LE PROCESSUS ORGANISATIONNEL DE MISE EN PLACE DES STANDARDS INTERNATIONAUX AU NIVEAU MICRO Jamil ARIDA – Chargé d’enseignement à la FGM Antoine HARFOUCHE - Maître de Conférences à l’Université François-Rabelais de Tours (IAE de Tours) RESUME Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises adoptent et implémentent des dispositifs de gestion normalisés. L’objectif de cet article est d’étudier les processus organisationnel d’institutionnalisation des normes ISO et IAS/IFRS au sein d’une filiale libanaise d’une multinationale. Dans ce contexte, le concept de dualité suppose qu’une filiale peut subir deux types de pressions : pressions globales et pressions locales. Notre objectif est d’étudier l’impact de ces deux types de pression sur le comportement d’adoption des normes au sein d’une organisation. Ainsi, deux études de cas ont été constituées en se basant sur des entretiens semi-directifs centrés réalisés à trois reprises sur une période de deux ans auprès des managers et employés de la filiale libanaise. Les résultats de cette recherche montrent que l’institutionnalisation d’une norme peut suivre deux types de processus. Le premier concerne les normes ISO peut être qualifié de processus d’institutionnalisation de type PUSH. Dans ce cas, les normes ISO sont surtout imposées par la maison-mère dans le but de se conformer aux pressions globales. Alors que dans le cas des normes IAS/IFRS, le processus peut être plutôt qualifié de type PULL. En effet, les normes IAS/IFRS sont imposées par les lois libanaises et résultent donc d’une pression locale. MOTS CLES Théorie néo-institutionnelle ; institutionnalisation ; normalisation ; processus organisationnel ; ISO ; IAS/IFRS INTRODUCTION Aujourd’hui, les dispositifs de gestion normalisés sont devenus au cœur du fonctionnement des organisations modernes. Leur implémentation croissante au sein des entreprises suppose un impact sur leur dynamique organisationnelle. En effet, au-delà de la normalisation des comportements, leur mise en place suppose un certain apprentissage collectif et un changement institutionnel et organisationnel conséquent, ce qui modifie les relations entre les différents acteurs et les relations intra-organisationnelles. 1 L’objectif de cet article est d’étudier le processus organisationnel d’institutionnalisation des dispositifs de gestion normalisés au sein de la filiale libanaise d’une multinationale (MNC). Nous nous intéresserons à la manière dont la filiale libanaise acquière et assimile de nouvelles normes tout en soulignant les pressions globales et locales auxquelles elle est soumise. Nous soulignerons le rôle des acteurs dans ce processus tout en focalisant le regard sur la dynamique organisationnelle qui se crée. Ceci se fera à travers l’exemple de la mise en œuvre des deux dispositifs normalisés ISO et IAS/IFRS au sein de la filiale libanaise. Ainsi, dans sa position spécifique entre le global et le local, nous répondrons aux questions suivantes: Comment une filiale réagit-elle par rapport aux pressions globales et aux pressions locales concernant l’adoption de dispositifs de gestion normalisés de type ISO et IAS/IFRS? Quelles sont les dynamiques organisationnelles qui se créent autour de ces normes ? Quel est le rôle joué par chaque acteur au sein de la filiale ? Quels sont les processus d’institutionnalisation suivis ? La mise en place du dispositif de gestion normalisé s’inscrit dans un contexte social, politique et culturel précis. Ainsi nous soulignons dans cet article le rôle de la culture et des politiques organisationnelles et environnementales dans ce processus de mise en place des deux outils de gestion (ISO et IAS/IFRS). Dans ce contexte, la théorie néo-institutionnelle se révèle comme un cadre utile pour expliquer le cas d’une filiale qui subit les influences externes globales et locales et les influences internes (Kostova et Roth, 2002). La branche étendue de cette théorie nous permet de prendre en considération le rôle des acteurs au sein de la filiale. Ce rôle est primordial dans la dynamique organisationnelle qui se développe avant et durant la mise en place des normes. Notre approche du processus d’institutionnalisation des dispositifs de gestion situe la recherche au niveau micro. Ainsi, nous poserons un double regard sur ce phénomène : d’une part, nous identifierons les facteurs de pressions ; d’autre part, nous observerons les différentes phases qui constituent le processus d’institutionnalisation de ces dispositifs. Pour analyser d’une manière dynamique le processus d’institutionnalisation, nous utiliserons une approche qualitative longitudinale. Ce genre d’approche favorise la confrontation de la théorie et du terrain. Ainsi, la méthodologie d’étude de cas est apparue comme la démarche la plus pertinente pour répondre à un tel objectif. Wacheux (1996) définit cette méthode comme « une analyse spatiale et temporelle d’un phénomène complexe par les conditions, les évènements, les acteurs et les implications ». Cette méthode constitue donc le format le plus adapté pour restituer la complexité de la mise en place des outils de gestion normalisés ISO et IAS/IFRS. Deux études longitudinales ont été réalisées : La première étude est relative à la mise en place des normes ISO au sein de la filiale libanaise et sera d’une durée de 23 mois. La deuxième considère la mise en place des normes IAS/IFRS au sein de la même filiale et sera d’une durée de 18 mois. Les durées des études de cas ont été fixées selon l’agenda de la filiale libanaise. Les deux cas ont été constitués suite à l’analyse d’entretiens semi directifs centrés (ESDC) réalisés avec les principaux acteurs de cette mise en place. Le contexte de cette recherche la rend intéressante et originale pour plusieurs raisons : 2 La recherche traite le cas de la filiale d’une multinationale. Ce qui nous permettra de prendre en considération les deux types de pressions globales et locales. Ceci ajoute donc des pressions peu présentes dans le cas des autres organisations locales (entreprises nationales, PME/PMI, organisations publiques, etc.). Nous avons choisi le cas d’une filiale, car selon Farashahi, Hafsi et Molz (2005), avec la mondialisation, l’environnement des affaires devient de plus en plus global donnant ainsi de plus en plus d’importance aux multinationales. Leur étude devient cruciale dans l'analyse institutionnelle de l'organisation. Dans le cas de la filiale H, les managers doivent raccommoder les exigences de leur maison-mère et les contraintes et exigences locales. Souvent, ces deux types de pressions ne vont pas dans le même sens. Il est donc intéressant d’explorer la manière dans laquelle les différents acteurs vont réagir face à ce contexte. Nous comparons la mise en place de deux types de normes : les normes ISO et les normes IAS/IFRS. Ces normes ne possèdent pas les mêmes caractéristiques. Dans le cas des multinationales, les normes ISO sont souvent imposées par la maison-mère. Alors que les normes IAS/IFRS sont souvent imposées par les lois locales. Ces deux cas nous permettront de comparer la dynamique qui se crée autour de chaque type de norme. Nous comparons les perceptions, attentes et comportements des responsables/ managers aux ceux des employés/ouvriers. Par cette comparaison qui intègre différents niveaux d’analyse, nous souhaitons présenter une vision, la plus globale possible, sur la mise en place des normes au sein d’une entreprise. Ces deux études se déroulent au Liban. Elles restent très rares les études effectuées dans ce pays. De nouvelles dimensions culturelles et politiques peuvent donc être prises en compte. Ceci permet d’enrichir le contexte de cet article. En effet, le Liban est considéré comme un carrefour entre l’Occident et l’Orient. Dans ce pays paradoxe, le local se mélange avec le global dans un contraste unique dans son genre. Le rôle des forces politiques confessionnelles et tribales est important et pèse énormément sur le choix des organisations. En effet, ces forces ont réussi à créer un régime unique dans son genre fondé sur le clientélisme et le sectarisme (Karam et Catusse, 2009 ; Corm, 2008). Cette atmosphère pèse sur le management des filiales des multinationales. Ces quatre spécificités ajoutent plus d’originalité sur un sujet à la base original. En effet, si les recherches qui s’intéressent au processus d’institutionnalisation des normes au niveau macro sont nombreuses, elles restent rares celles qui cherchent à étudier en profondeur l’adaptation de ces normes par une entreprise en particulier. En effet, la majorité des recherches sur le processus d’institutionnalisation se fait dans un secteur d’activité précis ou au sein d’une économie précise. Mais l’institutionnalisation en interne qui correspond à la mise en place des normes au sein d’une seule organisation reste très peu étudiée. Dans ce qui suit, nous commencerons par les apports de la branche étendue de la théorie néo-institutionnelle sociologique et le rôle de l’entrepreneur institutionnel et des autres acteurs au sein de l’organisation. Ensuite, nous présenterons la spécificité du cas des filiales. Et nous terminerons la partie théorique de cet article par un résumé des contraintes auxquelles font face les filiales libanaises. La partie pratique présentera la méthodologie de cette recherche ainsi que les résultats de nos deux études terrain. Ces résultats montrent qu’il existe deux types de processus qui seront comparés dans la dernière partie de cet article. 3 LES NORMES A INSTITUTIONNALISTES L’AUNE DES THEORIES NEO- En dehors de la vision déterministe néo-institutionnelle, la branche étendue du néoinstitutionnalisme sociologique propose une vision volontariste qui suppose que les entrepreneurs institutionnels jouent un rôle crucial dans le changement organisationnel (DiMaggio, 1988). En effet, le néo-institutionnalisme sociologique étendu réintroduit les attentes et les besoins des acteurs au cœur de l’institutionnalisation (Huault et Leca, 2009). Cette nouvelle branche considère que les institutionnalistes ne doivent pas continuer à s’intéresser uniquement aux situations qui sont ignorées par les rationalistes et les behavioristes, c'est à dire, celles dans lesquelles les acteurs ne poursuivent pas leurs propres intérêts (DiMaggio, 1988). Elle cherche ainsi à inclure tous les types de comportement au sein de l’institutionnalisme, y compris ceux motivés par les intérêts personnels et par le pouvoir (Holm, 1995). Ainsi, selon cette théorie, les entrepreneurs institutionnels se désencastrent (Beckert, 1999) et introduisent le changement au sein de l’organisation en adoptant des innovations managériales (Zimmerman et Zeit, 2002). Cette adoption peut changer les méthodes de travail au sein de l’organisation et conduit ainsi les autres acteurs à résister car leur comportement et leur rationalité sont conditionnés par les anciennes institutions (Scott, 2001). Notre article cherche à étudier l’impact des pressions de l’environnement sur le comportement des acteurs au sein des organisations. Notre vision doit prendre en considération le comportement volontariste des entrepreneurs institutionnels mais également le comportement de résistance des autres acteurs. Nous nous intéresserons donc à cette dynamique organisationnelle qui sera créée autour du paradoxe changement/résistance qui accompagne une décision de mise en place d’un nouveau dispositif de gestion. Le néo-institutionnalisme étendu : Le rôle de l’entrepreneur institutionnel et des autres acteurs DiMaggio et Powell (1991) ont introduit plus de volontarisme dans l’analyse institutionnaliste en intégrant le rôle stratégique des agents. En effet, selon la branche étendue du néo-institutionnalisme, certains des acteurs au sein de l’organisation peuvent agir pour modifier les règles du jeu de leur environnement (Hoffman et Ventresca, 2002) et deviennent ainsi des entrepreneurs institutionnels. D’autres peuvent rester encastrés dans leur contexte socio-politique et continuer à protéger leurs habitudes devenues ‘taken-for-granted’. Cette vision étendue redonne de l’importance aux acteurs au sein d’une théorie néoinstitutionnelle qui selon Allouche et Huault (2003) les a négligés du moins dans ses fondements. En effet, Hasselbladh et Kallinikos (2000) considéraient que les explications de la théorie néo-institutionnelle étaient relativement désincarnées dans la mesure où les attentes et les besoins des acteurs étaient considérés comme une boîte noire à côté des facteurs inter-organisationnels et institutionnels qui rythment les comportements organisationnels. Le courant étendu a été donc introduit dans le but de combler ces lacunes en remettant les agents au cœur du processus d’institutionnalisation des innovations managériales. 