Dissertation Quels types d`intervention pour réguler la crise

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Dissertation économique
Conférence de Fabrice Bittner
Kim Geraghty
Séance 6
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Plan :
I] Court terme : problème principal = liquidité. Quelles ont été les premières
interventions pour faire face à cela ? Sur quoi s’appuient-elles ?
A) Doctrine du PDR (apport théorique)
- rôle des Banques Centrales
- rôle du FMI
B) Réactivité bancaire
- Politiques de liquidité et aléa moral : BCE, Banque d’Angleterre
- Politique de taux (politique monétaire) : la Fed
II] Long terme : problème principal = régulation ou non, transparence et
confiance générale dans le système
A)
-
Transparence et simplicité vs innovation financière et croissance
les innovations financières et acteurs (fonds…) au centre de la crise
crise de confiance liée à une mauvaise gestion
le danger des places off-shores
B) Régulation, auto-régulation ?
- exemples de propositions d’auto-régulation
- exemples de régulations : Bâle I, Bâle II
1
Introduction
L’intensité de la crise financière qui ébranle aujourd’hui le monde est quasi sans
précédente. Le risque d’une crise systémique plus forte, à l’instar de 1929, a conduit
les autorités financières à prendre des mesures d’urgence. La nouvelle « architecture
financière internationale » qui s’est dessinée dans les dernières années est caractérisée
par une importance accrue de l’innovation financière et la multiplication du nombre
d’acteurs - non seulement des banques, entreprises, mais aussi les agences de
notation, les investisseurs, les fonds…- présents sur les marchés financiers. Ces éléments
ont induit des prises de risques plus grands mais aussi moins visibles puisque le risque
s’est réparti parmi un nombre d’agents toujours plus important.
La crise financière actuelle est le résultat d’une mauvaise conjoncture de la
baisse du prix de l’immobilier sur le marché américain du fait d’une croissance de
l’offre excessive (lié notamment à des plans de construction toujours plus nombreux)
d’une part, et de la hausse des taux d’intérêts du Fed (Banque Fédérale des EtatsUnis) d’autre part. Ces facteurs ont amené de nombreux américains à faire défaut sur
leurs crédits hypothécaires : le taux du crédit, établi à taux variable, augmentait, en
même temps que la valeur de l’actif censé représenter la garantie du crédit, à savoir le
bien immobilier, dégringolait. Ces crédits, appelés crédits subprimes, ont de plus été
répartis aux quatre coins de la planète par le processus de titrisation, revendus et
rempaquetés dans un objectif de dispersion du risque, qui a conduit finalement à la
dispersion de la crise.
Nous verrons donc dans un premier temps les interventions court-termistes
qui ont été mises en place pour apporter une réponse immédiate au problème de
liquidité, ainsi que les débats que ces actions précipitées suscitent. Cependant, la crise
financière actuelle et l’illiquidité traduit également un malaise plus grand qui s’est installé
au cours des dernières années, et nous verrons ainsi dans un deuxième temps le
problème plus global de perte de confiance qui requiert des interventions sur le
long terme, perte de confiance liée en partie à l’innovation financière qui développe
toujours plus de produits et l’impression que les maîtres de la finance sont eux-mêmes
dépassés par leurs propres créations.
I] Problèmes du court-terme
Intéressons-nous tout d’abord aux interventions rapides mises en place par les
institutions financières nationales et internationales, pour répondre à la crise des
liquidités qui est survenue avec la prise de conscience d’une situation de crise.
A] La doctrine du Prêteur en Dernier Ressort et le rôle du FMI dans les
crises
Pour comprendre les interventions actuelles, revenons d’abord sur les apports
théoriques qui ont structuré ces interventions. Ces interventions comportent une
dimension théorique qui renvoie à la doctrine du Prêteur en Dernier Ressort (PDR)
énoncée par l’analyste britannique W. Bagehot dès 1873. La doctrine du PDR présente
celui-ci comme une institution financière capable d’intervenir lorsqu’une banque est
confrontée à un problème d’illiquidité. L’existence d’une telle institution est primordiale
pour éviter de retomber dans des phénomènes de contagion tel que celui vécu en 1929,
où l’inquiétude s’est propagée parmi la population et à conduit les épargnants à un
bankrun, c'est-à-dire à se présenter massivement aux guichets des banques pour retirer
leurs épargnes, alors que la banque a déjà employé l’argent de ces épargnes pour
octroyer des crédits (c’est le principe de la création de valeur par la banque).
