Réunion du Comité marseillais du Mouvement

publicité
Allocution de Monsieur Georges SARRE
Cérémonie commémorative du soixante-cinquième anniversaire
de l’Appel du général de Gaulle
Samedi 18 juin 2005
Monsieur le Président de l’Union des Associations des Anciens Combattants et Victimes de
Guerre du 11ème arrondissement,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes une nouvelle fois réunis pour commémorer le 65 ème anniversaire de l’Appel
lancé depuis Londres par le Général de Gaulle, le 18 juin 1940, premier signal de la
mobilisation du peuple français pour la Résistance à l’occupant nazi. Cette date très
importante de l’histoire de France doit être rappelée aux jeunes générations : sans l’appel
du 18 juin, la France serait-elle encore un pays libre ?
Nous avons commémoré l’été dernier le 60è anniversaire du débarquement de Normandie,
puis la Libération de Paris, puis, au début de 2005, l’anniversaire de la libération des
camps de concentration nazis et enfin, voici un mois, la reddition allemande du 8 mai
1945. A chacune de ces cérémonies, j’ai tenu à rappeler ce fait historique incontestable et
fondamental, qui distingue l’histoire de la France de celle de la plupart des autres pays
occupés : la France a été libérée par les troupes alliées et par son propre peuple, grâce à
l’action héroïque de la Résistance. Cette participation du peuple français à sa propre
délivrance prend tout droit sa source dans l’Appel du 18 juin.
Remémorons-nous le contexte dans lequel le général de Gaulle lance sa proclamation. Les
troupes allemandes occupent la France après être entrées dans Paris le 14 Juin 1940,
mettant un terme à notre souveraineté nationale. Le 16 Juin, le Parlement, replié à
Bordeaux, a nommé le maréchal Pétain Président du Conseil, et nul ne songe alors que le
« vainqueur de Verdun », auréolé d’un immense prestige, se fera l’auxiliaire des exigences
allemandes et contribuera à dresser les français contre d’autres français. Le héros de 1418 devient l’homme résigné qui demande de cesser le combat. L’armistice est signé le 22
juin, et les nazis exigent que la cérémonie se déroule dans la clairière de Rethondes, c’est
à dire, humiliation suprême, à l’endroit même où en 1918, le maréchal FOCH avait reçu la
reddition de l’Empire allemand. Finalement, le 10 Juillet, le vote des pleins pouvoirs au
chef de l’Etat français met un terme, provisoire, à la République. Ne refusent cette mise
entre parenthèses de la République que les 80 parlementaires qui ne votent pas les pleins
pouvoirs à Pétain et d’autres, venus d’horizons politiques très divers, qui embarquent à
bord du « Massilia » vers l’Afrique du Nord, pour continuer la lutte. Sous sa forme
républicaine, la France s’est effondrée.
L’homme qui, s’adressant le 18 juin aux français depuis la radio de Londres, se dresse face
à l’abandon général, n’est pas très connu en dehors des milieux politiques et militaires. Il
n’a jamais été candidat à un poste électif. Dans la hiérarchie de l’armée, il n’est que
général de brigade, et vient de faire une brève expérience de sous-secrétaire d’Etat à la
guerre dans le cabinet dirigé par Paul RAYNAUD, un des rares hommes politiques qui ait
su l’écouter. Qui est donc le général de Gaulle ?
1/3
Charles de Gaulle est né en 1890 à Lille. Son courage, son intelligence et sa maîtrise de
l’art militaire le destinaient théoriquement à occuper un rôle de tout premier plan dans
l’armée. Mais en 1940, les chefs militaires du pays ont sombré. Ils se raccrochent à des
conceptions stratégiques dépassées, ont manqué le passage à la guerre moderne. Face à
eux, de Gaulle est un colonel atypique, dont les théories novatrices passent mal et l’ont
marginalisé au sein de l’Etat- Major. Mais c’est lui qui comprend son époque.
Quelles sont ses idées? Il suit de près la politique étrangère, ce qu’on appelle aujourd’hui
la géopolitique, car il sait que la puissance militaire n’est qu’un outil au service d’une vision
du destin national et du monde. Il a compris que la guerre de 1914-18 avait définitivement
marqué une coupure entre deux époques. Lui qui a été, après 1918, en poste en Pologne
et auprès de l’armée hongroise, connaît la force de progression du communisme, et la
redoute. Mais c’est aussi un homme des marches de la France, des terres du Nord et de
l’Est maintes fois envahies, et il sait que par la force de la géographie comme du
sentiment nationaliste, le pangermanisme l’Allemagne est aussi un danger, le principal
danger, de sorte qu’il ne sera pas aveugle devant la montée du nazisme. Ses plaidoyers en
faveur d’une modernisation de l’armée, reposant sur un usage accru des blindés, ont été
exposés dans les deux ouvrages qu’il a publiés, « Au fil de l’épée » et « Vers l’armée de
métier », mais il n’a pas été écouté par une armée qui reste figée sur les charges de
cavalerie et le rôle de l’infanterie.
