau supérieur de compréhension et de fonctionnement autonome. Même si le point de départ de l’aide s’appuie sur des compétences disciplinaires, le maître E devra mettre en place pour chaque élève en difficulté un projet pédagogique essentiellement basé sur des compétences transversales. Souvent, l’élève en difficulté ne sait pas comment apprendre. Il n’arrive pas à faire de lien entre toutes les informations scolaires qu’il reçoit. Il ne sait pas non plus comment les restituer. Le maître E l’aidera à prendre conscience du cheminement de sa pensée en lui proposant des exercices qui l’inciteront à la réflexion, la recherche personnelle, le raisonnement, la logique, la confrontation d’idées avec ses pairs. Ce modèle pédagogique est inspiré de l’interaction de tutelle dans la résolution de 7 problème5 élaborée par Bruner. Ce dernier insiste sur l’importance de l’étayage du tutorat de l’adulte et de la confrontation avec ses pairs dans la démarche de chercheur de l’élève pour que ce dernier puisse s’approprier les acquis. Dans la définition de la Z.P.D. de Vygotski : « … distance entre le niveau de développement actuel, tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement potentiel, tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes lorsqu’il est assisté par l’adulte ou collabore avec d’autres enfants plus avancés » on retrouve l’importance de l’interaction sociale dans le processus d’apprentissage. La différence entre un enseignement de masse dans les classes dites « normales » et la remédiation en regroupement d’adaptation se place à ce niveau. Dans la classe, à cause des effectifs et par manque de temps, l’enseignant peut rarement avoir des échanges privilégiés avec chaque élève même s’il est sensible à l’utilité de cette pratique. Pour les mêmes raisons, il ne peut permettre que rarement les échanges entre élèves. b) Rôle et fonction du regroupement d’adaptation. Le regroupement d’adaptation est un lieu privilégié qui favorise l’interaction sociale. Pour l’enseignant spécialisé il permet d’observer et d’écouter de façon plus précise chaque élève qu’il aura à sa charge et d’établir avec chacun d’eux cette relation de confiance nécessaire à leur avancée dans les apprentissages. Le regroupement d‘adaptation, parce qu’il permet les échanges entre élèves, facilitera ce que les socioconstructivistes appellent le conflit sociocognitif. « Le conflit sociocognitif constitue l’outil privilégié qui permettra à plusieurs individus en situation d’opposition de points de vue de ce décentrer et de construire de nouveaux savoirs »6. En effet, c’est en se confrontant à l’opinion de ses pairs que l’élève en difficulté entreverra d’autres façons de penser qui lui permettront J. S. Bruner : « Le développement de l’enfant. Savoir faire, savoir dire », page 261, au PUF, Paris 1983 6 A Lieury et F. de La Haye : « Psychologie cognitive de l’éducation ». Collection topos chez Dunod, Paris 2004 5 8 de se risquer à son tour à penser autrement. Sur un autre plan, c’est ainsi qu’il pourra découvrir d’autres stratégies et réfléchir avec les autres, et avec l’aide de l’enseignant spécialisé, à celle qui sera la plus efficace pour effectuer les différentes tâches scolaires. 3. La pratique théâtrale. « L'un des dangers majeurs des pédagogies de la lecture et de l'écriture de l'école primaire est d'isoler les textes rencontrés (ou produits) du contexte qui est le leur et de conduire les élèves à croire que la lecture ou l'écriture ne sont que des exercices »7. Sur un plan pédagogique, et comme il est indiqué dans ce texte, la pratique théâtrale pourra permettre aux élèves du regroupement d’adaptation qui ont des difficultés en langue écrite de faire prendre conscience qu’un texte peut être rendu vivant, qu’il a souvent une fonction et par extension qu’on peut tirer plaisir à lire quand la compréhension se fait aisée. Mettre un texte en scène, l’interpréter physiquement pourra induire une démarche efficace pour cette compréhension sur le plan métalinguistique (inférences, syntaxe, ponctuation, logique du récit,…) Sur le plan de la remédiation, cette activité semble être un processus adapté pour faire passer les élèves en difficulté d’une position passive à une position active face aux apprentissages. Comme le précise Martine Meirieu dans Se (re)connaître par le théâtre : « Devenir acteur, c’est se mettre en jeu et en je, c'est-à-dire laisser émerger du désir en prenant part activement à une action »8. Dans son livre, elle souligne le fait que l’improvisation et la pratique théâtrale dans un projet commun permet « d’inventer ensemble un nouveau langage », qu’il oblige chacun à « un lâcher prise » nécessaire pour faire naître le personnage à incarner. L’expérience de ce lâcher prise permet parallèlement l’émergence du sujet Article du 25 Janvier 2002 du Journal Officiel sur La Maîtrise du Langage et de la Langue Française M. Meirieu : « Se (re)connaître par le théâtre », 2ème édition revue et augmentée. Chronique Sociale, Lyon 2002 7 8 9 chez les enfants les plus fragilisés psychiquement et dont les blessures les placent souvent en position d’objet aux yeux des autres. Si l’on fait référence à la théorie de Bruner sur le rôle de l’interaction de tutelle, la pratique théâtrale en regroupement d’adaptation correspond au six conditions du processus de soutien qu’il a élaboré lors de ses recherches9. 1. L’enrôlement : faire semblant, jouer la comédie sont des motivations qui entraînent l’implication et l’adhésion des enfants à un projet de création théâtrale. Tout le travail en aval (choix de la pièce, des rôles, des modalités de travail et de la représentation finale) engage les élèves dans des interactions de langage comme des débats, des questionnements, des explications… 2. Réduction des degrés de liberté : se présentant comme un exercice décontextualisé, l’activité théâtrale réduit de ce fait tous les obstacles psychiques en relation avec l’appréhension d’une tâche scolaire. D’autre part, présentant souvent des rôles de différente importance, chaque élève peut trouver celui qui correspond le mieux à ces capacités en début de projet. Le rôle de l’enseignant sera d’amener chaque élève à s’améliorer à l’aide d’exercices d’improvisation adaptés et bien sûr, d’encouragements. 