Pour aider des banques traversant une crise de liquidité, l’institution doit être
dotée de certaines caractéristiques inévitables, dont le plus important est le pouvoir de
création monétaire. Ce critère nous permet donc d’identifier les banques centrales
comme PDR habituel. Le PDR prête directement aux banques en situation de besoin de
2
liquidités. Trois critères principaux construisent le cadre d’intervention du PDR. En
premier lieu, le PDR ne doit prêter qu’en cas de crise de liqudité, et non en cas de crise
de solvabilité (qui traduit une mauvaise gestion et des risques de banqueroute bien plus
importantes) ; ensuite, ce prêt, qui revêt la forme d’un concours à court terme, ne se fait
pas sans pénalité pour l’institution bancaire concernée, qui doit de plus fournir une
garantie de remboursement ; enfin, pour apaiser les tendances anticipatives qui peuvent
déclencher un phénomène de contagion, le PDR doit clairement exposer ses motifs et
fixer les règles de son intervention.
Cependant, les banques centrales ne sont pas les seules à revêtir ce rôle de
prêteur ultime en cas de crise : le Fonds Monétaire International (FMI) s’est également
placé en tant que semblant de PDR dans le contexte de la crise financière actuelle. Les
objectifs du FMI ont beaucoup évolué depuis sa création en 1944 lors des accords de
Bretton Woods. Sa mission initiale était de proposer des facilités de financement (prêts
octroyés à des taux inférieurs à ceux du marché) pour des concours de court terme, pour
aider un pays traversant une difficulté financière passagère. Son rôle s’est étendu
aujourd’hui à celui de prévention des crises financières, l’incitant à agir sur le moyen
terme également. Dans ce même contexte de développement des prérogatives du FMI,
certaines mesures ont été développées dont les lignes de crédit préventives, dispositif
amorcé en 1999 pour éviter les phénomènes de contagion qui sont souvent générés
par une crise financière. C’est par cette voie que le FMI intervient aujourd’hui dans la
crise financière, pour finalement les mêmes raisons que le PDR. Cependant, le FMI
n’intervient pas auprès des banques, mais au niveau des Etats. Il n’est donc pas un PDR
tel qu’énoncé par la doctrine, mais le principe est le même, à une échelle différente.
Certains considèrent que, n’ayant pas un pouvoir de création monétaire, le FMI ne peut
pas intervenir pour faire face à une crise de liquidité. La réalité a démontré le contraire.
Par ailleurs, le FMI ne précise pas la limite de son intervention, dans l’objectif d’éviter les
anticipations négatives liées à un éventuel plafonnement des prêts du FMI, mais aussi
pour empêcher l’apparition d’une négligence chez les agents s’ils savent que quoi qu’ils
fassent ils seront secourus. Ceci nous incite à prendre conscience des difficultés
qu’implique la gestion d’une crise financière : n’étant pas, dans la pratique, en situation
de concurrence pure et d’information parfaite, il est extrêmement difficile de prévoir les
comportements dans ces situations.
Pour répondre à la question plus éthique de savoir qui, des banques centrales ou
du FMI, a la responsabilité d’intervenir en cas de crise, il me semble que ces
institutions n’agissent pas sur les mêmes éléments. A niveau national, c’est clairement la
banque centrale qui doit intervenir, puisque c’est elle qui fixe la politique monétaire de
son pays. Cependant, à échelle internationale, le FMI peut disposer de plus de moyens
pour sauver un pays de la banqueroute comme ce fut le cas par exemple pour l’Islande.
Enfin, lorsque, comme aujourd’hui, la crise propagée prend sa source aux Etats-Unis, le
FMI me semble d’autant plus à même d’être appelé pour un sauvetage puisque le
contributeur le plus important à ses fonds sont les Etats-Unis.
