5 idées pour aborder la transition vers une société plus responsable Par Fabrice Bonnifet, Directeur Central Développement Durable du Groupe Bouygues, VicePrésident du Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D) et Administrateur de The Shift Project. La première idée à véhiculer est que les solutions existent déjà, que le problème n’est pas la technologie ou plus exactement l’insuffisance de technologie ; le véritable enjeu réside dans la mise au point des nouveaux modèles économiques. Des modèles qui prennent en compte le découplage entre les flux de matières et la croissance économique. Il s’agit concrètement d’abandonner le volume des produits vendus au profit de la commercialisation de services associés à des produits restant la propriété des marques, c’est l’économie de la fonctionnalité. Pour ce nouveau paradigme entrepreneurial, il n’y a nul intérêt pour les entreprises d’organiser l’obsolescence programmé des produits, mais de concentrer la valeur créée sur la qualité perçue des usages. L’économie de fonctionnalité est créatrice d’emplois non délocalisables et elle émerge déjà partout dans le monde, il convient donc d’en accélérer le déploiement. La seconde idée consiste à mettre fin à l’idée reçue selon laquelle la crise tue dans l’oeuf toutes les solutions pour s’en sortir. C’est faux. Les opportunités de business abondent mais les entreprises doivent apprendre à mieux coopérer en synergie avec leurs parties prenantes et notamment leurs clients. Les relations classiques de subordination entre acteurs doivent évoluer vers des pratiques plus collaboratives, de co-création et de partage équitable des bénéfices. Le monde de l’internet fonctionne déjà comme cela, les générations Y raisonnent comme cela, les start up naissent selon ce principe, mais hélas pas encore la majorité des entreprises et encore moins les services de l’Etat. Le cloisonnement, la méfiance et la certitude sont les trois postures qui mènent directement à l’échec. Nous en subissons les conséquences aujourd’hui. La troisième idée est de booster l’innovation. Mais attention, les innovations ne doivent pas être seulement techniques, elles doivent être également des transitions économiques, sociales et morales. Le développement durable induit avant tout une transformation sociétale qui doit sublimer le progrès en tout domaine au service de l’humain et de la préservation des ressources. Il serait temps d’affecter une partie des ressources et investissements d’avenir aux innovations non exclusivement technologiques, la recherche du « bonheur intérieur brut » est avant tout une question de relations humaines. La quatrième idée consiste à poursuivre la lutte contre la procrastination, cette fâcheuse tendance qui consiste à remettre à plus tard l’action que l’on peut faire aujourd’hui. L’insuffisance des moyens et de temps ne doit pas servir d’oreiller de paresse aux partisans de l’inaction. N’oublions pas ce que disait d’Edgar Morin : « qu’à force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel. » Enfin, la cinquième et dernière idée qui aborde la transition vers une société plus responsable est manifestement la plus ambitieuse, car il s’agit de faire émerger des donneurs de souffle, des apporteurs de sens, des fédérateurs de compétences individuelles et surtout collectives, des révélateurs de talents, des multiplicateurs d’énergie, bref des leaders du progrès. Ce qui nous manque le plus aujourd’hui, ce sont clairement des leaders reconnus et surtout exemplaires…. car comme le disait Albert Schweitzer : « l’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule ! ».