4 Figure 1. Les choix stratégiques des acteurs selon la théorie néoinstitutionnelle Mais malgré le progrès que ce nouveau courant a conduit, les tentatives d’introduction du rôle des acteurs au sein du processus d’institutionnalisation ne concernaient que les managers susceptibles d’exploiter les institutions à leurs profits (Bourgeois, 2007). Nous considérons qu’il faut réintégrer le rôle de tous les autres acteurs et non seulement celui des entrepreneurs institutionnels, surtout celui des autres managers qui refusent de s’allier aux entrepreneurs institutionnels et aussi celui des employés qui résistent au changement. En effet, la prise en considération de l’ensemble des acteurs au sein de l’organisation (managers et employés) permettrait de mieux comprendre la dynamique organisationnelle qui se crée suite à l’introduction des normes surtout au niveau intra-organisationnel. Cette nouvelle vision du néo-institutionnalisme étendu permettra donc de traduire la dynamique intra-organisationnelle à l’œuvre dans la filiale ce qui permet de mieux expliquer le comportement des différents acteurs et de relier les actions individuelles aux influences macro-sociales (Huault, 2002). Le rôle de l’entrepreneur institutionnel Des études récentes montrent que certains cadres d’une organisation sont susceptibles d’institutionnaliser des pratiques et de désinstitutionnaliser d’autres pour accroître ou maintenir leur pouvoir ou leur profit (Huault et Leca, 2009). Selznick (1957) l’avait affirmé il y a cinq décennies en stipulant que le processus d’institutionnalisation peut être appréhendé par une démarche volontariste de la part des décideurs au sein de l’entreprise. DiMaggio (1988) a approfondi cette idée dans son article séminal de 1988. Selon ce dernier, le processus d’institutionnalisation est souvent déclenché par des agents organisés qui disposent du pouvoir et des ressources. Pour des raisons stratégiques, ou parfois influencés par des contraintes exogènes ou externes, ces derniers connus sous le nom d’entrepreneurs institutionnels décident à un moment donné de changer les règles du jeu (Zimmerman et Zeitz, 2002). Ils agissent ainsi en discordance avec les normes 5 institutionnalisées au sein de leur organisation et tentent même de les changer (Zilber, 2002). Selon Battilana et al. (2009), les entrepreneurs institutionnels sont des agents de changement qui remplissent deux conditions : (1) ils initient des changements radicaux qui rompent avec le modèle institutionnalisé au sein d’une organisation donnée, et (2) ils participent activement à la mise en œuvre de ces changements. Ces changements peuvent être ou peuvent ne pas être intentionnels (Battilana et al. 2009). De tels changements pourraient être initiés dans les limites d'une organisation ou dans des contextes institutionnels plus larges, dans lesquels l'acteur est embarqué. Dans ce large contexte, les entrepreneurs qui créent des modèles d'affaires qui divergent des modèles existants pourraient donc être considérés comme des entrepreneurs institutionnels. Selon Battilana et al. (2009), il existe deux conditions favorables à l’émergence des entrepreneurs institutionnels : (1) les caractéristiques du terrain et (2) la position sociale des acteurs. En effet, selon ces derniers, les caractéristiques du terrain comme les crises économiques et politiques, les bouleversements sociaux, les innovations technologiques, les changements réglementaires, ainsi que le degré d'hétérogénéité et d'institutionnalisation du champ sont des caractéristiques qui sont susceptibles de favoriser le rôle de l’entrepreneur institutionnel. Mais il faut noter que la position sociale des acteurs influe leur relation à leur environnement. Ainsi, les acteurs au sein d’une organisation perçoivent les caractéristiques du terrain différemment selon leur position sociale. Par exemple, le fait d’avoir été exposé à ces normes dans d’autres organisations ou à l’étranger pourrait conduire un manager ou n’importe quel acteur à devenir un entrepreneur institutionnel (Boxenbaum et Battilana, 2005). L’accès aux ressources est également une condition favorable à l’entreprenariat institutionnel (Battilana et al. 2009). Nous pouvons donc déduire que pour réussir le changement organisationnel voulu, l’acteur doit être capable de se désencastrer (Beckert, 1999) pour regagner en choix stratégiques (Leca, 2006). Il doit être capable de mobiliser des ressources pour pouvoir adopter des nouvelles pratiques (DiMaggio, 1988). Ensuite, il pourra institutionnaliser ces pratiques en convaincant les autres agents de les adopter eux aussi (Fligstein, 1997). Ces nouvelles pratiques, une fois institutionnalisées, donnent le pouvoir à ceux qui sont responsables de leur mise en place (Lawrence et al. 2001). Ainsi, elles favorisent certains agents et en défavorisent d’autres (Phillips et al. 2000). L’entrepreneur institutionnel et ses alliés sont donc récompensés. D’autres acteurs sont défavorisés. Une dynamique organisationnelle se crée autour de ce phénomène. Cette dynamique est caractérisée d’un côté par une vision du changement et d’un autre par une résistance à ce changement. Entrepreneur institutionnel, filiale et adoption des normes Dans le cas des filiales, la maison-mère joue souvent un rôle important dans les décisions stratégiques. En effet, comme nous l’avons bien souligné dans la partie 1.2, la maison-mère est souvent à l’origine de pressions institutionnelles. En général, ces pressions sont favorables à l’adoption des normes. Au sein de la filiale, certains acteurs saisissent l’occasion pour changer les règles du jeu en s’alliant à la maisonmère. Une fois, qu’ils gagnent le soutien de la maison-mère, ces entrepreneurs institutionnels adoptent des stratégies de cadrages pour attirer des alliés potentiels 6 au sein de la filiale (Benford et Snow, 2000). A l’aide d’un fort soutien de la maisonmère, cette coalition va lui permettre d’institutionnaliser de nouvelles pratiques au sein de la filiale. A moyen et long terme, l’institutionnalisation de ces nouvelles pratiques accroît son pouvoir au dépend des autres acteurs. En effet, ces nouvelles pratiques vont exercer un pouvoir et vont conduire les acteurs à agir d’une manière qu’ils n’auraient pas adoptée sans leur influence (Leca et Huault, 2009). Comme le précisent Leca et al. (2006), au niveau organisationnel, les entrepreneurs institutionnels peuvent changer les pratiques organisationnelles (Rao et al. 2000), les normes, les valeurs ou même les croyances au sein du système organisationnel de la filiale (Wade-Benzoni et al. 2002). Ils peuvent aussi transformer les relations inter-organisationnelles dans un secteur ou dans une industrie et influencer ainsi le taux de survie des organisations (Rao, 1994). Au niveau individuel, ces entrepreneurs poursuivent plutôt des objectifs liés à la réalisation ou l'amélioration de leurs propres intérêts (DiMaggio, 1988; Beckert, 1999). Ces motivations découlent de l’échange avec les autres acteurs de l’organisation (Leblebici, 1991). Elles se traduisent par une augmentation du contrôle et du pouvoir de leur propre groupe pour pouvoir imposer leur propre vision du changement (DiMaggio, 1988, 1991). Ressources, réseaux et pouvoir Face à de nouvelles exigences du marché ou suite à des pressions institutionnelles, les institutions en place perdent leur efficacité et rendent ainsi faciles les interventions des entrepreneurs institutionnels. Une fois les institutions ne fonctionnent plus, les relations interpersonnelles prennent le relais (Peng 2000). A ce moment, ceux qui détiennent les ressources et les réseaux détiennent le pouvoir au sein de l’organisation (Pfeffer et Salancik, 1978). La capacité de ces acteurs à contrôler l’accès aux ressources dont les autres acteurs ont besoin leur permet de défendre et même d’accroître leur propre pouvoir. L’imprévisibilité de leur comportement et l’incertitude qui en résulte peuvent également accroître leur pouvoir (Crozier et Friedberg, 1977). Le fait qu’ils vont être à l’origine du projet d’adoption ou de mise en œuvre, ils vont acquérir un rôle central au sein de l’organisation. La centralité de ces acteurs au sein des réseaux sociaux les rend inéluctables et leur offre une posture privilégiée. Parfois, ils sont même capables d’exploiter l’institution à leur profit (Leca et Naccache, 2006). Ils peuvent retirer un profit individuel dans le respect des règles institutionnalisées. Mais parfois, ils n’agissent pas uniquement pour maximiser leur propre profit (Fligstein, 2001) ou leur pouvoir personnel (DiMaggio, 1991). 7 Les entrepreneurs institutionnels agissent Pour augmenter leurs propres profits personnels Pour résoudre Pour faire véhiculer Car ils sont motivés les valeurs que le un problème par la philosophie changement du changement imposte Figure 2. Les raisons d’action des entrepreneurs institutionnels Comme le montre la Figure 2, parfois, ils sont motivés par les valeurs que le changement véhicule (Wade-Benzoni et al. 2002), par la philosophie du changement proposé (Rao, 1998), ou dans une optique de résolution de problèmes (Leblebici et al. 1991). Il est important de comprendre comment ces entrepreneurs utilisent leur pouvoir pour influencer le processus d’institutionnalisation d’une nouvelle innovation managériale. Cette recherche éprouve donc d’ouvrir cette boîte noire en essayant de comprendre comment se créent les rapports entre les entrepreneurs institutionnels, les autres acteurs et les institutions et comment évoluent ces rapports avec le temps. Processus d’institutionnalisation et entrepreneurs institutionnels Du point de vue des acteurs, le processus d’institutionnalisation d’un dispositif de gestion normalisé (les normes) au sein d’une organisation commence souvent par une volonté de rechercher le professionnalisme. En effet, selon DiMaggio et Powell (1991), les efforts déployés par les managers pour définir les conditions et méthodes de leur travail et contrôler la production conduisent à l’adoption de certains comportements normalisés. C’est pour cette raison les associations professionnelles considèrent que leur principal objectif est la structuration du champ est le développement des normes (Greenwood, Suddaby et Hinings, 2002). Selon Tolbert et Zucker (1983) le rôle des groupes d’influences est crucial car ils permettent un soutien continu et ceci pour réduire la résistance des groupes d’oppositions. La réduction de la résistance sociale est importante dans le processus d’institutionnalisation car les individus doivent venir à accepter une définition partagée de la réalité sociale et la considérer comme allant de soi. Le choix d’adopter les normes