3. Maintien de l’orientation : « Qu'en un jour, qu'en un lieu, un seul fait accompli Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli ». Ce vers de Boileau résume les contraintes qu’impose la mise en scène théâtrale. Même si la règle des trois unités (temps, espace et action) peut être détournée, la mise en scène présente des exigences, des règles auxquelles on doit se tenir pour arriver au but qu’est la représentation devant un public. Cela offre aux élèves la vision de l’effort à fournir pour réussir une tâche ainsi que la nécessité d’une mise à distance affective pour cette réussite. 4. Signalisation des caractéristiques déterminantes : le rôle du metteur en scène est de signaliser, et d’accompagner les acteurs vers la justesse de ton et d’interprétation de leurs rôles. L’enseignant qui sera un guide pour la mise en J. S. Bruner : « Le développement de l’enfant. Savoir faire, savoir dire », chapitre 10, au PUF, Paris 1983 9 10 scène et non le metteur en scène proprement dit, devra permettre aux élèves de faire les remarques pertinentes pour l’amélioration du jeu de scène de chacun. 5. Contrôle de la frustration : comme pour la réduction des degrés de liberté, le fait que l’activité théâtrale soit une activité décontextualisée et qu’en plus elle exige une réflexion commune du groupe pour un but commun, elle permet aux élèves d’accepter l’erreur et ainsi de contrôler leur frustration. 6. La démonstration : le travail qu’exige la pratique du théâtre est à lui seul une modélisation. Il exige entraînement, persévérance, réflexion, réinvestissement, maîtrise de ses émotions et capacité à lâcher prise. Sur un autre plan, les exercices d’improvisation et d’entraînement permettent à chacun des élèves de proposer une modélisation que ses pairs peuvent imiter, adopter et améliorer. Sur bien des points, l’activité théâtrale permet l’interaction de langage et le conflit sociocognitif nécessaire au travail de remédiation en regroupement d’adaptation. Il est un support symbolique dont les effets seront transposables dans le champ de la métacognition. 11 Pratique pédagogique 1. Le cadre institutionnel Lors de mon stage de formation CAPA-SH option E, j’ai travaillé dans des conditions particulières sur le plan du fonctionnement du réseau d’aide. En effet, il n’y avait pas de Maître G et la psychologue était absente pour longue maladie. Néanmoins, deux psychologues appartenant à des réseaux d’aides voisins pouvaient intervenir ponctuellement à la demande des écoles. J’ai effectué les synthèses seule avec les enseignants. Il m’a semblé important de leur expliquer la spécificité de mon travail et de l’intervention du Maître E auprès des élèves en difficulté. Je pense y être parvenue, notamment auprès des enseignants de CM2 qui m’avaient signalé dix élèves pour des problèmes en langue écrite dont cinq nécessitaient simplement un soutien, sur des notions disciplinaires, qui pouvait être effectué en classe par les enseignants eux-mêmes. Les deux écoles dans lesquelles j’interviens, une école élémentaire et une école maternelle, sont situées dans un quartier du 19ème arrondissement où la population est mélangée de façon équilibrée sur le plan social et culturel. Les enfants ne présentent pas d’énormes difficultés de langue française mais en élémentaire, ils sont signalés principalement pour des problèmes de langue écrite. 2. Présentation du groupe. Les cinq élèves de CM2 du groupe présenté dans ce mémoire ont été signalés pour des difficultés à rédiger des textes. Outre les fautes d’orthographe fréquentes, ils ont des problèmes avec la construction du récit (logique), ne savent pas manipuler les inférences et ne maîtrisent pas la ponctuation. 12 Oumou : Son enseignante la décrit comme étant en grande difficulté, avec plus spécifiquement des problèmes d’orthographe grammaticale, de ponctuation et de logique lors de l’élaboration d’un récit. Pendant l’évaluation et des observations en début de prise en charge, j’ai pu vérifier qu’Oumou ne se servait pas des indices grammaticaux ou des connecteurs logiques pour remplir par exemple un texte de clôsure. Par contre, même si elle a du mal à lire un texte long jusqu’à la fin, elle en saisit rapidement le sens. J’ai pu observer aussi que pour faire des exercices proposés à l’écrit, elle adoptait une attitude « scolaire » qui pourrait faire illusion quant à ces capacités réelles à accomplir une tâche : elle est très appliquée, respecte les règles de mise en page, utilise par exemple la numérotation pour reconstruire un texte puzzle sans pour autant le restituer concrètement, etc… A l’oral, Oumou est très pertinente dans ses propos et dans les discussions qui s’engagent autour du projet. Sur le plan du comportement, elle est freinée par une tendance à se braquer lorsque la situation la met en difficulté. Elle aura du mal à se lancer dans des exercices individuels d’improvisation alors qu’elle participe sans problème aux exercices collectifs. Mais elle saura toujours encourager ses camarades lorsqu’ils éprouvent les mêmes difficultés. Tout au long du projet, elle occupera au sein du groupe un rôle moteur sans pour autant s’imposer comme leader. Oussama : Son enseignante l’a signalé pour de gros problèmes de compréhension en lecture et de construction de récit. Lorsqu’on lui demande de lire à voix haute, il le fait de façon très hachée sans en comprendre le sens. Il ne respecte pas les marques de ponctuation et