L’Europe des Temps Modernes (XVIe XVIIe XVIIIe) I. L’Europe politique 1. L’Europe est monarchique. Cette époque est dominée par cinq grandes puissances : - La France (dynastie des Bourbons) et l’Espagne (dynastie des Habsbourg), les deux plus puissantes (parce que les plus peuplées) qui sont aussi rivales pour être au premier rang. - L’Angleterre et les Provinces Unies (aujourd’hui : les Pays-Bas) viennent ensuite. - Le Saint Empire est un cas particulier : c’est une mosaïque de 350 États allemands qui sont indépendants les uns des autres. D’autres États commencent à prendre de l’importance : la Prusse et la Russie. Presque partout, les États sont des monarchies héréditaires et absolues (ou qui aspirent à être absolues). On n’admet pas d’autre liberté que celle du roi. Leur modèle est la France de Louis XIV. L’objectif de chaque monarque est de réaliser une ambition : la puissance. Cependant, l’idée de liberté individuelle existe quand même en Angleterre et aux Provinces Unies. Quant au Saint Empire, il pratique la monarchie élective : les princes (chefs des principaux États) élisent l’empereur. Le cardinal Richelieu, ministre de Louis XIII (Philippe de Champaigne – 1640) Louis XIII couronné par la Victoire (Philippe de Champaigne – 1635) Le roi en armure pose en pied pour montrer sa majesté de vainqueur devant la ville de La Rochelle prise aux Protestants. Un personnage féminin représentant la victoire (= une allégorie) présente une couronne de lauriers. - Pour établir son autorité absolue, la monarchie doit réaliser l’affaiblissement de la noblesse. En France, Richelieu (ministre de Louis XIII) ordonne de raser les châteaux-forts. Puis Mazarin (ministre de la mère de Louis XIV enfant) réprime la Fronde, révolte de la noblesse. - En Angleterre, la monarchie absolue ne parvient pas à s’établir. À la suite d’une guerre civile, le Parlement limite le pouvoir royal. - Aux Provinces Unies, ce sont les marchands (la bourgeoisie) qui dominent la société et possèdent le pouvoir politique sous la forme d’une république. C’est la même chose dans la république de Venise. 2. Des monarchies rivales Les ambitions des rois (défendre ou agrandir le royaume) provoquent des guerres. L’ambition française se heurte à l’encerclement du royaume par les Habsbourg dont une branche règne sur l’Espagne et une autre branche sur le Saint Empire. L’Espagne, riche de ses colonies découvertes et conquises en Amérique, est une très grande puissance. Cependant, elle perd plusieurs guerres, et la France devient la puissance dominante en Europe. À la même époque, pourtant, l’Angleterre s’affirme comme première puissance sur la mer. Son commerce maritime rivalise avec celui de la France et les deux pays s’opposent aux Antilles, en Amérique du nord et en Inde. La France doit finalement lui abandonner ses possessions au Canada et en Inde. À l’époque des Temps Modernes, la puissance d’un pays repose sur l’existence d’une armée permanente (des soldats engagés, renforcés par des mercenaires étrangers). Il faut les payer. Pour cela, l’État doit créer une administration efficace, capable de faire payer des impôts réguliers. Malgré cela, les armées en campagne se nourrissent au moyen du pillage chez les paysans. II. L’Europe des villes et des campagnes 1. La démographie est fragile. Vers le XVIIe siècle, la population vit dans la crainte du gel ou d’un été pourri qui provoquerait une mauvaise récolte et une disette (alimentation insuffisante). Le passage des armées (qui vivent de pillage) et les épidémies sont aussi des menaces fréquentes. Cette mortalité est encore plus présente chez les enfants : un sur quatre meurt avant l’âge d’un an (mortalité infantile), et seulement un sur deux parvient à l’âge adulte : la population n’augmente pas beaucoup. La situation s’améliore au XVIIIe siècle : les crises démographiques sont moins nombreuses (dernière peste en France en 1720). Comme la natalité reste élevée, la baisse de la mortalité permet à la population d’augmenter rapidement : en 200 ans, on passe de moins de 100 millions à plus de 150 millions. 