entre ignorance de la problématique de la mondialisation

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UNIVERSITE MONTESQUIEU BORDEAUX 4
MASTER DROIT ET SCIENCE POLITIQUE
MENTION SCIENCE POLITIQUE
Histoire de la pensée politique occidentale II
- Théorie de la mondialisation culturelle -
Cours de Madame Blanc-Noel
2008 - 2009
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Introduction............................................................................................................................................. 3
I - Phénoménologie critique de la modélisation culturelle ..................................................................... 6
A. le concept de culture dans les sciences sociales ............................................................................. 6
B. Des concepts complémentaires ...................................................................................................... 9
1. Le concept d’acculturation .......................................................................................................... 9
2. Le concept de civilisation........................................................................................................... 10
3. Le concept d'identité ................................................................................................................. 12
C. La conceptualisation de la mondialisation .................................................................................... 13
1. Quelques lectures scientifiques de la mondialisation ............................................................... 13
2. Les dimensions spatiales, historiques et temporelles ............................................................... 14
3. Dimension historique et temporelle ......................................................................................... 15
D. La dialectique culture / mondialisation ........................................................................................ 18
II - les grands paradigmes de la mondialisation culturelle .................................................................... 19
A. le paradigme de l'uniformisation du monde................................................................................. 19
1. L'approche négative : unification par domination du marché et de l'occidentalisation........... 19
A. L'UNIFICATION PAR LE MARCHE ..................................................................................................... 19
B. L'OCCIDENTALISATION DU MONDE ................................................................................................. 21
2. Une approche plus positive : la perspective cosmopolitiste ..................................................... 24
B : Le paradigme du mélange des cultures ....................................................................................... 27
1. la théorie de l'hybridation ......................................................................................................... 28
COMPLEMENTS ..................................................................................................................................... 28
Hégémonie et cultures dans la mondialisation : trois paradigmes et une exception française ....... 28
Le paradigme de l'uniformisation du monde................................................................................. 30
Le paradigme essentialiste ............................................................................................................ 33
Le paradigme de l’hybridité ........................................................................................................... 35
« L'exception française »: entre ignorance de la problématique de la mondialisation culturelle et
engagement extrême .................................................................................................................... 37
2
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 40
Introduction
Tout remonte à la chute du mur de Berlin et à l'accélération de la mondialisation qui prend son
ampleur dans les années 90, avec une mise en présence de plus en plus profonde des peuples et de
leur culture. Cela va avoir rapidement des conséquences très grandes et parfois même très violentes.
Ce phénomène a donc une grande importance politique, qui se dédouble en 2 champs :
- Le champ des relations internationales qui s'intensifient, qui s'accélère : notamment
dans les relations Nord-Sud, l'incompréhension internationale, la violence internationale,
le terrorisme...
- Le champ des espaces nationaux est aussi bouleversé ; des frontières de plus en plus
floues et perméables qui vont créer des problèmes inédits aux États-nations : problèmes
de citoyenneté, de migration, de revendications identitaires...
Le concept de mondialisation est devenu très à la mode, sorte de valises, employé par les journalistes
et dans tout notre quotidien. Il s'agit pourtant d’une notion assez floue, d'une icône du tout et
n'importe quoi, un peu fantasmatique (certains sont pour, d'autres contre, certains ont peurs,
d’autres euphoriques). D’un point de vue sémantique, la mondialisation connaît une multiplicité de
définition, avec comme point commun l'accroissement de l'interconnectivité du monde :
l'accroissement du nombre, de la vitesse, de l'intensité des échanges mondiaux dans tous les
domaines de l'activité sociale :
-
En économie, on parle d'interdépendance économique croissante, d'intensification des
flux commerçants et financiers.
-
En technologie, c’est une révolution des communications, avec une place de plus en plus
importante d’Internet, de la télévision, des satellites, des téléphones portables...
-
En politique, on assiste à un phénomène croissant des flux, avec des effets différents tels
la multiplication des régimes politiques, des OI
, du droit international notamment pénal, de la montée en puissance des O.N.G. et des
autres organisations (mafieux, terroristes, migration...)
-
-
Dans le domaine culturel, mobilité accrue des biens culturels mais aussi une
augmentation des échanges culturels par le biais du tourisme notamment grâce au low
cost et aux nouvelles techniques d'information et de communication (NTIC) qui favorise
la circulation de l'information, des idées (exemple de militantismes mondiaux, d'artistes
nés sur le net...)
3
On peut ajouter à cette des éléments un phénomène de prise de conscience de la nouveauté de la
situation, d'où un nouveau nom : la mondialisation. Autrefois, on faisait de la mondialisation sans le
savoir, mais aujourd'hui le concept est nommé, c'est une représentation construite depuis le début
des années 90.
L'aspect le plus directement perçu par les acteurs est surement sa dimension culturelle, avec de
nombreux exemples en tête pour tout le monde ; par exemple l'invasion de certaines marques
commerciales (McDonald's, Coca-Cola...) Ou encore d'icônes politiques (José Bové, Barak Obama...)
Mais aussi des stars du showbiz comme Madonna, de musique, de films, etc. On assiste aussi à la
diffusion simultanée d'information dans le monde entier, par exemple l'investiture de Barak Obama
qui fut une première en la matière. Plus subtilement, on assiste à la diffusion de certaines valeurs
comme la démocratie, au moins d'une manière formelle, mais aussi l'écologie, le développement
durable, les normes concernant la bonne gouvernance, le droit international...
La mondialisation est donc une expérience concrète pour tous les acteurs dans le monde. C'est un
phénomène dont l'étendue et le volume n'a pas d'équivalent historique. Selon le sociologue anglais
David Held, c’est « un trait unique et sans équivalent de la fin du XXe siècle et du nouveau
millénaire ».
Pourtant très peu étudié en sciences politiques, il s'agit d'une matière fondamentale pour la
compréhension du monde. La mondialisation culturelle est à la fois le contexte est la conséquence de
la mondialisation, des autres domaines touchés (économique, technologique...). Elle affecte de plus
en plus nos manières de penser le monde, de donner un sens aux événements. Elle a des implications
sur nos sociétés, nos comportements et sur la vie politique.
D'abord objet d'élucubrations fantasmatiques, de batailles politiques, de débats non résolues :
uniformisation du monde imposé par la puissance économique occidentale, voir des États-Unis ou
dialogue amélioré entre les différentes cultures ? Le tout pour savoir s'il s'agit d'une occidentalisation
ou d'une meilleure expression la diversité culturelle ? La question est toujours en suspens.
On peut se demander aussi si ce n'est pas plutôt un métissage mondial, une sorte de processus
d'hybridation douce.
Sur le plan politique, la mondialisation à de nombreuses conséquences avec cette mise en présence
des cultures :
-
sur le devenir de l'État : beaucoup estiment que l'État-Nation est menacé et que vont se
multiplier beaucoup d'autres acteurs aussi important.
-
Sur la démocratie : certains disent qu’elle est favorisée : augmentation de la pratique et
des valeurs démocratiques, régimes autoritaires dans l'oubli, progression des droits de
l'homme, justice pénale internationale, société civile internationale, OI, ONG.
D'autres pensent que cette démocratisation est liée à l'expansion du capitalisme
mondial, plutôt imposé par les OI internationales financières tel le fond monétaire
international (FMI) ou la banque mondiale (BM). La mondialisation favorise aussi les
4
extrémismes, notamment le phénomène sectaire et les extrémismes religieux. Mais aussi
des mouvances internationales comme les altermondialistes.
-
Sur l'identité nationale : le lien entre l'État et citoyen est de plus en plus remis en
question car le nombre d'individus qui se sentent concernés par les flux migratoires sont
en constante progression et pose la question de la mixité ou du métissage. C'est le retour
sur le devant de la scène de la question de l'identité nationale, de la coexistence des
cultures dans un même État (multiculturalisme), des rencontres des cultures au plan
international. Y-a-t-il, comme l'avait prédit HUNTINGTON, un véritable choc des
civilisations ?
Cependant, on peut remarquer que ce multiculturalisme international n'est pas inédit. C'est un
thème éternel aussi vieux que l'humanité. Les communautés spécifiques culturelles ont toujours
échangé : métissage, acculturation. C'est un trait typique de l’histoire de l'humanité avec de
nombreux exemples. Pensons à cette statuette de bouddha retrouvé dans des vestiges vikings, un
jeu d'échecs créés en Inde et retrouver en Irlande, ou encore de la cocaïne qui entourait le
sarcophage d'un pharaon égyptien alors que les feuilles de coca ne poussent que en Amérique.
Ce qui change véritablement aujourd'hui c'est l'étendue le volume et la vitesse des échanges. Ce qui
est différent c'est aussi que pendant la guerre froide, on a relégué au second plan la question de la
culture, à l'ouest comme à l'Est. A l’est, on est avant tout soviétique, pas baltes ou slovaques...on
pense d'abord stratégie de bloc, le reste étant du folklore. À l'ouest, ce qui prime c’est la liberté et la
démocratie, quitte à étouffer les revendications identitaires. C'est ainsi que Lapid et Kratochwil
parlent du retour de l'identité et des cultures dans les relations internationales en 1997.
Les conditions de ce changement de perspective :
-
D’abord un changement de paradigme en sciences sociales lié au déclin des grandes
idéologies, notamment du côté du marxisme qui occupait une grande importance mais
qui s'effondre dans les années 90. On recherche alors d'autres paradigmes. En parallèle,
on assiste à la progression du libéralisme politique économique, grâce à cet échec
marxiste et amplifiée par la crise de la dette dans les années 80 qui touche le TiersMonde (d'abord le Mexique, puis par effet domino tous les pays du tiers-monde). Les
organisations OI financières, FMI et banque BM, vont alors imposer des plans
d'ajustement structurel pour redresser ces économies, avec des pratiques de l'économie
libérale imposée (privatisations, dégraissions d'administration pléthorique et corrompue,
mécanisme juridique libéral...). D'où une certaine vague de libéralisation des échanges
en même temps qu'une vague de démocratisation. REVEL parle de « regain
démocratique ». Ces évolutions entraînent des changements paradigmatiques et de
nouvelles situations dans la dimension culturelle.
-
La question culturelle devient un enjeu politique majeur au XIXe siècle. Les
revendications identitaires avec la Yougoslavie, les pays baltes, le problème kurde, les
conflits ethniques comme au Rwanda, sont de nouveau d'actualité. On assiste à un
mouvement mondial de contestation de la domination occidentale dont l'islamisme
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radical est une des formes d'expression parmi d'autres (altermondialiste, théorie
critique, théorie postmoderne, néomarxistes...). Cette critique est due notamment à
l'échec marxiste et à l'écrasante surreprésentation du modèle occidental dans le monde.
En parallèle, les revendications culturelles sont aussi devenues un débat, un enjeu au
sein même des états. On parle de multiculturalisme, de revendications communautaires,
d'immigration, de progression des droits de l'homme dans certains pays (pour les
femmes et les enfants notamment). De nombreux problèmes de conciliation entre les
identités nationales et les particularismes culturels se posent. Exemple de la Yougoslavie,
des pays baltes, des peuples premiers, des indigènes de la république en France, des
minorités visibles et des quotas encore récemment dans la loi sur l'audiovisuel.
-
Le bond technologique de la fin du XXe siècle est énorme notamment en matière de
communication avec les NTIC (Internet, satellite, téléphone portable...) C'est un
changement de perspective au niveau de tous les acteurs, une augmentation aussi
énorme des contacts physiques avec les voyages et le tourisme.
-
Enfin un événement majeur va pousser à ce changement de paradigme, c'est le 11
septembre 2001, rupture fondamentale dans l'analyse des relations internationales.
C'est un événement symbolique de la révolte contre l'Occident, la culture américaine, le
libéralisme économique, donnant raison à Huntington.
C'est un événement très paradoxal puisque les terroristes s’opposent à une certaine
lecture de la mondialisation alors qu’eux-mêmes sont la quintessence de cette
mondialisation ; il s'agit de terroristes qui ont reçu une éducation, souvent dans les pays
occidentaux, qui ont beaucoup voyagé, qui utilisent les réseaux et les NTIC. On assiste
donc à un retour du culturel dans les relations internationales et à l'émergence de
nombreux réseaux avec des rôles importants face aux Etats, notamment avec ce
phénomène religieux qui a dépassé les nations (terrorisme plurinational).
Le sociologue Alain Touraine, Un nouveau paradigme pour comprendre le monde aujourd'hui,
explique le passage du paradigme politique au XVIIIe siècle à un paradigme économique et social
tout au long du XIXe et XXe puis à un paradigme culturel aujourd'hui depuis le 11 septembre. Robert
Robertson parle de « tournant culturel ». C'est un débat prégnance que ce retour du culturel, surtout
chez les Anglo-Saxons.
Anthropologie, sociologie, histoire, sciences de la communication mêmes et sciences politiques des
RI : cette pluridisciplinarité est nécessaire pour comprendre un monde qui est sans cesse lié à ces
tensions mondiales. Trois exemples parmi d'autres : celui de l'OPA de Mittal sur Arcelor où on a
entendu parler de « patriotisme économique » en France, l'histoire des caricatures de Mahomet qui
a fortement ému le Moyen-Orient et enfin l'élection de Barak Obama qui montre bien l'hybridation
du monde occidental.
I - Phénoménologie critique de la modélisation culturelle
A. le concept de culture dans les sciences sociales
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C'est un concept assez flou, polymorphe, et pendant longtemps la raison de cette désaffection par
les recherches. Historiquement il est assez étranger des disciplines de droit et de sciences politiques.
Les pionniers vont être les Anglo-Saxons.
Le concept de culture est le concept de phare de l'anthropologie qui a occupé les réflexions, surtout
britanniques à cause de la réalité coloniale. Un des premiers à étudier la question est Edward Tylor
(1832-1917), fondateur de l'anthropologie britannique qui donne la première définition de la culture
: « c'est un tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, la morale, le droit, les
coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l'homme en tant que membre d'une
société ». La culture est alors l'expression de la totalité de la vie sociale de l'homme. Pour lui c'est un
mot volontairement neutre, qui s'opposent au concept de civilisation, connotée à son époque
positivement (on parle des civilisés contre les barbares). Il veut rompre avec cette approche
manichéenne et prouver la continuité entre les cultures primitives et les cultures les plus avancés. Il
se place bien dans la lignée de l'évolutionnisme de Darwin où il n'y a pas de différence de nature
entre les cultures, simplement des degrés d'avancement.
Citons ensuite Bronislaw Malinowski, anglais lui aussi (1884-1942) qui continue cette tradition en y
ajoutant le fonctionnalisme, c'est-à-dire le fait que tout trait culturel remplit une fonction, que toute
coutume répond à des besoins collectifs ou individuels.
De plus, toute culture tend à sa conservation à l'identique, le changement venant toujours de
l'extérieur. Il a amélioré les techniques d'anthropologie en inventant notamment l'observation
participante.
L’anthropologie américaine a ensuite pris le relais, avec notamment Franz Boas (1858-1942) qui
fonde la méthode monographique de l'observation directe (c'est-à-dire observer et noter tous sans
exception). Il combat l'évolutionnisme de Tylor. Il n'y a pas selon lui de loi générale d'évolution des
cultures. Il invente ainsi le relativisme culturel, c'est-à-dire qui insiste - dans sa version modérée - à
dire que les cultures se valent, qu’il n’y en a pas de meilleur que d'autres. Le chercheur doit alors être
neutre, sans jugement de valeur car chaque culture est unique, spécifique et il faut la comprendre
dans sa totalité.