déforme certains mots sans pour autant se rendre compte de l’incohérence que cela apporte à la logique du texte. Cependant, lors des évaluations en début de projet, il a su utiliser les repères grammaticaux ou orthographiques dans des exercices de types textes puzzle ou de clôsure. Oussama manque de maturité et a tendance à user d’une certaine « séduction naïve » pour échapper aux difficultés. Même si au début, il a vu l’activité théâtrale comme un amusement, il s’est très vite investi, et dans son rôle et dans la recherche commune d’élaboration du projet lui-même. 13 Patrice : J’ai longuement discuté avec son enseignant sur le bien fondé d’une prise en charge pour cet élève. En effet, Patrice est un enfant « atypique » ayant eu un parcours difficile. Il ne comprend pas ce qu’il fait en classe, pourquoi on apprend, pourquoi il vient en regroupement d’adaptation, etc… « Je ne comprends pas » est un peu un leitmotiv chez cet élève pour qui aucune réponse ne peut apporter d’explication à cette non compréhension. Il avance difficilement sur le plan des apprentissages et éprouve de nombreux problèmes de compréhension de consignes et de textes. Il ne prend aucun indice grammatical et ne s’appuie aucunement sur le sens du récit que ce soit en lecture ou en rédaction. Il ne sait pas utiliser la ponctuation dans les textes qu’il écrit, ce qui renforce leur incohérence. Après réflexion, nous avons pensé que l’activité théâtrale pouvait être bénéfique pour Patrice au moins sur le plan de l’investissement personnel dans un projet de groupe où les causes et les conséquences pourraient l’éclairer sur la nécessité d’un « pourquoi » on fait les choses. Pauline : Se sont pour des problèmes de compréhension de récit et d’orthographe que son enseignant a proposé Pauline pour une aide en regroupement d’adaptation. Lors des évaluations en début de projet, j’ai pu constater qu’elle avait de grosses difficultés en orthographe lexicale et grammaticale tant en compréhension qu’en rédaction. Ses problèmes de compréhension à la lecture de textes complexes viennent aussi du fait qu’elle ne saisit pas le sens des inférences diverses que l’on peut rencontrer dans un récit. Que se soit en écriture ou en lecture, elle ne fait pas cas de l’utilité de la ponctuation alors qu’elle en connaît scolairement les règles d’usage. Pauline a un comportement qui perturbe ses apprentissages. « Garçon manqué », elle montre un côté exubérant qui l’empêche de se concentrer sur les tâches scolaires. Au début de la prise en charge, elle se mettait systématiquement en opposition mais l’activité théâtrale a suscité chez elle un certain intérêt et provoqué un changement radical d’attitude. Elle s’est très vite investie de façon active dans le projet. 14 Souleymane : Son enseignant a fait une demande d’aide aux vues de ses difficultés à construire des textes à l’écrit. Après évaluations, il s’est avéré que Souleymane savait s’appuyer sur ses connaissances en grammaire et en orthographe pour comprendre ou reconstituer un texte mais qu’il manquait de vocabulaire pour arriver à construire un texte riche. Ce manque de lexique le gène aussi dans la compréhension d’un texte lu. D’autre part, Souleymane a une vision restreinte de l’utilité des signes de ponctuation. A l’écrit, il les utilise de façon minimale (majuscule et point) et il ne s’appuie pas dessus lors de la lecture à voix haute. Souleymane manque de confiance en lui, ce qui se traduit souvent par une tendance à se détourner facilement de la tâche scolaire. Ce manque de confiance en lui pourrait aussi être une cause de sa difficulté à passer de l’oral à l’écrit. Malgré un lexique pauvre, il n’est cependant pas inhibé à l’oral. Pourtant, sur les cinq élèves du groupe, il était le seul à avoir eu une certaine appréhension par rapport à l’activité théâtrale et le fait de « jouer » devant les autres. Il s’est pourtant investi dans le projet et y a vite pris plaisir. Remarque : Les cinq élèves de ce groupe ont tous redoublé une fois dans leur scolarité et ont tous bénéficié d’une aide spécialisée en regroupement d’adaptation lors des années précédentes. Pauline est suivie à l’extérieur par une orthophoniste et Patrice, longtemps pris en charge par un psychologue en institut, n’est plus suivi car sa mère y a renoncé. 3. Le Projet a) Présentation du projet Même si dès le départ l’activité théâtrale me semblait adaptée et en adéquation avec le travail en remédiation, je ne savais pas trop comment la démarrer et la mener de façon efficace. Je n’avais aucune expérience en la matière et je me trouvais confrontée à un dilemme pédagogique : le jeu théâtral seul suffirait-il à remédier aux difficultés des élèves dans le champ disciplinaire en plus du 15 changement escompté sur le plan de l’investissement des élèves dans leurs apprentissages ? Il me semblait plus pertinent d’impliquer les enfants dans la mise en scène au lieu de faire de la représentation finale l’objectif du projet. En effet, mettre en scène leur permettrait d’avoir l’image d’un cheminement possible entre deux états. Pour l’activité théâtrale, mettre en scène c’est passer de l’état d’un texte écrit à l’état d’un texte joué. Pour les élèves/acteurs, c’est la possibilité de passer d’un état passif à un état actif. Dans le doute et le tâtonnement que m’obligeait l’apprentissage de cette nouvelle profession d’enseignante spécialisée E, je n’ai pas osé choisir directement une œuvre théâtrale. Il m’a semblé important pour faire saisir aux élèves entre autres la notion d’inférences dans un texte littéraire, de partir d’un récit simple et de leur faire vivre sa transformation en texte de théâtre à la manière d’une manipulation dans le domaine scientifique : hypothèse, expérimentation, conclusion. L’étape centrale de cette démarche correspondant à la recherche d’une mise en scène