2. Les campagnes : un monde traditionnel 80 à 90% de la population vit dans les campagnes, ce sont presque tous des paysans. Ils cultivent surtout des céréales (du blé), et le pain est l’aliment de base. Les techniques agricoles n’ont pas évolué depuis le moyen-âge. Il y a peu d’élevage, le bétail est mal nourri et fournit peu de fumier. La terre produit donc peu (le rendement Famille de paysans (Louis Le Nain – 1648) est faible), ce qui impose de pratiquer la jachère (un an Les personnages vont prendre leur repas. sur trois, le plus souvent) pour qu’elle se repose. Et l’on La vieille femme tient une cruche de vin, n’a donc pas assez de terre pour nourrir du bétail. C’est l’homme entaille une miche de pain (pain et vin = allusion au dernier repas de un cercle vicieux. Deux ou trois chaises, une table : Pour améliorer leur revenu, beaucoup de Jésus). le mobilier est rare. Des vêtements sont paysans pratiquent une activité complémentaire, un rapiécés, les pieds sont nus car on laisse travail à domicile : le filage ou le tissage. les sabots à l’entrée. Ils doivent aussi payer des impôts au roi et des taxes Une salière sur la table symbolise une au seigneur. Dans l’est de l’Europe (par exemple en certaine aisance. Ces paysans ne sont pas les plus pauvres. Russie), les paysans sont encore des serfs : ils ne peuvent quitter la terre du seigneur et doivent accomplir des corvées. Un début de transformation des campagnes se produit seulement au XVIIIe siècle et seulement à l’ouest de l’Europe. Les champs sont alternativement semés en blé et en cultures fourragères (trèfle ou luzerne pour nourrir le bétail). Cette alternance permet d’abandonner la jachère. De plus, avec un bétail mieux nourri et plus de fumier, les rendements augmentent. C’est un cercle vertueux. Ces nouveautés apparaissent principalement en Angleterre et aux Provinces Unies. 3. Les villes : le monde des marchands Bien que les petits ateliers d’artisans produisent l’essentiel des textiles et des métaux, on voit apparaître les premières manufactures qui rassemblent des centaines d’ouvriers travaillant à la main. Le Repos du tisserand (Cornélis Decker - XVIIe siècle) La même pièce unique sert d’atelier et d’habitation. Le sol est en terre battue. Par manque de place, des objets sont suspendus. Il n’y a qu’un seul métier à tisser : ce maître-tisserand travaille seul, sans compagnon à son service. La manufacture des frères Wetter (Gabriel Maria Rossetti -1664) Informations en page suivante. Les grandes manufactures sont encore rares au XVIIe siècle. Celle-ci rassemble plus de cinq cents ouvriers et ouvrières. Elle fabrique des toiles imprimées. Dans un premier atelier, des ouvriers pressent sur le tissu des planches gravées enduites de couleur (une seule couleur à la fois). Le second atelier (qui est représenté ici) est occupé par des ouvrières qui font les retouches au pinceau. La discipline est assurée par des surveillantes, parfois équipées d’un bâton. À gauche, un responsable compte l’activité des ouvrières, lesquelles sont donc payées à la tâche. À la suite des Grandes Découvertes, le trafic maritime avec l’Afrique et l’Amérique s’organise en commerce triangulaire : on apporte en Afrique des pacotilles (= faible valeur) qu’on échange contre des esclaves, lesquels sont transportés dans les plantations d’Amérique et vendus aux riches planteurs. On revient en Europe chargé de canne à sucre, de tabac ou de coton. Ce trafic produit des bénéfices très importants pour les marchands. D’immenses fortunes enrichissent les ports de l’Atlantique : Londres, Amsterdam, et en France : Nantes et Bordeaux. Cette richesse permet de transformer les villes : grandes avenues et places, bâtiments officiels bien visibles. C’est la naissance de l’urbanisme. Les marchands s’unissent en compagnies maritimes auxquelles le roi accorde le monopole du commerce (privilège de ne pas avoir de concurrent) avec une région du monde. C’est ainsi que les intérêts de la Compagnie française des Indes occidentales (= l’Amérique) s’opposent à ceux de la Compagnie anglaise des Indes occidentales. III. L’Europe chrétienne 1. La chrétienté est divisée. Déjà au XIe siècle les chrétiens s’étaient divisés entre Catholiques et Orthodoxes. Au XVIe siècle, les Protestants rejettent l’autorité du pape et se séparent des Catholiques. Cette Réforme prend plusieurs formes : les Protestants qui suivent les idées de Luther (luthériens) sont nombreux dans le Saint Empire, tandis que la Suisse suit les idées de Calvin (calvinistes). L’Angleterre adopte la forme anglicane. Ainsi, c’est plutôt l’Europe du nord qui est protestante. Le catholicisme reste puissant dans l’Europe méditerranéenne. L’Église catholique se donne des outils pour conserver son influence. Il y a d’abord les