Très vite, anthropologie devient culturelle grâce au multiculturalisme des États-Unis, avec ses vagues
d'immigration et où le modèle d'intégration nationale se forme autour de communauté reconnue.
On peut penser à l'école de Chicago et l'étude de l'immigration, des étrangers dans la ville.
Les anthropologues vont aussi faire le lien entre la personnalité individuelle et les sociétés dans
laquelle l'homme vie. Margaret Mead étudie notamment la transmission culturelle par l'individu.
Ralph Linton s'intéresse lui à la personnalité et la culture. D'autres, comme Abraham Kardimer, ont
montré au contraire que chaque individu est certes marqué par la culture du groupe, mais que
chacun intériorise à sa façon cette culture.
En France on aura beaucoup de retard dans ce domaine de la culture, a cause de l’âge d’or de la
sociologie qui occulte le reste du champ (période de Durkheim) et où la question du culturel sera
longtemps considérée comme une annexe de la sociologie. On utilise surtout le terme de civilisation
7
le mot culture n'était que l'ensemble des créations de l'esprit, les arts et les lettres. Aujourd'hui, les
deux termes sont différenciés.
Si on a utilisé pendant longtemps le mot civilisation, c'est aussi avec la révolution française et son
héritage : la civilisation que les Lumières voulaient apporter au monde entier. Ce discours se
retrouvera dans les vagues de colonisation du second empire et de la IIIe République avec la «
mission civilisatrice » de la France.
Une raison politique aussi, de propagande rivale contre l'Allemagne qui préfère le concept de Kulture
qu’il différencie de la civilisation. La Kulture allemande est l'authenticité de l'enrichissement spirituel
et intellectuel ; valeur de la bourgeoisie intellectuelle. La civilisation désignant tout ce qui est
superficiel, léger, brillant, à la mode, valeur de l'aristocratie cosmopolite et francophone.
Au XIXe siècle en Allemagne, on lie le mot Kulture au concept de nation, notamment avec Herder. La
culture devient le génie national de chaque peuple. La civilisation devient synonyme de progrès
technique, matériel. La culture, c'est l'âme du peuple.
À la même époque pour les français, la civilisation c’est l'universalité ; on met en avant la nature
universelle de l'homme. Père de l'opposition entre ces deux concepts, Norbert Élias dans la
civilisation des mœurs. Le concept de culture en France apparaît dans le 30 avec la sociologie qui se
scinde, et l'apparition de la sociologie de terrain, surtout chez les africanistes comme Michel Leiris ou
Marcel Griaulle. Ils sont très prudents au départ et pense que ce sont des termes interchangeables.
Durkheim avait déjà avec une conception de la sociologie anthropologique : comprendre la société
dans toutes ses dimensions, y compris culturelle. Il utilise peu le terme de culture, il développe le
concept de conscience collective : « l'ensemble des croyances et des sentiments communs à la
moyenne des membres d'une société, qui transcende les individus, s'impose à eux comme un fait
social » (la division est du travail sociale).
Dans cette perspective, c'est le religieux qui est au centre de la culture. Il pense que lorsqu’une
conviction est partagée dans une société, elle prend forcément une forme religieuse. Mais il pense
que la culture évolue lorsque les sociétés se transforment : on passe du nomadisme aux sociétés
agricoles puis l'apparition de la religion.
Lorsque la division social du travail progresse, on a observé une régression de la religion qui va
occuper une partie de plus en plus réduite de la vie sociale. Elle va être parfois continuée par d'autres
domaines, comme la morale de l'État laïque par exemple. Cependant, Durkheim n'est pas
évolutionniste, c'est-à-dire qu'il refuse un schéma unilinéaire qui irait pour chaque société. Il est
aussi relativiste, c'est-à-dire qu'il montre que les « primitifs » étaient bien aptes à la pensée logique
et rationnelle.
Un des premiers anthropologues français, Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939), étudie les cultures
primitives et crée l'Institut d'Ethnologie de l'Université de Paris en 1925. Il va réfléchir aux différences
de mentalités entre les peuples et pense que tous les peuples ont une mentalité logique et
prélogique qui coexistent. Il refuse l'évolutionnisme dépend des mentalités. Les primitifs ne sont pas
des peuples de « grands enfants » comme on a pu le croire à une certaine époque, discours qui a eu
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un très grand impact politique, notamment avec la colonisation sous Ferry. On abandonne
notamment le concept de « conscience collective », développé avec Durkheim.
Un autre anthropologue célèbre français, Claude Lévi-Strauss, dont on a fêté les 100 ans en 2008, va
s'acclimater à l'anthropologie culturelle car il a vécu aux États-Unis. Il importe beaucoup d'idées en
France, notamment l’idée que la culture est une totalité des éléments de la vie en société. Sa grande
théorie était que les cultures particulières ne pouvaient pas être prises sans référence à une grande
Culture, capital commun de l'humanité. Les cultures particulières puisent leurs éléments
anthropologiques structuralistes dans cette Culture commune : on peut découvrir des catégories, des
structures inconscientes de l'esprit humain à travers les différentes cultures. Il recherche donc des
invariants culturels que l'on trouve dans toutes les cultures : c'est un point de vue relativiste. (Il faut
être conscient qu'il n'a pas trouvé énormément d’invariants culturels, hormis peut-être celui du refus
de l'inceste).
À lire : Deny Cuche, la notion de culture dans les sciences sociales, repère numéro 205.
B. Des concepts complémentaires
1. Le concept d’acculturation
Ce concept très important montre que les cultures ne sont pas des silhouettes penchent ilots
étanches. Elles se construisent au contact des autres. C’est un concept qui a été vulgarisée à mauvais
escient très souvent.
En France, c'est un concept beaucoup étudié par Roger Bastide (1898-1974). C'est lui qui signe
notamment l'article acculturation dans l'encyclopédie universalis. Cela concerne les contacts entre
les cultures. Avant lui, l'Américain perce qu'au Herskovitz avait analysé la culture des noirs
américains, avec un phénomène de syncrétisme culturel. L’acculturation serait « l'ensemble des
phénomènes qui résultent d'une contact continu et direct entre des groupes d'individus de culture
différente et qui entraîne des changements dans les modèles culturels initiaux de l'un ou des deux
groupes ».
Concept à différencier et à ne pas confondre avec :
Le changement culturel car un changement peut être endogène alors que
l’acculturation est toujours extra gène.
La déculturation qui n'y a implique une perte de la culture d'origine. Ce n’est pas le
cas de l’acculturation.
L’assimilation, qui est souvent considérée comme la phase ultime de l'acculturation.
La diffusion, autre grand concept qui fait débat au XIXe siècle entre les
évolutionnistes et les diffusionnistes. Alors que la diffusion parle d'échange déjà
vécu, du passé, l'acculturation est quelque chose qui est en train de se faire.
Une simple conversion d’une culture à une autre, car les cultures en contact se
transforment par cette sélection d’éléments culturels empruntés. La sélection se fait
selon la tendance de la culture preneuse et selon ce que la culture donneuse offre.
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L’acculturation n’entraîne pas forcément la disparition de la culture initiale c’est plutôt
l’appropriation d’une nouvelle culture, un ensemble d’interactions réciproques.
Bastide ajoute que l’acculturation connaît 2 principes fondamentaux :
 Les éléments non symboliques, technique, matérielle, technologique, sont plus facilement
transférables.
 Un trait culturel va être mieux accepté s'il prend une signification en accord avec la culture
preneuse.
Le champ d’étude de l'acculturation est extrêmement vaste : étude des éléments psychologiques
favorisant l’acculturation, les modes de sélection, les phénomènes de résistance, les phénomènes de
contre acculturation.
L'acculturation n'est en tout cas jamais à sens unique, c'est toujours une « interpénétration », un
« entrecroisement des cultures ».
Bastide lui ajoute le principe de coupure. L’acculturation ne rend pas forcément les individus
malheureux, déracinés ou inadaptés. Il prend l'exemple des noirs brésiliens qui font coexister la
religion candomblé avec parfois un comportement d'agent économique ultra rationnel. Ce n'est pas
incohérent au niveau de l'individu, qui découpe l’univers social en compartiments, quelquefois
complètement étanches et auxquels il participe de façon différente. Les individus ne vivent pas alors
entre deux cultures mais dans les deux à la fois. Ce concept de coupure est utilisé lors de l’étude des
phénomènes d'immigration, notamment chez Abdelmalek Sayad.
Bastide avait quand même conception optimiste de la marche marginalité culturelle qui pour lui
reste très adaptable ; ils pensent même que c'était dans ces situations qu'on était plus créatif, voire
qu'on y trouvait des grands leaders du changement social.
2. Le concept de civilisation
C’est l’entité culturelle la plus large. C’est un ensemble de peuples ou de société. Aujourd'hui, cela
n'a plus rien à voir avec le clivage civilisation/barbare. Je Le concept est assez flou, difficile à
distinguer de celui de culture.
C'est Marcel Mauss qui a essayé de réconcilier les 2 en disant que la civilisation était le regroupement
de plusieurs sociétés et était lié au passé des sociétés. Il distinguait donc les deux en fonction du
volume, la civilisation étant plus vaste et ancienne que la culture.
La notion a quand même été remise en question par Samuel Huntington dans son choc des
civilisations, se référant notamment selon lui à Braudel. C'est que Braudel, dans la grammaire des
civilisations, explique que pendant longtemps culture et civilisation ont été des mots assez
synonymes et se sont séparés avec l'anthropologie britannique. Le pluriel apparaît en 1819 : on parle
des civilisations, c'est à dire dans le sens de collectivité, de groupe, mais aussi les de l’état d’un
groupe à une époque.
10
Braudel essaye d'être concret en se basant sur cinq dimensions :
 les civilisations sont des espaces ou tout du moins toujours liés à un espace à peu près stable.
Il y a un lien entre les civilisations et l'environnement où elle vit, avec ses contraintes et ses
jeux. C'est un espace où l'on trouve des traits culturels communs. Mais ces espaces peuvent
se décomposer (l'Occident est fait de l'Europe, des États-Unis, de la Russie...). Les frontières
des civilisations sont perméables, non refermées sur elles-mêmes, elles échangent entre
elles. En 1963, avec la croissance des échanges, Braudel se demande si elles ne tendent pas à
disparaître et à s'uniformiser.
 Les civilisations sont très liées aux sociétés. Par exemple, la civilisation occidentale est liée à
la société industrielle. La civilisation, c'est une vision du monde nécessairement dominé par
des tensions sociales dominantes. Par contre, la civilisation est plus durable que les sociétés
qui évoluent plus vite. Par exemple la civilisation occidentale est passée de la société
industrielle à la société postindustrielle en quelques décennies seulement.
 La dimension économique : les civilisations sont aussi des économies : « Les conditions
matérielles et biologiques pèsent sans fin sur le destin des civilisations ». Économie au sens
très large si on y inclut la démographie ; la montée démographique facilite l’essor des
civilisations. Elle peut être compensée par la technologie. Économie au sens strict lorsque
l’on constate que les civilisations sont fonctions de la redistribution, de l'utilisation des
richesses, du développement de l’art, de la culture, du luxe...
 Les civilisations sont des mentalités collectives. À chaque époque, il y a une représentation
du monde dominante dans une société. Les structures psychologiques sont ce que les
civilisations échangent le moins facilement. Dans ces mentalités collectives, l'élément central
c’est la religion, sauf pour la civilisation occidentale qui évolue vers le rationalisme et le
moins de religion.
 Une dimension historique : la civilisation est une continuité historique, de succession de
longues histoires, même si les époques changent. Certaines ont cependant pu disparaître
comme la civilisation égyptienne antique.
Ce concept est intéressant et utile mais difficilement maniable. Bernard Nadoulek, l’épopée des
civilisations, explique que les civilisations ne seraient que des matrices culturelles, difficiles à définir
précisément, mais qu’on peut considérer comme des « boîtes noires » qui ont de l'influence sur les
différentes cultures.
Samuel Noah Eisenstadt (1923-....), sociologue israélien brillant, utilise le concept de civilisation avec
une définition sociale et culturelle. La culture détermine toutes les dimensions de la vie sociale.
L’analyse en termes de civilisation permet de faire apparaître des liens entre les structures sociales
et les activités humaines à travers la culture. Ainsi, les civilisations permettent d'expliquer des
éléments qui semblent irrationnels ; forme des institutions, fixation des frontières des collectivités...
11
3. Le concept d'identité
Lui aussi très souvent associé au processus plutôt inconscient de culture, le concept d’identité
s’avère lui être conscient, fondée sur des oppositions symboliques. Il est construit à partir de
l'opposition entre un groupe et d'autres groupes, l’opposition « eux et nous ».
C'est toujours une construction sociale, relevant d’une même représentation et d'une même
temporalité. Ceci dit, elle a une base bien réelle, construite à l'intérieur d'un cadre socio-juridique qui
détermine la position de ses agents et oriente leurs représentations. L'identité produit ainsi des
effets réels (guerre, légitimation du pouvoir...).
Pour le définir, il n'y a pas besoin de faire un inventaire de tous les traits culturels d’un groupe mais
juste ceux qu'il utilise pour affirmer son identité et se différencier des autres groupes. Ce n'est pas la
culture elle-même qui produit l’identité : celle-ci n’est construite qu'au moment de l'interaction avec
un ou plusieurs groupes. C'est pour ça que certain peuple reclus est isolé dans le monde s'appelle
eux-mêmes « homme », car ils n'ont pas besoin de se différencier. Le mot inuit par exemple signifie
homme.
L’identité est un concept dynamique : elle se construit et se déconstruit constamment selon les
échanges sociaux. C'est un compromis entre l'auto identité, c'est-à-dire l'identité pour soi, et l’exo
identité, celle attribuée par les autres.
L'identité a toujours était un enjeu de luttes sociales dans les sociétés ; tous les groupes n'ont pas le
même pouvoir d'identification. Ce phénomène est montré notamment par Bourdieu : le pouvoir de
donner une identité au groupe dépend de sa position dans le système de pouvoir. C’est l’exemple par
exemple aux États-Unis dans les années 50 du groupe dominant les mois ce WASP (white anglosaxon protestant) qui vont placer les autres dans des groupes ethniques : les européens immigrés
non protestants, les groupes ethniques de couleur... C'est un pouvoir de classement identitaire.
À l'époque moderne, l'identité est très liée aux nations construites à partir de la fin du XVIIIe
parallèlement à l'identité nationale. C'est L’Etat moderne tend alors à la mono identification par
souci d'uniformité. Parfois c’est possible, par exemple en France, mais souvent cela s'avère beaucoup
plus difficile notamment leur là où on utilise une identité dominante (les WASP aux États-Unis par
exemple). L'identité nationale se construit donc forcément par exclusion.
Les Etats modernes ont rigidifié l'identification grâce aux techniques juridiques et de contrôle
(nationalisations, carte d’identité...). Les individus sont moins libres de choisir leur identité.
Dans les sociétés primitives, les identités étaient souvent beaucoup plus souples. Baillart montre que
l'Afrique ancienne était polyculturelle, multiculturelle, basée essentiellement sur le métissage.
(Phénomènes identiques aux Caraïbes, Asie du Sud-est avec une culture du métissage et de
l'échange).
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L'anthropologie montre que les entités ne sont pas fixes. Personne n'y est enfermé. L'identité a un
caractère fluctuant, se prêtant à différentes interprétations, voire manipulation, expliquant les
phénomènes d'identité mixte possible pour un seul individu, qui peut se créer une identité
syncrétique entre plusieurs cultures : on peut très bien par exemple être basque, français,
européens, musulmans.