par les entrepreneurs institutionnels est renforcé par la rationalité limitée de ces managers (March et Simon, 1958) qui vont considérer ce choix comme une décision satisfaisante (satisfaying) qui leur permet de prendre des décisions optimales. Avec le temps, la mise en application de nouvelles méthodes de travail vont changer les règles de jeu au sein de la filiale. Ce changement imposera une nouvelle philosophie d’allocation des ressources. Les entrepreneurs institutionnels seront au 8 cœur de ce changement du fait qu’ils gèreront et accompagneront la mise en application des nouveaux dispositifs. Ils gagneront peu à peu en pouvoir au sein de l’organisation Le rôle des autres acteurs au sein de la filiale Hormis les entrepreneurs institutionnels dont leur position sociale leur permet de se désencastrer, il apparait qu’elles restent rares les recherches qui prennent en considération les autres acteurs de l’organisation. Pour cela, Bourgeois (2007) a introduit certaines notions des théories des modes managériales pour enrichir les principes micro du néo-institutionnels. Ainsi, il s’est inspiré de Midler (1986) qui considérait que les dispositifs de gestion peuvent constituer un atout pour les autres acteurs surtout si au moment de leur introduction, les entrepreneurs institutionnels arrivent à justifier que l’utilisation de tels dispositifs réponde aux besoins d’amélioration du management et de la performance de l’organisation. Selon Crozier et Friedberg (1977), l’acteur possède toujours une marge de manœuvre relative qu’il va exercer en tout moment pour améliorer sa situation. Bernoux (2003), confirme ceci et précise que ces acteurs construisent leur réponse en fonction de leur vision globale de l’ensemble des contraintes de leur organisation et du contexte de l’environnement. Ainsi, chacun selon ses projets, sa position sociale, ses capacités et ses ressources, contribue à la fois à la stabilité et au changement organisationnel (Demers, 1999). Donc suite à une décision d’adoption de nouvelles pratiques, les acteurs vont influencer le processus d’institutionnalisation de ces pratiques au sein de l’organisation selon la manière dont ils vont les percevoir. Ceci passe chez certains par une évaluation des avantages et des inconvénients de cette adoption. Ainsi, si ces nouvelles pratiques leur offrent plus d’avantages que d’inconvénients, ils vont considérer sérieusement la possibilité de les adopter. Ensuite, une fois adoptées et mises en place, les nouvelles pratiques sont institutionnalisées. En cas où les anciennes pratiques leur procurent plus d’avantages que les nouvelles pratiques introduites par les nouvelles normes, ils vont essayer de les préserver. Ils vont donc résister à la mise en place des nouvelles normes. Nous pouvons donc conclure qu’il existe deux types de réaction suite à la mise en place des nouvelles normes : L’acceptation des normes ou la résistance consciente ou inconsciente (Perret, 2009) à cette mise en application. En effet, certains acteurs au sein de l’organisation vont faire leur choix en s’inspirant des expériences des entrepreneurs institutionnels faites en pareille situation. Ils imiteront ainsi le comportement des entrepreneurs car ils le considèrent plus avantageux (l’isomorphisme de DiMaggio et Powell, 1991) pour eux. Certains vont même jusqu’à créer des alliances avec les entrepreneurs institutionnels dans le but de gagner une part du gâteau. Ils s’allient aux entrepreneurs institutionnels et soutiennent leur démarche pour profiter du changement. Pour d’autres acteurs, le changement n’est pas vu d’un œil positif. Ils restent encastrés dans leurs habitudes et dans leurs anciennes méthodes de travail et refusent tout changement. Ils le font d’une manière inconsciente car ils donnent beaucoup d’importance aux normes, structures et cultures organisationnelles et cherchent par tout moyen à maintenir le statu quo en soutenant les procédures et les 9 habitudes qui conduisent les individus et les groupes à résister au changement ; ou ils le font d’une manière consciente car ils refusent de perdre les avantages que les anciennes méthodes de travail offraient. Les deux paragraphes suivants seront consacrés à ces deux types de réaction. La première stratégie concerne l’acceptation des nouvelles normes (pratiques) et l’alliance aux entrepreneurs institutionnels. La deuxième concerne la résistance consciente et inconsciente. Dans certains cas, les entrepreneurs institutionnels peuvent passer par ces acteurs qui, eux, vont utiliser les ressources pour augmenter la pression sur les acteurs qui résistent au changement. Réaction d’acceptation des normes et alliance Face à une nouvelle norme, certains acteurs vont avoir le sentiment de faire preuve de rationalité en l’adoptant (Abrahamson, 1996). Influencés par la communication qui se développe autour de ces normes, ils vont la considérer comme une réponse crédible à leurs problèmes (Midler, 1986). Dans ce contexte, les acteurs vont se rapprocher des entrepreneurs institutionnels qui soutiennent le projet et vont s’allier à ces entrepreneurs. Gamson (1961) supposait que parmi les facteurs expliquant la formation d’alliance ou de coalition (dans cet article, nous utilisons les deux notions d’alliance et de coalition comme interchangeables) au sein de l’organisation, on trouve les bénéfices recherchés par les coalisés ainsi que les ressources dont ils disposent. Dans ce cas, les acteurs vont soutenir la mise en application des normes. Ils défendront cette mise en application des normes et travailleront du côté des entrepreneurs pour convaincre les indécis de l’utilité d’un tel projet. Refus des nouvelles normes et résistance au changement Si la mise en place des nouvelles pratiques managériales n’est pas bien préparée, l’adoption de celles-ci peut créer un problème de gestion. En effet, selon Perret (1996), les différentes composantes du contexte organisationnel comme l’histoire de l’organisation, ses structures et ses systèmes de gestion, sa culture et son système de pouvoir développent des résistances qui peuvent freiner, voire faire échec à l’introduction des nouvelles normes et pratiques de gestion. Selon Bareil (2004), la résistance au changement se manifeste de la part des employés, des cadres, des gestionnaires et même des dirigeants eux-mêmes. Cette résistance est exprimée quand les acteurs ne sont pas convaincus de la pertinence des décisions de changement. Au niveau des employés, la résistance au changement résulte souvent d’un état de dissonance cognitive. En effet, avec le temps, l’acteur au sein d’une organisation développe ses propres méthodes de travail qu’il considère optimales. L’adoption des innovations managériales implique la mise en place de nouvelles pratiques souvent incompatibles avec ses anciennes méthodes (Lawrence, 1969). Ce qui lui met la pression et lui oblige à changer ses méthodes. Ce changement de méthodes crée une tension désagréable chez l’employé et le pousse à mettre en œuvre des stratégies inconscientes visant à restaurer un équilibre cognitif et réduire ainsi la dissonance cognitive. Une personne agissant depuis des années selon une certaine 10 méthode profondément ancrée dans ses habitudes aura donc de difficultés à les modifier, et a tendance à rejeter les nouvelles méthodes de travail. Au niveau des managers, tous les membres de la direction ne sont pas automatiquement convaincus de la pertinence d’un changement (Lewis, 1999). Eux aussi peuvent donc résister à la mise en place d’une innovation managériale. Selon Bareil (2004), la résistance au changement peut être individuelle ou collective, active ou passive. La résistance individuelle est un mécanisme de défense qui sert à neutraliser l’anxiété qui accompagne le changement. Les groupes aussi peuvent résister au changement surtout s’ils perdent leurs acquis. Les effets de changement sur les réseaux informels peuvent provoquer donc des manifestations de résistance (Bareil, 2004). La résistance active se manifeste par un refus visible (des grèves, des manifestations, des démonstrations, des sit-in), des critiques, des plaintes, du sabotage, alors que la résistance passive s’exprime d’une manière indirecte par le statu quo, la lenteur, les rumeurs et le ralentissement. Les raisons de la résistance au changement de la part des employés Au sein d’une organisation, les employés peuvent résister au changement pour plusieurs raisons. Bareil (2004) a regroupé ces raisons en six catégories : les causes individuelles, les causes collectives, les causes politiques, les causes liées à la qualité de mise en œuvre du changement, les causes liées au système organisationnel en place et au changement lui-même. - Au niveau individuel, les caractéristiques sociodémographiques comme l’âge sont des facteurs positivement corrélés à la résistance au changement. Mais il existe également d’autres causes comme les traits de personnalité, l’incompréhension du changement, la peur de perdre certains avantages suite à ce changement, et un ratio coût/bénéfice élevé. - Au niveau collectif, la résistance peut être culturelle (Francesco et Gold, 1998). Elle peut être liée au respect des normes sociales, ou à la recherche du maintien du caractère sacré de certaines choses en termes de mœurs et rituels. Parfois, quand une innovation managériale est adoptée, certains acteurs se regroupent pour s’opposer à la mise en place de cette nouvelle méthode de travail. Ce regroupement est surtout construit sur des intérêts communs. - Au niveau politique, les employés peuvent résister au changement sous pression de personnes influentes, ou influencés par les forces politiques ou syndicales (Bareil, 2004). - Au niveau de la mise en œuvre du changement, selon Rondeau (2002), certaines conditions comme l’orientation, la sensibilisation et l’habilitation lorsqu’elles sont absentes conduisent à une résistance. - Au niveau du système organisationnel, les déterminants de la résistance au changement sont nombreux. Rondeau (2002) cite le contexte et l’environnement de l’organisation, sa structure, sa culture et surtout le manque de leadership au sein de l’équipe dirigeante. 