Acculturation, assimilation, intégration, insertion Débat politique : Dans la mesure où, en 20 ans, nous avons assisté en France, à une transformation du caractère économique de l’immigration provisoire de main d’oeuvre à une migration de famille et où nous sommes donc passé d’une immigration de passage à une immigration de peuplement, l’immigration est devenue un enjeu politique important et un objet de conflit. Trois mots ont été successivement employés dans le cadre du débat politique : assimilation, insertion, intégration. L’emploi de tel ou tel terme traduit une certaine conception de la société, du rapport à l’ "autre", cet étranger prétendu tel ou vécu comme tel, et traduit de ce fait la nature de l’acceptation de cet " autre " et de sa reconnaissance comme acteur de la société. Du Latin assimilare, de simili, " semblable ", l’assimilation désigne, en ce qui concerne l’immigration, le processus par lequel un ensemble d’individus issus de l’immigration se fond dans un nouveau cadre social et culturel. Elle impliquerait donc le renoncement, la disparition de la culture d’origine et du même coup une absorption de la personnalité au sein de la société d’accueil. Le nouveau venu est assimilé par elle comme un aliment est assimilé par un organisme. Depuis les années 70 en France, le terme "assimilation" est devenu tabou dans la mesure où vouloir assimiler, c’est vouloir imposer les normes de la culture dominante, c’est éradiquer les cultures particulières au nom d’une homogénéisation. La notion pris donc une connotation négative et apparurent alors les terme d’insertion et d’intégration. Au début des années 80, le terme insertion est à l’honneur. Du latin inserere, signifiant introduire, il signifie trouver sa place dans un ensemble. Il renvoie à un État qui ne s’engage que socialement (scolarisation, protection sociale, emploi, logement) et qui n’intervient pas dans la vie privée. "L’insertion sociale et culturelle des quarte millions d’étrangers installés en France est une action de longue haleine. Elle commence par l’alphabétisation, l’éducation, la formation, le logement, les services sociaux, la culture, l’information.". Tous les textes législatifs emploient donc "l’insertion sociale des immigrés" et la priorité à l’insertion s’affiche dans les missions du Fonds d’Action Sociale (F.A.S.). Depuis les années 90, l’insertion a été abandonnée au profit d’une politique d’"intégration". Du latin integrare signifiant rendre entier, action de faire entrer une partie dans le tout. Le terme d’intégration a été consacré officiellement par la création simultanée, en 1989, du Haut Conseil à l’Intégration (H.C.I) et du secrétariat général à l’intégration. Le H.C.I définit le terme d’intégration dans l’un de ces rapports comme " un processus spécifique par lequel il s’agit de susciter la participation active à la société nationale d’éléments variés, tout en acceptant la subsistance de spécificités culturelles, sociales et morales, en tenant pour vrai que l’ensemble s’enrichit de cette variété et de cette complexité. ". L’intégration passe par cinq vecteurs essentiels : le statut juridique, la formation, l’emploi, le logement, l’insertion sociale et culturelle, la participation à la vie sociale. L’insertion ne devient donc plus que l’un des volets de la politique d’intégration. Selon les pays et les contextes, le contenu donné au terme d’intégration n’est pas le même. On oppose notamment le modèle anglo-saxon communautariste au modèle français républicain. Dans le modèle anglosaxon, l’intégration passe par le groupe qui fait ainsi l’objet de mesures spécifiques dans le cadre de l’ " affirmative action " (traduit en français par " discrimination positive ", qui vise à accorder à certains groupes un traitement spécifique ayant pour finalité de rétablir une égalité des chances compromise par le creusement des inégalités socio-économiques et les pratiques racistes ou sexistes). A l’inverse, l’intégration à la française est un processus individuel excluant l’idée de traitement communautaire. Au nom de la lutte contre la fragmentation de la nation et de l’éclatement de la société, il s’agit, pour le nouvel arrivant, d’abandonner les valeurs de sa culture d’origine pour s’approprier celles de la nation française. Bibliographie : M.Boucher, Les théories