Certain ont souligné le concept de stratégie identitaire c'est-à-dire prendre l'identité comme un
moyen d'atteindre un but. C'était notamment le cas des religions dans les années 50 aux Etats-Unis,
moyen de montrer son appartenance à une classe. Les identités peuvent être un enjeu de classement
dans les sociétés. Aujourd'hui, cela se retrouve plus dans les RI, notamment avec les peuples
premiers et leur reconnaissance. Ronald Niezen montre que certains peuples utilisent leur identité
de façon stratégique comme par exemple le peuple arctique de Laponie, les Sâmes (autrefois les
Lapons) qui obtiennent une grande reconnaissance au niveau internationale pour pouvoir contrôler
certains intérêts économiques. On a observé le même phénomène chez les Indiens Cree du Canada.
C. La conceptualisation de la mondialisation
En France, on peut décliner le mot monde : mondiale, mondialisation... Mais pas en anglais où on
parle du coût de globalisation.
Mais le terme de globalisation en français n'a pas le même sens : caractère intégré, entier... Ce n'est
pas tout à fait pareil.
Le concept de mondialisation est très récent, il apparaît dans les années 80-90, après la fin de la
guerre froide, à partir du moment où on parle du succès du capitalisme et du modèle libéral. Avant,
on parlait dans les années 60-70 d'interdépendance.
En France, c'est surtout avec l'essor du mouvement alter/anti mondialiste que le terme de
mondialisation s’est divulgué. Après, c'est passé dans le langage courant, dans l'imaginaire collectif,
soit positivement soit négativement : promesses de développement du monde, prospérité, paix, fin
du monde Fukuyama mais aussi une mondialisation menaçante, l'hégémonie américaine occidentale.
Ce dernier entraîne évidemment une réaction contre la mondialisation.
Dans les sciences sociales, il y a de nombreuses définitions de cette mondialisation ; des définitions
mono factorielle (économie, culture, immigration...) peu satisfaisante et d'autres, multifactorielles,
beaucoup plus globales et convenables.
1. Quelques lectures scientifiques de la mondialisation
Les auteurs soulignent un nombre de dimensions concrètes mesurables de cette mondialisation. Si
on reprend les travaux de Saki Laïdi, il parlait d'intensification des relations sociales planétaires, audelà des frontières et des nations, ainsi qu'une intensification des façons de voir et de penser le
monde. Il y a un ensemble de processus mesurables mais aussi un aspect matériel, celui des
représentations.
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Tous les auteurs insistent beaucoup sur les NTIC, sur les marchés financiers, sur les aspects culturels
en ce sens d'une diffusion d'une culture politique nationale, sur la dimension environnementale
(notamment des dangers qui guettent la planète)etc. La mondialisation est vue comme un ensemble
de processus inter relié, opérant sur toutes les composantes du pouvoir social, y compris politique et
militaire. Exemple pour l'aspect politique : le développement des relations sociales mondiales
peuvent atténuer le sentiment national par rapport à la nation. En même temps, la distanciation par
rapport au nationalisme peut être liée à l'intensification des petits mouvements nationalistes locaux,
l’’État étant devenu trop petit pour les grands problèmes liés aux grands pour des petits problèmes
qui ont tendance à se localiser.
Beaucoup d'autres auteurs, comme John Tomlinson, ont beaucoup sur le phénomène d'
“interconnectivité complexe”, avec le développement des réseaux d'interconnexion traversant le
monde. Un réseau étudié et reconnu aussi bien par les anthropologues que les politologues. Ce
réseau, il le précise comme étant le rétrécissement des distances, à la fois dans le temps et dans
l'espace. Il parle d'une extension de l’espace du champ des relations social. Être connecté, c'est faire
l'expérience de la proximité et aujourd'hui, il y a plusieurs façons de faire cette expérience,
physiquement ou culturellement. Pour lui, la mondialisation serait complète si l'abolition de la
distance physique était comparable à l'abolition de la distance culturelle. Cela est certainement
impossible (voyage de plus en plus court, mais le dépaysement culturel reste identique). Sauf peutêtre pour quelques élites dans le monde, autour de certaines professions comme la finance qui
fréquente les aéroports, les hôtels internationales et les salles de marchés qui sont des lieux
entièrement mondialisés. Il faut donc différencier mondialisation et uniformisation qui ne sont pas
identiques. Sauf pour certain milieu. Il ne faut pas exagérer cet aspect d'uniformité. Au contraire, il
faut faire attention à l'expansion de la dimension du local, qui reste le cadre de vie des individus,
avec toujours les mêmes contraintes physique. Néanmoins, celle-ci est aussi affectée par la
mondialisation. Le train de vie locale est aussi transformé par les relations sociales mondiales ;
exemple du chômage dans un grand groupe international qui dégraisse ses effectifs dans une région,
les mutations des supermarchés...
Les médias transforment aussi les vies quotidiennes, par exemple avec la diffusion du rap américain
dans les banlieues française.
C'est bien souvent dans ces sphères locales que se situent les réactions à la mondialisation (ou bien
comme témoins ou bien comme révolté)
2. Les dimensions spatiales, historiques et temporelles
Beaucoup d'étude sur la mondialisation ont aussi insisté sur sa dimension spatiale, notamment les
anthropologues tels que Arjun Appaduraï, qui a essayé de faire une géographie de la mondialisation
détachée des cartes : un univers déterritorialiser, composé de plusieurs espaces et de flux culturels
globaux, sorte de fractales ou de kaléidoscope. Il les appelle les paysages, ou scapes en anglais, aux
contours fluides, irréguliers, et où évoluent différents types d'acteurs, de l'État à l’individu, en
passant par les multinationales ou les associations. Il les appelle aussi les constructions imaginées,
c'est-à-dire des mondes constitués par des imaginaires historiquement situées, de personnes et de
groupes dispersés sur la planète. Il distingue 5 paysages culturels globaux :
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 L’ethnoscape: le paysage formé par les individus qui constituent un monde mouvant.
Touristes, immigrés, réfugiés, diaspora, exilé...
 Le technoscape : qui concerne la technologie, qui se déplace à grande vitesse et à travers le
monde entier. La répartition des technologies est très inégale mais dépend de plusieurs
facteurs comme les flux financiers, les opportunités religieuses, politiques, la disponibilité de
la main-d’œuvre qualifiée ou pas, bon marché ou non... Elle est liée à l’ethno scape.
 Le financescape : composée par les flux financiers mondiaux, très rapide, voire en temps
réel, très complexe et aussi très lié au techno scape.
 les médiasscapes : informations et supports de diffusion (journaux, télé, radio). Désigne aussi
le contenu lui-même, les images véhiculées, les représentations qu'elles impliquent.
 Les idéoscapes : les plus complexes parce que ce sont les chaînes d'idées, concepts ou
images, mais le plus souvent politique ou en relation avec le politique, en relation avec des
idéologies, contre idéologies, avec des mouvements qui peuvent être des vers orientés vers
la prise de pouvoir : liberté, droit de l’homme, démocratie, bien-être... Ces idéo scapes ne
sont pas forcément anglo-saxons ou européens, mais aussi réapproprié par les autres
cultures, les échanges n'étant jamais à sens unique. Elles sont sources de malentendus :
problème sémantique, une traduction différente d'un contexte à l'autre. Il parle aussi de
problèmes pratiques : utilisation des termes, de concepts différents selon le contexte. On
peut penser par exemple à Poutine qui traite les tchétchènes de hooligans, terme qui n’a rien
à voir avec la définition footballistique anglaise du mot. La démocratie aussi est source de
malentendus : tout le monde s'en réclame mais jamais avec les mêmes résonances. On peut
donc jouer avec les concepts.
Les différents scapes sont évidemment en lien, mais chaque paysage à son propre flux, rythme,
volume. Il y aussi des disjonctions parfois entre ces paysages : « les états peuvent se trouver opposer
à des populations dont les propres ethno scapes se déplacent et dont les médias scapes peuvent
créer des problèmes aux idéo scapes avec lesquels ils sont mis en présence ». Il montre les conflits de
scapes au sein des États, par exemple la situation typique de la Chine (communisme capitaliste ?),
amenant des clashes le plus souvent, des situations nouvelles parfois.
3. Dimension historique et temporelle
Cette dimension fait débat, il y a 2 discours/2 écoles :
 la mondialisation serait récente : années 90
 la mondialisation peut être replacée dans un contexte historique à long terme, les tenants de
cette position étant les plus nombreux.
Parmi ces derniers, Jan Scholte, décrit 3 phases de mondialisation :
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 l'émergence d'un imaginaire mondial : jusqu'au XVIIIe siècle, on peut trouver des
manifestations très anciennes de la mondialisation, avec par exemple l’essor de certaines
religions au 6ème et 5ème siècle pour av JC et leur diffusion dans des communautés de croyant
supra territorial. la mondialisation a quand même très peu d'existence concrète et
matérielle.
 La mondialisation naissante : elle commence dans les années 1850 jusqu'aux années 1950.
Lié à la révolution industrielle qui a permis la croissance des nouvelles technologies (le
télégraphe apparaît dès les années 1850 par exemple, la radio dans les années 1890, puis le
téléphone, les premiers transports aériens autour de 1920). On voit apparaît une distribution
commerciale mondiale. On peut penser par exemple à Coca-Cola qui nait en 1886, qui est
commercialisé est vendu 20 ans après (période très courte !)aux États-Unis, en GrandeBretagne, au Canada, au Mexique, à Cuba... C'est aussi une période d'émergence de monnaie
de réserve comme le livre sterling et des organisations internationales dont le but premier
était justement technique.
 La mondialisation à large échelle : commence dans les années 1960 ; développement
d'espaces supra territoriaux, des échanges commerciaux, NTIC, des relations sociales
internationales.
D’autres auteurs ont fait une description à longues étapes de la mobilisation, tel Roland Robertson
qui la faisait démarrer au XVe siècle.
Autres théories temporelles, très célèbre, celle d’Immanuel Wallerstein, néomarxiste, qui a
développé la théorie du système monde dans les années 70. C'est une explication marxiste de la
mondialisation : un système monde capitaliste émerge en Europe à partir du XVIe siècle et s'étend
progressivement au reste du monde. À partir de là, il en résulte une division du travail mondial entre
les pays riches (centre) et les pays pauvres (périphériques). La périphérie va fournir le centre en
matière première et en main-d’œuvre bon marché. Le centre les exploite en profitant de cette mise à
disposition. Avec le temps, il raffine cette théorie, notamment avec le développement de nouveaux
pays et explique que ces pays sont des semi-périphéries, qui travaillent dans un premier temps pour
servir le centre, puis renforce aussi les valeurs idéologiques de ce centre.
La simplicité de cette théorie a été très critiquée par l'historien. Ce qu’on lui reproche, à propos de la
mondialisation, c’est que sa description ne reflète pas la complexité de la mondialisation historique.
Il se centre sur l'économie et même sur la mondialisation économique, ne reflètant pas toute la
complexité des situations, par exemple avec les nouveaux pays come la Chine, l'Inde, le Brésil, la
Russie (les BRIC)
Néanmoins, c'était le premier à parler de “système monde” est aujourd'hui beaucoup d'historien et
anthropologue résonne sur une échelle temporelle encore plus longue.
Notamment, Janet Abu-Lughad, élève de Wallerstein, d'origine asiatique, montrant qu’il existé un
système monde eurasien bien avant les systèmes de Wallerstein qui ne commencent qu'au XVIe
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siècle. Elle dit qu'un premier système monde eurasien existé au XIVe et XVe, grâce à l'empire
mongol, établissant des liens commerciaux entre l'Eurasie et l'océan Indien. Elle montre notamment
qu’au XIVe siècle, ce système est en pleine croissance culturelle et artistique alors qu’à cette époque,
l'Europe reste très marginale. Les grands échanges internationaux se faisaient de la Chine à l'océan
Indien. Il n'y avait pas de nécessité d’une hégémonie européenne sur le monde. À l'époque, le plus
apte à l'hégémonie, la Chine, ne le fera pas, car elle connaîtra des crises, notamment l'arrêt du
commerce par l'empereur, les pestes buboniques et autres épidémies, la chute démographique, les
divisions internes et les guerres, la perte de la Chine par les Mongols... C’est une thèse très
intéressante car elle décentre l’histoire sur l'Asie. Elle remet en cause l’idée marxiste de
l'impossibilité d’une modernité asiatique, le regard ethnocentrique européen de la modernité, de
l’idée wébérienne selon laquelle c’est grâce au protestantisme que le capitalisme a connu son essor...
Elle remet donc en perspective l'histoire mondiale et son ethnocentrisme occidentalo-centré. .
D’autant plus intéressant qu’Abu-Lughad écrit en 1989, bien avant de constater le développement
que connaît la Chine actuellement.
D'autres historiens se sont attelés ainsi à décentrer l’histoire, tel Jack Goody, qui écrit L'Orient en
Occident.
Un autre auteur intéressant, Jan Nederveen Pietersre, anthropologue qui montre que la
mondialisation n'est pas un phénomène nouveau dans l'histoire, mais plutôt une tendance vers
l'intégration humaine qui est ancienne. La mondialisation peut alors être datée selon plusieurs
époques : les 1ers hommes qui peuplent le monde à partir de l'Afrique ; les Celtes, qui voyagent des
pays du Nord jusqu'au Pays basque. Pensons encore aux exemples de coca trouver en Égypte,
l'exemple de la propagation des grandes religions dans le monde entier. L’essor des techniques
partant de la Mésopotamie, mais aussi l'écriture, le calcule... Bien sûr, les dynamiques à cette époque
sont très lentes, mais elle nous rappelle qu'il y a un récit finalement différent de la vision très euro
centrique que nous avions autrefois et qui a disait que la modernité partait forcément de l'Europe,
vision d'ailleurs décrite par Anthony Giddens : il parle d'une modernité qui part de l'Europe, unifie le
monde grâce au capitalisme, l'industrie, la surveillance de l'État et la puissance militaire. Mais même
si ce n'est pas totalement faux, cette vision est trop ethnocentrique, réduite dans le temps et aussi
pessimiste car elle tend à affirmer qu’elle fait disparaitre les cultures dominées par l'Occident.
L'universalisme moderne ne fait que reproduire des universalismes plus anciens. Il faut donc
contextualiser la modernité, retrouver la boite noire collective des grands échanges culturels, essayer
de périodiser la mondialisation.
Depuis les années 80, on a d'ailleurs tout un courant d’historien qui a éclos : l’ histoire globale (ou
global/world history en anglais), qui est une façon nouvelle de faire de l'histoire, très bien présenté
par Histoire globale, un autre regard sur le monde en 2008.
L'idée est de prendre conscience du passé commun de l'humanité, d'autant plus dans le contexte de
mondialisation contemporain. C'est-à-dire s'employer à étudier les connexions entre les histoires
nationales plutôt que de se concentrer sur les nationalismes historiques. On étudie les échanges, les
connexions, les interactions, les migrations, les convergences et différences souvent gommées par
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les histoires nationales et construites par le pouvoir. On fait émerger la diversité de l'homme, non
plus centré sur le monde occidental, mais au contraire multipolaire et interconnecté.
Le meilleur livre résumant cette histoire globale vient de Christopher Bayli (sorte de Braudel du XXIe
siècle) dans La naissance du monde moderne, parure en 2007. Il commence à la fin du XVIIIe siècle et
montre qu'il y a mouvement de modernisation de l'Occident mais aussi en Asie. L'Inde au XVIIIe
siècle par exemple se modernise à toute allure, s'industrialise, mouvement qui se développe
parallèlement à ceux en Europe. Et il y a des ponts entre ces mouvements de modernisation,
notamment entre la Grande Bretagne et l’Inde.