11 - Parfois, le changement lui-même engendre une résistance de la part des employés. En effet, parfois, les innovations managériales introduites impliquent des changements complexes et peu légitimes ce qui fait que le changement est perçu comme contraire aux valeurs du milieu (Bareil, 2004). Le cynisme organisationnel La théorie des organisations présente d’autres attitudes de résistance au changement comme par exemple le cynisme organisationnel. En effet, le cynisme organisationnel a été défini par Dean et al. (Dean et al. 1998, traduit par Perret 2009) comme une attitude négative à l’égard de l’organisation. Cette attitude négative comprend trois dimensions : une croyance que l’organisation manque d’intégrité, un sentiment négatif envers l’organisation, et des tendances à des comportements de discrédits l’égard de l’organisation. Face à ce genre de comportement, Perret (2009) préconise une double réponse : une intensification de la participation de l’ensemble des acteurs et l’amélioration de la communication. Les décisions dans ce cas ne sont plus individuelles mais plutôt collectives et s’inscrivent ainsi dans un champ organisationnel. Cette notion de champ organisationnel souligne l’importance du contexte et relie l’action individuelle aux influences macro-sociales (Huault, 2002). L’impact de l’adoption des normes sur la dynamique intra-organisationnelle L’adoption d’un nouveau dispositif de gestion peut avoir plusieurs impacts sur la dynamique intra-organisationnelle. En effet, l’adoption casse l’équilibre qui existe déjà au sein de l’organisation. Un changement se crée au-delà des logiques existantes et un nouvel ordre se met en place. Les entrepreneurs institutionnels révolutionnent ainsi l’organisation et développent un nouveau modèle en s’appuyant sur les logiques institutionnelles qui accompagnent le dispositif de gestion adopté. Ce changement dépend surtout de la volonté des entrepreneurs institutionnels mais également de l’existence de ressources nécessaires à l’accompagnement du changement. Les entrepreneurs utilisent ainsi leurs ressources pour cadrer l’institution qu’ils créent. En effet, la légitimation de la nouvelle logique requiert le soutien d’autres acteurs (Garud et al. 2002 ; Greenwood et al. 2002). Pour cela, les entrepreneurs institutionnels doivent utiliser leur talent pour convaincre les alliés potentiels. Ainsi, une dynamique à double facette est lancée. Cette dynamique se repose sur d’un côté la construction d’alliance et de coalitions et d’un autre côté sur la théorisation (Greenwood et al, 2002). En effet, la théorisation consiste à formuler un problème auquel la nouvelle norme constitue une solution ou un traitement afin de la présenter comme étant meilleure que les pratiques existantes (Greenwood et al. 2002). La théorisation passe nécessairement par la persuasion qui cherche à donner du sens aux nouvelles normes auprès des acteurs (Maguire et al. 2004). Elle passe également par le marchandage et la négociation. Ainsi, certaines personnes vont s’allier aux entrepreneurs et vont ainsi gagner du pouvoir au dépend des autres qui vont résister et vont en perdre. Dans cette partie, nous allons résumer les impacts de la mise en place d’une nouvelle norme sur la 12 dynamique à l’intérieur d’une organisation. Nous commencerons par résumer le changement subi au niveau de la hiérarchie avant de présenter les changements survenus au niveau des relations entre les acteurs. Nous terminerons cette partie par les conflits qui sont introduits suite à la mise en place de nouvelles normes. Changement de la position hiérarchique de certains acteurs L’adoption d’un nouveau dispositif de gestion normalisé permet à certains acteurs de gagner en pouvoir, ce qui conduit à un changement dans leur poids au sein de l’organisation. En effet, le pouvoir acquis va permettre aux entrepreneurs institutionnels de s’approprier le contrôle des ressources clés au sein de l’organisation. Ils gagneront ainsi en information, en récompense, en coercition, en légitimité, en référence et/ou en expertise (French et Raven, 1959). Cet impact peut améliorer le niveau de satisfaction de certains acteurs mais il peut également gêner d’autres. L’organisation bénéficiera ainsi des avantages qui découleront de la satisfaction des acteurs comme par exemple le haut niveau de motivation de ces derniers, leur meilleure coopération, et leur fidélité à l’entreprise (Hunt et Nevin, 1974). Mais suite à ce changement de pouvoir, l’entreprise subira le poids du gène occasionné aux autres acteurs. Ce gène se traduira par moins de coopération et plus de conflit (Skinner et al. 1992). Changement dans la nature de la relation entre les différents acteurs Le changement de pouvoir accompagné d’un changement de méthodes de travail au sein de l’organisation peut engendrer de nouvelles relations et de nouvelles interdépendances entre les différents acteurs. Ces nouvelles relations qui relient les différents acteurs au sein de l’organisation peuvent être résumées par soit une allure favorable soit une allure défavorable. Dans le premier cas, nous sommes dans une situation d’entente qui peut conduire à une coopération. Cette entente se base souvent sur une vision commune de l’organisation, de ses valeurs, de sa culture, et/ou de sa gouvernance. Cette coopération peut évoluer en instaurant une logique gagnant-gagnant au sein de l’organisation. Cette nouvelle logique impose des règles de partage et de d’obligation. Dans le deuxième cas, on est dans un cas de conflit et d’opposition. Dans ce cas, l’acteur vit ses relations d’interdépendance sous le signe de la domination. Il sent de la frustration quand son avancement vers son objectif est retardé par les autres. Le cas des conflits sera présenté dans le prochain paragraphe. Les conflits suite à l’introduction de nouvelles normes Les acteurs au sein d’une organisation possèdent des objectifs, des ressources et des valeurs différentes. L’interaction entre ces acteurs génère au quotidien des conflits. Dans le cas de l’introduction d’une nouvelle innovation managériale, du fait qu’elle influence les méthodes de travail et le rôle des acteurs, cette introduction est susceptible de déclencher des conflits entre les acteurs. En effet, l’interaction entre acteurs désencastrés (les entrepreneurs institutionnels) et autres encastrés (les acteurs qui refusent le changement et résistent en maintenant le statu quo) génèrera 13 une difficulté à intégrer les différents acteurs dans une vision unique et cohérente du changement attendu. Les conflits qui résultent de l’introduction d’une innovation managériale peuvent avoir différentes raisons. Ils peuvent être le résultat d’intérêts, de valeurs ou d’opinions divergents. Comme ils peuvent être dus à un conflit d’intérêts, à une tension de rôle ou à des attentes différentes. Ils naissent surtout à cause d’une négligence ou d’une passivité de certains acteurs. En effet, au sein de l’organisation, les acteurs agissent plus par habitude que par respect des règles et des procédures. Tout changement au niveau de ces habitudes, peut créer une confusion de pouvoirs et un flou dans les champs de compétence. LA SPECIFICITE DU CONTEXTE DES FILIALES Une des spécificités des multinationales comme objet de recherche réside dans le fait qu’elles peuvent être analysées du point de vue du siège ou de celui des filiales. Dans cet article, nous avons choisi d’étudier la réaction d’une filiale par rapport aux pressions de la maison-mère mais également par rapport aux pressions locales. En effet, selon Farashahi, Hafsi, et Molz (2005), les maison-mères sont devenues les principales sources de pressions institutionnelles. Ce qui souligne l’importance de ce domaine. Mais, malgré cet intérêt grandissant, elles restent rares les études qui s’intéressent à ce sujet. Certains auteurs, comme Kostova et Roth (2002, p. 216) montrent que si une pratique est mandatée par la maison mère, la filiale est tenue de se conformer. Ceci implique qu’il existe un domaine intra-organisationnel qui définit un ensemble de pressions auxquelles les différentes unités de l'organisation doivent se conformer. Mais en même temps, les filiales étrangères résidant dans différents pays d'accueil subissent leurs propres pressions institutionnelles locales. Cette dualité entre le local et le global rend le sujet plus compliqué mais plus intéressant aussi. Chaque filiale est confrontée à deux types de pressions isomorphiques distincts et ont besoin de maintenir à la fois la légitimité dans le pays hôte et au sein de leurs multinationales. Kostova et Roth (2002 p. 216) se réfèrent à cette situation comme étant la ‘dualité institutionnelle’. Cette idée de dualité n’est pas nouvelle. En 1991, Rosenzweig et Singh ont identifié une dualité dans les pressions rencontrées par les filiales : « Les filiales des multinationales subissent des pressions doubles. Elles subissent des pressions d’isomorphisme qui proviennent de leur environnement institutionnel local. Elles sont également confrontées à un impératif de cohérence au sein de leur maison mère ». Rosenzweig et Singh (1991) considèrent les multinationales comme un ensemble de structures et de processus différenciés qui constituent de différentes sous-unités de l'organisation. Ces structures et processus sont influencés par une variété de forces de l'environnement, dont certaines sont spécifiques au pays hôte et d’autres sont plutôt de nature mondiale. En effet, les multinationales sont confrontées à maintenir leur légitimité et à rester compétitives non seulement dans un seul endroit, mais plutôt dans tous les endroits où elles opèrent (Farndale et Paauwe, 2007). 14 Parfois, les pressions institutionnelles globales peuvent entrer en conflit avec les pressions institutionnelles locales. Dans ce cas, la filiale doit équilibrer entre isomorphisme global et isomorphisme local. Prahalad et Doz (1987) parlent dans ce cas d’intégration globale et de réactivité locale (global integration and local responsiveness) Parmi les pressions globales, Prahalad et Doz (1987) citent : - le pouvoir de négation des clients internationaux, l’intensité concurrentielle de certains concurrents présents dans plusieurs pays, - le besoin en investissement, - l'existence d’une innovation technologique, - les possibilités d’économie d’échelle et de réduction des coûts, - les difficultés d'accès aux matières premières et l'existence d’un besoin global. Ces pressions entraînent une intégration globale des filiales. Quand les pressions globales sont fortes, il est normal de voir une tendance à la prédominance du siège qui transforme les filiales comme de simples exécutantes de leur stratégie. Dans ce cas, le contexte peut favoriser les idées développées au sein de la maison-mère (Burgelman et Grove, 1996 ; Hamel, 1996). Ainsi, la maison-mère établit une série de standards et d’objectifs qu’elle délègue aux départements fonctionnels du siège afin qu’ils s’occupent de leur mise en place. Selon Romelaer (2005), dans ce cas, certaines maison-mères mettent en place une structure de type féodal. Dans ce système, la maison-mère peut s’appuyer sur quelques cadres au sein des filiales à qui elle leur fait confiance et leur donne du pouvoir. Ils deviennent responsables devant elle. La confiance règne ainsi sur les relations entre la filiale et la maisonmère. Parmi les pressions locales, Prahalad et Doz (1987) citent : les différences de comportement des clients entre le pays de la maison-mère et le pays hôte (celui de la filiale), - le besoin d'adaptation locale des produits et/ou services aux besoins locaux, - l’existence de différents types de canaux de distribution, - et les pressions locales politico-légales, - Les différences culturelles, Au-delà de ces facteurs, Kostova (1999) propose trois composantes du contexte local : la composante régulatrice, la composante cognitive et la composante normative du pays de la filiale. La composante régulatrice reflète les différentes lois et régulations du pays de la filiale (Scott, 1995). La composante cognitive concerne la représentation de la réalité qui est partagée par la population. Enfin, la composante normative consiste en l’ensemble des valeurs et des normes partagées par les citoyens du pays de la filiale. Ces pressions locales entraînent l'adaptation des filiales aux conditions locales. Elles obligent la maison-mère à accepter de délocaliser une grande partie de la décision dans les pays hôtes. Dans ce cas, la maison-mère est incapable de comprendre 15 totalement la complexité des contextes de ses filiales ce qui la contraint à déléguer de l’autorité et des responsabilités stratégiques à ses filiales (Beddi, 2006). La filiale filiale Figure 3. La dualité institutionnelle d’une filiale De plus, la filiale, en acquérant ses propres ressources et expertises, va réduire sa dépendance vis à vis de la maison-mère (Prahalad et Doz, 1987). La filiale va essayer de développer de plus en plus sa propre stratégie et ne se reposera plus seulement sur celle prescrite par la maison-mère. Ce genre de prise d’initiative sera pour les filiales un des moyens pour accroître leur pouvoir au sein de la multinationale. Ces initiatives provenant des filiales sont vues avec suspicion et hostilité par la maison-mère car elles permettraient à la filiale plus d’indépendance. Cette complexité dans la relation maison-mère/filiales montre que la notion de dépendance/indépendance qui relie la filiale à son siège est donc la deuxième clé qui régit les mécanismes de coordination formels et informels d’une multinationale (Martinez et Jarillo, 1991) (la première est constituée des pressions locales). En effet, le plus une filiale est dépendante financièrement de sa maison-mère, le moins elle a de l’autonomie dans la fixation et la détermination de sa stratégie. Cette relation avec la maison-mère peut conduire la filiale à adopter des innovations managériales sans conviction et juste sous pression. Dans le cas où la filiale est indépendante financièrement de sa maison-mère, elle aura la possibilité dans ce cas de déterminer une stratégie locale. Dans ce contexte, la recherche de légitimité locale peut conduire la filiale à adopter des normes sous pressions locales pour devenir isomorphe avec son environnement local. Par exemple, les lois locales imposent souvent des pratiques que la filiale adopte sous pressions coercitives (Rosenzweig et Singh, 1991, p. 347). 