Approche de l`Image TD

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Approche de l’Image TD
Filmographie :
- Vertigo, A. Hitchcock
- Johnny Guitar, N. Ray
- Life Of Brian, Monty Python
- New York Miami (It Happened One Night), F. Capra
 Vertigo, Alfred Hitchcock
1. Introduction
Personnages : Scottie ; Midge ; Elster ; Madeleine
4ème séquence : rencontre avec Madeleine (la femme d’Elster). Jusqu’ici on ne connaissait
que Scottie et son amie.
 Cette séquence est caractérisée par le fait qu’elle soit muette et courte (1min30)
 Madeleine est incarnée par Kim Novak, la star montante d’Hollywood à l’époque. Pour le
spectateur de l’époque il y a donc un désir de découvrir ce personnage. Star qu’on attend
d’autant plus car on ne la découvre qu’au bout de 15 minutes.
Avant la séquence, quelque chose de mystérieux/fantomatique entoure ce personnage.
Dimension de désir important dans la séquence.
2. Découpage de la 4ème séquence
15 plans :
 2 plans longs : plan n°2 dure 40s ; Plan n°8 dure 13s
 Champ/contre-champ avec le regard de Scottie et l’objet de son regard (l’objet désiré)
Plan n°1 : travelling avant sur la porte du restaurant, pour situer l’action. Il commence et se
termine par un fondu enchaîné. Eclairage sous-exposé (en low-key), avec des teintes marrons.
C’est un plan de demi-ensemble (décor un peu plus cadré/serré)
Plan n°2 : 3 mouvements de caméra  plan rapproché taille (= de la tête à la taille) avec Scottie
de ¾ qui regarde hors-champ, travelling diagonal arrière gauche (elle fait une sorte d’arc de
cercle), panoramique latéral gauche (horizontal), travelling avant.
La musique romantique commence au moment où s’amorce le travelling avant, c’est à dire au
moment où Madeleine se situe au centre de l’image.
Le décor : les teintes sont chaudes, flamboyantes ; la robe de Madeleine (verte) ressort comparé
aux murs et aux vêtements des autres personnages.
L’apparition de Madeleine est retardée, et même au moment où la voit pour la première fois, on
ne la voit pas vraiment puisqu’elle est de dos. Seul son dos est visible, on découvre la femme par
ses parties du corps. On imagine qu’elle est sublime mais on ne voit pas son visage.
Plan n°3 : plan très court (2s) ; plan rapproché taille sur Scottie qui est de profil et qui regarde
toujours hors-champ.
Plan n°4 : contre-champ, plan subjectif de l’objet de son regard. Ces fameuses portes nous
montrent une espèce de sur-cadrage. C’est un plan de demi-ensemble, où l’on voit toute une
partie du décor. Madeleine est de profil.
Plan n°5 : le même que le plan n°3
Plan n°6 : le même que le plan n°4
Plan n°7 : plan rapproché poitrine sur Scottie qui détourne le regard et baisse les yeux.
Plan n°8 : on n’est plus en subjectif mais on garde le même axe. On pourrait croire à un plan
subjectif sauf que comme Scottie a détourné les yeux, c’est un « faux » plan subjectif. Cela nous
permet à nous, spectateurs, de voir Madeleine tandis que Scottie ne la voit pas.
C’est un cadrage moyen (lorsque le personnage est cadré en pieds = des pieds à la tête),
concernant Madeleine. On arrive ensuite à un plan rapproché taille pour finir sur un gros plan
(seulement le visage).
Lumière : c’est comme si elle devenait beaucoup plus claire, beaucoup plus intense, avec une
accentuation du rouge (sur le visage de Madeleine).
Il y a un léger panoramique latéral droit à la fin pour recadrer sur Madeleine.
Plan n°9 : gros plan de Scottie, légèrement derrière lui
Plan n°10 : c’est la continuité du plan n°8 + l’éclairage est totalement différent, le rouge est
extrêmement flamboyant, presque surnaturel.