Pour l'Amérique latin, Serge Gruzinski écrit Les quatre parties du monde, qui raconte la
mondialisation dans sa version Caraïbes et Amérique latine, sous fond de colonisation américaine et
de métissage.
Ces historiens globale relativisent la mondialisation, la décentre du regard occidentalo-centré et,
s'intéresse à de petits phénomènes qui se diffusent, montre une histoire très riche et très complexe.
D. La dialectique culture / mondialisation
Si on repart de la définition anthropologique de la culture, on peut comprendre le terme en tant que
sens donné par les individus au monde, à travers la pratique de représentations symboliques.
Saki Laidi, dans Les imaginaires de la mondialisation, se demande comment cela se fait que la
mondialisation soit considérée comme un phénomène nouveau. Il montre que la mondialisation est
aussi un imaginaire social, c'est-à-dire un enchaînement de faits admis et des représentations
contradictoires de ces faits, et une amplification de leur diffusion dans l'espace et dans le temps. Cet
imaginaire social à 5 composantes :
 Le semblable dans le monde : partout dans le monde, on retrouve des formes de modernité
identiques : rapprochement des styles de vie, phénomène d'urbanisation et le
développement des villes, la mode à travers les vêtements... C'est la fin de l'altérité radicale
et en même temps une peur panique de l'uniformité.
 La naissance d'une vie quotidienne mondiale faite de happening planétaire : de grands
événements relayés en temps réel par tous les médias du monde entier. Cela nourrit le
sentiment de vivre dans une communauté mondialisée spontanée. Et cela va impliquer une
phénoménologie du présent : toute chose se nourrit de l'instant présent, de l'immédiat.
 Les médias, qui jouent un rôle important. La plupart des événements mondiaux se jouent à
travers les médias sur le mode de l'émotion : c’est la “mondialisation des affectes”.
 Le marché : par ce terme, Laidi entend moins le marché en terme économique mais plutôt en
termes culturels : c'est-à-dire l'idée du libre choix, lié aux principes du relativisme. Chaque
individu maximise ses préférences personnelles. De plus en plus, la société est identifiée
comme un marché : une volonté d'accès direct aux biens, en politique aux solutions
immédiates. C'est le mythe de la culture de l'individualité satisfaite.
 Une composante discursive : la mondialisation est un espace de mots, de concepts, de
priorité. On inscrit des grandes questions sur l'agenda politique mondial : journée d'action,
conférences, réunion au sommet, mouvements de mobilisation... Ce sont des discours qui
sont volés aux acteurs locaux et qui se mondialisent, voir qui deviennent normatifs lorsqu'ils
sont imprégnés du droit international.
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Ces différentes composantes n'ont pas la même intensité, ni la même résonance partout dans le
monde : il y a des décalages, mais aussi des résistances.
Dominique Wolton, dans L'autre mondialisation, parle lui d'une mondialisation comme d'une
“bombe à retardement” car elle donne à voir l'“autre” : c'est l'exemple du pauvre qui voit le riche
dans l’opulence, à travers son œil outré, des religions qui s'inspectent entre elles... Toutes ces
situations sont sujettes à conflits potentiels.
II - les grands paradigmes de la mondialisation culturelle
La mondialisation donne lieu à plusieurs analyses contradictoires. De même au sujet de la culture,
avec trois grands paradigmes :
 un paradigme de l'uniformisation du monde
 un paradigme de l'hybridité du monde
 un paradigme différencialiste.
Ce sont des paradigmes qui sont à la fois analytiques (ce sont des lectures du monde) mais aussi des
ressources pour l'action politique (qu'elles soient des ressources d'adaptation ou de résistance)
A. le paradigme de l'uniformisation du monde
Ce paradigme de l'uniformisation à un double visage :
o contemporain et négatif : la mondialisation gomme la diversité des cultures humaines. La
mondialisation est une domination, un impérialisme, contre lequel il faut réagir. Cette
mondialisation contemporaine négative se décline en deux dimensions : une mondialisation
qui serait un impérialisme du marché, ou une mondialisation qui serait une domination de
l'Occident.
o Plus positifs et plus anciens : le cosmopolitisme. Un monde qui s'unifie, rejoignant le vieux
rêve d'unification du monder et du genre humain.
1. L'approche négative : unification par domination du marché et de l'occidentalisation
A. L'UNIFICATION PAR LE MARCHE
Particulièrement étudié par le politologue américain Benjamin Barber dans son célèbre djihad vs Mc
World en 1996, écrivain de la gauche américaine, il nous livre un best-seller avéré.
Selon lui, la mondialisation économique, c’est le développement d'un marché capitaliste sans crainte
et surtout sans contrepoids d'aucune valeur. La mondialisation est donc un danger pour la
démocratie pluraliste et pour la diversité culturelle. Le développement du capitalisme nous conduira
à un univers Mc World, vaste parc à thème mondial uniformisé, unifiée par les échanges
commerciaux, par les NTIC et par un style de vie fondée sur l'amusement. Ce Mc World est une
domination de la culture américaine ou mondiale-américaine, qu'il montre avec des chiffres et des
statistiques. Pour lui, la mondialisation est synonyme de culture américaine et de modernisation.
Cette dynamique serait dangereuse, d'abord en soi, mais aussi parce qu'elle entraîne une réaction,
qu’il baptise “djihad”, comme concept générique et non pas comme concept islamique, c'est-à-dire
désignant tous les mouvements antioccidentaux et antimodernistes (islamistes, chrétiens américains
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réactionnaires, hindouiste intégriste...).En gros, ce sont tous les mouvements ethnicistes et
nationaliste.
Par ailleurs, il ne nie pas le capitalisme et ne veut pas le détruire. Il lui reconnaît certaines vertus,
certains aspects positifs, notamment au regard de l'histoire, lorsqu'il a réussi à réduire les cas de
conflit idéologique ou religieux. Il ne condamne pas non plus les NTIC ou la modernité, qui sont des
outils essentiels pour la démocratie.
Cependant, en général, le Mac World est plutôt un danger pour la démocratie, car les marchés n'ont
pas de responsabilité collective et ne sont intéressés que par les résultats économiques. Or ceux-ci
ont de nombreuses conséquences sur la vie sociale, politique et culturelle. On peut penser par
exemple à l'activité de consommation (TV, cinéma, Internet...) qui peut isoler des individus. Le tissu
social est alors en danger, particulièrement dans le domaine de la culture. Le secteur de l'infospectacle est celui qui a le plus de mauvaises conséquences sur l'État-nation et la démocratie. Et
pourtant, ce secteur est celui qui est le plus contrôlé, purement commercial et donc dangereux pour
l'individu, « consommateurs manipulés par ses désirs au point de ne plus être capable de pensée, et
au poids aussi d'être dépossédé de sa culture au profit d'une culture populaire mondiale qui va
gommer toute diversité ». Dans le Mac World de Barber, l'individu se croie libre, mais en fait il ne
l'est que dans le choix de produits qui lui sont imposés.
De plus pour Barber, le mot Djihad désigne un concept tout aussi dangereux, car il est le petrin
d’idéologies violentes et intégristes. À long terme, il explique que ce Mc World gagnera sous la
puissance notamment des NTIC.
Il sous-entend la théorie du complot, « ceux qui dirigent le secteur de l'info-spectacle » et qui
hériteront du pouvoir, même sans volonté consciente de le conquérir. Ce n'est pas une conspiration,
mais cela se fera plutôt par inadvertance : « Mac World et sur pilote automatique ». Ce n'est pas une
volonté de pouvoir, une volonté de contrôler, mais plutôt celle de vendre qui amène au pouvoir,
c'est une volonté totalitaire par défaut : « nul ne sera souverain, tous seront sujets ».
Son argumentation du marché comme uniformité culturelle et mal formée : on peut lui opposer une
vision plus réaliste d’un marché qui permet de nouvelles formes d'expression, libératrice de la
parole, des expressions culturelles et donc de la diversité. De plus, Barber utilise des exemples faux :
la mondialisation par exemple serait un unificateur de contenu télévisuel et cinématographique.
Pourtant, on constate qu'il existe encore des productions audiovisuelles autonomes et nationales
(notamment en France).
Un des défauts de Barber est aussi d'avoir un fond très puritain : il est contre le sexe, la violence, le
mélodrame... Il déplore que les gens passent trop de temps au cinéma plutôt qu'à l'école ou au
travail. Son modèle idéal de démocratie et celui des petites communautés. C'est aussi celui de la
démocratie participative.
Autre exemple faux : la disparition de la littérature russe, qui dans la réalité n'a jamais eu lieu
finalement. Et qui se porte même plutôt pas mal.
De plus, on peut penser qu'il évalue de façon trop pessimiste les NTIC. Certes, il y a des
uniformisations, mais en même temps, ce sont de véritables instruments de libération de la parole
des idées, d'écoute, de découverte.
Il ignore aussi beaucoup de résultats d'anthropologie. Lorsqu'il prend l'exemple de Coca-Cola et de sa
soi-disante idéologie de la soif, qui détournerait les consommateurs de leur ancienne boisson (le thé,
l’eau...), c'est vrai que c’est plutôt une réussite sur le plan de la publicité, mais d'un point de vue
commercial, on peut remarquer que Coca-Cola s'adapte aux goûts de chacun des pays (variation dans
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le sucre, la teneur en gaz...). En marketing, c'est ce qu'on appelle l'insiderisation. Il est vrai que
McDonald’s et Coca-Cola font l'objet de réappropriation culturelle active, selon les cultures. Ce sont
des phénomènes d'indigénisation. Le même produit est reçu, mais on lui donne un sens différent.
En 1996, David Howes fait une étude qui montre l'utilisation différente du coca selon les pays (il
soulagerait la turista en France, il devient un symbole avec le cuba livre). Pour l'exemple de
McDonald's, il est à l'origine aux États-Unis un moyen de manger vite et peu cher. D'où par exemple
le fordisme dans les chaînes de travail. Mais on sait que le McDonald's a connu des usages très
différents. Par exemple à Moscou, le repas s'est retrouvé très cher car il y avait une connotation
exotique et moderne, une certaine référence aux États-Unis attractive : les familles pouvaient s'y
presser pour passer un bon moment. À Tokyo, on a aussi cette recherche esthétique moderne, et on
l'a adapté à la tradition nutritive asiatique (beaucoup plus végétarienne), qui devient alors un espace
de convivialité pour les jeunes dans un pays où les logements sont très étroits. On sait aussi que
McDonald's a su s'adapter aux traditions nutritives de chaque pays (orientation plus végétarienne ou
encore du riz à la place des frites). C'est ce que le PDG de Sony a appelé la “glocalisation‘’ (du local à
l’échelle global et vise versa...). L'hamburger lui-même est un plat ultra mondialisé : à la base une
origine allemande, un pain venu d'Israël, le ketchup emporté d’Inde, des cornichons sucrés plutôt de
tradition scandinave...).
Appaduraï remarque qu'on se plaint souvent de l'américanisation alors que ce n'est pas la seule
forme de domination culturelle : la Papouasie se plaint de l’indonéisation, la Corée de la japonisation,
à l'est de l'Europe, on a longtemps parlé de russification. L'idée de globalisation de la culture existe
certes, mais cela dans une définition très appauvrie de la culture. La culture ne se résume pas en
effet à quelques-uns de ses traits. Les premiers anthropologues insistaient d'ailleurs beaucoup sur les
aspects immatériels des cultures, résistant beaucoup plus fortement à la mondialisation. Il n'y a pas
de globalisation des représentations du monde, des idéologies. Nous vivons des flux certes rapides,
mais partiel de transmission culturelle : il n’y a pas d'homogénéisation totale des cultures.
D'ailleurs, l'immense majorité des anthropologues réfute l'idée de culture mondiale, avec seulement
des éléments sporadiques de diffusion. De plus l'approche de Barber, qui se fixe sur les facteurs
essentiellement économiques, négligeant du coup les autres secteurs, notamment ceux qui touchent
le tissu social.
D'autres auteurs parlent de l'harmonisation comme le fait Barber, notamment Fukuyama avec sa fin
de l'histoire où le marché et la démocratie sont vus comme des facteurs de domination du monde. Le
Français Georges Balandier, dans Le grand système, parle de modernité mondialisante. Cette lignée
d'auteur a été très prisée notamment chez les marxistes, qui voient dans la mondialisation comme
une domination du capitalisme. On peut penser à Samir Amin avec L’empire du chaos, pour
dénoncer la domination du capitalisme, Jean Ziegler avec L’empire de la Honte explique que le
capitalisme domine à travers la faim et la dette ou encore Michael Hardt et Antonio Negri, Empire.
Ce sont des visions d’uniformisation culturelle par une domination américaine occidentale. Ils
rappellent d'ailleurs la prophétie de Karl Marx, qui voyait l'expansion mondiale du capitalisme
comme base de la révolution socialiste. Cette mondialisation serait donc à la fois une catastrophe et
un espoir.
B. L'OCCIDENTALISATION DU MONDE
L’auteur emblématique est Serge Latouche, ancien marxiste, aujourd’hui défenseur de la
décroissance ; Très critique sur l’occident, il a écrit L’occidentalisation du monde. Auteur postmoderne, il est devenu une référence du milieu alter/antimondialiste et fervent défenseur de la
décroissance. Il par du point de départ de Wallerstein, à savoir la conquête du monde par l’occident
dès le 16éme siècle. Latouche parle de la mise en place d'un capitalisme-monde, reposant sur une
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division internationale du travail : les Nords produisent des produits manufacturés et les Suds de la
matière première : les échanges profitent aux Nord qui s’appuient sur l'impérialisme colonial.
Aujourd'hui, il s'écarte de cette thèse, qui selon lui apporte trop d'intérêts à la dimension
économique, laissant du même coup de côté la domination culturelle de l'Occident, qui est la plus
important, car elle perdure au-delà de la colonisation et elle est beaucoup plus insidieuse que la
dimension économique. Il décrit d'ailleurs l’impérialisme occidental par le don : c'est en donnant la
modernité, la science et les techniques que l'Occident exerce un pouvoir de domination culturelle.
Une domination culturelle qui est très profonde, car elle joue sur toutes les composantes sociales des
cultures dominées. Il va même jusqu'à dénoncer l'unification du temps, avec l’heure GMT.
Cette domination s’appuie sur 3 facteurs :
 L’industrialisation : elle détruirait les formes d’économies antérieures, standardiserait les
produits, les goûts et les technologies. La science et le rationalisme sont aussi des formes
d'uniformité.
 L'urbanisme : à la fois fruit de la perte d'identité culturelle et de la crise sociale. Elle
aggraverait le déracinement culturel, la perte de valeur. On peut remarquer que dans ce
facteur, Latouche oublie la dimension démographique qui a poussé les gens à se concentrer
en ville.
 Le nationalisme : l'État national, l'étatisation à grande échelle, a été imposé au monde entier
et c'est pour lui la plus grande réussite de la domination occidentale, à travers l'obligation
internationale d'avoir certaines techniques de pouvoir, de contrôle des populations, de
techniques policières et bureaucratiques.
La conséquence de ces 3 éléments est dramatique pour lui car ils « contribuent à une monstrueuse
clochardisation du tiers-monde, un véritable phénomène de décivilisation ». La promesse de
l'Occident conduit à l'indigence économique et culturelle des plus pauvres. Il conteste d'ailleurs tous
les indicateurs du programme des Nations unies pour le développement (le PNUD) et prend les
chiffres les plus catastrophiques.