B] La réactivité des banques centrales face à la crise de liquidité
Maintenant que nous avons mieux ciblé les cadres préexistants à la crise
financière actuelle, voyons leur traduction dans la pratique. Au cours des derniers mois,
les banques centrales ont injecté massivement des liquidités dans les banques pour faire
face à la crise. Nous nous intéresserons à trois banques centrales principales : la Banque
Centrale Européenne (BCE), la Banque d’Angleterre et enfin la Banque Fédérale des
Etats-Unis (Fed). Ces trois institutions ont mis en place des dispositifs basés sur une
politique de liquidité, considéré comme l’élément le plus urgent. Pour les trois, la
rapidité de leur réactivité a permis d’éviter une situation qui aurait été sinon encore
plus catastrophique, et la coordination internationale dont elles ont su faire preuve
doit être félicitée.
La BCE, tout d’abord, a répondu à la crise par une injection de liquidité pour
suralimenter le marché. Elle a ainsi cherché à satisfaire les demandes des banques de
conserver des réserves excédentaires pour faire face à d’éventuels nouveaux chocs de
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liquidité, et pas seulement survivre au choc du moment. Ceci montre que les
établissements s’attendent à voir durer la crise au moins quelque temps puisqu’ils ne
conservent habituellement que très peu de réserves excédentaires, celles-ci étant
rémunérées aux taux les plus faibles.
La Banque d’Angleterre, ensuite, a également mis en place une politique de
liquidité, mais dans une moindre mesure que la BCE, et dans un plus grand respect de la
doctrine PDR. En effet, la Banque d’Angleterre continue à appliquer le taux de pénalité, et
ne prête que contre garanties. Seule exception, le cas de Northern Rock, banque anglaise
très importante sur le niveau national, où la Banque d’Angleterre est intervenue
d’urgence suite à un début de bankrun en septembre de 2008 (qui faisait lui-même suite
à une hésitation de la part de la Banque d’Angleterre d’intervenir dans un premier
temps). En respectant les taux de pénalité, la Banque d’Angleterre a mis certains de ses
établissements en péril. Cependant, elle l’a fait pour se protéger de l’aléa moral : d’un
point de vue moral, il n’est pas acceptable de sauver les banques en injectant des
liquidités qui proviennent des épargnes des propres consommateurs qui se trouvent
affectés par la crise, alors que les dirigeants des banques et les établissements restent
impunis. Il y a ici une balance à faire entre intérêt économique et morale sur le plan
national.
En ce sens, la crise financière actuelle a démontré la réalité du pouvoir des
banques TBTF (Too Big To Fail, c'est-à-dire trop essentielles pour l’économie pour qu’on
puisse refuser de les « sauver »). Il y a un arbitrage à faire en ce qui concerne ce genre
de banque, et il convient de réfléchir à des solutions pour sauver la banque proprement
dite sans pour autant laisser les responsables impunis. Seulement dans une crise comme
celle d’aujourd’hui, il y a tellement d’acteurs qui entrent en jeu qu’il est difficile de
déterminer la part de culpabilité qui revient à chacun. Selon les propos de Denis Flouzat,
« Tous [sont] coupables ! ».
