REANCHANTER LA REVISION DE VIE

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REANCHANTER LA REVISION DE VIE
Michel : Réanchanter la révision de vie ! L’expression est belle mais pourquoi donc ce
slogan pour cette rencontre d’aujourd’hui. Pourquoi ce titre pour un numéro des cahiers de
l’Atelier ? Est-ce que la révision de vie ne chante plus ? Est-ce qu’elle a fait son temps ?
Mick : bien sûr que non ! Tu sais combien nous tenons à ce rendez vous ; Certains d’entre
nous en ont fait l’expérience pour la première fois à la JOC il y a 5 ou 50 ans ; D’autres l’ont
découvert à l’ACO ; C’est une démarche qui nous a fait ce que nous sommes. Un trésor auquel nous
tenons. Mais c’est vrai qu’il faut peut-être le revisiter.
Michel : On va donc le faire. Mais avant il faut peut-être dire en quelques mots ce qu’elle
veut être. Je dirais que ce n’est pas d’abord une méthode mais plus profondément parcours vécu
ensemble qui permet de s’entraîner pour une vie de croyant. J’aime bien ce que disait Cardjinn
dans le langage de l’époque : « c’est tout un apprentissage vital, existentiel du fait d’être apôtre
du Christ, qui engendre une vie avec Dieu et un style de vie avec des exigences personnelles et
communautaires à la mesure de la mission de l’apôtre. Et toi, qu’en dirais –tu ?
Mick : Ce qui m’a accroché c’est la valeur donnée à notre vie ; Petit à petit j’ai découvert
que Dieu vient à notre rencontre à travers les événements qui façonnent notre existence. Notre
vie peut devenir lieu de rendez vous avec Dieu ; Je crois aussi qu’Il est à l’œuvre bien au-delà des
frontières de l’Eglise
Michel : Les chrétiens n’en ont pas le monopole ; Mais il leur revient de reconnaître et de
témoigner de son action ; Ce qui les amène à agir eux-mêmes. Il leur faut aussi trouver les lieux,
les gestes, les mots qui leur permettent de rendre compte à d’autres de la foi qui les fait vivre.
Quel outil précieux pour cela que la révision de vie. Pour autant la révision de vie n’est pas
réservée aux croyants au Dieu de Jéus-Christ ; Et puis dans notre vie nous traversons des
périodes de doutes, d’interrogations.
Mick : C’est vrai, et c’est très important. Mais cela demande que chacun dans l’équipe aille
au bout de ses convictions, de ses questions, de ses doutes. Sinon on en reste au plus petit
dénominateur commun ; à la surface.
Mais venons en maintenant au Voir-Juger-Agir ; C’est la méthode par laquelle nous avons
découvert la révision de vie. Il pourrait y en avoir d’autres. Si l’on parle aujourd’hui dans la
mission ouvrière et au-delà de réanchanter la révision de vie c’est peut-être que nous sommes
dans le flou sur ce que recouvrent ces mots. On entend parfois dire « dans notre équipe on
tourne en rond » ; « le voir prend toute la place » ; « on prend un texte d’Evangile mais sans trop
savoir pourquoi, on dit pas grand chose dessus » .
Michel : Et c’est vrai que notre vie est souvent bien pleine ; qu’on a des tas de choses à
partager. Au risque de faire du « Voir » un catalogue, un journal . Alors que le « voir » se voudrait
un récit, un récit de vie. On parlait souvent dans les sessions ou célébrations de « faire un
témoignage » Dans certaines équipes toutes les personnes ne s’expriment pas dans le « Voir ».
Mais une personne est invitée à faire le récit d’un événement qu’elle a vécu, à lui donner
consistance, à reconnaître sa valeur, comment elle l’a vécu, ce qu’il représente pour elle. Ce n’est
pas voir un fait brut, mais voir ce qui se joue pour la personne dans l'événement. Il y a là pour
chacun un travail de relecture, et si on est croyant de relecture dans la foi. C’est pour cela que la
révision de vie est dès le début une démarche de croyant. On peut le signifier dès le départ : en
ouvrant la Bible, en lisant le texte qu’on utilisera plus tard, en allumant une bougie, en mettant
une icône….