Plan n°11 : Scottie détourne encore la tête
Plan n°12 : fin du mouvement de Madeleine amorcé dans les 2 autres plans. Le mari entre dans
le cadre et la pousse vers la sortie, ils sortent du cadre sur la droite.
 Le regard de Scottie et celui de Madeleine se croisent sans se croiser, leurs regards sont dans
le même axe mais ne se croisent jamais
Plan n°13 : plan de ¾ gauche en légère plongée, Scottie tourne la tête pour voir Madeleine sortir
du restaurant
Plan n°14 : plan de demi-ensemble du hall d’entrée du restaurant, c’est un plan subjectif de
Scottie. Madeleine a une démarche fantomatique : sa robe traine par terre, on ne voit pas ses
pieds.
Plan n°15 : le même que le plan n°13
La séquence se termine comme elle a commencé, en fondu.
3. Analyse de la 4ème séquence
Au niveau formel, les plan n°2 et n°8 se détachent du reste, ils sont particulièrement long
contrairement au reste des plan qui sont centrés sur les regards.
Scottie ne voit jamais Madeleine contrairement à nous. On est dans un système de faux plans
subjectifs. Le réalisateur construit une ambiguïté par rapport aux personnages. La caméra sert
de relai au désir de Scottie. C’est une « subjectivité intérieure ». Scottie ne voit pas Madeleine
mais il en a une vision. Il y a une progression d’échelle importante concernant Madeleine (on la
voit de loin d’abord et en gros plan à la fin).
C’est une scène qui montre Madeleine comme une icône/statue : elle s’expose au regard du
spectateur, c’est un véritable modèle.
Idée de la fabrication d’un idéal de la femme. C’est ce qu’amorce cette séquence.
Scottie devient obsédé par une femme qu’il n’a jamais vraiment vu.
CHAP1 : Les Genres hollywoodiens
I-
La notion d’horizon d’attente
Le film de genre à Hollywood correspond à la standardisation du langage
cinématographique.
Aller voir un film de genre c’est savoir ce qui va être raconté dans les grandes lignes avant
d’aller voir le film (ex : le western se passe dans l’ouest américain etc.). Les genres fonctionnent
comme des étiquettes ou comme des horizons d’attente pour le public : les films auront un
certain nombre de caractéristiques communes qui font qu’ils appartiennent à un genre.
L’idée d’horizon d’attente a été instauré par un théoricien de la littérature (mais c’est une notion
que l’on peut appliquer au cinéma) : Hans Jauss dans Pour une Esthétique de la Réception, 1978.
Il définit l’horizon d’attente comme « un système de référence », ces références résultant de
l’expérience préalable du spectateur du film de genre.
 L’idée fondamentale c’est que toute œuvre littéraire n’est pas une nouveauté absolue.
Aucune œuvre ne nait ex-nihilo. En général le public d’une œuvre est prédisposé à un certain
mode de réception par tout un jeu d’annonce, de signaux, de caractéristiques qui lui sont déjà
familières.
L’horizon d’attente est donc ce qui permet au spectateur de reconnaître une œuvre à partir de
tout un savoir déjà constitué. Au cinéma, ce savoir est intimement lié au genre.
Jean-Pierre Esquenazi parle de cet horizon d’attente dans le cinéma hollywoodien : il dit que le
genre dans l’industrie correspond à « la génération d’un ensemble d’étiquettes censées
permettre au spectateur de s’approprier le film avant de l’avoir vu ».
Ce système de référence est lié au genre mais peut aussi être lié à un auteur (un cinéaste). Par
conséquent, on peut penser qu’un des critères pour juger de la valeur d’une œuvre d’art peut
être l’écart entre une œuvre d’art et l’horizon d’attente des spectateurs. C’est l’écart qui permet
de mesurer la nouveauté d’une œuvre par rapport au public. La valeur esthétique d’une œuvre
d’art sera d’autant plus grande qu’elle permettra de déplacer les normes de cet horizon d’attente
en se situant à sa marge.