Finalement, nous en venons aux actions mises en place par la Fed suite au
déclenchement de la crise. En plus d’une politique de liquidité similaire à celle de la
BCE et que nous ne commenterons pas plus en détail ici, la Fed à également contribué à
une politique de taux : en effet, c’était en partie sa décision d’augmenter son taux
directeur qui a accéléré le déclenchement de la crise. Après la crise, la Fed a donc
commencé un abaissement des taux (voir document 1), ainsi qu’un allongement des
opérations open market, donner un nouveau souffle au marché financier qui était alors
très tendu. Il faut bien comprendre la spécificité de la crise de liquidité actuelle. Cette
crise affecte essentiellement les banques, mais dans leurs relations interbancaires. Dans
une situation où une banque risque à tout moment de faire faillite, la défiance d’une
banque à une autre devient très importante. Les liquidités à court terme devenaient ainsi
très difficiles à obtenir, les banques étant peu enclins à faire des prêts entre elles. Ceci a
conduit les taux sur le court terme à augmenter, ce qui n’aurait rien arrangé puisque les
banques ont besoin de liquidités fraîches pour effacer le poids des crédits subprimes dans
leurs bilans et ce que la Fed visait entre autres à améliorer en abaissant les taux. Le taux
directeur est ainsi passé de 5,25% en 2006 (période de remontée des taux qui a conduit
au défaut de paiement de nombreux emprunteurs subprimes) à 4,75% en septembre
2008 pour finalement atteindre les taux les plus bas de son histoire en se resserrant
jusqu’à 0,25% en début d’année 2009. La baisse des taux facilite donc une relance, en
évitant de plomber les comportements spéculatifs de ceux qui ont emprunté pour
financer une activité. Pour la Fed il est très important de ne pas mettre de frein à
l’économie ni à la croissance, ce qui explique sa politique d’abaissement des taux.
Transition
Quelques limites sont à formuler cependant en ce qui concerne ces interventions
des banques centrales. En effet, il faut faire attention à ne pas déresponsabiliser les
banques ni leur donner pour habitude de compter sur les PDR (car c’est déjà arrivé, avec
LTCM en 1998, et il ne faudrait pas que ça arrive trop souvent. Il importe aux banquiers
de bien faire leur travail de valorisation des risques). Ceci nous amène donc à considérer
4
dans un deuxième temps les interventions qu’il faudra espérer voir sur le long terme,
suite à cette crise financière d’ampleur particulière. Aura-t-elle eu un impact assez
important pour insuffler de réels changements dans un système qui, depuis la fin du
Système Monétaire International (SMI) en 1974 et la disparition de l’étalon-or, s’appuie
essentiellement sur la confiance ?
II] Problèmes du long terme
A] Transparence et simplicité vs innovation financière et croissance
Une des particularités de la crise financière actuelle est le rôle qu’y a tenu
l’innovation financière. En effet, il est possible dans un premier temps de définir les
crédits subprimes comme un produit de l’innovation financière, bien que assez simple,
dans la mesure où le collateral (garantie) généralement requise pour l’octroi de n’importe
quel prêt est ici concentré dans la valeur du bien qui sera acquis grâce au même prêt.
Cette innovation, dont l’objectif était de permettre à une grande classe moyenne
américaine de devenir propriétaire d’un bien immobilier, a été très chaleureusement
accueillie et la prime de risque qui correspondait à ces crédits a été largement sousévaluée. Notamment le risque introduit par l’établissement des crédits à taux variables a
été mal comprise et sous-estimée. Mais l’implication de l’innovation financière dans cette
crise ne s’arrête pas là. La titrisation de ces crédits, qui visait dont à les revendre et les
découper et rempaqueter pour répartir le risque qui leur incombait, a contribué sans que
cela ait été voulu à la dispersion de la crise à l’échelle internationale. La situation est
devenue tellement confuse que « on a découvert que des banques qui avaient fait sortir
par la porte les crédits accordés ont fait revenir leurs semblables – bien empaquetés –
par la fenêtre via l’acquisition de parts des fonds de placement qui les détenaient »1
Ceci nous amène à nous interroger sur le statut de l’innovation financière : son
utilité ne peut pas être remise en question car elle est une source d’efficience et de
croissance indéniable. En effet, la titrisation a permis de libérer du capital des banques
pour faire plus d’investissement productif. Cependant, il y a peut-être un arbitrage à faire
entre le gain d’efficience liée à l’innovation financière et la perte de lisibilité et de
transparence qu’elle induit également. En effet, un des problèmes majeurs pour les
banques qui comptent aux bilans des crédits « toxiques » est dans la valorisation de ces
crédits. Mais puisque la traçabilité des crédits est très longue et complexe, il est difficile
de déterminer quelle est la part réelle des crédits affectés.