Mick : Quant au juger, il ne voudrait surtout ne pas être une appréciation moralisatrice
de ce qui s’est passé ou une confrontation d’analyses. Il ne s’agit pas de se convaincre les uns et
les autres Dans le partage nous pouvons parfois en rester à des valeurs, de paix, de solidarité,
de justice ; mais que devient alors la rencontre de Dieu qui fait vivre, de Jésus que l’on reconnaît
comme Sauveur. Il s’agit d’aller à la source. Ce peut être en faisant référence à la réflexion
d’associations, d’organisations. En puisant dans la tradition chrétienne : témoins, passage de la
Bible, parole du mouvement, de l’Eglise, article de témoignage C’est le moment de croiser paroles
des hommes et Parole de Dieu ; d’exprimer comment la vie partagée nourrit la rencontre avec
Dieu et comment la rencontre avec Dieu éclaire cette vie et relance un appel. C’est le temps d’un
dialogue possible avec Dieu. De s’enrichir de nos expressions et recherches de foi, y compris de
nos doutes.
Michel
: Souvent nous restons un peu, ou beaucoup sur notre faim, insatisfaits. Ne
soyons pas surpris Ce n’est pas étonnant s’il est vrai qu’il s’agit de chercher Dieu et de se laisser
chercher par Lui, Lui sur qui personne ne peut mettre la main et qui ne se laisse pas enfermer
dans nous représentations, qui est toujours au-delà de nos paroles.
Mick
: Si nous parlons de réanchanter la révision de vie c’est aussi parce que depuis
son invention tout ou presque a bougé autour de nous et aussi en nous. La révision de vie a vu le
jour dans un monde qui baignait dans une culture chrétienne, ce n’est plus notre cas. Le schéma
du Voir Juger Agir s’adressait à des personnes chrétiennes depuis l’enfance et qui avaient une
conscience ouvrière et une pratique militante. A quelles conditions peut-il fonctionner
aujourd’hui. Il s’adressait à des personnes dont la vie était unifiée par l’engagement militant.
Nous sommes dans le temps des engagements ponctuels, limités. Comment peut-il initier à la vie
militante, à la rencontre du Christ. La révision de vie était orientée vers l’action et les autres.
Aujourd’hui elle est aussi un lieu de parole important pour se construire comme sujet, dire
« je » ; Mais comment éviter qu’elle ne devienne pas seulement un lieu de partage des problèmes
personnels .
Michel : On le voit les défis sont nombreux. Mais passionnants. Nous vous proposons non
d’y répondre trop vite mais de prendre un peu de recul avec une lecture de la révision de vie à la
lumière du récit des disciples d’Emmaüs que nous propose Etienne Grieu. Un jeune théologien
jésuite qui a découvert la révision de vie en accompagnant la JOC.
Mick : Etienne se pose la question : « Qu’est-ce que la révision de vie ». Et il propose la
figure du chemin. C’est cheminer, faire route avec. La révision de vie fait connaître Dieu comme
un compagnon avec qui on chemine. Voici une vision dynamique qui permet de repérer deux
distorsions de la révision de vie. Une qui consisterait à chercher ce qui dans le monde où l’on vit
manquerait pour que le Royaume de Dieu y advienne. Dans ce cas c’est le monde qui doit être
changé. Mais nous ?Bien sur nous agissons, mais le combat pour le Royaume n’est-il pas à gagner
aussi en nous-mêmes. Ne sommes nous pas appelés à nous convertir ? La seconde comprend la
RDV comme une contemplation de Dieu déjà à l’œuvre dans le monde. Avec les yeux de la foi nous
regardons ce que nous vivons et nous y reconnaissons le passage de Dieu. Et c'est vrai, nous le
croyons, que Dieu agit dans le monde. Mais peut-on chausser aussi facilement les lunettes de
Dieu, se mettre à sa place. Finalement en quoi cette démarche nous évangélise-t-elle ?
Michel : La révision de vie est un chemin où Dieu se fait notre compagnon. Ecoutons le
récit des disciples en route pour Emmaüs.
(lecture du texte Luc Chapitre 24 V 13 à 35)
Voilà deux hommes qui échangent ce qui vient de leur arriver, ce qu’ils ont sur le cœur : la
tristesse, le sentiment d’échec ; Ils ne cherchent pas à y voir l’œuvre de Dieu, ça ne leur
traverse pas l’Esprit ; Ils déballent ce qui leur est resté en travers de la gorge. Jésus les rejoint
et leur demande «quelles paroles vous balancez-vous l’un à l’autre. C’est peut- être ce que nous
vivons en révision de vie lorsque nous disons vraiment à d’autres ce que nous avons sur le cœur,
joie ou tristesse. Et le dire permet de briser le cercle où on risque de s’enfermer. ? Cercle de
satisfaction ou de désespoir Soyons attentifs à ce qui se passe ensuite, cela mérite d’être
retenu pour faire révision de vie : Jésus les incite à dire quel était leur espoir (quel est donc le
nôtre), à faire mémoire de ce qu’ils ont vu et entendu même si cela leur demeure énigmatique :
des femmes ont eu des visions, le tombeau vide. Quel beau programme pour le voir : dire ce qui
nous est arrivé, ce que cela fait en nous, même la révolte, se rappeler nos espoirs, partager ce
que l’on ne comprend pas.