possible. Conjointement, j’ai proposé aux enfants des exercices d’entraînement aux techniques théâtrales afin qu’ils aient des outils pour visualiser les interprétations possibles du texte. b) Présentation des séances J’avais envisagé d’étaler ce projet sur les deux stages en situation de janvier et mars soit sur quatorze séances de 60 minutes. Malheureusement, trois séances ont été annulées pour des raisons diverses (sorties, grève,…) et n’ont pu être rattrapées. J’ai construit toutes mes séances sur le modèle suivant : Petits exercices dont l’objectif principal était de faire travailler la mémoire et la concentration. Les élèves en ont de suite compris la nécessité dans le cadre de l’activité théâtrale. Plus tard, lors d’une discussion sur l’apprentissage des 16 dialogues des textes pour jouer la pièce, ils ont aussi compris l’intérêt de tels exercices pour améliorer leurs performances dans les activités scolaires. Exercices d’improvisations et de techniques théâtrales. Travail sur la mise en scène. c) Les exercices d’improvisation et de techniques théâtrales. J’ai établi une progression d’exercices10 sur trois axes de travail : Le premier axe avait pour but d’aller du groupe à l’individu afin que chaque enfant puisse trouver ses marques sans être brusqué dans une « mise à nu » devant ses camarades. Le deuxième axe partait d’exercices généraux mettant en jeu le mouvement du corps et la modulation de la voix, jusqu’à des exercices plus précis et en rapport avec le travail de mise en scène. Ces derniers exercices étaient plus orientés sur les expressions du visage et les intonations de la voix. Le troisième axe avait pour but de passer d’un accompagnement de tutelle à un travail en autonomie, comme le suggère Bruner11. Lors des dernières séances, j’ai essayé de passer le relais aux élèves quant au choix des exercices d’improvisation lorsqu’ils éprouvaient la nécessité de travailler telle ou telle attitude en fonction de la mise en scène. En général il était décidé d’un exercice en fin de séance pour la fois d’après. Mais il est arrivé que lors de la mise en scène les élèves ressentent le besoin de travailler une expression ou une attitude lorsque l’interprétation de l’un d’eux prêtait à discussion. Au fur et à mesure des séances j’ai pu observer des changements chez tous les élèves sauf chez Patrice que je ne suis jamais arrivée à impliquer dans ce type d’exercices. Il n’a jamais montré de refus mais comme pour tout type d’activités au 10 S. Balazard & E. Gentet-Ravasco : « Le théâtre à l’école : techniques théâtrales et expression orale. », Hachette Education, Paris 2003 11 J. S. Bruner : « Le développement de l’enfant. Savoir faire, savoir dire », chapitre 10, au PUF, Paris 1983 17 sein du regroupement d’adaptation comme dans sa classe, il « décrochait » rapidement. En début de projet, Oumou était encombrée de son grand corps préadolescent et refusait de participer à certains exercices d’improvisation individuels. Petit à petit et grâce aux encouragements des autres élèves, elle n’a plus manifesté de refus et s’est même proposée plusieurs fois pour lancer certaines activités. En fin de projet, elle acceptait plus facilement les critiques des autres. Oussama est passé d’une attitude joueuse à une attitude appliquée. Il a pris ce genre d’exercices d’autant plus à cœur que le rôle qu’il avait choisi dans la pièce de théâtre était le plus important. Tout comme Oussama, Pauline qui n’arrivait pas à faire ce type d’exercices sans rire ou sans déborder a fini par trouver une attitude modérée et juste par rapport à l’exigence de l’activité théâtrale. Souleymane qui était le plus réservé des cinq élèves, envisageait ces exercices avec beaucoup d’anxiété. Durant les premières séances, il restait plutôt statique et n’osait pas jouer avec sa voix. Malgré cela, il s’est montré persévérant. Après quelques temps, il a réussi à dépasser sa peur. L’improvisation lui est apparue plus ludique. C’est alors que tout comme Oumou, il s’est posé en guide du groupe en matière de suggestion d’attitude ou d’expression lors des recherches de mise en scène. d) La mise en scène Les sept premières séances étaient axées principalement sur la transformation d’un récit en texte de théâtre. Les suivantes ont été consacrées à l’amélioration de la mise en scène et l’évaluation. 18 Que les élèves « vivent » la transformation du texte par un travail de mise en scène avait pour moi plusieurs objectifs. Cette activité me semblait répondre parfaitement aux spécificités d’un travail en remédiation ainsi qu’aux exigences du programme de l’enseignement primaire en matière de compétences transversales : « Les compétences générales concernent toutes les activités intellectuelles mises en jeu par l'élève et toutes les formes de la communication qui s'établissent dans la classe. Elles sont travaillées dans des "ateliers" organisés au sein de chacun des domaines disciplinaires : pour introduire une technique de travail plus exigeante, pour consolider une technique qui paraît chancelante, pour conduire les élèves qui n'y sont pas encore parvenus à s'approprier plus fermement un savoir-faire. »12 Dans le domaine spécifique de la langue écrite, cette activité pouvait permettre aux élèves de voir qu’un texte peut avoir une fonction autre que celle d’un exercice de lecture dans un cadre scolaire, et qu’à la fonction d’un texte correspond un style littéraire. Toujours dans le domaine de la langue écrite, cette activité me semblait pertinente pour que les élèves saisissent les subtilités inférencielles et ressentent l’importance et la fonction de la ponctuation dans un texte. Et enfin, sur le plan plus spécifique de la remédiation, toutes les démarches intellectuelles mises en œuvre dans cette activité me semblaient constituer une modélisation qui permettrait aux élèves de percevoir de façon implicite la possibilité de changer leur attitude face aux apprentissages. Pour répondre à tous ces objectifs, j’ai choisi un texte descriptif raconté à la première personne, comportant peu de dialogues et où tous les personnages décrits étaient susceptibles de s’exprimer en fonction des évènements. 