Chez de Gaulle, il n’y a pas que les idées qui dérangent. L’homme, par son caractère,
déroute. Il refuse la carrière pour la carrière. Il a une haute idée de sa mission et de luimême. Il est de droite, né dans un milieu catholique conservateur, mais il est aussi
profondément républicain et patriote. Il ne supporte pas l’idée du déclin de la France, qui
sert d’alibi à l’action du régime de Vichy. C’est ce qui le pousse à quitter la France pour
l’Angleterre et à continuer le combat.
L’Appel du 18 Juin fait de lui le premier des résistants, mais pas encore le chef de la
Résistance, encore embryonnaire et dispersée. Il lui faut donc l’organiser, la fédérer, faire
de la Résistance intérieure une véritable armée, rassembler toutes les forces politiques
qui acceptent de taire leurs divergences pour travailler en commun à la libération du pays
et à son relèvement. Il doit aussi se faire accepter des Britanniques, afin de disposer d’un
minimum de moyens matériels, dont il est totalement dépourvu, arrivant seul et sans
fortune. Il s’attelle donc à unifier les réseaux, à constituer, grâce à l’action du préfet Jean
MOULIN, du général DELESTRAINT, l’Armée Secrète, ainsi qu’un service de
renseignements, sous la houlette de Jacques SOUSTELLE et du colonel PASSY. Il
entreprend enfin de former un gouvernement provisoire au sein duquel se retrouvent des
patriotes de tous bords, depuis la droite, représentée par Alliance démocratique et la
Fédération républicaine, jusqu’au Parti Communiste, la SFIO, les démocrates chrétiens et
bien sûr ceux qui formeront, après la Libération, le mouvement « gaulliste ». De Gaulle
aurait pu se borner à mettre en œuvre la libération militaire du pays, qu’il aurait laissé
ensuite aux hommes politiques de l’avant-guerre. Mais il sait que la défaite de 1940 a
prouvé la faillite des élites de la IIIè République. Il veut donc que la Libération marque le
début d’une ère nouvelle, d’une République renovée. Il veut des institutions plus efficaces,
adaptées à un pays qui devient une puissance industrielle, largement urbanisé, où les
classes moyennes s’étoffent, où la condition des classes populaires, modifiée déjà par le
Front Populaire, reste à améliorer. Ce fut le rôle du Conseil National de la Résistance
d’élaborer ce programme de rénovation et de redressement national, qui permit après
1944 de mettre en place nombre des réformes économiques et sociales qui ont fait de la
2/3
France un Etat moderne, un pays capable de donner du travail à tous par les
nationalisations et la création des services publics.
Nous devons au général de Gaulle le fait que la France soit redevenue une nation libre et
indépendante. C’est déjà énorme. Mais nous lui devons aussi d’être entrés, en 1944, dans
une période nouvelle de notre histoire. Au plan intérieur, son action permit la
reconstruction matérielle et économique, le progrès social et l’accès des femmes au
suffrage universel, le service public à la française. Au plan extérieur, il imposa aux Alliés la
reconnaissance de la France comme grande puissance, sa présence lors de la reddition du
Reich le 8 mai 1945, puis son accession au rang de membre fondateur des Nations- Unies.
Le Général de Gaulle voulait aussi que la France redevenue souveraine soit en phase avec
le mouvement, qu’il pressentait inéluctable, d’accession à l’indépendance des peuples du
sud, des anciennes colonies et protectorats, idée qu’il détailla dès le discours de Brazzaville
et qui mena progressivement, malgré les conflits d’Indochine et d’Algérie, à la
décolonisation qu’il acheva, une fois revenu aux affaires. Enfin, il avait pour ambition que
la France pèse au plan international, face aux deux super-puissances.
C’est en cela que tient, Mesdames et Messieurs, l’actualité du message du 18 juin 1940. Le
peuple français vient de le prouver, il pense, dans sa majorité, que la Nation est et reste le
seul cadre démocratique dans lequel peuvent s’exprimer les valeurs de la République, de
la République laïque, une et indivisible. Il veut conserver sa souveraineté parce que c’est
la condition sine qua non pour établir davantage de justice sociale et d’égalité. Il veut
savoir où il va, il veut décider de son sort. Cette volonté populaire, le général de Gaulle,
dans son action d’homme d’Etat, l’a rejointe, et l’a toujours respectée.
Pour ma part, je considère le message du général de Gaulle comme devant nous inspirer
encore, dans certains domaines car il exprime la volonté du peuple français d’exister et de
perdurer, dans la fidélité aux valeurs fondatrices de la République.
Je vous remercie.
3/3
Téléchargement