Nous connaissons bien la suite. Jésus ne répond pas de façon immédiate à leurs attentes, leurs
incompréhensions. Non, il les amène ailleurs et leur fait traverser les Ecritures. Cela semble ne
rien produire chez les deux disciples. Pourtant cela met leur cœur en route ; Bientôt ils pourront
le reconnaître « tout brûlant ». L’Ecriture a éveillé quelque chose en eux ; elle fait revenir à la
surface un désir profond, qui était enfoui ou ensommeillé. Elle ne change pas la réalité mais elle
les change, elle nous change. Elle change notre regard en agissant sur notre cœur, en réveillant
notre désir, notre désir le plus vrai. Et si c’était la pièce maîtresse de la révision de vie ?
Et ils repartent dans la nuit ; Leur vision de la réalité est bouleversée. Ils ne raconteraient plus
du tout de la même façon les événement de Jérusalem. Et si c’était d’abord cela l’agir de la
démarche de révision de vie : nous transformer, changer notre regard, voir l’œuvre de Dieu où on
ne voyait rien d’intéressant. Mais il a fallu du temps pour cela. Tout ne se passe pas en une
révision de vie.
Dans ce récit d’Emmaüs que l’on peut rapprocher de nos révisions de vie, l’autonomie des trois
temps que l’on appelle voir, juger, agir est respecté :le voir ne cherche pas à voir Dieu à tout
prix : il consiste à prendre au sérieux le poids de notre vie et ce que nous y devenons. L’Ecriture
n’est pas là pour interpréter, expliquer cette vie, elle est là pour toucher notre désir, là où Dieu
nous appelle. Nul besoin d’un texte qui colle à ce qu’on l’on a vécu. Au contraire. C’est parce qu’ils
ont accepté de se laisser amener par Jésus dans ce détour gratuit où ils ont laissé leurs soucis
que le cœur des disciples s’est réveillé ; Qu’un nouveau dynamisme est possible. Quant à l’agir, il
n’est pas la conséquence de ce qui s’est passé avant : quelque chose de neuf, d’inattendu surgit.
Ils ne peuvent pas ne pas agir ainsi, tout simplement. Le lien entre le voir, le juger, et l’agir n’est
pas mécanique, ce n’est pas un enchaînement logique. C’est dans le cœur des membres de l’équipe
qu’il se fera. Au moment où cela devra se faire. Une démarche de révision de vie ne se termine
pas avec la fin de la réunion. Laissons la travailler en nous.
Peu importe les mots. Ce qui compte c’est ce qu’on en fait. Derrière les mots Voir, Juger, Agir,
Etienne propose à la lumière du récit d’Emmaüs de mettre en valeur l’expression d’un désir ;
l’écoute d’un appel et d’une promesse ; le tissage de la solidarité, de la communion.
Expression d’un désir : ce qui me tient à cœur, ce qui m’est le plus cher. Mon désir le
plus profond qui est aussi désir avec et pour les autres. La libération d’Israël pour les disciples ;
Si en RDV c’est notre désir que nous exprimons, nos rencontres seront tout sauf de simples
bavardages, des conversations de salon.
L’écoute d’un appel, d’une promesse : c’est ce que la Parole de Dieu nous fait
entendre si nous la prenons pour elle même. Sans cela il est difficile que la révision de vie
enclenche un dynamisme spirituel c’est à dire un travail dans lequel notre désir le plus profond
est réveillé par l’appel et la promesse de Dieu. En sachant que c’est un travail de longue haleine.
On ne va pas sortir exaltés de toutes les révisions de vie. L’Esprit travaille à son rythme. Il peut
y avoir bien des déserts, de longues attentes. A nous de continuer à désirer et chercher cet
appel qui nous rendra « tout brûlant ».
Le tissage des liens de solidarité : si nos révisions de vie s’essaient à avoir cette
profondeur, alors nous ferons l’expérience d’une confiance plus grande, d’être concernés par ce
qui arrive aux autres, de les comprendre autrement. Solidarité dans le langage courant ;
communion dans le langage de l’Eglise. Communion au-delà de l’équipe, qui touche les personnes
dont nous parlons, le monde dans lequel nous vivons. La vie des autres devient partie prenante de
ma vie. Révision de vie école de fraternité.
Peu importe la technique, la manière dont nous faisons révision de vie. Si ces trois
éléments sont présents dans une certaine durée on peut vraiment parler de révision de vie ; Il y a
de multiples manières de la mettre en œuvre. A nous de les inventer
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