1ère séance : Découverte du texte « Asticots »13 . Après une première lecture individuelle puis une relecture à voix haute par les élèves, je leur ai demandé comment ils visualisaient une mise en scène possible de l’histoire. 12 13 Article du 25 janvier 2002 des Programmes de l’Enseignement Primaire. JO du 10-2-2002 Bernard Friot : « Nouvelles histoires pressés », Editions Milan. Texte en annexe. 19 Pauline : « Je veux être le garçon. » Comme les élèves commençaient à se chamailler sur qui serait qui, je leur ai proposé de remettre le choix des rôles à plus tard et de me donner la liste des personnages en me décrivant se qu’il advenait à chacun d’eux. Pauline : « Finalement je ne veux pas être le garçon. Il parle tout le temps. Il va falloir apprendre beaucoup de chose. » Après cette remarque, la discussion s’est engagée sur les dialogues ou plutôt sur leur absence dans le texte. Oussama : « Il faut quelqu’un pour raconter l’histoire. » Oumou : « Mais non ! Au théâtre personne ne raconte l’histoire. » Pauline : « Si, l’an dernier quand on a fait du théâtre, le maître racontait des bouts de l’histoire. » Lors de cette discussion au cours de laquelle Oussama était d’accord avec Pauline et Souleymane avec Oumou14, les élèves m’ont prise à témoin. J’ai essayé de leur faire expliciter qu’est-ce que le maître avait lu et pourquoi. Oussama : « Il racontait le début de l’histoire et la fin aussi. » Les élèves ne trouvant pas pourquoi l’enseignant avait lu, j’ai formulé l’hypothèse d’une histoire trop longue pour être jouée en entier. Pauline a confirmé cette hypothèse. (Il s’agissait d’un extrait d’une pièce dont j’ai oublié de noter le titre). Souleymane : « Oui mais là, c’est court l’histoire, ça ne fait qu’une page. » Oumou : « Il va falloir improviser. Il va falloir faire des dialogues pour que tout le monde parle sinon ce n’est pas drôle. Et il faudra que ça ait du sens ». Après leur avoir fait expliciter le mot « improviser », je leur ai demandé d’essayer de découper le texte en fonction des évènements. Nous avons confronté les découpages. Le plus difficile à percevoir pour les élèves a été le changement de lieu effectué par l’enfant (de la salle à la cuisine et de la cuisine à la salle à manger) alors que les évènements dus aux personnages ont été plus facile à repérer. 14 Oussama et Pauline étaient dans la même classe en CM1, Souleymane et Oumou ensemble dans une autre. 20 Avant de terminer la séance, je leur ai demandé ce que nous allions faire la fois prochaine. Oumou a proposé à nouveau ce qu’elle avait formulé précédemment : « On va faire des dialogues. » A travers les remarques des élèves, on se rend compte qu’ils ont du mal à imaginer, à visualiser les évènements d’une histoire lue même s’ils perçoivent le sens global de celle-ci. A aucun moment, ils n’ont abordé l’aspect comique du récit s’attachant plutôt aux sensations de dégoût qu’il inspirait. On peut aussi remarquer que les élèves n’utilisent pas un lexique lié à l’acte de lecture/écriture : « le maître racontait… », « Il va falloir improviser. Il va falloir faire des dialogues… ». D’un côté, c’est le signe qu’ils ne prennent pas l’activité comme scolaire. De l’autre, c’est l‘annonce que tout le travail d’écriture qui sera fait par la suite donnera du sens à l’acte d’écrire lui-même : on écrit pour se souvenir, pour avoir un référent commun, un patrimoine commun… De même qu’on lit pour avoir des informations, des indications, pour un but précis,… et dans une visée commune. Remarque : lors de cette séance Patrice n’a pas participé malgré mes relances. Il n’a fait aucune remarque sur le texte, n’écoutait pas ce que ses camarades pouvaient dire et était toujours en décalage lorsque je leur demandais une tâche. 2ème séance : Travail de mise en scène. En s’appuyant sur le découpage du texte, je leur ai demandé de choisir une scène pour l’interpréter. Ils ont choisi le début de l’histoire « parce qu’il y a tous les personnages ». Pauline s’est proposée d’interpréter le père « parce qu’il parle beaucoup dans ce passage ». Oussama s’est proposé d’interpréter le fils. Devant le statisme des autres élèves au premier essai, j’ai proposé d’intervertir les rôles. Juste après, je leur ai demandé d’exprimer ce qu’ils en pensaient. 21 Oumou : « Il faudrait faire parler les personnages. C’est une soirée, les gens discutent dans les soirées » Je leur ai alors demandé d’évoquer des soirées chez eux ou chez des amis, de se souvenirs de ce qu’on faisait quand on était invité chez quelqu’un pour un dîner. Ils ont vite trouver des actions : discuter, rigoler, boire un verre,… En les faisant revenir sur le texte, je leur ai demandé d’imaginer de quoi pourraient parler les personnages. Cet aller-retour entre le vécu et la fiction me semblait important pour que les enfants apprennent à faire des liens, à donner du sens au à ce que l’on fait. La troisième interprétation a été plus vivante. Les enfants ont pris plaisir à faire semblant tout en prenant le travail au sérieux. Si Pauline par exemple se mettait à rire sans raison ou à sur-jouer en exagérant sa voix, les autres la reprenait aussitôt en lui rappelant le but de leur recherche : « Lors de la représentation devant les classes, on ne pourrait pas rigoler ou s’amuser ». Avant de les ramener dans leur classe, j’ai demandé aux élèves ce que nous allions travailler la fois suivante. Je n’ai pas proposé d’écrire les dialogues qu’ils avaient inventés lors de la séance car je voulais qu’ils en ressentent la nécessité sur le plan de la « mémoire collective » pour la prochaine séance. Remarque : Patrice, comme à la séance précédente n’était pas engagé dans la recherche commune. Mais cette fois, ce sont ses camarades qui l’ont encouragé à prendre part à l’activité. 