16 LES CONTRAINTES AUXQUELLES FONT FACE LES FILIALES LIBANAISES Les entreprises libanaises sont soumises à des contraintes de plusieurs types qui déterminent leur position et leur dynamique. Le sens d’évolution vers lequel tendent ces organisations est fonction des contraintes internes et externes qui agissent sur elles. Philip Kotler (1971) détermine deux types de facteurs : facteurs sur lesquels l’entreprise a la possibilité d’exercer un contrôle effectif et facteurs non maîtrisés par celle-ci. Le macro-environnement tel qu’il est segmenté en domaines économique, écologique, socioculturel, législatif, technologique et politique, constitue un ensemble de contraintes fortes qui pondère les choix du décideur. Par ailleurs, des contraintes liées au microenvironnement comme la pression des clients, la pression des fournisseurs, la concurrence, les menaces des produits de substitutions et les menaces des produits des nouveaux entrants sont également décisives sur le choix des managers. D’autres pressions sont inhérentes à l’entreprise et tiennent de sa position concurrentielle, de sa structure organisationnelle, de sa culture et de la position des pouvoirs et sont autant de facteurs déterminant les choix issus d’un processus de décision que les contraintes de l’environnement. Bien entendu, les facteurs externes et internes ne sont pas isolés dans le monde de l’entreprise et leurs actions ne sont pas limitées qu’à l’influence exercée sur le processus de décision et qu’aux conséquences induites dans l’organisation. En effet, les facteurs environnementaux et organisationnels sont en interaction, ce qui conduit à comprendre le milieu de l’entreprise comme un environnement sous contraintes et dépendances entre acteurs. Le modèle général que nous adoptons dans cet article est issu des travaux de Burns et Flam (1987) auxquels on ajoute les principes du néo-institutionnalisme sociologique. Nous nous intéressons aussi au rôle stratégique des acteurs au sein de l’organisation. Ce sont donc les théories du néo-institutionnalisme sociologique étendu qui seront mobilisées surtout pour souligner le rôle des entrepreneurs institutionnels (Leca, 2006). Selon Burns et Flam (1987), les acteurs décident de se comporter et se comportent sous l’influence de contraintes endogènes et exogènes. Les contraintes exogènes correspondent au contexte socioculturel du pays et de la région, au contexte social et politico-historique de l’environnement externe de l’organisation. Les contraintes endogènes inclurent la culture de l’organisation, les normes, les habitudes et les routines qui sont institutionnalisées au sein de l’organisation, ainsi que les conditions matérielles. Leur décision et leur comportement sont également influencés par leur niveau hiérarchique, leur niveau d’étude, leur charisme, leur pouvoir et les possibilités de contrôle des ressources qu’ils ont au sein de l’entreprise. Leur décision et leur comportement influencent à long terme ces contraintes endogènes qui à leur tour, à très long terme, influencent les contraintes exogènes. Nous considérons ce modèle comme cadre de référence pour notre analyse tout en l’adaptant au contexte de la filiale sujet de notre recherche. Dans cet article, nous considérons que l’action d’une filiale n’est pas limitée à un choix parmi une infinité de possibilités mais plutôt à un choix parmi un nombre restreint d’options légitimes déterminées par l’ensemble des parties prenantes. En 17 effet, les contextes institutionnels global et local de la filiale créent des pressions qui restreignent les possibilités qui s’offrent aux décideurs. En effet, les responsables, managers, directeurs, employés et autres acteurs au sein d’une filiale se comportent sous l’influence des contraintes endogènes et exogènes globales et locales. Les contraintes endogènes incluent la culture de l’organisation, les normes, les habitudes et les routines qui sont institutionnalisées au sein de l’organisation, les conditions matérielles et les ressources qu’elle en dispose, ainsi que sa dépendance/indépendance vis-à-vis de sa maison-mère. Les contraintes exogènes globales représentent surtout la pression de la maison-mère. En effet, la stratégie internationale de la multinationale impose parfois des contraintes supplémentaires qui guident l’action des acteurs au sein de la filiale. Les contraintes exogènes locales correspondent à celles liées au contexte socioculturel et légal du pays hôte, au contexte social et politico-historique de l’environnement externe de la filiale, ainsi qu’aux influences sociales. Ces pressions institutionnelles font de sorte que la filiale institutionnalise certains dispositifs de gestion normalisés dans le but de gagner en légitimité internationale et ceci pour faciliter son accès aux ressources. En effet, en s’alignant aux pressions de la maison-mère et en prenant en considération l’ensemble des forces institutionnelles, elle gagne en légitimité auprès de son siège. Mais si les contraintes globales entrent en conflit avec les contraintes locales, cette dualité va créer des conflits au sein de la filiale entre acteurs désencastrés et acteurs encastrés. Les premiers vont soutenir le changement. Ils vont même le guider. Les seconds vont résister farouchement pour maintenir le statuquo. Le comportement des acteurs (managers et employés) est influencé par leur niveau hiérarchique, leur niveau d’étude, leur charisme, leur pouvoir et les possibilités de contrôle des ressources qu’ils ont au sein de l’entreprise. Il faut également ajouter leur ambition et leur volonté d’acquérir et/ou d’augmenter leur pouvoir. Cet article essai d’étudier tous ces facteurs avec une perspective longitudinale. En effet, ces facteurs peuvent évoluer avec le temps. Ainsi, avec le temps, les managers et/ou employés d’une filiale peuvent modifier les logiques existantes et s’allient à d’autres acteurs pour institutionnaliser de nouvelles logiques. Ils modifient ainsi leur institution en adoptant de nouvelles normes. Ce dernier point dans notre article est fondé sur les travaux de Zilber (2002) qui a étudié les centres de crise pour la prise en charge des traumatismes faisant suite à un viol. Ce dernier a montré que l’institution change par l’action de ses acteurs. Selon ce dernier, l’institution change avec les significations construites autour des interprétations que les acteurs font de leurs actions. En effet, dans son étude ethnographique, Zilber (2002) a montré que la logique institutionnelle de ces centres a complètement changé des précédentes conceptions féministes vers une conception beaucoup plus médicale. Les résultats de son étude montrent que ce changement est dû à l’action et aux pratiques des individus dont la vision est plus thérapeutique. C’est donc l’expérimentation de la mise en application de certaines pratiques qui permet d’influencer l’institution. 18 Notre article part de ce constat pour proposer une explication qui éclaircie la dynamique qui se crée suite à la mise en place des normes au sein de la filiale. La Figure 4 résume les éléments essentiels de notre recherche. Figure 4. Le modèle de cet article 19 LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE Dans cette recherche, nous nous situons dans une démarche abductive qui suppose un aller-retour entre la littérature et le terrain. L’abduction consiste à tirer de l’observation des conjectures qu’il convient ensuite de tester et de discuter (Koenig, 1993). Elle renvoie à la capacité du scientifique à se mettre en position d’étonnement, à se laisser guider par la recherche de l’inattendu. L’objectif est de partir du terrain pour théoriser. La valeur ajoutée de cette méthode est qu’elle nous permet de compléter la théorie actuelle en se basant sur les données collectées du terrain. Ainsi, dans une première étape, nous nous sommes appuyés sur la littérature pour constituer une grille de lecture. Ensuite, comme le proposent Miles et Huberman (1991), cette grille a été enrichie par les résultats qui ont émergé au fur et à mesure qu’on avançait dans l’étude du terrain. Ce qui veut dire que les résultats de cette recherche proviennent à la fois d’une analyse de la littérature et du terrain étudié. Une théorisation enracinée du processus de mise en place des normes au sein d’une filiale est alors construite selon la méthodologie suggérée par Glaser et Strauss (1967). Cette théorie sera effectuée selon une démarche abductive ancrée dans un positionnement interprétativiste. Notre recherche utilise ainsi une méthodologie qualitative dans une démarche exploratoire. Plusieurs allers retours entre théorie et terrain sont effectués dans le but de comparer les notions théoriques aux pratiques du terrain et ceci pour enrichir et améliorer les connaissances théoriques du domaine. Notre approche méthodologique s’appuie sur la collecte et l’analyse de données qualitatives. Selon Hlady-Rispal (2002, p 49), cette approche « s’intéresse en profondeur au comment et au pourquoi des faits observables ». Nous avons donc dans cette recherche une visée compréhensive. Ainsi, nos deux cas ont été constitués suite à l’analyse d’une série d’entretiens semi directifs centrés. Ces données ont été recoupées avec d’autres méthodes de collecte. En effet, nous avons choisi de pratiquer une triangulation des méthodes de collecte des données en ayant recours à plusieurs sources de preuve : les comptes rendus des réunions, les archives et les documents publiés par la filiale et par la maison-mère. D'autres sources de données nous ont été utiles : des entretiens ouverts informels avec la secrétaire du directeur, avec plusieurs collaborateurs du directeur et des documents internes à la filiale. La figure 5 résume le design de collecte et de traitement des données relatif à notre recherche. Nous pouvons remarquer que nous sommes partis de la littérature qui existe mais nous avons enrichi cette littérature de données émanant du terrain libanais. 