À la suite de ces 3 facteurs, il dégage un quatrième agent de domination, particulièrement actifs sur
le tiers-monde : c'est l'idéologie du développement. En ce sens que, pour lui, la colonisation a
précédé cette idée de développement, qui n’est qu'une idéologie de continuité de la domination du
tiers-monde par l'Occident. Lorsqu'elle est reprise par les pays du tiers-monde eux-mêmes, la
domination s'aggrave et détruit leur culture.
Cela a pour conséquence l'uniformisation du monde, « le désir de copier les maîtres ». C'est le
triomphe de l'Occident, qui n'est pas un triomphe de l'humanité mais sur l'humanité, “l'ethnocide”
généralisé de toutes les cultures traditionnelles qui perdent leur sens. On se considère à travers
l'Occident, et on se dévalorise à partir de cette constatation.
Les critiques de ses théories ont été nombreuses, notamment sur l'existence d’autres dominations
culturelles dans le monde. Argument auquel il répond que dans ces cas rares, il y a eu “acculturation
positive”. Le cas de le l'Occident est différent car c'est la seule culture à avoir des effets aussi
négatifs, détruisant toutes les autres cultures, l'Occident étant une “anti culture”. Latouche à une
haine totale de l'Occident et pourtant, dans son ouvrage, il y a un petit espoir car selon lui,
l'occidentalisation du monde est en train d'échouer :
 Le développement a échoué, l'Occident ne pouvant pas tenir ses promesses.
 Dans ses propres sociétés, l'Occident a échoué dans sa mentalité individualiste.
 L'État-nation est en crise, voire en voie de disparition.
22

il existe de nombreux signes de résistance et de survivance : sociétés traditionnelles, contrecultures, mouvements contestataires, des signes même de créativité culturelle, notamment
en Afrique (il a longuement étudié la notion d'économie grise).
Cependant, il s'agit plus d'un syncrétisme que d’une acculturation. Il admet lui-même que certains
éléments ont survécu à l'occidentalisation, qui ne peut plus alors être vue comme un destructeur
total. Pour lui, il faut refuser l'occidentalisation culturelle, l'économie de marché, c'est-à-dire «
décoloniser nos imaginaires du tout économique », avec comme objectif la décroissance dans le but
de préserver la planète. Il ne ralliera d'ailleurs que très récemment cette doctrine écologiste. Enfin, il
prône le retour aux cultures traditionnelles, qui selon lui sont plus solidaires, avec un retour certain
des traditions, d'une société frugale, conviviale et féminine (c'est-à-dire éloignée de toute
domination et de toute violence).
Son projet politique est celui de la décroissance, c'est-à-dire de sortir du marché capitaliste. Ce
discours a aussi un projet politique, une société, sans dominant ni dominé, fait de petites unités
autonomes, autosuffisantes. C'est un principe anarchique c'est-à-dire sans élections, sans État,
proche du projet marxiste et anarchique. Il va tempérer son rejet de l'Occident dans son dernier livre.
Les critiques ont été nombreuses :
 Notamment sur sa définition de l'Occident qui est assez flou, fuyantes, échappant à toute
catégorie. Il l'admet lui-même, l'Occident est « un monstre, une machine vivante dont les
rouages sont des hommes [...] qui auraient mis l'humanité à son service, dans une course
folle et aveugle [...], avec pour objectif de détruire le tissu social et les cultures nonoccidentales ». Sa définition se fait à travers des éléments disparates comme la géographie
(le nord, nord-ouest), la religion (la chrétienté), la philosophie (philosophie des lumières,
démocratie et droits de l'homme, valeur non universaliste mais plutôt impérialiste). Pour lui,
« l'Occident règne par un terrorisme effroyable et grotesque ». C'est un discours de la
philosophie postmoderne. L'Occident, c’est le capitalisme, une anti culture qui détruit et
corrompt tous ce qu'elle touche, et à laquelle aucune civilisation ne peut échapper. Partant
de là, l'Occident peut être vu à la fois partout et nul part, c'est une idée flottante plus qu’une
entité visible. L'Occident est voué à l'échec car il n'a offert au monde que le bien-être
matériel et la technologie. Ce n'est pas rien mais ce n'est pas assez.
 Sur sa vision discutable car très anti occidental et manichéenne : l'Occident serait le mal et
les sociétés traditionnelles le bien. La tonalité du discours, très enflammé, prône le
changement radical de société, une sorte de révolution mais plus individuelle et culturelle
que collective.
 Il ne remet jamais en cause le dogme de la domination de l'Occident, alors que certains
experts comme Manuel Castells, sociologue américain, remarque que certains pays, autrefois
dominés par l’occident, viennent aujourd'hui contester ce leadership occidental (on peut
penser aux BRIC). On peut opposer à Latouche les travaux des anthropologues classiques. Lui
ne cite toujours que le même anthropologue et ignore l'acculturation, qui n'est pas à sens
unique. Latouche ne voit que destruction de la part de l'Occident. Et pourtant, dans La
planète des naufragés, sur les systèmes d'économie grise en Afrique, on peut y voir des
phénomènes d'acculturations qui sont en contradiction avec sa théorie.
 Le concept de société traditionnelle est aussi assez flottant chez Latouche qui ne définit pas
la tradition. Notamment sur le fait de savoir quelle tradition représente une culture et
23
surtout à quel moment d'histoire. Chez les sociologues et les anthropologues, la société
traditionnelle c'est celle qui n'évolue pas mais qui se reproduit. La tradition est toujours une
construction sociale. Il est très dur de savoir alors quel peuple, et à quels moments de
l'histoire, serait plus dépositaires d'une tradition plutôt qu'un autre.
 Son tableau très pessimiste est souvent dû à son combat politique, sans parfois démontrer
les choses scientifiquement. Son discours relève souvent du culturalisme excessif c'est-à-dire
l'idée qu'il y aurait des cultures pures, figé. À partir de là, on refuse le métissage, les
mélanges de culture. Cette pensée pose problème car à l'excès, elle amène une double
forme de racisme : racisme contre l'Occident et racisme inversé contre les sociétés dites
traditionnelles, car en postulant qu’elles sont meilleures et qu'il faut y revenir, on n'en arrive
à vouloir conserver ses cultures et même les enfermer (par exemple dans les réserves
d'Indiens), sans leur demander leur avis.
Par exemple, dans The Post developement Reader, Majid Rahnema explique ce qu’il est bon
de faire pour le bien de ces sociétés traditionnelles, qu’on sait le faire et qu’on devrait le
faire. Autre exemple, beaucoup d'auteurs post développement critiquent la médecine
moderne, qui pervertirait les cultures traditionnelles pour qui la mort a un sens spirituel et
profond : Jean-Philippe Peemans explique qu'il ne faut pas soigner les petits enfants thaïs car
la Thaïlande est habituée culturellement à perdre de nombreux enfants. C'est une sorte de «
totalitarisme des bons sentiments ». En pratique, on a l'exemple d'une expérience qui a été
fait dans les années 60 par les anthropologues indiens dans les îles Andaman. Ils ont préservé
cette culture indigène pendant très longtemps, en interdisant l'accès, et aujourd'hui, avec
l'augmentation de la population, le gouvernement a rouvert l'accès à ces îles : la cohabitation
entre aborigènes, qui sont toujours à l'âge de pierre, et les nouveaux colons autorisés à
s'installer, est grave et choquante au vu du fossé entre les deux.
Latouche reste dans des schémas marxistes : une lecture de l'histoire où le facteur déterminant est
l'économie, où le point de départ de la dépendance est celui de Wallerstein. Par contre, il veut une
rupture avec cette lutte des classes. Il souhaite une révolution, plus précisément une résistance, une
“décolonisation des esprits”. Révolution individuelle, car il ne croit pas au partis, qu'il juge
inefficaces. On peut le rapprocher de Culture et barbarie européennes d’Edgar Morin ou de l'Empire
de Hardt et Negri.
BILAN
Ces deux visions de l'unification du monde, par le marché ou par l'occidentalisation, sont très
manichéennes. Ce sont des paradigmes qui prolongent la matrice binaire de la guerre froide. Ce sont
des visions politiciennes appelant à l'action et la résistance (lorsque Barber écrit, il est engagé auprès
de H. Clinton contre Bush, Latouche lui fait partie d'une O.N.G. altermondialiste).
Ce paradigme de l'uniformisation est décrié par une grande majorité d’anthropologues et de
sociologues, pour qui l'harmonisation est beaucoup plus complexe qu'un simple combat du bien
contre le mal.
2. Une approche plus positive : la perspective cosmopolitiste
Ce paradigme ne se trouve pas dans le rejet mais dans l'aspiration à un monde unifié et pacifié, c’està-dire accomplissant l'unité du genre humain et le désir de paix. C'est un paradigme qui s'illustre très
tôt dans l'histoire.
24
Déjà dans la philosophie grecque avec le concept de Cosmopolis : la cité mondiale. Cela signifie être
citoyen du monde. Les tenants de l'uniformisation refusent cette idée car pour eux l'universalisme
est forcément “cannibale”1.
Ce cosmopolitisme et même plus anciens. Les sumériens autour de 2700 avant Jésus-Christ avaient
déjà essayé d'unifier le monde avec l'empereur Sargon 1er (certes par la conquête !). L'idée était
d'unifier le monde dans une conception généreuse, sans rejeter aucun de ces sujets. Les sumériens
ont inspiré les grecs.
Ceux-ci ont eu, plus tard, une conception plus raffinée et plus pacifique, à l'époque notamment
d'Alexandre le Grand qui était élève d'Aristote. Lorsqu'il essaie de réaliser un empire mondial, il veut
réaliser l'unité du monde connu à son époque : esprit cosmopolite authentique car il veut fondre les
différentes ethnies, créer une identité transnationale où chaque peuple est égaux et coexiste
pacifiquement. Il a fait sienne cette proposition d’Isocrate selon laquelle on peu appeler « Grecs ceux
qui ont en commun avec nous la culture, plutôt que ceux qui ont le même sang ».
Il en résulte dans les faits une hellénisation de l'Orient jusqu'en Inde et en Égypte, mais en même
temps une orientalisation de la Grèce en retour. Alexandra voulut fonder des villes sur le modèle
grec partout dans le royaume, il obligeait les élites à parler plusieurs langues, il demandait aux
soldats d'épouser les autochtones et de se conformer le plus possible aux coutumes des pays
conquis.
Autres théoriciens du cosmopolitisme, Zénon de Citium (335-264 avant J-C), père fondateur des
stoïciens. Pour lui le cosmopolitisme est la communauté suprême réunissant tous les hommes et
tous les dieux. Elle reposera sur l'idée que les individus sont guidés par la raison qui est universelle.
Ce que souhaitent les hommes, c'est s'affirmé en tant qu'individu et tous participent à la raison
universelle qui gouverne le monde, quel que soit leur ethnie. Tous les hommes sont donc égaux et
ont des droits et devoirs identiques. On peut même en déduire une loi universelle. Il imagine un
univers unifié où l'harmonie régnerait.
Le cosmopolitisme a été un peu oublié chez les humanistes et on le retrouvera plutôt chez les
utopistes comme Francis Bacon, La nouvelle Atlantide, La cité du soleil de Campanella, ou encore
Thomas More dans Utopia.
On le retrouvera au 18ème siècle avec les Lumières qui y réfléchissent : Kant, Voltaire, Condorcet,
Franklin... Un texte résume parfaitement cet universalisme des Lumières, la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, puisque elle se veut universaliste, rédigée pour tous les hommes, de
toutes les époques, partout dans le monde.
Au 19ème siècle, siècle des États-nations, l'universalisme se fait nécessairement un peu oublié. Reste
cependant quelques auteurs qui se penchent sur la question comme Herbert Spencer, Karl Marx et
Friedrich Engels (puisque dans leur philosophie de l'histoire, il y ait une fin avec la société
communiste, universelle. À ceci près que c'est une version radicale violente du cosmopolitisme, avec
aucune pitié pour certaines classes : les bourgeois, les paysans, les prolétaires les plus pauvres,
certaines cultures traditionnelles qui sont dénigrées...).
Aujourd'hui, le cosmopolitisme a deux images :
 pour certains, il faut s'en méfier, car ce serait un prétexte à l'hégémonie, à la domination à
travers de belles paroles.
 Pour d'autres, le cosmopolitisme est authentique et prône véritablement l'unité du genre
humain.
1
Voir l’article de Serge Latouche, Les effets culturels de la mondialisation :
UNIVERSALISME CANNIBALE OU TERRORISME IDENTITAIRE sur http://1libertaire.free.fr/SLatouche23.html
25
Depuis les 2 guerres mondiales, on voit un certain retour du cosmopolitisme avec cette conscience
que la planète est un monde clos et que ces problèmes sont partagés par l'humanité tout entière.
Notamment à travers les mouvements de défense des droits de l'homme, le courant de Jacques
Maritain ou encore la création importante d'O.N.G. telles que l'Unesco. Aujourd'hui, on parle plutôt
de “dialogue des cultures”. En 2005, Koffi Annan avait lancé une initiative pour l'alliance des
civilisations. Le terme de cosmopolitisme et donc assez peu utilisé car il fait référence souvent à
l'utopie, à l'irréalisable. Le concept renait cependant depuis la fin de la guerre froide, avec
notamment Ulrich Beck comme grand défenseur. C'est un grand sociologue allemand, proche de la
gauche et des écologistes allemands, il a publié Qu'est-ce que le cosmopolitisme et Pouvoir et contrepouvoir à l’heure de la la mondialisation.
Pour lui, il y a deux étapes dans la mondialisation :
 La 1ère modernité, l'air des États-nations.
 La 2ème modernité, où l'État n'est plus qu'un acteur parmi les autres. Il ne subit pas
totalement la mondialisation mais y participe. Cette 2ème modernité est traversée de crise
économique et globale. On observe des inégalités, notamment entre les nations et des
problèmes sociaux graves.
Beck reste pourtant optimiste et pense que tous ces nouveaux problèmes amènent la mise en place
d’un “méta-jeu de la politique mondiale”, c'est-à-dire la mise en place de nouvelles formes de
rapports sociologiques, politiques et mêmes économiques, dans lequel les Etats jouent un rôle aux
côtés d'autres acteurs (économiques et de la société civile).
Pour lui, la situation est sombre mais fait naître de nouveaux espoirs. Le cosmopolitisme sera pour lui
la prochaine grande idée et qui va « succéder à toutes ces idées que l'histoire a usées et permettra
de survivre au XXIe siècle sans sombrer à nouveau dans la barbarie ».
Il définit le cosmopolitisme comme la double appartenance pour tous, c'est-à-dire qu’un
cosmopolites connaît 2 loyalismes en même temps : c'est à la fois un citoyen du monde et un citoyen
de la cité.
Le cosmopolitisme est aussi la reconnaissance de l'altérité, de l'“autre”, dans leurs différences et
l’égalité de chacun.
Beck précis ensuite ce que le cosmopolitisme n'est pas :
o Ce n’est pas l'universalisme qui est ethnocentrique ou occidental.
o Ce n’est pas l'américanisation du monde ou la conquête du monde par le capitalisme, car
ceux-ci passent par la domination.
o Ce n’est pas du multiculturalisme qui reconnaît la coexistence des cultures. Pour lui le
multiculturalisme c’est « le chat, la souris et le chien qui mange dans la même écuelle ». En
effet pour lui le multiculturalisme a un gros défaut car il suppose une définition essentielle
des cultures, comme si les cultures étaient des identités figées qui coexisteraient sans se
mêler, et qui pourrait même entrer en rivalité. Cela conduit a annihilé individu, qui est
étiqueté à une catégorie collective. Au contraire, le cosmopolite est libre d'être membre de
plusieurs cultures à la fois.