Le caractère novateur d’une œuvre s’estompe avec le temps mais elle est perceptible dans le
déplacement qu’elle suscite lors de sa sortie.
David Bordwell et Kristin Tompson (2 spécialistes du cinéma classique hollywoodien), The
Classical Hollywood Cinema et L’Art du Film. Ils sont connus pour avoir forgé la théorie du cinéma
classique hollywoodien. Ils ont émis l’hypothèse qu’entre 1917 et 1960, il existe un style
homogène, qui a dominé la fabrication des films au sein des studios américains. Ce style a été
constant durant des décennies et a traversé les réalisateurs, les studios, les techniciens, etc.
Les traits récurrents du cinéma classique hollywoodien :
- La présence du happy end
- Le fait que les héros courent après un but précis (il désire quelque chose de nouveau ou
il cherche à rétablir un équilibre qui a été brisé)
- Le respect de la chronologie : les événements se suivent dans l’ordre dans lequel ils se
suivent dans la réalité. Il y a peu de flash-backs.
- La mise en scène et le montage doivent être discrets, pas trop voyants. C’est ce qu’on
appelle l’idée de transparence du cinéma classique hollywoodien. Sinon le spectateur est
éloigné de l’immersion dans la fiction. Il faut donc éviter de montrer l’idée de processus
artistique.
Par exemple, le regard caméra est interdit.
La règle des 180° vient du cinéma classique (elle découle d’une fluidité).
Jean-Pierre Esquenazi dit que les genres sont ce qui permet la communication entre le public
et l’industrie : « Un genre est une procédure de communication entre Hollywood et son public,
permettant à ce dernier d’associer un film à d’autres films à travers un univers de référence ».
Jean-Loup Bourget, Le Mélodrame Hollywoodien 1985 : il définit les étiquettes de ce genre. Par
exemple, une des caractéristiques communes du mélodrame est la présence d’une « victime »
(femme, enfant), victime d’un ensemble d’événement à caractère catastrophique et un
traitement qui met l’action sur la notion de pathétique. Ce sont des films à caractère sentimental.
L’happy end est aussi présente.
 Psychose, Alfred Hitchcock, 1960
Jean-Pierre Esquenazi parle d’Hitchcock en l’appelant « professionnel sur-adapté » (suradapté à Hollywood). A l’époque il était considéré comme un faiseur de divertissement.
Hitchcock ne perdait jamais de vu qu’un film réussit est un film qui a du succès. Il a intégré la
logique hollywoodienne du succès commercial. Il sait qu’un film soit être rentable. Il devient un
cinéaste très populaire grâce à ses films de divertissement.
Hitchcock se constitue son propre genre. Il s’est approprié le suspense par exemple. On peut
aujourd’hui parler de film hitchcockien. Il est né par dérivation à partir d’autres genres comme
le Whodunnit (= « qui a fait ça) ou le Mc Guffin (ce qui motive l’action des personnages mais qui
finalement pour le spectateur ne l’est pas du tout).
Le film hitchcockien dérive aussi de la comédie amoureuse puisqu’il y a toujours une intrigue
amoureuse qui vient seconder l’intrigue principale.
On peut parler d’horizon d’attente concernant Hitchcock. Il a réussit à briser l’horizon d’attente
en se détachant des conventions du milieu hollywoodien et en se détachant de sa propre
réputation.
Psychose lui a permis de devenir le père d’une nouvelle forme du cinéma d’horreur. On considère
qu’il y a eu une rupture au cinéma dans les 1960’s avec Psychose. Aujourd’hui le film ne fait plus
peur car la nouveauté s’est considérablement atténuée. Nous somme habitués à ce type de
figure. Pour comprendre l’effet de ce film il faut se replacer dans le contexte des années 1960.
Une des nouveautés principales est la manière dont le film a été vendu : Hitchcock a fait une
campagne de marketing radicalement nouvelle, venant d’une contrainte toute simple (le fait
qu’il n’a pas d’argent pour ça). Il a choisi de ne pas montrer le film au critiques ou aux
journalistes, ce qui a été considéré comme un affront. Il a créé un slogan qui a fait mouche :
« Personne ne sera admis dans la salle après le début de Psychose ». C’est ce qui a participé au
succès du film.