Jésuites, des religieux soigneusement formés et cultivés qui seront les confesseurs et conseillers des rois, qui prononceront aussi le dimanche des sermons aux chrétiens dans les églises. Il y a aussi l’art baroque (dans l’architecture, la peinture). Cette forme artistique utilise le mouvement et le déséquilibre des lignes courbes pour frapper l’imagination du spectateur et provoquer une émotion religieuse. Le décor est fastueux, il s’oppose à l’austérité des Protestants. On représente la Vierge et les Saints qui sont les personnages dont l’Église catholique veut développer le culte partout. C’est un art européen. L’extase de Sainte Thérèse (à Rome par Le Bernin – 1652) « Il m’a semblé que l’ange faisait entrer sa lance dans mon cœur. La douleur était si grande qu’elle me faisait gémir, et pourtant la douceur de cette douleur était telle qu’il m’était impossible de vouloir en être débarrassée. C’est une douce caresse d’amour qui se fait entre l’âme et Dieu. » Sainte Thérèse (autobiographie – 1662) Église d’Ottobeuren – Allemagne (1766) L’art baroque utilise à profusion les lignes courbes au milieu d’une surcharge décorative. Cela provoque une sensation de mouvement et de déséquilibre. Le but est de produire une surprise visuelle et un effet dramatique. L’esprit est saisi par une émotion qui renforce le sentiment d’admiration et de soumission à l’Église catholique romaine. En France, cependant, l’art baroque ne s’impose pas face à l’art classique qui s’accorde avec l’image de la monarchie. Lignes droites, symétrie et stabilité conviennent bien à l’idée de puissance, de monarchie absolue. C’est un art français mais qui sera imité ailleurs en Europe. L’Adoration des bergers (Georges de La Tour vers 1645) Le Jugement de Salomon (Nicolas Poussin – 1649) Art classique. Une scène symétrique. Art classique. Une scène immobile autour de Jésus au centre. Aux Provinces Unies (protestantes, où il n’y a pas d’église à décorer), la riche bourgeoisie des marchands se fait représenter en portraits par des peintres comme Rembrandt. Les Syndics des drapiers (Rembrandt – 1662) C’est une toile commandée à Rembrandt par les chefs de la corporation des drapiers d’Amsterdam qui veulent ainsi laisser un souvenir de leur puissance. Leur richesse est marquée par les boiseries au mur, la nappe cousue de fil d’or, les fauteuils. L’activité financière est symbolisée par le livre de comptes et le sac de pièces d’or. Les vêtements sobres sont une particularité hollandaise : la religion protestante est en accord avec l’enrichissement, mais pas pour dépenser l’argent en excentricités coûteuses. Les drapiers ne fabriquent pas : ils achètent et vendent (ce sont des négociants), ils contrôlent le travail des tisserands de la ville et des campagnes environnantes. 2. Tel prince, telle religion. Pour faciliter l’autorité royale, le peuple doit avoir la même religion que son roi. C’est pourquoi les minorités religieuses sont persécutées : - l’Angleterre protestante (forme anglicane) persécute les Catholiques, et aussi les Puritains (qui veulent une religion plus pure que celle des Anglicans). Certains Puritains s’embarquent pour l’Amérique et sont à l’origine des États-Unis. En 1620, la première arrivée de Puritains en Amérique sur le navire Mayflower. - l’Espagne catholique expulse les Juifs et les Musulmans. En France, le roi Henri IV met fin aux Guerres de religion entre Catholiques et Protestants en signant l’Édit de Nantes (qui permet le culte protestant). Cependant, le petit fils d’Henri IV : Louis XIV, révoque l’Édit de Nantes, obligeant les Protestants à la conversion forcée ou à l’exil. 3. La chrétienté est déchirée par des guerres. Les Protestants des Pays-Bas (appartenant aux Habsbourg) se révoltent contre l’Espagne catholique et donnent naissance à la république des Provinces Unies. Cas exceptionnel en Europe, on y pratique la tolérance religieuse. Le Saint Empire connaît une crise très grave quand l’empereur catholique (un Habsbourg) veut imposer sa religion aux princes de ses États protestants. La Guerre de Trente Ans (1618-1648) qui les oppose et qui ravage l’Empire () se conclut par la liberté religieuse pour les princes. Saccages et violences envers la population durant la Guerre de Trente Ans (Sebastian Vrancx – vers 1620) En France, la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV provoque une longue révolte des Protestants dans la région des Cévennes.