20 Revue de la littérature de la théorie néo-institutionnelle sociologique étendue er Indexage des documents ère 1 ère étape étude ISO : Entretiens 1 avec 6 responsables étape étude ISO : Entretiens 1ère étape IAS/IFRS : Entretiens avec 4 comptables avec 10 employés de le DAF et le Chef Comptable ère 1 Analyse de données secondaires étape : Analyse des données recueillies Codage des données ème 2 ème 2 étape étude ISO : Entretiens avec 6 responsables ème 2 1 Guide d’entretiens Guide d’entretiens ème 2 étape étude ISO : Entretiens avec 10 employés ème 2 étape IAS/IFRS : Entretiens avec 6 comptables étape : Analyse des données recueillies Codage des données ème 3 Guide d’entretiens Analyse de données secondaires Analyse des données recueillies Codage des données Constitution des cas Figure 5. Le design de la recherche 21 LA MISE EN PLACE DES NORMES ISO Suite à la revue de la littérature, nous avons commencé par constituer une grille de lecture. Selon la théorie néo-institutionnelle, notre grille montre que les raisons de mise en place des normes peuvent être résumées par les trois isomorphismes mimétique, normatif et coercitif. La littérature également cite fréquemment la recherche de crédibilité, de légitimité et d’image et enfin la recherche de l’efficacité. L’analyse des trois tours d’entretiens réalisés auprès des employés et des managers confirme que ces facteurs étaient bien présents dans le cas de la filiale. Figure 6 La grille de lecture et les réponses des acteurs Comme le proposent Miles et Huberman (1991), cette grille a été enrichie par les résultats qui ont émergé au fur et à mesure qu’on avançait dans l’étude du terrain. La Figure 6 présente la grille de lecture et les réponses des acteurs. Les problèmes rencontrés lors de la mise en place des normes ISO 22 La décision d’adoption des normes ISO était mal planifiée. La pression de la maisonmère était claire. De ce fait, cette mise en place était mal perçue par les employés qui ont supposé qu’il y a une sorte de mauvaise compréhension du contexte libanais. N’ayant pas vu l’utilité d’une telle démarche, leur implication est restée symbolique. Quand la direction a décidé d’augmenter la pression pour accélérer la mise en place, les employés ont fortement résisté. Soutenu par des forces politiques, un manager a contacté la maison-mère. Suite à sa visite rapide en Europe, il est revenu en tant que directeur du projet. Sa première réaction était de convoquer les syndicats et de négocier avec eux un plan de licenciement. Mise en place perçue non-planifiée, perçue comme une obligation suite à des pressions globales Première phase Perçue comme non-compréhension de contexte local de la part de la maison-mère Implication insuffisante du top management Conformation symbolique aux conditions Personne ne croyait en sa faisabilité Deuxième phase Plus de pression de la part de la direction pour accélérer la mise en place Peur du changement et résistance Les résistants obtiennent le soutien des forces politiques régionales Des retards sur des livraisons La direction a réagi en cherchant le soutien des forces politiques nationales La direction a réagi en cherchant le soutien financier de la maison-mère Troisième phase Réduction des postes et licenciement Accélération de la vitesse dans le but de respecter les délais Peur de perdre son travail Adhésion complète au projet Respect la philosophie de la norme Beaucoup d’effort Quatrième phase Dynamisme retrouvé Taken for granted Routine Cinquième phase Histoire de réussite mais à oublier Nouvelles pressions locales et globales Figure 7. Les cinq phases et différentes situations rencontrées suite à la mise en place des normes ISO 23 LA MISE EN PLACE DES NORMES IAS/IFRS Plusieurs chercheurs ont déjà étudié les raisons d’adoption des normes IAS/IFRS. Ils les abordent sous des dénominations différentes selon le domaine d’étude du chercheur. Notre recherche est bien différente des anciennes recherches du fait qu’elle traite le niveau micro et tende à comprendre la dynamique de normalisation au sein d’une industrie au Liban. La revue de la littérature nous propose une grille de raisons qui peut être utilisée comme un point de départ de notre analyse. En effet, selon Chiapello (2005), Albu, Albu, et Fekete (2010), Sucher et Jindrichovska (2004) Hope, Jin et Kang (2006), Tarca (2004), les raisons d’adoption des normes IAS/IFRS se manifestent pour différentes raisons : sous pression légale (pour les entreprises cotées en bourse), la recherche du prestige accru, la stabilité, la recherche de légitimité, le soutien social, la facilité d’accès aux ressources, l’attraction d’un personnel de qualité, la recherche du professionnalisme, la reconnaissance par les autres acteurs du secteur d’activité, la possibilité d’attirer des actionnaires étrangers, l’appartenance au groupe d’entreprises qui a déjà adopté les normes IAS/IFRS. Cette grille est présentée dans la Figure 8. Recherche de professionnalisme Appartenir à un groupe Prestige accru Sous pression du secteur d’activité Sous pression légale Stabilité Les raisons d’adoption des normes IAS/IFRS Légitimité Attirer des actionnaires étrangers Attraction d’un personnel de qualité Accès aux ressources Soutien social Figure 8. La grille de raisons d’adoption des normes IAS/IFRS selon la littérature Nous nous sommes basés sur cette grille pour étudier le terrain. Les problèmes rencontrés lors de la mise en place des normes IAS/IFRS 24 Le plus grand problème était lié aux possibilités d’adaptation de ces normes au contexte de la filiale. Malgré l’adhésion complète des comptables, le projet a connu quelques mauvaises applications. Mais, le management avait prévu la majorité des difficultés. Les directeurs financiers avaient pris les précautions nécessaires pour bien réussir la mise en place de ces normes. Il y a eu recours à des experts et à des consultants pour former les comptables à la philosophie et aux grands principes de la normalisation IAS/IFRS. Les comptables ont par la suite adapté les règles au contexte de l’entreprise. Mise en place étudiée et planifiée, perçue comme imposée par un changement de loi locale Première phase Aucune pression globale. La pression de la maisonmère est quasi-inexistante Implication sérieuse et en continu de la part du management Deuxième phase top Préparation au changement Aucune implication des forces politiques régionales Adhésion complète au projet de la part des comptables Le recours aux experts et aux consultants Formation à la philosophie et aux grands principes de la normalisation IAS/IFRS Adaptation des règles au contexte de l’entreprise Respect la philosophie de la norme Troisième phase Retour positif - Plus de qualité dans l’information financière Routinisation de ces nouvelles pratiques Histoire de réussite à prendre comme exemple pour d’autres mis en place Figure 9. Les trois phases et différentes situations rencontrées suite à la mise en place des normes IAS/IFRS CONTRIBUTION : ESSAI DE PROPOSITION D’UN MODELE DE PROCESSUS Un grand nombre de recherches académiques s’est intéressé au processus d’institutionnalisation (Barley et Tolbert, 1997, Kikulis, 2000, Dambrin, Lambert et Sponem, 2007, Oliver, 1991, Lawrence, Winn et Jennings, 2001, Townley, 2002, Philips, Lawrence et Hardy, 2004, Burns et Scapens, 2000, Lounnas, 2004, 25 Goodstein, Scott, Dacin, 2002, Colyvas et Powell, 2006). La majorité de ces chercheurs s’est basée sur la théorie néo-institutionnelle pour expliquer ce phénomène. Mais à la base, cette théorie s’intéressait surtout aux phénomènes institutionnels de niveau macro. L’analyse se situait au sein d’une industrie, dans un secteur ou sur un marché précis. Récemment, des chercheurs de cette école se sont intéressés au processus d’institutionnalisation au sein des entreprises. Ainsi, le courant étendu s’est développé pour inclure le rôle des entrepreneurs institutionnels. Notre recherche s’inscrit dans ce courant et ajoute plus de volontarisme en expliquant le rôle des autres acteurs de l’organisation. Les paragraphes précédents ont montré l’importance de ces acteurs dans la mise en place des normes ISO et IAS/IFRS au sein de la filiale. Dans ce chapitre, nous présenterons donc les deux processus de mise en place des normes ISO et IAS/IFRS au sein de cette filiale. Nous décrivons ainsi les différentes phases de ces deux processus, leur enchaînement et les rôles des différentes parties prenantes tout au long de ces phases. Institutionnalisation sous forme de PUSH Dans notre recherche, le processus d’institutionnalisation PUSH est celui qui correspond à l’institutionnalisation des normes ISO. Dans ce cas, la décision d’implantation n’était pas imposée par la loi mais plutôt exigée par la maison-mère. Cette influence globale est à l’origine d’un processus constitué de cinq phases : la phase d’initiation, la phase de résistance, la phase d’internalisation, la phase de légitimation et la phase de désinstitutionalisation. Ce processus correspond à la mise en place de normes ISO. La mise en place a résulté surtout d’une pression globale. En effet, c’est surtout la maison-mère qui a poussé pour implanter ces normes. En effet, comme le montre les entretiens, ce processus est constitué de cinq phases : - La phase d’initiation - La phase de résistance - La phase d’internalisation - La phase de légitimation - La phase de désinstitutionalisation Ces cinq phases ont été traitées dans un article précédent qui a été publié dans le numéro 23/2011 de la revue Proche Orient Etudes en Management. Institutionnalisation sous forme de PULL Ce processus correspond à la mise en place de normes IFRS. Ces normes sont imposées par les lois locales du pays hôte. La décision d’implantation de ces normes au sein de la filiale n’était pas volontaire mais plutôt imposée par la loi. En effet, cette filiale est une entreprise cotée en bourse. Elle est donc obligée de respecter cette règle. Les entretiens effectués auprès des responsables de la filiale montrent que le 26 processus d’institutionnalisation des normes IFRS est constitué uniquement de trois phases : - La phase d’initiation - La phase de légitimation - La phase de désinstitutionalisation Ces trois phases ont été détaillées dans le même article qui a été cité op cite (publié dans le numéro 23/2011 de la revue Proche Orient Etudes en Management). Comparaison des deux processus d’institutionnalisation PUSH et PULL En comparant les deux processus d’institutionnalisation des normes ISO et IAS/IFRS, nous trouvons des ressemblances et des dissemblances. Au niveau des ressemblances, nous pouvons détecter des points communs qui peuvent être liés à un processus d’institutionnalisation général. Ces ressemblances sont les suivantes : Les deux processus débutent suite à des pressions externes. Dans le cas des normes ISO, la pression venait principalement de la maison-mère. Dans le cas des normes IAS/IFRS, la pression est plutôt légale. Ceci est en cohérence avec la littérature néo-institutionnaliste qui souligne l’impact important de l’environnement institutionnel sur les organisations. En effet, selon cette théorie, les organisations sont influencées par leur environnement et n’ont qu’un seul objectif : de survivre. Pour réussir face à ces pressions externes, elles doivent établir leur légitimité. Elles peuvent donc adopter des dispositifs de gestion normalisés sous pressions institutionnelles dans le seul but de gagner en légitimité. Dans le cas d’une filiale, la maison-mère a un rôle primordial. En effet, dans les deux cas d’étude, le soutien de la maison-mère était indispensable à la réussite de la mise en place des dispositifs étudiés. Cette conclusion est également dans la logique de la théorie néo-institutionnelle qui a bien approfondi la relation mère-filiale. En effet, selon Forsgren et al. (2005) et Etemad et Dulude (1986), le développement de la filiale est souvent la conséquence d’un engagement de la maison-mère. L’implication de la direction est importante. Plus l’implication du Top-Management est importante, plus rapide est la mise en place des normes. Ces résultats ont été soulignés par Liang et al (2007). En effet, ces derniers ont mobilisé la théorie néoinstitutionnelle pour expliquer l’assimilation des logiciels de gestion intégrés durant la phase de post-adoption. Leurs résultats montrent que les pressions mimétiques influencent positivement l’implication du Top-Management des entreprises qui, à son tour, a un effet positif sur l’assimilation de ces logiciels. 