LE DEVELOPPEMENT DURABLE : A LA CROISEE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU SOCIAL COMITE 21 « Soyons frères, non parce que nous serons sauvés, mais parce que nous sommes perdus ». Edgar Morin, Terre-Patrie En juin 1992 à Rio de Janeiro, les Nations unies organisent le 1er Sommet de la Terre. Plus de 170 Chefs d’Etat et de gouvernements signent un programme d’actions pour le 21ème siècle, l’Agenda 21, définissant les moyens à mettre en œuvre pour un développement durable de la planète. Le Sommet de la Terre réunit pendant plus deux semaines, ONG, collectivités locales, entreprises du monde entier. Plus de 2000 medias couvrent l’événement. Naît l’espoir d’un autre monde, plus juste, plus sûr, plus respectueux des hommes et de l’environnement… C’est le sentiment d’urgence qui provoque cette mobilisation exceptionnelle. Consacré au Sommet de la Terre, le terme de développement durable sanctionne un mode de croissance, basé sur le profit immédiat au bénéfice d’une minorité de dirigeants politiques et économiques, avec la complicité des institutions financières internationales. Cette croissance a produit son lot de désastres : épuisement des ressources, multiplication des catastrophes, naturelles ou industrielles, exclusion d'une grande partie de l'humanité... La prospérité des pays industrialisés s’est construite sur la colonisation et sur l’exploitation massive des ressources minières, agricoles, forestières. Pour répondre à cet échec, le développement durable prône un développement maîtrisé, capable de concilier les besoins des hommes et la préservation des équilibres écologiques, sociaux, économiques, pour le présent et pour l’avenir. Le monde n’est durable, qu’à la triple condition d’être équitable : dire définitivement non à la pauvreté et aux inégalités, vivable : vivre et non survivre, viable : répondre aux besoins de tous les habitants de la planète, sans compromettre les besoins futurs. L’Agenda 21, auquel ont adhéré les Etats présents à Rio, définit précisément les interactions entre l'efficacité économique, les équilibres sociaux, le maintien des écosystèmes. Il mentionne expressément la nécessité de combattre énergiquement la pauvreté, de rétablir l'équité dans les règles du commerce international, de donner une place réelle aux femmes dans le fonctionnement des sociétés, d'instaurer les principes de précaution écologique… En plaçant 1 l'enjeu de la dignité humaine, dans toutes ses acceptions (accès aux biens essentiels, droits de l'enfant, droits civiques des femmes, reconnaissance du rôle des ONG et des représentants de la société civile) au centre des débats, il propose un nouveau mode de gouvernance, basé sur la responsabilité, la préservation des équilibres, la participation des citoyens aux décisions qui engagent le présent et l'avenir. En août 2002 se déroule à Johannesburg, le 2ème Sommet du développement durable. Qu’en est-il dix ans après Rio ? Si le Sommet de la Terre a alerté la communauté internationale sur les limites du système qui prévalait jusqu’alors, a-t-il permis d’inverser la tendance ? Le bilan n’est malheureusement pas à la hauteur des espoirs qu’a suscité Rio. L’Agenda 21 est loin d'avoir atteint ses objectifs. Le changement climatique est aujourd'hui une réalité. La contamination de l'ensemble de la planète par des produits chimiques persistants et toxiques et la dégradation des sols ont des impacts grandissants. Certes, la richesse financière globale de la planète a augmenté, mais les inégalités se sont aggravées ; un cinquième des habitants de la planète vit avec moins d'un dollar par jour. L’écart moyen entre les pays les plus riches et les plus pauvres a doublé au cours des 40 dernières années. Le Sommet de Rio a tracé les voies d’un autre développement, qui passait nécessairement par une rupture radicale dans la conception même du développement, et donc, dans les modes de production et de répartition des richesses Dix ans plus tard, on peut affirmer que cette rupture n’a pas eu lieu. Nous sommes entrés dans l’œil du cyclone : les modes de production et de consommation provoquent des nuisances à la santé et à l’environnement, dont certaines ne sont perceptibles qu’à long terme et donc trop tard. Nous absorbons les ressources des générations futures et nous dégradons nos conditions de vie. Les pollutions nécessitent des traitements de plus en plus coûteux pour la collectivité. Si de nombreuses Conventions internationales ont été négociées dans les domaines des droits de l’enfant de la lutte contre le racisme, de la protection des forêts, reste aux Etats à les ratifier et à les respecter. Les Etats-Unis, plus gros consommateur mondial de ressources, ont refusé de ratifier la Convention pour la protection de la biodiversité, et se sont prononcés contre le Protocole de Kyoto, qui engage les Etats à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Pour les pays en développement, la situation ne semble guère s’être améliorée depuis la décolonisation. Les ressources des pays du Sud continuent à profiter essentiellement aux pays 2 industrialisés. Au sein même de ces pays dits « développés », les écarts de niveau de vie s’accentuent ; la pauvreté, l’exclusion, la violence, sont le lot de nombreuses mégapoles au Nord comme au Sud. En 2050, 85% de la population mondiale vivra dans les pays dits aujourd’hui « en développement ». Peut-on envisager, si ce n’est par humanisme, du moins par réalisme, que cette population acceptera longtemps la domination d’une minorité de pays, qui imposent des solutions économiques ou technologiques, qui ont pourtant prouvé leurs limites ? Ni les dirigeants politiques et économiques, ni les institutions internationales, n’ont pu trouver les solutions aux défis qu’a posés la communauté internationale à Rio. La force d’inertie des institutions, le manque de détermination politique, et une suprématie dans les échanges Nord-Sud d’une culture dominant-dominé, n’ont abouti qu’à des mesures sectorielles «sparadrap», qui ne suffisent à plus enrayer les blessures sociales et environnementales. Le pouvoir dominant, géant d’argile, sent pourtant la terre se dérober sous ses pieds. Un certain nombre d’alertes, tant politiques (rejet croissant des pays du Sud de l’autoritarisme du Nord) que climatiques (catastrophes de 1999) ou économiques (faillite de fleurons de l’économie américaine) se conjuguent pour rappeler aux hommes leur fragilité et celle des systèmes qu’ils ont construit. C’est sur l’ensemble de ces fronts qu’il faut proposer une approche renouvelée. Nous sommes interdépendants, nous sommes fragiles, nous devons donc être solidaires. C’est ce que nous propose l’Agenda 21. 3