3ème séance : la nécessité d’écrire pour se souvenir. J’ai proposé aux enfants de rejouer la scène travaillée la fois précédente. Après avoir installé les éléments du décors, ils ont commencé à discuter sur la place qu’ils occupaient sur la scène et sur ce qu’ils avaient dit. Je les ai laissé chercher un petit moment avant de leur demander de s’asseoir pour trouver ensemble une solution. Une fois retrouvés les éléments oubliés, je leur ai fait remarqué le temps 22 que ça avait pris et je leur ai demandé s’il n’y avait pas un moyen de se souvenir d’une fois sur l’autre sans perdre tout ce temps. Souleymane a suggéré d’écrire ce que nous avions fait. Rebondissant sur son idée, je leur ai proposé qu’à tour de rôle ils prennent des notes sur la mise en scène et les dialogues. Je leur ai suggéré qu’on fasse aussi un dessin pour se souvenir de la position des personnages d’une fois sur l’autre. Oumou, ne se sentant pas encore à l’aise dans le jeu d’acteur qui l’obligeait à s’exposer au regard de l’autre, a proposé spontanément de retranscrire les deux premières scènes. Tout comme je l’avais observé sur d’autres exercices, elle a pris des chemins détournés pour exécuter cette tâche. Elle s’est beaucoup appliquée à dessiner les détails de la mise en scène ce qui l’a empêchée d’écrire les dialogues au fur et à mesure. Son choix de prendre des notes est révélateur de sa façon de fonctionner face à une tâche, et ce, sur deux niveaux. Elle adopte une attitude « scolaire » qui peut faire illusion dès qu’elle se sent en « danger » : une première fois lorsqu’elle préfère écrire plutôt que de s’exposer et une deuxième fois lorsqu’elle s’attarde consciencieusement sur le croquis plutôt que de retranscrire les dialogues. Devant les difficultés à organiser son travail, j’ai du la guider, perdant ainsi l’attention que je devais apporter aux autres élèves. Devant ce constat et en vue de digressions possibles les fois suivantes, j’ai décidé de proposer aux élèves une feuille guide pour chaque scène qui réduirait leurs difficultés à la prise de note. 4ème séance : choix des rôles Lors de cette quatrième séance, les élèves ont ressenti la nécessité de choisir le rôle qu’ils allaient interpréter pour la représentation finale. Oussama et Pauline ont de suite choisi les leurs. Contrairement à Pauline, Oumou ne voulait pas interpréter un rôle masculin et le seul rôle féminin de l’histoire ne lui convenait pas car elle le trouvait trop insignifiant. Comme elle commençait à se refermer sur elle- 23 même, menaçant de ne pas vouloir participer à la séance, Souleymane a proposé de changer un rôle masculin en rôle féminin, et le rôle féminin en masculin : « Nous pouvons changer puisqu’on réécrit le texte. Il est à nous maintenant. » Trouvant cette remarque judicieuse quant à l’appropriation de l’acte d’écrire, j’ai approuvé cette idée. Oumou a donc pu choisir le rôle qu’elle convoitait. Souleymane a choisi le sien juste après. Patrice n’a pas contesté le fait qu’il n’avait plus le choix et devait prendre le rôle qui restait. C’est lors de cette séance que j’ai senti un changement d’attitude chez les élèves. Si en début de prise en charge ils « décrochaient » facilement de l’activité chacun à leur manière à partir de ce moment-là, le groupe s’est soudé pour un intérêt commun qu’était la réussite de ce travail de mise en scène. Cela coïncide avec le fait qu’ils aient exprimé le désir d’incarner un personnage particulier. 5ème, 6ème et 7ème séances : réduction d’un degré de liberté. Malgré la feuille guide que j’avais proposé aux élèves dès la quatrième séance, l’écriture en tant que telle était trop difficile pour celui qui prenait note et par là même trop accaparante pour moi. J’ai donc décidé de prendre en charge la retranscription des dialogues et des détails de mise en scène pour la suite de la recherche. A partir de la cinquième séance, la difficulté du travail a été de trouver comment exprimer par des paroles ce que certains des personnages pouvaient penser. En effet, dans le récit initial, étaient décrites les attitudes sans les paroles. Il a fallu que les enfants trouvent dans le texte de Bernard Friot les indications relatives au caractère des protagonistes et qu’en fonction de ces indications, ils inventent un monologue pour chacun d’eux. Sur le plan de l’apprentissage de la langue écrite, ce travail m’a semblé intéressant pour que les enfants ressentent la notion d’inférences et apprennent à les repérer dans un récit. 24 Après avoir inventé les monologues, il a fallu trouver comment en faire des apartés pour le public. Plusieurs solutions ont été proposées (se lever et venir parler au public, pendant l’aparté les autres acteurs s’immobilisent,…). Oumou a spontanément montré celle à laquelle elle avait pensé. J’ai demandé aux autres d’en faire autant afin d’engager un débat constructif (induction du conflit sociocognitif). A l’issu du débat, la solution choisie par les élèves n’était pas la plus aisée à mettre en scène. Je leur en ai fait la remarque. Mais devant leur détermination à vouloir la garder, je n’ai pas insisté, ne voulant pas m’imposer ni m’excentrer de cette position de tiers que dois maintenir l’enseignant spécialisé pour que les élèves en difficulté puissent accéder au savoir. Les séances suivantes : amélioration de la mise en scène. A l’issu des sept premières séances, le texte a été entièrement retranscrit sous forme de dialogues et d’indications de mise en scène. Les élèves ont pour la première fois pu jouer la pièce d’un bout à l’autre. Des disfonctionnements (prévisibles) sont apparus dans les enchaînements, tout comme la nécessité d’ajouter des détails et de