Le paradoxe est évident : la prévention des risques systémiques légitime une
dispersion du risque, qui se fait par la multiplication des produits financiers, et donc
l’innovation financière, alors que le souci de transparence et de traçabilité qui nous
permet également d’être plus à même d’anticiper les risques pousse à favoriser une
certaine concentration des risques. Comme souvent, la meilleure option se trouve
dans un juste équilibre entre ces deux éléments. Selon André Lévy Lang, ancien
président de Paribas et professeur à Paris-Dauphine, « Le système financier a été trop
loin dans la sophistication et trop loin dans l’utilisation du crédit »2.
Le danger de cet emballement des techniciens financiers se trouve dans une perte
de confiance généralisée dans le système. Plus généralement, c’est l’ensemble des
acteurs du système financier, tant les investisseurs que les agences de notation, qui
donnaient aux crédits subprimes des AAA, tant les banquiers que les fonds de placement,
qui doit faire un effort en termes de transparence et évaluation des risques. Ce sont
notamment les autorités financières nationales (telles l’Autorité des Marchés Financiers,
AMF, en France ou la Securities Exchange Commission, SEC, aux Etats-Unis) qui doivent
vérifier l’enregistrement systématique des fonds, renforcer l’exigence de leur
transparence, garantir l’information pour tous les agents.
Pierre Cabon, « La crise bancaire n’est-ce qu’un mauvais moment à passer ? » in « Dossier, la crise
financière », Sociétal, numéro 59
2
André Lévy Lang, « Les banques, les marchés et la confiance » in « Dossier, la crise financière », Sociétal,
numéro 59
1
5
Sur le long terme, l’élément de la transparence doit être respecté de façon
universelle. Mais on voit là précisément le problème lié aux places off-shores, qui n’ont
pas pour obligation d’être transparentes et qui en plus offrent un échappatoire pour les
mauvais joueurs qui seraient lassés de se plier à des règles trop autoritaires. C’est le
phénomène de l’offshorisation ou le delisting des fonds. Aujourd’hui, on peut noter une
plus grande coopération de la part des off-shores, même si leur statut reste toujours
complètement indépendant du reste de l’architecture financière. Ce statut sera-t-il
amené à changer dans le futur ? Sans rentrer dans plus de détails sur le sujet très
complet des places off-shores, nous pouvons noter que le président Obama s’est dit prêt
à faire un geste sur les paradis fiscaux 3, à l’occasion du prochain sommet du G20 sur la
crise financière, qui débutera le 2 avril 2009 à Londres. La France (et notamment le
président Sarkozy) a, quant à elle, insistée sur la nécessité d’aborder le sujet d’une
régulation financière, ce qui nous amène donc à considérer l’arbitrage régulation/autorégulation, un débat (re)soulevé par la crise financière actuelle.
B] Régulation ou auto-régulation ?
La crise financière a relancé le débat régulation/auto-régulation mais sous un
angle complètement nouveau. Aujourd’hui, ce sont les défenseurs les plus farouches de
l’auto-régulation qui réclament une intervention de l’Etat pour les sauver de la crise. De
l’autre côté, certains estiment que la crise ne mérite aucune régulation car c’est déjà
l’intervention des acteurs dans le libre fonctionnement du marché (par exemple la
politique monétaire de taux délibérément bas menée par la Fed de 2000 à 2004, voir
document 1) qui a conduit à l’état des choses actuel. Tel est l’avis de Pascal Salin par
exemple, professeur à Paris-Dauphine.
Il me semble que quelles que soient les raisons qui aient mené à la crise, une
régulation est, à l’heure actuelle, nécessaire pour éviter la propagation de la crise ou la
détérioration de l’économie. En ce qui concerne l’auto-régulation, certains acteurs
privés ont cherché à prendre une « reréglementation » de vitesse en proposant euxmêmes de nouvelles voies à prendre. C’est le cas d’un grand nombre de hedge funds par
exemple, ces fonds parfois hautement spéculatifs et souvent accusés de faire du tort à
l’économie. C’est ainsi que quatorze des plus gros hedge funds basés à Londres ont
préconisé le respect de certains standards irréprochables en matière de transparence et
de gouvernance. Une des limites liée à l’auto-régulation tient cependant à l’incapacité de
coercition sur les autres acteurs, chose propre aux pouvoirs publics seulement.