Beck a longtemps été critiqué sur son positivisme. Il explique que le cosmopolitisme sera l’idée
dominante du 21ème siècle. Les dangers et les crises ont créé des mouvements de résistances qui vont
accélérer la mondialisation puisque alter et anti mondialistes utilisent eux-mêmes les moyens de la
mondialisation. Il pense eux-mêmes dans des catégories globales. Et dans la résistance à la
26
mondialisation, il voit une mondialisation politique qui est en train de naître : la naissance d'une
société civile internationale où le monde combattra les grands fléaux de façon transnationale. Il
pense d'ailleurs que l'opinion publique mondiale réclamera les droits de l'homme et la démocratie,
qui seront des outils juridiques globalement utilisés.
C'est une vision très optimiste, proche de la science-fiction pour certains. On peut douter, c'est vrai,
de l’existence d’une société internationale, du rôle des crises dans l'unification plutôt que dans
l'isolement ou le repli. On peut aussi dire que les grandes crises d'aujourd'hui ne sont pas si nouvelles
que ça.
Paradoxalement, les opposants au cosmopolitisme sont ceux dans lesquels Beck place tous ces
espoirs : notamment les altermondialistes et les décroissants.
Il y a d'autres critiques, tel Anthony Smith, théoricien de la nation, qui trouve prématuré de parler de
culture mondiale, car si elle existait, elle serait nécessairement construite (de la même façon qu'on a
construit les cultures nationales au XIXe siècle) mais serait forcément ahistorique, c'est-à-dire sans
mémoire collective, sans sens profond et car trop artificielle. Alors que les cultures nationales ont un
véritable sens profond tiré d'une mémoire collective historique à laquelle on peut s'identifier, une
culture mondiale qui mobiliserait tous les individus est selon lui loin d'exister.
D'un autre côté, certains sociologues ont relevé des éléments de cosmopolitisme aujourd’hui dans le
monde :
 évolution du droit international, notamment pénal.
 multiplication des OI qui ont fait bouger de nombreux dossiers notamment sur
l'environnement et les droits de l’homme. Cependant on ne peut pas dire que ces
organisations soient créées pour produire du cosmopolitisme.
 des éléments de cosmopolitisme à travers les médias, les voyages. Aujourd'hui, on est
globalement plus conscient de l'existence de l'autre qu'on ne l'a jamais été. C'est une
reconnaissance cependant partielle et limitée à certains individus, car les téléspectateurs ne
font pas partie d'une grande diaspora mondiale.
 il y a des événements mondiaux qui rassemblent tous les individus autour d'un même
combat, d’une cause, comme par exemple l'aide aux victimes lors du Tsunami en Asie. Mais
cela reste très rare.
Ces éléments de cosmopolitisme sporadiques peuvent même entraîner des réactions culturelles
violentes, de repli vers les traditions. Le fait de fournir des images du monde complexe sans
véritables moyens de les décrypter se révèle être à double tranchant : certes il peut amplifier le désir
de cosmopolitisme, le sentiment d’unité mondiale, mais il peut aussi entraîner des réactions de repli.
B : Le paradigme du mélange des cultures
C’est un paradigme beaucoup plus complexe que l'unification du monde. Il est assez déroutant
puisqu'il induit que le monde serait fait d'influences réciproques et complexes. C'est une vision très
plurielle et relativiste de la mondialisation. Loin des combats politiques et idéologiques, il est plutôt
le fruit des historiens et des anthropologues, avec un travail nettement plus empirique. Il insiste sur
le fait que toutes les cultures sont mélangées, après des siècles d'échanges et de contact entre des
cultures très variées, sorte de “mélange global”. C'est d'ailleurs un paradigme ancien, qui est
renouvelé aujourd'hui à travers des termes comme “hybridité”, “créolisation”, “métissage”,
“mondialisation locale” et “localisation mondiale”, “modernité multiple”, etc.
27
Cependant, l’hybridité reste le concept qui fait le plus consensus au sein des chercheurs et qui
semble le plus générique.
1. la théorie de l'hybridation
Jan Nederveen Pieterse, anthropologue hollandais, explique dans ses ouvrages que l'hybridation est
un processus vieux comme l'histoire est que, pour le prendre en compte, il faut regarder dans la
longue durée : mouvements de population, échanges interculturels, mariage entre différents groupes
ethniques, c’est-à-dire des phénomènes qui existent depuis le début de l'histoire de l'humanité.
L'Humanité a une origine unique, un foyer de naissance commun et a connu au fil de son histoire
l’hybridation. On est tous des migrants africains.
Lorsque les êtres humains se sont fixés dans l'histoire, cela n'a jamais stoppé les échanges à l'échelle
mondiale :
 grandes migrations de population (les Indiens d'Amérique viennent d'Asie, les Roms viennent
d'Inde, les vikings ont énormément voyagé).
 diffusion des techniques qui ont beaucoup voyager, depuis l'invention de l'agriculture, le
dressage du cheval, ou encore l'utilisation de la roue.
 diffusion des idées à l'échelle mondiale : diffusion des grandes religions, diffusion des langues
(dont la plupart ont des racines indo-européennes)
 même chose pour des pratiques sociales, l'alimentation, etc.
COMPLEMENTS
Hégémonie et cultures dans la mondialisation : trois paradigmes
et une exception française
Nathalie Blanc-Noel Université Montesquieu-Bordeaux IV
Cet article constitue les premiers résultats d'une recherche sur la problématique de la
cohabitation des cultures2 dans la mondialisation et ses conséquences sur le politique.
Jusqu’à une époque récente, la réflexion sur le concept d'hégémonie dans les relations
internationales a essentiellement concerné la problématique de la puissance. Or le tournant du
XXIème siècle pose à l'analyste de plus en plus de questions touchant aux aspects culturels de
l'hégémonie. On peut citer comme exemples d’événements dans lesquels le facteur culturel a joué
un rôle déterminant ou déclenchant des épisodes aussi divers que le 11 septembre 2001, l'affaire des
caricatures du prophète Mahomet publiées dans la presse danoise, ou l'émergence des Indiens

Extrait de « Penser les relations internationales », Michel Bergès (dir.), l’Harmattan, 2008.
Nous faisons référence ici au sens anthropologique du mot culture, dans la lignée de la définition d'Edward
Tyler, qui désignait ainsi dans son ouvrage Primitive Culture « le tout complexe qui inclut la connaissance, la
croyance, l'art, les choses morales, la loi, la coutume et toutes les autres aptitudes et habitudes acquises par
l'homme en tant que membre de la société ». Voir Denys Cuche, La Notion de culture dans Les sciences sociales,
Paris, La Découverte, 1996.
2
28
comme force politique en Amerique Latine3. II est désormais avéré que la dimension culturelle se
trouve au cœur des enjeux des relations internationales4.
La problématique de la mondialisation culturelle et de ses conséquences politiques et
géopolitiques est aujourd'hui fondamentale et même centrale. En effet, la mondialisation
contemporaine, de plus en plus vite, de plus en plus brutalement, met les cultures en présence. Si la
mondialisation consiste en une augmentation des flux d'échanges de toute nature, économiques,
financiers, technologiques, mais aussi humains et idéels, tous ces flux ont des implications
culturelles, dans la mesure ou les échanges dont ils sont porteurs impliquent tous des interactions
culturelles.
La mondialisation, phénomène complexe, est aussi un phénomène ambigu, a la fois porteur
d’espoir et de menaces. En ce qui concerne l'espoir, on peut constater qu'elle rapproche les peuples,
en produisant des phénomènes d'acculturation, qui modifient cultures et identités nationales. Dans
le monde entier, des groupes de professionnels parlent le même langage technique, ont des
comportements de travail identiques, un style de vie qui se rapproche, les mêmes rêves de
consommation, de liberté, véhiculés par toutes sortes de medias... Au-delà de ces phénomènes
sociologiques, on assiste à un consensus grandissant sur certains principes politiques fondamentaux
tels que la démocratie pluraliste, les Droits de l'homme, la justice pénale internationale, consensus
qui a permis d'accomplir bon nombre de progrès en matière de gouvernance mondiale depuis la fin
des années quatre-vingts.
Mais la mondialisation a aussi un visage plus menaçant, Elle rapproche et sépare à la fois.
Comme l'a bien montre Dominique Wolton, « la mondialisation de l'information rend le monde tout
petit mais très dangereux » cette « omniprésence de l’Autre », rendue possible par les medias « peut
devenir un facteur d'incompréhension, voire de haine et « constitue un défi politique majeur »5. Pour
ne prendre qu’un exemple, l’explosion des fondamentalismes, musulmans, bouddhistes, ou
chrétiens6 ne doit pas seulement être expliquée comme une réaction à la pauvreté, mais aussi
comme un repli face aux conséquences culturelles de la mondialisation. L'invasion de modes de vie
nouveaux, d’images choquantes, la conscience de la différence des styles et des niveaux de vie, les
malentendus sur des messages médiatiques parvenus de l'étranger lointain, entrainent le besoin de
se protéger en recréant des identités sur les décombres de modèles nationaux ayant trop souvent
échoué économiquement et politiquement, sans oublier bien sur les possibilités de manipulation
politique du malaise culturel...
On le voit, Le thème de la mondialisation culturelle soulève des problèmes inédits en matière
politique, brouillant la distinction classique entre national et international. Ceux-ci ne sauraient être
réduits à la question de l'hégémonie, bien que celle-ci y soit très présente, en révélant l'opposition
3
Au Chiapas comme en Equateur, par exemple. Cf. «Les Indiens, force émergente en Equateur», Le Monde, 13
juillet 2006 (à propos de Pachakutik, principale organisation politique indigène de l'Equateur).
4
Cf. a ce propos Koichiro Matsuura, « L'enjeu culturel au cœur des relations internationales », Politique
étrangère. N° 4, 2006.
5
Dominique Wolton, L'Autre Mondialisation, Paris, Flammarion, 2003, col. « Champs », p. JO.
6
Pour des exemples. cf. Manuel Castells, Le Pouvoir de l'identité, Paris, Fayard. 1999.
29
d'une culture mondialisée dominante, émise par l’Occident, à des cultures locales inévitablement
marginalisées. Des faits plus vastes apparaissent : la redéfinition de la citoyenneté et l’intégration des
populations migrantes, la redéfinition des nations et des symboliques nationales dans des contextes
devenant multiculturels, les replis identitaires lies au refus de la mondialisation, l'instrumentalisation
de la problématique culturelle comme ressource de l'action internationale (pour la reconnaissance
de droits, la création d'Etats-nations, etc. ... ), la reconnaissance - ou non - du caractère universel des
normes internationales (notamment des Droits de l'homme), etc. ...
La Littérature sur la mondialisation culturelle est pluridisciplinaire: la science politique y
côtoie la sociologie, l'anthropologie, l’histoire... Cette pluridisciplinarité est, d'une part, indispensable
à la compréhension de phénomènes complexes, et, d’autre part, elle compense le désintérêt que la
science politique, et plus particulièrement les relations internationales, ont manifesté à l'égard du
facteur culturel jusqu'aux années quatre-vingt-dix environ. Lorsqu’on observe cette production, on
est frappé par l'abondance des sources anglophones sur le sujet, suivies d'une production
hispanophone relativement importante (surtout sud-américaine). Face à cela, on ne peut que
constater la très grande pauvreté de la production française... La France ne semble guère s’intéresser
-pour l’instant - à cette problématique, à l’exception près des dossiers de la francophonie et de la
diversité culturelle.
Avant d'analyser cette exception française en la matière, je présenterai dans un premier temps une
réflexion synthétique sur la littérature consacrée à la problématique de la cohabitation des cultures
dans la mondialisation.
Les théories de la mondialisation culturelle : trois paradigmes fondamentaux
L’analyse de l'abondante littérature consacrée a cette problématique fait apparaitre trois paradigmes
essentiels d’interprétation de la mondialisation culturelle, revenant tels trois modèles archétypaux
d'analyse sons différentes plumes et différentes formes : le premier est celui de l'uniformisation du
monde, Le deuxième celui de l'hybridation, Le dernier est le paradigme différencialiste.
Le paradigme de l'uniformisation du monde
Le paradigme initial tend à considérer que la mondialisation entraine une uniformisation des
cultures ainsi qu'une perte de la diversité culturelle humaine. II se dédouble en deux formes
générales : une approche positive, cosmopolitique, et une approche négative, celle de l'hégémonie.
L’approche cosmopolitique est à la fois la plus ancienne et la moins partagée des théories de
la mondialisation culturelle. Ce sont, dans l'Antiquité, les philosophes grecs qui lui ont donné ses
lettres de noblesse, ainsi que les philosophes stoïciens de Rome. Bien qu'il soit habituellement
considéré comme « idéaliste », le cosmopolitisme a été remis au gout du jour par le sociologue
allemand Ulrich Beck, qui pense qu'après le nationalisme, le communisme, le socialisme, et le
néolibéralisme, le cosmopolitisme sera la prochaine grande idée qui permettra a l'humanité du XXIème
30
siècle de survivre sans sombrer à nouveau dans la barbarie7. Selon Beck, la phase actuelle de
mondialisation, qu'il appelle la «deuxième modernité », est propice à l'apparition d'un authentique
cosmopolitisme, défini comme une double appartenance pour tous : le citoyen est à la fois citoyen
du monde et citoyen de la cité. Ce cosmopolitisme implique la reconnaissance de l'Autre, de sa
différence et de son égalité, il ne s'agit en aucun cas d'un universalisme qui abolirait les différences
en imposant une identité commune, et qui conduirait a I’ hégémonie d'une culture dominante. Il ne
s’agit pas non plus du multiculturalisme, qui est un modèle de cohabitation des cultures. Le
multiculturalisme suppose en effet une définition essentialiste des cultures, pouvant induire des
rivalités entre elles et une négation de l’individu qui se voit dès lors enfermé dans une culture
donnée. Selon Beck, le cosmopolitisme pourrait devenir un principe politique central qui s’exprimera
à travers une nouvelle forme de pouvoir transnational, dont les premières manifestations sont le
méta-pouvoir économique et le méta-pouvoir de la société civile mondiale, qui s'exprime dans la
résistance contre les fléaux de la mondialisation. L’approche de Beck reste pour l'instant marginale.
Bien que de nombreux sociologues attestent de l'émergence de certains éléments
de
cosmopolitisme, la majorité des chercheurs en sciences sociales sont sceptiques quant à l’émergence
d'une vaste solidarité mondiale et mettent plutôt l’accent sur les dangers induits par la
mondialisation culturelle et les réactions contre-hégémoniques qu'elle suscite. Toutefois, la version
cosmopolitique du paradigme de l'uniformisation englobe le discours universaliste de l'ONU, qui fait
la promotion des valeurs universelles que sont les Droits de l’homme.
C'est pourquoi le second volet du paradigme de l'uniformisation est beaucoup plus
pessimiste. C’est la thèse de l’unification du monde par le marché, autrement dit de l’hégémonie de
la culture américano-occidentale. C'est par exemple ce que défendit Benjamin Barber dans son bestseller mondial Djihad vs. Mac World8. Selon Barber, le développement d'un marché capitaliste sans
contraintes et sans le contrepoids d'un autre système de valeurs serait un danger pour la diversité
culturelle. Le marche uniformiserait les cultures en un style de vie fondé sur la consommation et
l’amusement, et se transformerait en un système totalitaire par défaut ou les hommes ne seraient
plus gouvernés par des tyrans mais par leurs appétits manipulés. Cette hégémonie de Mac World
générerait la rébellion de Djihad, concept générique désignant les fondamentalismes et mouvements
de révolte contre l’hégémonie occidentale.