27 La formation et l’implication des employés est fondamentale. Ce résultat est important du fait que la théorie institutionnelle ne prenait pas en considération le rôle des salariés dans l’explication du comportement des organisations. Cette notion d’implication et de formation des employés est donc un apport intéressant qui sera détaillé plus loin de ce chapitre. La mise en place d’un nouveau dispositif demande une forte collaboration et une parfaite coordination entre les différentes équipes de travail au sein de l’entreprise. Cette collaboration est cruciale. L’impact de la mise en place n’est pas immédiat. En effet, les résultats de nos deux études montrent qu’il y a un certain temps d’adaptation qui est nécessaire avant de profiter des retombées positives des nouveaux dispositifs. La mise en place d’un dispositif de gestion normalisé crée un changement dans les habitudes et les méthodes de travail. Ceci ouvre la voie sur des études plus détaillées sur le processus de changement organisationnel créé suite à l’introduction de nouvelles normes. Les dispositifs de gestion normalisés doivent être adaptés aux spécificités de la filiale. Cette adaptation a fait l’objet de plusieurs recherches institutionnelles. En effet, le transfert de dispositifs de gestion normalisés nécessite une adaptation au nouveau contexte en mesure de l’importance des spécificités de l’entreprise. La dynamique de mise en place est profitable à l’entreprise. En effet, selon l’entretien effectué avec le DAF de la filiale « tout changement est souvent positif ». L’impact de la mise en place ne dure pas longtemps. Il faut donc renouveler cette démarche pour obtenir le résultat escompté. Au niveau des dissemblances, nous pouvons souligner les points suivants : Les pressions globales de la maison-mère du cas des normes ISO étaient moins influentes que les pressions locales du cas des normes IAS/IFRS. En effet, dans le premier cas, les pressions globales ne s’alignaient pas aux pressions locales. Alors que la maison-mère exigeait que la filiale soit certifiée au plus vite, les pouvoirs politiques et religieux libanais exerçaient une pression contraire et refusaient cette certification. Dans le deuxième cas, les deux pressions de la maison-mère et des pouvoirs politiques et religieux s’alignaient complètement. Ces résultats vont dans le même sens des résultats de Beddi et Tixier (2006) qui avaient souligné que la pression des pouvoirs locaux peut parfois diminuer la pression de la maison-mère. Elles justifient ces résultats par le fait que les pouvoirs locaux du pays hôte ont leurs propres objectifs et contraintes surtout quand l’activité de la filiale est considérée par le pays hôte comme stratégique. Dans le cas du Liban, la justification n’est pas la même que celle de Beddi et Tixier (2006), mais elle est plutôt lié au clientélisme qui règne le monde politique et le monde des affaires libanais (Karam et Catusse, 2009 ; Corm, 2008). Nous pouvons donc conclure que du fait qu’elles soient plus proches et donc mieux perçues par les employés de la filiale, les pressions locales ont beaucoup de poids et peuvent ainsi contrer les pressions globales. Dans ce cas, la maison-mère était obligée de s’impliquer plus et de mobiliser beaucoup plus de soutien pour pouvoir contourner les forces locales. 28 Le management de la filiale avait une meilleure réaction dans le cas des normes IAS/IFRS que dans le cas des normes ISO. En effet, le projet était mieux planifié que le cas des normes IAS/IFRS. Ceci peut être dû au fait que la décision de mise en place des normes IAS/IFRS a été faite au niveau de la filiale alors que la mise en place de normes ISO a été imposée par la maison-mère, Du fait de la facilité de leur mise en place, les normes IAS/IFRS n’ont pas été perçues comme ayant eu un fort impact sur le management de la filiale. Alors que dans le cas des normes ISO, suite aux difficultés de mise en place, il y a eu une sorte de re-engineering total qui a été perçue à posteriori comme très positive. Les impacts les plus importants dans le cas des normes IAS/IFRS étaient liés à la qualité perçue des données et informations comptables et financières et à l’image de la filiale. Alors que les impacts perçus des normes ISO ont dépassé l’image pour comprendre des éléments structurels du management. Toutefois, les effets directs les plus importants étaient ceux qui permettent à l’entreprise d’améliorer son efficacité, d’acquérir une meilleure vitesse de réponse, d’améliorer son système de qualité totale et de mettre en place une philosophie générale d’amélioration continue au sein de la filiale. D’autres impacts aussi importants ont été cités par les différents acteurs de la mise en place comme le renforcement de l’esprit collectif qui va même vers un management plus participatif qui donne à chaque employé plus de reconnaissance et qui permet à l’entreprise de garder un système transparent qui facilite l’accès à l’information. Pressions 1. externes Processus Processus d’institutionnalisation d’institutionnalisation PUSH PULL Pression de la 1. maison-mère. 1. Décision de mise en légale. 1. Forte implication de la place sans conviction de la Réaction part de la filiale. du Top 2. de la filiale Réaction des 3. Direction de la filiale. 2. Recours 3. Effort d’implication Rôle important des entrepreneurs motivation institutionnels. employés. 4. Reengineering total. 1. Information. à l’avis des spécialistes. Implication individuelle. Management Pression 1. et de des Information. 29 employés 2. Incompréhension et 2. Doutes quant à l’efficacité. doute. 3. Résistance. 3. Formation. 4. Formation. 4. Acceptation. 5. Acceptation 5. Erreurs sous d’application. pression. 6. Participation à 6. Adaptation. la 1. Meilleures l’adaptation. 1. Réduction de routine informations 2. Plus d’efficacité 3. Vitesse de réponse 4. Amélioration financières 2. du système de qualité 5. Meilleure image auprès des parties prenantes Amélioration continue Impact sur le 6. Plus de suivi Management 7. Implication collective de la filiale visible 8. Management participatif 9. Plus de reconnaissance 10. Plus de transparence 11. Facilité d’accès à l’information Figure 10. Comparaison des deux types de processus PUSH et PULL 30 CONCLUSION Jusqu’à ce jour, elles restent rares les recherches néo-institutionnelles qui étudient en profondeur l’adoption des normes au niveau micro par une entreprise particulière. Cette recherche étude le processus de mise en place des normes ISO et IAS/IFRS au sein de la filiale libanaise d’une large multinationale. Elle prend en considération différents types de facteurs : individuels, organisationnels et situationnels. En plus des pressions globales et locales, les rôles et les stratégies des individus ont également été pris en compte. La méthode longitudinale utilisée nous a permis de voir l’évolution de ces stratégies tout au long de la phase de mise en œuvre. Les pressions et cultures organisationnelles restent au cœur de notre recherche, ainsi, le rôle de la maison-mère et la culture de l’entreprise ont été pris en compte dans cette recherche. Nous recommandons aux décideurs au sein des multinationales de prendre en considération les résultats de notre recherche quand ils décident d’introduire des normes au sein de leurs filiales. En effet, passer directement de la phase d’introduction à la phase d’intériorisation est possible si l’entreprise implique, informe et forme ses employés. Cette phase de préparation du terrain nous semble indispensable pour bien intégrer la norme dans les activités quotidiennes de l’entreprise. Par conséquent, la dimension humaine et la mobilisation des Middle et Low Managers dans ce domaine reste un enjeu vital sachant que le succès ou l’échec de la mise en place dépend pour une large part de l’implication des employés. En résumé, l’approche sociologique de la théorie néo-institutionnelle explique une bonne partie du comportement des entreprises face aux nouveaux dispositifs de gestion normalisés. Elle ouvre des voies de recherches prometteuses dans ce domaine. La première voie est d’approfondir cette notion de processus d’institutionnalisation au sein des entreprises pour éclairer le rôle de l’ensemble les acteurs. La deuxième voie est d’approfondir le rôle stratégique des entrepreneurs institutionnels. Reste également la troisième voie liée au rôle des responsables politiques locaux qui exercent des pressions sur le management des entreprises locales. Si la validité externe de la méthode d’étude de cas que nous avons utilisé dans cet article est limitée, la généralisation des résultats ne constitue pas notre premier objectif. Nous sommes donc conscients que les résultats présentés dans cette recherche peuvent dépendre fortement du contexte de l’entreprise filiale. Leur généralisation requiert une certaine réserve. Nous ne prétendons pas non plus que c’est la réalité absolue. En effet, les réponses des interviewés sont souvent subjectives. 31 BIBLIOGRAPHIE Abrahamson E. (1996), Management Fashion, Academy of Management review, vol 21, n°1, pp. 254-285. Albu,C.N, Albu, N., Fekete, S., (2010), The context of the possible IFRS for SMEs implementation in Romania. An exploratory study. Accounting and Management Information Systems, Vol. 9, No. 1, pp. 45 -71 Bareil, C. (2004). Gérer le volet humain du changement, Montréal : Éditions Transcontinental et Les Éditions de la Fondation de l'entrepreneurship, 213 pages. Barley S., Tolbert P. (1997), Institutionalization and Structuration: Studying the links between Action and Institution, Organization Studies, Vol 18, N 1, pp. 93-117 Battilana, J., Bernard, L., Boxenbaum, E. (2009). "How Actors Change Institutions: Towards a Theory of Institutional Entrepreneurship." The Academy of Management Annals: 65-107 Beckert, J. (1999), Agency, Entrepreneurs, and institutional change. The role of strategic choice and institutionalized practices in organizations, Organization Studies, volume 20, n: 5, pp. 777-799 Beddi H., (2004). La relation siège - filiales : confrontation de deux cadres théoriques avec les cas de six multinationales et identification d'éléments additionnels, XIIIème conférence de l'Association Internationale de Management Stratégique (AIMS). Beddi H., Tixier J. (2006), Une approche inter-organisationnelle des relations filiales maison-mère au travers de l’étude des pressions : l’étude de quatre cas de firmes multinational, Congrès de l’AIMS, Université de Savoie. Benford, D., and Snow, D. (2000), «Framing Processes and Social Movements: An Overview and Assessment»,Annual Review of Sociology 26: 611-639 Bernoux, Ph. Sociologie du changement dans les entreprises et les organisations – Paris, Editions du Seuil, 2004, 382 p. Bourgeois C., 2007, Entreprise et instrument de management : facteurs d’adoption et difficultés d’appropriation, thèse doctorat, IAE de Lilles Boxenbaum, E. et Battilana, J. Importation as innovation: transposing managerial practices across fields, - Strategic organization, 2005 Burgelman, R.A. et Grove, A.S. (1996). "Strategic Dissonance", California Management Review, vol.38, n°2, Winter 1996, pp. 8-27. Burns, T., Flam, H. (1987) The shaping of social organization: Social rule system theory with applications, Sage publications, (London and Beverly Hills) Burns, J., Scapens, R. (2000), Conceptualizing management accounting change: an institutional framework, Management accounting research, 11, pp.3-25 Catusse, M. Karam K., (2009) Liban : entre déni des enjeux sociaux et clientélisme communautaire, Centre tricontinental (CETRI), 2009 Chiapello, E., (2005), "Les normes comptables comme institution du capitalisme. Une analyse du passage aux normes IFRS en Europe à partir de 2005", Sociologie du Travail, juillet-septembre vol. 47, n° 3, pp. 362-382. 