Dans le contexte actuel, il me semble que la solution pour le long terme est une
meilleure régulation de ces acteurs, même si cette solution est très difficile à mettre en
place. Elle requiert une grande coopération entre les acteurs. A ce titre, il convient de
citer certains processus de régulation qui ont été mis en place dans les dernières années,
qui ont pris les noms de Bâle I et Bâle II suite au Comité de Bâle. Ce comité ne peut
émettre que des recommandations et n’a aucun pouvoir législatif, cependant il est
l’exemple d’une tentative de coordination internationale de la régulation
financière, ce qui est un point très positif. Au niveau européen, les recommandations de
Bâle I (1988), récemment remplacé par Bâle II (2006) sont transférées (parfois avec
quelques modifications) sous forme de directives dans la législation européenne,
directives qui sont ensuite reprises au niveau des lois nationales. Le Comité de Bâle a
permis notamment de mettre en place un ratio de solvabilité (appelé ratio Cook pour
Bâle I et ratio McDonough pour Bâle II), pour mieux comprendre l’importance des fonds
propres bancaires. De plus, Bâle II vise à une plus grande supervision bancaire, ainsi que
renforcer la discipline de marché.
Cependant, nous pouvons souligner également l’importance de la gouvernance,
car ce sont les acteurs mêmes qui doivent ressentir une responsabilité pour que le
système fonctionne. Tout comme le scandale Enron a amorcé une volonté générale
d’établir une meilleure gouvernance « corporate », peut-être que la crise financière
3
Le Figaro, information à la Une du journal du 1er avril 2009
6
actuelle, à laquelle s’ajoutent d’autres scandales également comme celui de Madoff,
incitera-t-elle à encourager une meilleure gouvernance bancaire et financière.
Conclusion
Un élément qui est propre à toutes les crises, tant financières qu’économiques, est
qu’on en ressort toujours plus savant. La régulation n’est finalement qu’une mesure
préventive, qui se base sur nos connaissances des crises précédentes et les hypothèses
que nous émettons sur le fonctionnement des marchés et des comportements. Il est
pratiquement impossible de « prédire » une crise, tant qu’on ne l’a pas vécue on ne sait
pas ce qui la déclenchera, cependant une fois que la crise a été déclenchée, nous
pouvons en trouver la source avec assez de précision, et en tirer des leçons pour le futur.
Dans l’absence de la possibilité de prédire les crises, nous devons opter pour une
meilleure gouvernance et une plus grande prudence, leçon essentielle à retenir de la
crise actuelle. Prudence dans l’évaluation du risque, prudence dans la rapidité des
échanges ; dans ce milieu immatériel la valeur en jeu peut être vite oubliée. La crise
financière actuelle n’est qu’une crise passagère, et il est bon de mettre en place des
mesures interventionnistes pour pouvoir en limiter les dégâts. Mais sur le plus long
terme, nous devons encourager la coordination internationale, la responsabilisation des
acteurs, autant de mesures qui nous permettront de limiter l’ampleur de la violence
de la prochaine secousse.
Bibliographie
-
Denise Flouzat, Christian de Boissieu, Economie contemporaine, Tome 2, Les
phénomènes monétaires, Thémis Economie, 2004, éd. puf,
-
Sous la direction de Jean-Marc Daniel, « La crise financière », Sociétal, janvier
2008, n°59, éd. puf
-
Gérard Lafay, « L’économie et la finance dans la crise des subprimes », et Pascal
Salin, « Liberté des marchés et crise financière », dans Géopolitique, juillet 2008,
n°102
-
« Un sommet historique », Le Figaro, une du premier avril 2009 (n° 20 115)
« La Fed abaisse son taux directeur à son plus bas historique », Les Echos,
16/12/08, http://www.lesechos.fr/info/marches/300317390-la-fed-abaisse-sontaux-directeur-a-son-plus-bas-historique.htm
7
Annexe
Document 1
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