Que ferait la BCE si elle n’était pas indépendante ? NATIXIS FLASH-ECONOMIE 14 mars 2011 – N°. 196 Les dernières annonces de la BCE montrent qu’elle va mener une politique monétaire restrictive pour lutter contre l’inflation due seulement à la hausse des prix des matières premières, ce qui est une politique discutable. Que ferait la BCE si elle n’était pas indépendante ? Il est étonnant que la BCE ait choisi, apparemment, d’accroître ses taux directeurs alors que le policy-mix de la zone euro est déjà restrictif : - réduction rapide du déficit public ; - taux d’intérêt à long terme en hausse ; - taux de change toujours surévalué en terme réels ; on sait que la parité de pouvoir d’achat avec le dollar est de l’ordre de 1,15/1,20. S’il y avait davantage de coordination avec les autres décideurs de politique économique, probablement la BCE prendrait davantage en compte le policy-mix de la zone euro avant de modifier la politique monétaire. Les différences viendraient : - de ce qu’il y aurait coordination avec les autres composantes du policy-mix de la zone euro : politique budgétaire, de change ; - de ce que les objectifs de la BCE seraient plus nombreux : croissance, stabilité financières et des banques. La politique monétaire serait donc, dans le futur, moins restrictive, mais pour des raisons raisonnables. Il faut rappeler que l’indépendance de la BCE n’est défendable théoriquement : - que si elle n’a comme objectif que la stabilité des prix ; - que si la politique monétaire n’a d’effet que sur les prix et pas sur l’économie réelle. 2 – Multiplication des objectifs de la politique monétaire. Le choix probable de la BCE La BCE a pratiquement annoncé qu’elle allait accroître son taux directeur en raison de la hausse de l’inflation, même si l’inflation n’est due qu’à la hausse des prix des matières premières et pas à celle des coûts salariaux. Synthèse : Ce choix de la BCE est très discutable. La non-indexation des salaires nominaux aux prix conduit à une baisse des revenus salariaux réels qui va entrainer un recul de la demande des ménages. S’il y a recul de la demande avec celui des salaires réels, il est normalement inutile que la BCE accroisse ses taux d’intérêt, le recul de la demande étant assuré par la non-indexation des salaires. La question qui vient alors naturellement à l’esprit est la suivante : Comment se comporterait la BCE si elle n’était pas indépendante ? Deux différences importantes si la BCE n’était pas indépendante Nous ne suggérons pas ici que la BCE devrait mener des politiques irresponsables ou électoralistes, mais nous nous demandons ce qui se passerait si elle était intégrée à l’ensemble des institutions qui décident de la politique économique. 1 – Coordination accrue avec les autres institutions qui décident de la politique économique, ce qui revient à prendre en compte le policy-mix. Les objectifs de la BCE pourraient inclure la croissance (alors que les perspectives de croissance sont défavorables dans la zone euro, la stabilité financières et des banques (on peut s’inquiéter des effets de la remontée des taux d’intérêt sur les emprunteurs en difficulté, dans les pays périphériques en particulier, sur les banques les plus fragiles qui ont de gros besoins de refinancement. Une BCE ayant des objectifs multiples de politique économique mènerait certainement une politique monétaire moins restrictive qu’une BCE qui ne s’intéresse qu’à l’inflation. Le lien théorique fort entre indépendance et objectif de la Banque Centrale Si la BCE se coordonnait avec les autres institutions en charge de la politique économique : - elle tiendrait compte du policy-mix (politique budgétaire, taux d’intérêt à long terme, taux de change) ; - elle aurait d’autres objectifs pour la politique monétaire : croissance, stabilité financière, stabilité bancaire et elle hésiterait certainement beaucoup plus à accroître les taux d’intérêt aujourd’hui. Mais il faut rappeler un point théorique central : pour que la BCE puisse être indépendante, il faut qu’elle ne s’occupe que de l’inflation et il faut qu’elle puisse prétendre que la politique monétaire n’a d’effets que sur l’inflation et pas sur l’économie réelle. Si la BCE s’occupe de la croissance, des banques et des emprunteurs, donc du crédit et de la demande, elle interfère avec les autres politiques économiques, et il n’est pas possible qu’elle soit indépendante. C’est pour cela qu’elle revient aujourd’hui très vite à son comportement de contrôle de la seule inflation, seul objectif compatible avec son indépendance.