32 Colyvas, J. A. and Powell, W. W. (2006), Roads to institutionalization: The remaking of boundaries between public and private science. Research in Organizational Behavior, 27, pp. 305-353 Corm, G (2008) Le Liban confronté à la géopolitique du choc des civilisations et des ambitions hégémoniques? Revue brésilienne, LIBANO EM REVISTA, n° 2, octobre 2008 Crozier, M., Friedberg, E. (1977) L'Acteur et le Système, Les contraintes de l'action collective, Le Seuil, Paris. Dambrin, C., Lambert, C. and Sponem, S. (2007) ‘Control and Change – Analyzing the Process of Institutionalization’, Management Accounting Research, Vol. 18, , pp. 172 – 208. Dean, D., L., B. F., Koneru, S., Lee, J. H., Kamath, J., Cutting, C. B., Hand, M., and Goldberg, J. (1998). Average African-American 3D-CT Skull Images: The Potential Clinical Importance of Ethnicity and Sex. Journal of Craniofacial Surgery, 9:348-358. Demers, C. (1999). De la gestion du changement à la capacité à changer: l'évolution de la littérature sur le changement organisationnel de 1945 à aujourd"hui. Gestion-revue internationale de gestion, automne 1999, 24 (3): 131139. DiMaggio P J. (1988), Interest and agency in institutional theory, In Institutional Patterns and Organizations: Culture and Environment, pp. 3-21, Lynne G. Zucker, ed. Cambridge. DiMaggio, P.; Powell. W. (eds) (1991), The New Institutionalism in Organisational Analysis, Chicago University Press, Chicago Etemad, H.; Dulude, L.S. (1986): “Managing the multinational subsidiary“. Croom Helm, London. Farashahi M., Hafsi T., Molz, R. (2005), Institutionalized norms of conducting research and social realities: A research synthesis of empirical works from 1983 to 2002, International journal of management reviews, vol. 7, issue 1, pp.1-24 Farndale, E., et Paauwe, J. (2007). Uncovering competitive and institutional drivers of HRM practices in multinational corporations, Human Resource Management Journal, 17(4), 355-375 Fligstein, N. (1997), Social skill and institutional theory, American Behavioral Scientist, 40(4):397-405 Fligstein, N. (2001) 'Social skill and the theory of fields', Sociological Theory, 19: 105-25. Forsgren, M., Holm, U. and Johanson, J. (2005). Managing the Embedded Multinational. Northampton, MA: Edward Elgar. Franseco, A.M., Gold, B.A. International Organizational Behavior: Text, Readings, Cases, and Skills, Prentice-Hall, 1998. French, J.R.P and Raven, B., (1959) “The Bases of Social Power” in Cartwright (Ed), Studies in Social Power, Ann Arbor, Michigan: Institute for Social Research. 33 Gamson (1961). A theory of Coalition Formation, American Sociological Review, Vol 26, pp 373-382. Garud, R. & Jain, S. & Kumaraswamy, A. 2002. Institutional entrepreneurship in the sponsorship of common technological standards: The case of Sun Microsystems and Java. Academy of Management Journal, 45(1): 196-214. Greenwood, R., Suddaby, R. and Hinings, C.R. (2002) 'Theorizing change: the role of professional associations in the transformation of institutionalized fields: Academy of Management Journal, 45: 58-80. Glaser, B. G & Strauss, A. L., 1967. The Discovery of Grounded Theory: Strategies for Qualitative Research, Chicago, Aldine Publishing Company Goodstein,J , Scott,W.R, Dacin, T., (2002), Institutional Theory and Institutional Change: introduction to the special research forum, Academy of Management Journal, vol 45, n°1, pp.45-57 Hamel, G. and Prahalad, C.K. 1996. Competing in the New Economy: Managing Out of Bounds. Strategic Management Journal, 17(3): 237. Hasselbladh, H., Kallinikos, J., (2000). The project of Rationalization: A critique and reappraisal of Neo-Institutionalism in Organization Studies, Organization Studies, 21, 4, 697-720 Hlady-Rispal M., (2002), La méthode des cas, Application à la recherche en gestion, De Boeck Université. Hoffman A.J., Ventresca M. (2002), Introduction. In A.J Hoffman et M. Ventresca (Eds.), Organizations, policy and the natural environment: Institutional and strategic perspectives, 1-27. Palo Alto, CA: Stanford University Press. Holm, P. (1995), ‘The dynamics of institutionalization: Transformation processes in Norwegian fisheries’. Administrative Science Quarterly, 40/3: 398-422. Hope, O-K., Jin, J. ,Kang, T. (2006), Empirical evidence on jurisdictions that adopt IFRS, Journal of international accounting research , vol 5, n:2, pp.1-20 Huault, I. (2002), Paul DiMaggio et Walter W.Powell, des organisations en quête de légitimité, Les grands auteurs en management, Ed. Ems, pp.99-112 Huault, I. (2003). Concurrence imparfaite, institutions et GRH (avec J.Allouche), in J.Allouche (Coord), Encyclopédie des Ressources Humaines, Paris : Vuibert. Hunt S. et J. Nevin (1974), Power in channels of distribution: sources and consequences, Journal of Marketing Research, vol. XI, May, 186-193. Kikulis, L. (2000), Continuity and Change in Governance and Decision Making in National Sport Organizations: Institutional Explanations, Journal of Sport Management, 14, pp. 293-3 Koenig, G. (1993), « Production de la connaissance et constitution des pratiques organisationnelles », Revue de l’AGRH, n° 9, novembre Kostova T., Roth K. (2002), Adoption of an organizational practice by subsidiaries of multinational corporations: institutional and relational effects, Academy of Management Journal, Vol 45, N 1, pp. 215-233. 34 Kostova, T. (1999) Transnational transfer of strategic organizational practices: A contextual perspective, Academy of Management review, vol. 24, n: 2, 308-324 Kotler, P., and Zaltman, G. (1971) Social Marketing: An Approach to Planned Social Change, Journal of Marketing Vol. 35, No. 3, Jul., 1971, 3-12 Lawrence, T.B., Winn, M.I. and Jennings, P.D. (2001) 'The temporal dynamics of institutionalization', Academy of Management Review, 26: 624-44. Lawrence, P.R., (1969). How to deal with Resistance to Change, Harvard Business Review, 32(3) : 49-57 Leblebici, H., Salancik, G.R., Copay, A. and King, T. (1991), 'Institutional change and the transformation of interorganizational fields: an organizational history of the U.S. radio broadcasting industry', Administrative Science Quarterly, 36: 33363. Leca B., Huault I. (2009), Pouvoir. Une analyse par les institutions, Revue Française de Gestion, vol 35. N°193, pp. 133-149. Leca, B. (2006), Pas seulement des « lemmings ». Les relations entre les organisations et leur environnement dans le néo-institutionnalisme sociologique, Finance Contrôle Stratégie, vol.9, No 4, pp. 67-86 Leca, B., Naccache, P. (2006), A Critical Realist Approach to Institutional Entrepreneurship. Organization, 13(5): 627-651 Lounnas R. (2004), Théorie des institutions et Applications aux organisations, Chaire management stratégique international, HEC Montréal. Maguire, S. & Hardy, C. & Lawrence, T.B. 2004. Institutional entrepreneurship in emerging fields: HIV/AIDS treatment advocacy in Canada. Academy of Management Journal, 47(5): 657-679. March, J.G. and Simon H.A., (1958) Organizations, New York, Wiley, 1958. Martinez, J. and Jarillo, J. C, (1991) Coordination Demands of International Strategies. Journal of International Business Studies, Vol. 22, Issue 3, pp. 429-444, Midler, C. (1986), Logique de la mode managériale, Annales des mines, gérer et comprendre, pp.74-85 Miles, A. M. & Huberman, A. M. (1984), Analysing qualitative data: A source book for new methods. Bervely Hills, CA : Sage. Traduction française (1991), Analyse des données qualitatives : Recueil de nouvelles méthodes. Bruxelles: De Boeck. Oliver C. (1991), Strategic responses to institutional process, Academy of Management Review, Vol 16, N°1, pp. 145-179. Perret V. (1996), La gestion du changement organisationnel : Articulation de représentations ambivalentes, 5ème Conférence Internationale de management stratégique, Mai, Lille. Perret, V. (2009), Quand le changement devient soluble ou l’idéologie managériale du changement organisationnel, dans Golsorkhi, Huault et Leca (Coord), Critique du management : une perspective française, Chap III.1, 209-231, Presses de l’Université de Laval. 35 Pfeffer, J., Salancik, G. R (1978). The external control of organizations: a resource dependence perspective. New York: Harper et Row. Philips, N., Lawrence, T., Hardy, C. (2004), Discourse and institutions, Academy of management review, vol.29, n:4, pp.635-652 Phillips, N, Lawrence, T.B. et Hardy, C. (2000), Inter-organizational collaboration and the dynamics of institutional fields, Journal of Management Studies, 37(1): 2344 Prahalad, C.K. and Doz, Y L. (1987). The Multinational Mission, Balancing Global Integration with local Responsiveness. New York: Free Press; London: Collier Macmillan. Rao, H. 1994. The social construction of reputation: Certification contests, legitimation, and the survival of organizations in the American automobile industry: 1895-1912. Strategic Management Journal, 15: 29-44. Rao, H. 1998. Caveat emptor: The construction of nonprofit consumer watchdog organizations. American Journal of Sociology, 103(4): 912-961. Rao, H., Morrill, C, & Zald, M.N. 2000. Power plays: How social movements and collective action create new organizational forms. Research in Organizational Behavior, 22: 239-282 Romelaer, P., (2005), " l'entretien de recherche, dans Roussel P., Wacheux F. (eds), 2005, Management des ressources humaines : Méthodes de recherche en sciences humaines et sociales, De Boeck, pp.101-137 Rondeau. A. (2002). Transformer l’organisation : vers un modèle de mise en oeuvre. In, Transformer l’organisation : la gestion stratégique du changement (p. 91112). Collection « Racines du savoir » Gestion revue internationale de gestion. Rosenzweig P.M., J.V. Singh (1991), Organizational environments and the multinational enterprise, Academy of Management Review, vol. 16, N 2, pp. 340361. Scott, P. (1995) The Meanings of Mass Higher Education. Buckingham: Open University Press. nd Scott, R. (2001) Institutions and Organizations. Thousand Oaks, CA: Sage, 2 ed. , Selznick, P. (1957). Leadership in Administration, Evanston, Ill.: Row, Peterson Skinner, M. L., Elder, G. H., & Conger, R. D. (1992). Linking economic hardship to adolescent aggression. Journal of Youth and Adolescence, 21(3), 259-276. Sucher, P., Jindrichovska, I. (2004), Implementing IFRS: A Case Study of the Czech , Accounting in Europe, Vol. I, 2004, 110-141 Tarca, A. (2004) “International convergence of accounting practices: choosing between IAS and US GAAP”, Journal of International Financial Management and Accounting, 15(1): 60-91. Tolbert, P. , Zucker, L. (1983), Institutional sources of change in the formal structure of organizations :The diffusion of civil service reform, Administrative science quarterly, vol 28, n: 1, pp.22-39 36 Townley B. (2002), The role of competing rationalities in institutional change, Academy of Management Journal, vol.45, n°1, pp.163-179 Wacheux, F. (1996). Méthodes qualitatives et recherche en gestion. Paris : Économica. Wade-Benzoni, K.D., Hoffman, A.J., Thompson, L.L., Moore, D.A., Gillespie, J.J., & Bazerman, M. H. (2002). Barriers to resolution in ideologically based negotiations: the role of calues and institutions. The Academy of Management Review, 27 (1), 41-57. Zilber, T. (2002) 'Institutionalization as an interplay between actions, meanings and actors: the case of a rape crisis center in Israel', Academy of Management Journal, 45: 234-54. Zimmerman, M. A. & Zeitz, G.J. 2002. Beyond survival: Achieving new venture growth by building legitimacy. Academy of Management Review, 27(3): 414-431. 37