prévoir des accessoires. La première recherche s’est axée naturellement sur les dialogues annexes entre les invités. Dialogues qui n’étaient pas mentionnés dans le récit mais qu’il est apparu aux élèves important de rajouter pour combler le vide entre deux actions (comme par exemples les dialogues lors du repas). Il a fallu alors recréé toute une histoire autour de l’histoire elle-même. Trouver un nom à l’entreprise du père, une spécialité. Trouver aussi des extensions de personnalité aux personnages. Ce travail montre que les élèves ont atteint un nouveau niveau dans la création de textes. Ils ont ressenti la nécessité de rajouter des détails pour la compréhension ou la richesse du texte, chose qu’ils ne savaient pas faire et pourquoi ils ont été signalés pour une aide. Tous les enfants, sauf Patrice, ont participé à cet exercice d’improvisation et de création de façon aisé. Ils y ont même pris beaucoup de plaisir. Par contre ils 25 n’ont pas voulu que je note ces dialogues-là, avançant comme argument que le fait d’improviser apporterait un effet plus « vrai ». J’ai alors évoqué le « trac » possible qui pourrait les surprendre lors de la représentation finale et les mettre mal à l’aise pour l’exercice. Pour eux, l’histoire qu’ils avaient construite autour de cette improvisation constituait une base suffisamment solide pour se lancer sans filet. Leur position n’a pas changé d’une séance à l’autre. Leur improvisation a finalement donné naissance à un texte précis où les mots variaient peu d’une fois sur l’autre. Sur le plan transversal des compétences, ce résultat est assez intéressant car il montre que les enfants ont fait des avancés quant à l’utilisation de leur mémoire à cour terme. Par contre, la nécessité d’écrire dans le but de se souvenir à long terme est devenue secondaire face au plaisir premier de l’improvisation alors que l’intérêt de prendre des notes avait été abordé lors de la seconde séance. Je n’ai pas voulu insister sur ce fait car cette nécessité se fera ressentir d’elle-même lors de la prochaine période sur le terrain quand après cinq semaines sans travailler le texte il faudra se rappeler de tous les détails. Sur un plan individuel, au cours de cette recherche Oumou s’est attribuée les intentions d’une employée en train de monter une entreprise concurrente à celle de son patron. Ne peut-on pas voir dans sa proposition un effet significatif et symbolique du travail effectué : s’affirmer en tant que sujet ? Le reste du travail de recherche s’est ensuite orientée sur les détails matériels de la mise en scène. La discussion sur la nécessité ou non d’apporter de la vraie nourriture et de vrais asticots le jour de la représentation à donner lieu à un vrai débat sur le paraître et le semblant. Même si l’activité théâtrale était pour moi un support de travail sur le plan métacognitif et métalinguistique, et que mon but n’était pas de faire de ces élèves des spécialistes du théâtre, il était primordial de leur présenter, une fois tous les détails de mise en scène réglés, un texte de théâtre afin qu’ils en perçoivent les caractéristiques littéraires et typographiques. Cette étude (didascalies, mise en forme 26 des dialogues différente de celle d’un récit,…) a été pour moi une préparation à l’évaluation que j’avais prévue en fin de prise en charge. e) L’évaluation Evaluation dans le champ disciplinaire de la langue écrite : la ponctuation. Tout au long de cette prise en charge j’ai été préoccupée par l’influence pédagogique que peut avoir un tel travail surtout axé sur le métacognitif. En effet, même si cette démarche me semblait adaptée en tant que démarche de remédiation, mon manque d’expérience dans la profession de Maître E ne me permettait pas d’anticiper les effets réels d’un tel travail. Les élèves ayant tous été signalés pour des problèmes d’utilisation de la ponctuation, il m‘a semblé congruent de les évaluer sur ce point là. Après l’avoir dactylographié, je leur ai présenté le texte de la mise en scène, avec une mise en forme spécifique de texte théâtral, mais sans aucun signe de ponctuation. Collectivement, les élèves ont recherché sur la première partie à quel endroit placer les signes de ponctuations. A chaque césure présumée, je leur demandais de justifier leurs hypothèses en s’appuyant sur ce qu’ils avaient pu étudier en classe et surtout sur leur vécu « d’acteur », les incitant à dire le texte pour ressentir la fonction de chaque signe. C’est ainsi qu’ils ont pu élaborer assez naturellement les règles d’utilisation des signes courants de ponctuation. Ils sont même arrivé à donner un sens à l’utilisation des points de suspension en fin de phrase : « c’est quand on connaît la suite, qu’on n’a pas besoin de dire les choses ». Ils ont pu ainsi me dicter les règles générales d’utilisation de la ponctuation afin d’élaborer une fiche guide dont ils pourraient se servir par la suite. A la séance suivante nous sommes allés en salle informatique et je leur ai demandé de travailler en autonomie sur la fin du texte. Ils avaient à disposition la fiche guide. Pauline est celle qui a le mieux réussi l’exercice. Oumou, Souleymane et Oussama se sont assez bien débrouillés mais ils n’ont presque pas 27 tenu compte de l’utilisation de la majuscule. Patrice n’a presque pas fait de modification sur le texte. Evaluation du travail fait en remédiation sur les onze séances. Comment évaluer un travail de remédiation qui s’appuie essentiellement sur une recherche métacognitive ? Il est très difficile d’évaluer un tel travail de façon normative. Cela ne peut se faire que sous forme d’une observation continue pour apprécier les changements d’attitude escomptés en début de prise en charge. A la fin de cette dernière, il faut travailler sur « une mise en mot » orale et écrite des démarches éprouvées. Cette modélisation des méthodes permettra le