De nombreux auteurs postmarxistes ont développe des thèses allant dans le même sens. La
dénonciation de l'uniformisation culturelle par le marché et l'économie libérale constitue en effet
une rénovation de l'ancienne théorie marxiste de l’impérialisme. On peut citer dans cette mouvance
Les travaux de Samir Amin dans L'Empire du chaos9, de Jean Ziegler dans L'Empire de la honte10, ou
de Michael Hardt et Antonio Negri dans Empire11. Ces deux auteurs soulignent le fait que
l'uniformisation du monde par le marché et la culture qu'il génère entraine des résistances. Et dans
leur ouvrage Multitudes, ils appellent de leurs vœux à une lutte internationale visant à abolir
7
Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l'heure de la mondialisation. Paris, Flammarion, col. « Champs »,
2003.
8
Benjamin Barber, Djihad vs. Mac World, Paris, Hachette, Pluriel. 1995.
9
Samir Amin, L'Empire du chaos. La nouvelle mondialisation. Capitaliste, Paris, L'Harmattan, 1992.
10
Jean Ziegler, L'Empire de la honte, Paris, Fayard, 2005.
11
Michael Hardt, Antonio Negri, Empire. Harvard, Harvard University Press, 2001.
31
l'économie capitaliste12. En cela, leur argumentaire s'inscrit dans la filiation des incantations
marxistes à la Révolution, bien que le concept de «Révolution» ne soit plus guère explicitement
employé, et qu'il laisse la place à un vocabulaire mains effrayant (résistance, lutte) mais pour un
objectif similaire et non moins combatif.
Ce paradigme de l'uniformisation du monde connait un large succès, dû très largement à sa
simplicité manichéenne, car il a pour avantage d'ordonner la complexité des relations internationales
en identifiant un ennemi absolu. Ce succès est aussi favorisé par l'antiaméricanisme ambiant,
notamment en France13, ou ailleurs dans le monde, par l'anti occidentalisme sous-jacent14.
Cependant il faut remarquer que cette thèse, déjà ancienne, ne semble pas tenir ses
promesses. Déjà, en 1970, Jean Baudrillard (que tous ces auteurs ont relu) annonçait l'uniformisation
du monde par la culture de consommation. Le livre de Barber, qui a dix ans, regorge par ailleurs de
prophéties non advenues15. D'autre part, cette thèse ignore les Iecons de l'anthropologie. En effet,
de très nombreux travaux anthropologiques ont démontré que, même en situation d'acculturation
inegalitaire, on assiste à un phénomène de réappropriation d’éléments culturels étrangers par les
cultures locales. II n'y a pas d'hégémonie culturelle pure, mais recréation de la culture hégémonique
par les cultures locales. On peut prendre l'exemple des modèles de l'Etat Nation et de la démocratie
pluraliste exportés par l’Occident. De nombreux historiens, ethnologues ou politologues ont montré
que ces modèles, même dans les cas où les constitutions ont été littéralement recopiées sur celles
des anciennes métropoles, ont fait l'objet de multiples réappropriations par les cultures locales, qui
les ont accommodés au terrain préexistant des dimensions tribales, clientélistes ou religieuses du
pouvoir16... Enfin, le défaut majeur de la thèse de l'uniformisation est qu'elle est sous-tendue par une
définition très appauvrie de la culture : la mondialisation induit des flux massifs, mais rapides et
partiels d'éléments culturels. S'il existe bien des éléments culturels globalisés, ils ne sont pas
synonymes d'homogénéisation de la totalité des systèmes culturels... On peut remarquer néanmoins
que le maniement du paradigme de l'uniformisation du monde et de l'hégémonie de la culture
occidentale, a une fonctionnalité politique évidente : il peut servir de levier à des appels à la révolte,
à la Révolution. II rejoint ici notre deuxième paradigme, le paradigme essentialiste, qui est doté d'un
fort potentiel « stratégique ».
12
Michael Hardt, Antonio Negri, Multitude, War and Democracy in the Age of Empire, Penguin Books, 2005.
Jean Birnbaum, «Enquête sur une détestation française », Le Monde. 25-26 novembre 2001.
14
Ian Buruma, Avishai Margalit, Occidentalism, the West in the Eyes of its Enemies, Penguin, 2004.
15
Par exemple lorsqu'il prétend que les nouvelles technologies d’information vont tuer la créativité artistique.
Or, on observe que l'internet est aujourd'hui un formidable tremplin pour de nouveaux talents... Ou encore
lorsqu'il prophétise que le marché va tuer la création russe : « Sous le régime soviétique, les poètes dissidents
pouvaient réussir à faire publier en cachette leurs œuvres, qu’on lisait en privé. A l'heure du capitalisme, ils ne
peuvent plus rien publier, en partie parce qu’il n’y a plus rien à quoi s'opposer de façon évidente, mais surtout
parce que la poésie n 'est pas rentable » (B. Barber, op. cit. p. 108). Cette prophétie est également démentie
par l'actuelle très bonne santé de la production littéraire russe, la Russie fut d'ailleurs l'invitée d'honneur au
Salon du Livre de Paris, en 2005...
16
Cf. John Tomlinson, Globalization and Culture, Oxford, Polity, 1999.
13
32
Le paradigme essentialiste
Le paradigme essentialiste met l'accent sur les différences entre des entités culturelles
essentielles ou primordiales, considérées comme plus ou moins immuables, éternelles. Leur
cohabitation dans la mondialisation est alors vue comme conflictuelle. On peut distinguer trois
variantes de ce paradigme.
Dans sa première variante, Le paradigme essentialiste est celui énoncé par Samuel
Huntington dans Le Choc des civilisations17. Selon ce politologue américain, la dynamique de la
politique mondiale dépend de plus en plus de facteurs culturels. Elle consiste en un affrontement
entre six grandes civilisations dont il postule l'existence. Parmi celles-ci, la civilisation occidentale est
dominante, bien qu'elle accuse un certain déclin. Les relations internationales sont donc envisagées
sons un angle hobbesien, car selon Huntington, « le conflit est universel. Haïr fait partie de l'humanité
de l'Homme»18. Et le conflit majeur est et sera celui qui oppose l’Occident aux civilisations chinoise et
musulmane. II est inutile, ici, de développer cette thèse qui a fait couler tant d’encre, et qui pêche
par de nombreux défauts épistémologiques, tels que la définition même des civilisations et le
présupposé de leur affrontement. En revanche, il est intéressant de remarquer que le paradigme
essentialiste associe la pensée d'Huntington à d’autres thèses. On peut constater, de façon
paradoxale, que l’affrontement entre les cultures est au cœur des fondamentalismes - ceux-là
mêmes qu'Huntington désigne comme “l’ennemi”. En effet, les fondamentalismes, qu'ils soient
chrétiens, bouddhistes ou musulmans, consistent en la construction d'une idéologie par
identification du comportement des individus et de la société aux normes dérivées de la loi de Dieu,
celle-ci étant interprétée par une autorité bien précise19. Les fondamentalismes édifient en cela des
frontières entre les religions, de la même façon qu'Huntington en propose entre les civilisations.
Le paradigme essentialiste, dans une deuxième variante, est une vision également partagée
par les néonationalismes, par exemple celui des mouvements américains tels que la Milice, Wise Use,
ou les partis populistes européens de droite extrême qui opèrent un repli non sur la religion mais sur
la nation20. Sur Le plan théorique, le nationalisme est justifie par des thèses diverses, par exemple
celles d’Anthony Smith pour qui la nation est historique et porteuse d'un sens profond que la
mondialisation culturelle ne pourra effacer21.
Enfin, et ceci constitue une troisième variante, le paradigme essentialiste englobe les
mouvements neocommunautaristes pour lesquels l'unité fondamentale n'est ni la civilisation, ni la
nation, mais l’ethnie, ou pour certains, « le local ». On peut citer comme relevant de cette
catégorique des groupements très divers, allant des mouvements de défense des -« peuples
premiers », à des organismes révolutionnaires, tels le mouvement zapatiste, emblème de la lutte
altermondialiste. Cette variante du paradigme, en effet, fait l’objet de développements théoriques
17
Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.
Ibid. p. 140.
19
M. Castells, op. cit.
20
Idem.
21
Anthony Smith, Nations and Nationalism in a Global Era, Cambridge, Polity Press, 1995, et the Antiquity of
Nations, Cambridge. Polity Press, 2004.
18
33
abondants produits par le mouvement altermondialiste, particulierernent par un courant de
l'économie du développement appelé « l'après-développèrent », et qui, dans le langage
journalistique du quotidien, est plus familièrement désigné comme le mouvement pour la
« décroissance ». Ce courant prône la lutte contre l'hégémonie capitaliste et occidentale
(l'hégémonie économique étant assimilée a une domination culturelle de l’Occident), ainsi que le
refus du développement perçu comme manifestation de cette hégémonie et comme destructeur de
l’environnement. Les « décroissants » préconisent le retour aux curures traditionnelles (au sens de la
tradition des « peuples traditionnels », ainsi qu'a un mode de vie « convivial », ce qui est une
référence aux écrits d'Ivan Illich22. Ce changement radical implique une « sortie de l'économie » et le
passage à un mode de vie radicalement différent, un mode de vie « traditionnel », centré sur le
« local », en dissidence par rapport au système mondial. Le local est conçu comme le seul niveau
pertinent de la vie sociale pour l'avenir, et le projet décroissant est un projet ou de petites sociétés
vivant en autarcie pourraient à la fois laisser libre cours à l’expression de leurs particularités
culturelles (ce que Serge Latouche appelle le " pluriversalisme ») et vivre dans le respect de la nature,
en réduisant au strict minimum vital leur empreinte écologique. Les auteurs phares de la
décroissance sont Serge Latouche, Emmanuel N'Dione, Majid Rahnema, Teddy Goldsmith et bien
d'autres23...
Le point commun à ces trois variantes du même paradigme est qu’elles survalorisent la
dimension culturelle de la mondialisation. L’unité de référence, civilisation, nation, ethnie ou culture
traditionnelle, y est présentée comme une unité de résistance, dernier rempart de la lutte contre la
mondialisation, celle-ci étant perçue comme un danger menaçant leur « pureté »... La critique de ce
paradigme est aisée : le découpage des civilisations, l’affirmation du caractère immuable des nations,
ou de la pureté des sociétés traditionnelles n’ont aucun fondement scientifique. Même si le concept
de civilisation est intéressant, son application concrète s’avère très délicate, forcément
approximative, et finalement peu scientifique. Quant aux nations, l’histoire demontre aisément leur
caractère daté et contingent24, caractère qui peut aussi s’appliquer parfois aux ethnies25. Enfin, les
auteurs de la décroissance, ne sauraient définir ni la « tradition » ni « l’Occident ». Mais ils les
considèrent pourtant comme des ennemis irréductibles et font de l'Occident la cible de leurs
critiques ou la cause de tous les maux engendrés - selon eux - par la mondialisation... Leur meilleure
définition de ces concepts, faute de mieux, est certainement la pirouette par laquelle Serge
Latouche, certainement rompu à cette critique, explique que Iorsqu'un paysan vietnamien boit du
coca-cola dans sa rizière, il est occidental, alors qu’un Occidental, lorsqu' il est attaché à sa terre et à
ses « traditions » (par exemple un Breton comme lui), peut être « traditionnel »26!
22
Ivan Illich est une des références intellectuelles centrales de ce courant, ce qui explique les récentes
rééditions de ses travaux. Cf. Ivan Illich, (Œuvres complètes, Paris, Fayard, 2004, 2 tomes).
23
L'essentiel de leurs thèses se trouve dans Majid Rahnema. The Post-Development Reader, London, Zed
Books, 1997 et dans Michel Bernard, Vincent Cheynet, Bruno Clementin, Objectif décroissance, Lyon, Silence,
2003.
24
Cf. la remarquable synthèse d’Anne-Marie Thiesse, La Création des identités nationales, Paris, Seuil, col.
«Points», 1999.
25
Cf. Les travaux des africanistes, tels que Jean-Loup Amselle ou Jean-François Bayart.
26
Serge Latouche, L'Occidentalisation du monde, Paris, La Découverte, 1989. Cet auteur définit également
l'Occident comme une « anti culture » forcément destructeur des cultures traditionnelles et hégémonique.
34
Enfin, le paradigme essentialiste peut servir des intérêts politiques évidents, de nature
generalernent belliciste. En exaltant les différences, car les nations/ethnies/cultures sont toujours
considérées comme « pures » et « immuables » - on ne pense pas l'acculturation ni la mixité dans ce
paradigme, ou alors elles y sont forcèrent présentées comme destructrices. Ce paradigme, en
appelant à la résistance contre une mondialisation que l'on prétend source d’hégémonie culturelle,
de destruction des nations/ethnies/cultures, est susceptible de justifier toutes sortes de violences,
d’archaïsmes et de racismes. En effet, il est la porte ouverte à un relativisme culturel qui pousse é
l'extrême : au nom de la conservation de la pureté de la nation/ethnie/culture, on peut se livrer à des
guerres contre l’Autre (quel qu'il soit), ou à la révolution contre le système mondial. Par ailleurs, il
faut tolérer toute expression culturelle, même la plus barbare ou archaïque, car aucun principe
universel, tel que les Droits de I'homrne, ne saurait exister : les Droits de l'homme sont d' ailleurs
jugés comme des expressions (condamnables) d'une culture occidentale dominante, ennemie « des
cultures »27... Et c' est en vertu de ce paradigme que l'on a vu, ces dernières années, les justices
britannique, suédoise et canadienne condamner avec plus de clémence qu'a l’ordinaire les crimes
d'honneur et autres méfaits, au motif qu'ils sont inscrits dans la « culture » de leurs auteurs, ou que
certains anthropologues prennent la défense des mutilations sexuelles, « expression d'une culture
traditionnelle »28...
A l'opposé des paradigmes universaliste et essentialiste, le troisierne paradigme de la
mondialisation culturelle se veut plus pacifique.
Le paradigme de l’hybridité
Ce paradigrne est l’apanage des anthropologues et des historiens qui sont une majorité à le
défendre, II tend à relativiser la mondialisation culturelle, car il repose sur l’idée fondamentale que
toute culture est en fait mélangée, fruit de siècles de contacts et d’échanges entre des groupes
humains différents. Ce paradigme lui-même est ancien, comme en témoigne l’utilisation en
anthropologie et en sociologie des concepts d’acculturation, de diffusion, de syncrétisme, etc. Mais
le débat récent sur la mondialisation a conduit à un renouvellement de cette réflexion.
Un des auteurs phares de ce paradigme est l’anthropologue Jan Nederveen-Pieterse. II
dernontre, dans sa théorie de l'hybridité, que le mélange culturel a accompagné l'histoire de l’huma
niet depuis sa naissance sur le continent africain. De plus, l’hybridation est attestée par des éléments
aussi irréfutables que la diffusion des langues (l'Indo-Européen), des grandes religions (bouddhisme,
christianisme, islam, judaïsme ...), des techniques (l'agriculture née en Mésopotamie), etc. Comme le
résume Nederveen-Pieterse, « l'histoire est un collage ».