de l’intégration : entre universalisme et différentialisme, Paris : L’Harmattan, 2000, pp.37-60 S.Beaud, G.Noiriel, L’ " assimilation ", un concept en panne, In : Les cahiers de la recherche sur le travail social, n°18/90, 1990, pp.9-33 F.Gaspard, Assimilation, insertion, intégration : les mots pour " devenir français ", In : Hommes et migrations, n°1154, mai 1992, pp.14-23 A-M.Gaillard, Assimilation, insertion, intégration : un état des connaissances, In : Hommes et migrations, n°1209, septembre-octobre 1997, pp.119-130 Penser l’intégration, In : Sciences Humaines, n°96, juillet 1999, pp.24-25 J.Costa-Lascoux, De l’assimilation à l’intégration, In : Toute la France : histoire de l’immigration en France au XXème siècle, Paris : Editions d’Art Somogy, 1998 P.Broudic, La notion d’intégration, In : Echanges santé-social, n°84, décembre 1996, pp.6-7 Racisme Définition de base : Ensemble d’idées, d’attitudes et de comportements, individuels ou collectifs : * qui opèrent une discrimination et une hiérarchisation entre des groupes humains en s’appuyant sur la croyance en des différences raciales ou biologiques présumées * consistant à réduire autrui à un caractère identitaire considéré comme spécifique, et du même coup comme "inférieur" et/ou nuisible et à légitimer à partir de ce pseudo-constat une entreprise de marginalisation, d’exclusion, voire de destruction de la personne d’autrui et de sa communauté d’appartenance. " Depuis la Seconde Guerre mondiale et les découvertes des atrocités nazies, peu nombreux, aujourd’hui, sont ceux qui revendiquent, de manière stricte, l’inégalité biologique des races ; en revanche, le néo-racisme se développe en dévalorisant certains groupes humains, jugés différents et fondamentalement inégaux. Dans ce cadre, la culture est jugée héréditaire ; elle n’est pas associée à un processus historique et à une dynamique de changement. " Du point de vue de la psychologie sociale : S’interrogeant sur les origines psychologiques du racisme, la psychologie sociale aborda d’abord cette question sous l’angle de la personnalité du raciste, au travers de l’ouvrage de T.W.Adorno, E.Frenkel-Brunswik, D.J.Levinson et R.N.Sanford., The Authoritarian Personality (1950) qui constitue un classique dans ce domaine. Ainsi, il existerait une personnalité particulière appelant au racisme, la personnalité autoritaire, dont un portrait est dressé par les auteurs : un individu qui se maîtrise fortement, nie ou refoule ses propres besoins, ses désirs honteux, prétendant que les impulsions immorales sont toujours le fait des autres. La personne autoritaire adopte une façon rigide et stéréotypée de penser, elle a été élevée dans un environnement familial strict, exigeant une obéissance pleine de respect et a été de ce fait soumise à une forte pression psychologique (elle devait traiter ses parents comme un modèle de bonté alors même qu’ils étaient souvent froids et exigeants) l’amenant à refouler ses ressentiments envers ses parents pour les diriger vers de nouvelles cibles qui deviennent ainsi des boucs émissaires. Cette théorie de l’autoritarisme a été critiquée sur le plan méthodologique et du même coup réexaminée par des chercheurs tels que Bob Altemeyer, psychologue canadien. Mais il est surtout important de souligner qu’une telle théorie se limite à nous éclairer sur une forme très particulière et extrême du racisme, le fascisme, et ne peut donc pas nous permettre d’appréhender l’étendue, la subtilité et la diversité des formes de racisme où le lien entre personnalité et racisme est absent. Ces formes de racisme nécessitent donc d’autres modes d’explication. Dans cette optique, la psychologie sociale, à travers la recherche de Thomas Pettigrew, souligne l’importance des facteurs culturels. Ainsi, les gens vivant dans un environnement baigné de préjugés et de pratiques racistes, y compris sur le plan historique, sont présupposés devenir racistes sans que leur personnalité n’intervienne. Certaines formes de racisme peuvent donc exister en dehors de sentiments et d’émotions violents censés être sous-jacents aux réactions des individus autoritaires. Ces formes de racisme seraient au contraire le fruit d’une tendance à qualifier les groupes sociaux en usant de stéréotypes socialement partagés, communs à une culture (ex : les "Noirs" sont "paresseux", les Turcs sont "querelleurs"….), et passant de la vie de tous dans la vie de chacun, du niveau conscient au niveau inconscient. Dans cette optique le racisme n’est finalement plus appréhendé comme relevant de la psychologie individuelle mais comme un phénomène sociologique. Du point de vue de la sociologie : Des auteurs tels que Norbert Elias, Didier Lapeyronnie, Dominique Schnapper, Pierre-André Taguieff, Michel Wieviorka, …ont largement contribué à nous éclairer sur le racisme appréhendé comme phénomène sociologique. Une analyse de ces apports théoriques vous est proposée dans l’ouvrage de Manuel Boucher Les théories de l’intégration : entre universalisme et différentialisme, Paris : L’Harmattan, 2000, pp.129-185. Dans le cadre de cette rubrique, nous vous proposons une synthèse des grandes lignes de cette analyse : Norbert Elias apporte un éclairage important concernant le phénomène du racisme dans le cadre de l’élaboration de sa théorie des rapports entre " groupes établis " (" The established ") et " groupes marginaux " (" The Outsiders "), théorie qui permet de comprendre les mécanismes qui conduisent des individus appartenant à la société majoritaire et dominante à exclure et stigmatiser des individus appartenant à un groupe minoritaire. Selon lui, ce phénomène se produit lorsque le groupe établi se sent menacé dans " sa supériorité " par le groupe minoritaire qui aspire à une égalité sociale, légale et économique. L’inquiétude des établis pour leur statut et leur identité fabrique ainsi de l’animosité contre le groupe minoritaire apparaissant comme concurrent potentiel, et les mécanismes d’exclusion et de stigmatisation ainsi mis en œuvre par le groupe établi, par la fabrication de fausses représentations sociales valorisantes de lui-même et dévalorisantes de l’autre groupe, sont autant d’armes pour perpétuer leur identité, affirmer leur supériorité et maintenir le groupe minoritaire à son rang inférieur. " Norbert Elias souligne également que l’assimilation des groupes marginaux dans un groupe majoritaire est d’autant plus facile que celui-ci dispose d’une forte conscience du " nous ". Au contraire, si le groupe majoritaire est constitué de valeurs incertaines, celui-ci est prompt au rejet de l’autre et à l’exclusion. Or, notre société, en quête de sens et de repères, ne tendrait-elle pas à basculer du côté obscur ? ". Dans le même esprit que Norbert Elias, Didier Lapeyronnie analyse le racisme comme phénomène se déclenchant quand l’ " Autre " devient une menace pour l’identité. " Le racisme consiste alors à se donner – forme- en construisant ou en produisant de l’ " autre-informe " " . Dans ce contexte, se détacher de l’ " Autre ", l’expulser de soi, c’est, d’une certaine manière, se purifier et se construire une identité valorisante. Selon Pierre-André Taguieff, le racisme, y compris sous sa forme moderne, se nourrit de doctrines fondées sur l’idée de " race ". Mais il faut distinguer l’ethnocentrisme, phénomène universel existant depuis la nuit des temps, du racisme, phénomène moderne né en Europe et aux Amériques entre le Xvème et le XIXème siècle. Selon Michel Wieviorka, le racisme est un processus par lequel se combinent deux logiques, l’une " universaliste " (s’appuyant sur un processus d’infériorisation de groupes, processus observé notamment dans le cadre de la colonisation) et l’autre " différentialiste " (" se développant au nom de la singularité, du particularisme des " races " et des cultures. Il y a dans ce cas fermeture et incommunicabilité des groupes entre eux "). La combinaison de ces deux logiques conduit à décliner le racisme en quatre pôles : universaliste/universaliste ; universalisme/différentialisme ; différentialisme/universalisme ; différentialisme/différentialisme. (Pour en savoir plus sur la définition de ces pôles, voir l’ouvrage de Manuel Boucher, pp.178-179). Bibliographie : M.Boucher, Les théories de l’intégration : entre universalisme et différentialisme, Paris : L’Harmattan, 2000, pp.129-185 P-A.Taguieff, Le racisme, Paris : Flammarion, 1997, pp.57-71 (coll. Dominos, n°151) Racisme, In : Grand dictionnaire de la psychologie, Paris : Larousse, 1991, pp.640-641 M.Billig, Racisme, préjugés et discrimination, In : S.Moscovici, Psychologie sociale, Paris : PUF, 1998, pp.451473