transfert de ce qui a été « vécu » lors des séances de remédiation vers ce qui peut être fait en classe en situation d’apprentissage. Un bilan avec les enseignants en fin de prise en charge peut être complémentaire pour se rendre compte de l’évolution des élèves face aux situations d’apprentissage. En ce qui concerne le groupe, on peut dire que des changements notables au niveau des compétences transversales ont eu lieu pour Oumou, Oussama, Pauline et Souleymane. Ils ont tous montrés qu’ils pouvaient participer à des débats, travailler ensemble pour un but commun, se tenir à ce but commun de façon individuelle et collective, ne pas se laisser envahir par leurs émotions, contrôler leur frustration, faire preuve de persévérance, prendre des risques et ainsi adopter une attitude active face à une tâche qui demandait de nombreux efforts personnels. Patrice lui n’a montré que très peu de changement d’attitude. En effet, il n’a jamais pu s’investir dans le travail de recherche et ce malgré mes relances et les sollicitations de ces comparses. 28 Bilan de l’activité Je n’ai pas pu effectuer lors du dernier stage en situation la modélisation de méthodologie prévue, ni faire un bilan avec les enseignants faute de temps. Pour les mêmes raisons, il n’a pas été possible de présenter la pièce devant les deux classes de CM2. J’ai prévu quatre séances supplémentaires lors de la dernière période de stage sur le terrain pour y remédier. Pour ce qui est des effets de la remédiation, en me basant sur mes observations seules, les nombreux changements d’attitude chez les élèves entre le début et la fin de la prise en charge m’ont convaincue que l’activité théâtrale était un bon support pour une aide en regroupement d’adaptation. En effet, grâce aux exercices techniques d’une part et au travail de recherche sur la mise en scène d’autre part, les élèves ont pu éprouver un certain lâcher prise permettant d’abandonner une attitude passive pour une attitude active. L’activité théâtrale permet et incite les élèves à penser autrement, à raisonner, à utiliser leur mémoire de manière efficace et à confronter leurs idées à celles des autres élèves. Sur le plan de la motivation et de l’investissement des élèves dans un projet, elle est là aussi un support adapté. En effet, les élèves n’ont à aucun moment montré de signe de découragement ou de désintérêt. L’activité de recherche collective sur la ponctuation à laquelle les élèves ont participé de façon très active me laisse deviner que ces changements sur le plan des compétences transversales leur permettront d’adopter une attitude adéquate face à une tâche scolaire. Et enfin, parce qu’elle est décontextualisée, l’activité théâtrale place le maître E en position de tiers. Celui-ci n’est pas ressenti par les élèves comme un adulte omniscient mais comme un accompagnateur qui leur propose une activité autre que celles qu’ils rencontrent en classe. Le danger pour l’enseignant spécialisé serait d’occuper la place réelle d’un metteur en scène alors que dans le cadre d’une remédiation il doit laisser ce rôle aux élèves. 29 Conclusion Ce travail de remédiation basé sur divers aspects de l’activité théâtrale m’a permis de réaliser combien il était important pour aider les élèves en difficulté de passer par des chemins détournés. Lors de cette prise en charge les élèves n’avaient pas l’impression d’être au travail. C’est ce qui leur a pourtant permis d’avancer. Par rapport à mes doutes premiers sur l’entrée directe dans l’activité théâtrale et sur les effets qu’elle pourrait avoir ou non sur les compétences disciplinaires, et donc, par rapport au choix que j’ai fait de passer par une transformation de texte pour rentrer dans cette activité, mon regard a changé. En effet, si je renouvelle l’expérience plus tard avec un autre groupe, je choisirai d’utiliser directement un texte de théâtre. Peu importe le support, tout dépend de l’usage qu’on veut en faire. Tout le travail basé sur la transformation du récit n’était certes pas inintéressant mais j’aurai pu obtenir des élèves les mêmes réflexions et les mêmes effets sur le plan de la compréhension métalinguistique lors de l’adaptation directe d’un texte théâtral. De la même façon, cette expérience m’a convaincu qu’on peut arriver au même cheminement métacognitif chez des élèves en difficulté avec des activités autres telles que des marionnettes, la réalisation d’un court métrage ou d’une animation, ou encore avec la création de texte ou de jeu si ces dernières sont prises comme support de remédiation essentiellement sur le plan des compétences transversales plus que sur celui des compétences disciplinaires. L’important est que les élèves arrivent à se projeter à travers une activité créatrice hors de ce carcan de « mauvais élève » qu’ils se sont forgés au cours de leur scolarité. Il est vrai cependant que l’activité théâtrale plus que toute autre permet une mobilisation physique qui agit symboliquement sur les possibilités de changement qu’un élève pourra parvenir à s’autoriser. 30 Bibliographie Comprendre et aider les enfants en difficulté scolaire. Collectif Fédération Nationale Des Maîtres E Editions RETZ, Paris 2004 Ecouter l’enfant, aider l’élève. J-J Guillarmé & F. Eriksen EAP, Paris 2004 Le développement de l’enfant : savoir faire, savoir dire. Jérôme S. Bruner PUF, Paris 1983 Psychologie cognitive de l’éducation. A. Lieury & F. de La Haye DUNOD, collection les topos, Paris 2004 Se (re)connaître par le théâtre. Martine Meirieu Edition Chronique Sociale, 2ème édition revue et augmentée, Lyon 2002 Le théâtre à l’école : techniques théâtrales et expression orale. S. Balazard & E. Gentet-Ravasco Hachette Education, Paris 2003 31 Documents annexes 1. Texte : « Asticots » de Bernard Friot 2. Scène 1 3. Scène 2 4. Scène 3 5. Texte final sans ponctuation 6. Fiche guide sur la ponctuation 32