27
Serge Latouche parle à ce sujet d' « universalisme cannibale ». Cf. Serge Larouche. Universalisme cannibale
ou terrorisme identitaire, sur le site: http://1libertaire.free.fr/SLatouche23.html
28
Yao Assogba, « Le droit et Le contexte culturel peuvent-ils faire bon ménage ?, Le Devoir, Montréal, 7 janvier
2006, p. A6 : cf. site Internet :
http://classiques.uqac.ca/contemporains/assogba_yao/hyperrelativisme_culturel/assogba_yao_2004_01_07.d
oc
35
Toutefois, la mondialisation contemporaine génère une accélération sans précédent de
l'hybridité qui fait désormais partie de notre quotidien, de façon souvent inconsciente. On peut
prendre un exemple qui montre à quel point ce paradigme contredit celui de l’hégémonie : le
hamburger, ce symbole de l'hégémonie culturelle et culinaire américaine, porte le nom de la ville
allemande où est née l’idée d'un sandwich à la viande, mais il est composé de petits pains issus de la
culture juive, parsemés de graines de sésame orientales, garni de viande bovine sud-américaine,
agrémenté de ketchup qui en fait est un chutney indien revisité par les Anglais, et de cornichons
sucrés qui sont très scandinaves - à moins qu'ils ne soient russes... A y regarder de prés, si l'on fait
l'archéologie de notre environnement quotidien, ainsi que la généalogie des éléments composant la
culture « occidentale »29, c'est-a-dire des idées, institutions, coutumes, etc., on peut conclure que la
culture dite « occidentale » n'est aujourd'hui qu'un gigantesque collage, pour reprendre le mot de
Nederveen-Pieterse. L’ampleur et la rapidité de la mondialisation actuelle ont des conséquences
également inédites sur le politique. Elle apporte l'expérience de la contingence des frontières et
favorise ce que James Rosenau a appelé la « prolifération des identités » : dans un monde fluide, la
congruence entre identité nationale et frontières étatiques a de moins en moins de pertinence et
l’on voit apparaitre des formes d'identités plurielles qui peuvent entrer en conflit avec les modèles
proposés par les Etats-nations30.
Si les deux premiers paradigmes de l’uniformisation du monde et de l’essentialisme sont
idéologiques, ce troisième paradigme de l’hybridité se veut empirique. Il se fonde sur les
enseignements des sciences sociales telles que l’histoire, l’anthropologie, ou la sociologie. Il n'en
reste pas moins qu'il a potentiellement des conséquences politiques subversives. Le paradigme de
l'hybridité conduit notamment à remettre en cause les identités nationales et à constater qu'elles ne
sont en fait que des identités toujours mélangées, combinaisons de peuples qui se sont amalgamés
sous la bannière d'un leadership politique, à un moment donné de leur histoire, ce leadership ayant
produit une idéologie ou un « récit » national. Les travaux de Benedict Anderson sur l'imaginaire
national31 et d’Anne-Marie Thiesse sur la création des identités nationales32, participent de ce point
de vue. De même, le politologue Jean-François Bayart et l’anthropologue Jean-Loup Amselle ont
montre que les sociétés que l’on prétend traditionnelles sont elles aussi le produit de phénomènes
d'hybridation, et que les traditions que l'on croit souvent immuables sont en fait loin d'être figées33.
Ce paradigme, selon l’utilisation politique que l’on veut en faire, peut soit servir de fondement aux
discours prônant l'apaisement des tensions et la tolérance, soit d'instrument pour justifier les
réajustements des identités nationales qu'impose la mondialisation. Ce qui amène à évoquer le cas
de la France.
29
Mais qu'est-ce que l'Occident ? Ce concept flou (cette prénotion, aurait dit Durkheim) mériterait d’être
éclairci, ce qui représente une tache considerable... à laquelle s'est attaché, dans ses enseignements, Michel
Berges.
30
Rosenau, James, Dynamics Beyond Globalization, Distant Proximities, Princeton University Press, 2003. Sheila
Croucher, Globalization and Belonging, Rowman and Littlefield, 2004.
31
Benedict Anderson, L'imaginaire national, Paris, La Découverte Poche. 2002.
32
Anne-Marie Thiessc, op. Cit.
33
Jean-François Bayart, L'Illusion identitaire, Paris, Fayard, 1996. Jean-Loup Amselle, Logiques métisses, Payot,
1990.
36
« L'exception française »: entre ignorance de la problématique de la mondialisation
culturelle et engagement extrême
J'ai fait le constat, précédemment, du peu de place que la littérature scientifique française donnait à
la problématique des interactions entre les cultures dans la mondialisation. En fait, celle-ci n'y est pas
totalement occultée, mais lorsqu'elle est traitée, c'est le plus souvent dans le cadre d'études
sectorielles : je viens d'évoquer les africanistes Jean-Loup Amselle et Jean-François Bayart. .J'aurais
pu citer .Jackie Assayag pour son travail sur l’Inde34 ou Dominique Wolton et Armand Mattelart pour
leur approche sous l’angle des sciences de la communication35. De toute évidence, il n'y a pas, pour
l’instant, en France, de tentative de théorie globale de la mondialisation culturelle, et l’on trouve très
peu d'analyses sous l’angle de la science politique qui seraient par exemple rattachées au concept d'
« hégémonie ». Un tel mutisme français sur cette problématique pourtant fondamentale pour le
siècle à venir est troublant, alors que les travaux anglo-saxons sur le sujet abondent. C' est pourquoi
on peut se demander si cette situation n'est pas due au contexte sociopolitique propre à la France.
Je me risquerai à émettre deux hypothèses pour expliquer ce constat, l’une relevant de la politique
étrangère, l'autre de la politique interne, toutes deux étant liées.
La première hypothèse est que la France, qui fut le deuxième plus vaste empire colonial au
monde, a produit, à l'époque coloniale, sa propre mondialisation36. Celle-ci était de nature non
seulement politique et militaire, mais aussi économique, juridique et bien sur culturelle. La plupart
de ces dimensions ont disparu - ou plutôt se sont profondément transformées - depuis les
décolonisations et l'aspect culturel, à travers la francophonie, [...] dans toute son ambiguïté
hégémonique, en est un des vestiges les plus durables. Mais il ne faut pas oublier qu'au-delà de la
langue, l'hégémonie culturelle de la France reposait aussi sur des valeurs universalistes énoncées a la
fin du XVIIIème siècle et qui allaient devenir, à l’époque contemporaine, la base d'un consensus
international sur la démocratie, les Droits de l'homme, l'égalité, etc., pouvant donc servir de modèle
« contre-hégémonique » face à un modèle culturel anglo-saxon...
Je ne discuterai pas, ici, comme le feraient les tenants du paradigme de l’hybridité, du fait
que la mythologie nationale a eu tendance à s’attribuer les mérites de la création de ces idées, qui
sont plutôt, en réalité, le produit d'une hybridation historique des esprits très cosmopolites que
furent les élites du XVIIIème siècle, esprits qui plus est pétris de culture antique, elle-même hybride37...
Le résultat qui m’intéresse plutôt ici, est que la France, en se glorifiant de la création de ce fonds
culturel universaliste, a adopté une posture proselytiste qui est toujours la sienne, et que l'on peut
observer quotidiennement dans le débat politique national et international. Je livrerai une petite
anecdote à ce propos. Lors d'une rencontre officielle franco-lettonne à laquelle j'ai participé, un
34
Jackie Assayag, La Mondialisation vue d'ailleurs, Paris, Seuil, 2005.
Dominique Wolton, op. Cit, Armand Mattelart, Diversité culturelle et mondialisation, Paris, La Découverte,
2005.
36
L'historien britannique Niall Fergusson parle, à propos de I'empire britannique, d'une, « anglobalization ». On
peut extrapoler ce concept au cas français. Niall Fergusson, Empire. How Britain made the Modern World,
Penguin Books, 2004.
37
Voir la discussion de I'historien Lucien Febvre sur le caractère occidental - ou oriental ? - de ce qui est
considéré comme le berceau civilisationnel de I'Europe, à savoir la Grèce antique (en oubliant les influences
germaniques ou celtes par exemple}. Lucien Febvre, L 'Europe, genèse d'une civilisation, Paris, Perrin, 1999.
35
37
sénateur français et un universitaire letton échangeaient sur la démocratie sans parvenir à se mettre
d'accord. Je fis remarquer au sénateur que la mésentente était due au fait que la conception lettone
de la dernocratie est, pour diverses raisons historiques et culturelles, plus proche de la théorie de la
souveraineté populaire (de Rousseau) que de celle de la souveraineté nationale (de Sieyès), et je lui
demandais s'il ne pensait pas que ces interprétations divergentes de Ia mise en œuvre de la
démocratie risquaient de créer quelques dissensions entre anciens et nouveaux membres de l’Union
européenne (la France ayant, d'ailleurs, réconcilié les deux interprétations dans la constitution de la
Vème République). Mais le sénateur clôt le débat en tranchant la question avec une réponse très
française : « Il n’y aura pas de problème, parce que nous leur apprendrons la démocratie »... Je me
mis alors à méditer, devant ce beau témoignage du prosélytisme français, sur les raisons pour
lesquelles l'adjectif « arrogant » est si souvent collé à celui de « français » dans les milieux
internationaux...
Ainsi la première hypothèse que j'avancerai est que l'universalisme, ou plutôt une forme
d'universalisme prosélytiste, si profondément ancré dans la culture politique française, fait que ce
pays a, plus que d'autres, des difficultés à appréhender les enjeux de la mondialisation culturelle.
Plus qu'ailleurs, on a du mal a y prendre la mesure de phénomènes nouveaux, que la mondialisation
culturelle révèle peu à peu, ici et là, depuis la fin de la guerre froide - et qui sont présents en France
même, mais dans des franges plutôt marginales de sa scène politique : la révolte contre le modèle
capitaliste et contre le modèle démocratique, la haine de l'Occident, le repli sur des éléments
culturels jugés archaïques. En restant attachée à ses propres combats liés à la diffusion des idéaux
universalistes classiques, la France n'est que peu attentive, pour l'instant, aux turbulences de la
mondialisation culturelle, sauf lorsqu'elles font irruption de manière brutale dans l’actualité... Seule
la théorie du clash des civilisations de Huntington, par le débat qu'elle a provoqué, à ébranlé ses
solides certitudes, mais peut-être parce que cette théorie relevait, tout comme l'universalisme
prosélytiste français, du paradigme universaliste, familier à la culture politique du pays...
La seconde hypothèse pour laquelle la problématique de la mondialisation culturelle n'est
pas encore très étudiée en France est liée à la culture juridico-politique du pays, qui tient dans sa
maxime « liberté, égalité, fraternité ». La sacro-sainte égalité des citoyens, des usagers, des
justiciables, etc., n'est pas seulement un postulat philosophique, mais bel et bien un principe dans
lequel s’inscrit tout le droit positif français. Cela empêche la France d'aborder de front les
conséquences que la mondialisation pose et posera de plus en plus à son identité nationale.
Pour prendre l’exemple de l’immigration, chacun sait que, tous les Français étant égaux
devant la loi, il n'y a pas lieu de faire la différence entre un citoyen de longue date et un citoyen
fraichement promu à cette qualité. C' est pourquoi aucune statistique officielle ne saurait prendre en
compte ce critère. C'est ainsi que, faute de pouvoir cerner les problèmes, il n'y a pas de problème...
Et pas de réponse lorsqu'on s'aperçoit que des jeunes gens en plein désarroi identitaire se disent
« marocain » ou « algérien », alors que leur famille est française depuis trois générations, lorsqu’on
s’aperçoit que des milliers de gens en mal d'identité se refugient dans la recherche d'une tradition
religieuse réinventée par l'intégrisme, ou encore lorsqu'on débat en 2006 pour savoir si un
38
Martiniquais38 est assez représentatif de la Nation pour présenter le journal de vingt heures !... Alors
que la Martinique est colonie française depuis le début du XVIIème siècle (avec quelques
intermittences) et que l’égalité des citoyens est un principe de droit positif depuis la fin du XVIIIème
siècle... Tout se passe comme si les principes égalitaristes et universalistes paralysaient le pays quand
il s'agit de réfléchir à sa propre multi culturalité, et, au-delà, aux conséquences et aux enjeux
culturels de la mondialisation qui a pour effet de démultiplier ce phénomène.
J'ajouterai une dernière remarque : la France est un pays de passion politique, non de
pragmatisme. A chaque fois que les conséquences de la mondialisation culturelle font irruption dans
le débat politique français, les différentes prises de position ont tendance à s'aligner sur l'axe
idéologique fondamental hérité de la Révolution française et qui a traversé toute la guerre froide39.
Or, comment envisager des politiques sociales efficaces, par exemple sur le sujet des violences faites
aux femmes, au celui de l'illettrisme, si l'on traite toutes les situations relevant de cette catégorie de
façon uniforme ? Les travailleurs sociaux savent bien que les actions à mener diffèrent en fonction
des situations et des contextes...
Il est révélateur également que l'un des rares courants théoriques qui se soit intéressé - et
même spécialisé - a la problématique de la mondialisation culturelle soit celui dit de « l'aprèsdéveloppement », dont les penseurs sont pour la plupart d'anciens marxistes extrémistes prônant
aujourd'hui une haine viscérale de l’Occident, du modèle capitaliste et de la démocratie - du moins
de sa forme dominante actuelle, à savoir la démocratie pluraliste. Ils plaident pour le retour à des
cultures villageoises « traditionnelles », écologiquement correctes, frugales mais dignes, où l'échange
économique serait remplacé par le don et la politique confiée à des « sages » bienveillants40...
L'ampleur qu'a prise ce courant dans certains cercles universitaires, auprès des ONG françaises se
consacrant à l'aide au développement et auprès de la jeunesse en fait une « exception française »
dans la réflexion internationale sur le sujet.
Sans aller jusqu'à ces extrêmes, les reflexes de repli idéologique sur des postures héritées du
passé peuvent être un frein à une réflexion authentiquement scientifique et productive. La
mondialisation pose et posera de plus en plus de problernes politiques mobilisant le facteur culturel,
sur un espace politique plus vaste et dans un temps politique plus rapide que ce que nous avons
connu jusqu'à présent. Or, à la différence des facteurs économiques et politiques, que les
intellectuels ont l’habitude de manier et qui sont en quelque sorte l’apanage de cercles cultivés, la
dimension culturelle, démultipliée par les medias, a un fort pouvoir émotionnel et manipulateur,
38
Il s'agit d’Harry Roselmack, qui présenta le journal télévisé sur TF1.
Par exemple, on a vu la gauche française s'opposer au port du voile à l'école et dans les services publics en se
référence au combat pour la laïcité, or cette même gauche soutient traditionnellement les immigrés, les sanspapier, la diversité culturelle... Pour sa part, la droite s'oppose également au port du voile, mais au nom des
valeurs républicaines nationales (laïcité, universalisme...), sans vraiment aborder au fond la question de
l’identité national... Un autre exemple réside dans le refus par des intellectuels de gauche de la mise en place
de statistiques ethniques, au motif que cela masquerait Les « fondements sociaux des inégalités » (c'est-a-dire
les différences de classe). Cf. Alain Blum, « Les limites de la statistique », Le Monde, 1er août 2006.
40
Majid Rahnema, “Towards Post-Development : Searching for Signposts, a New Language and New
Paradigms”, M. Rahnema, dir., The Post-Development Reader, op. cit.
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même auprès des plus simples des habitants de la planète... Ce qui en fait une dimension explosive. Il
est donc urgent de mener une réflexion nourrie et authentique sur ce thème...
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