L’autre est l’autorisation d’une photographie de plateau. La scène des deux acteurs à moitié nus
était révolutionnaire par exemple. Hitchcock est le 1er à utiliser la provocation sexuelle pour
vendre un film.
De plus, la bande-annonce, absolument inhabituelle est devenue légendaire : au lieu de montrer
des images du film, Hitchcock nous raconte ce qui s’est passé sur les lieux du plateau.
Le film en lui même est une nouveauté radicale à la fois dans sa carrière, et dans les horizons
d’attente qu’il avait créé dans ses précédents films (glamour, acteurs prestigieux, costumes hors
de prix, etc.). Il crée donc une rupture avec sa propre réputation. De plus Hitchcock n’avait
jamais fait de film d’horreur avant.
C’est le premier film du genre, à l’époque personne n’avait jamais vu ça avant.
La rupture a lieu avec la mort violente de Marion (Janet Leigh) à la moitié du film, de manière
totalement inattendue. Le but d’Hitchcock était de déstabiliser son public. Ici il viole l’une des
règles principales de la narration traditionnelle, fondée sur l’identification et la sympathie du
public avec le héros. Hitchcock construit les attentes du public dans le but de les détruire (c’est
pour cela que l’attention est fixée sur les 40 000$ et Marion)  Mc Guffin.
Il y a d’autres ruptures car Hitchcock tente ce qui n’a jamais été fait auparavant : le traitement de
la scène de meurtre. Il ose faire une scène de meurtre qui s’étire dans le temps : on assiste à la
réaction de Norman et tout son processus de nettoyage de la scène de crime. Cette scène rend le
meurtre concret car elle prend le temps de le montrer au lieu de n’en donner qu’une
représentation abstraite (figure, image ou métaphore).
La situation ne se résout pas à la fin de Psychose, contrairement à ce qu’on a l’habitude de voir.
Même si la situation semble avoir changé, tout est assez superficiel, on sait que la folie de
Norman Bates ne cessera jamais. On termine le film sur un gros plan sur le visage du personnage
(non pas sur l’avenir positif d’un personnage) participe à cette non-résolution du film. Cela
empêche le sentiment d’happy-end.
Eric Dufour dit : « Que le film d’horreur n’est pas de fin, voilà une loi essentielle qui apparaît
dans Psycho ».
La fin relativement ouverte du film a permis des suites (on peut le comparer à Halloween)
Une des grandes nouveautés de Psycho est d’avoir mis en scène un des plus grands serial-killer
de l’histoire du cinéma (après M le Maudit, film tout à fait précurseur en la matière). Le fait est
qu’il y a très peu de personnages positifs pour contrebalancer la monstruosité du héros. Ce
serial-killer a la spécificité d’avoir la capacité d’insérer l’horreur au sein du quotidien.
Hitchcock fait de son monstre le personnage principal. On le suit tout le temps. Le spectateur se
voit sympathiser avec quelqu’un d’absolument atroce.
Les spectateurs de l’époque ne s’attendaient pas à voit tout ça, aussi parce qu’Hitchcock ne
s’était jamais attaqué au cinéma d’horreur.
C’est pour cela qu’on appelle Hitchcock le père d’une certaine forme de film d’horreur : la forme
du Slasher (=le meurtre en série).
 Vertigo, Alfred Hitchcock, 1958
2 ans avant Psychose, il rond déjà avec l’horizon d’attente de son public et les normes
hollywoodiennes de l’époque (en faisant mourir l’héroïne à 1h du film).
1er baiser : totalement cliché  Hitchcock construit nos attentes de films hollywoodiens
classiques pour les briser.
Jean-Pierre Esquenazi dit qu’Hitchcock joue avec des conventions romanesques. Le film joue
sur les codes du romanesque : nous sommes face à un film d’aventure qui consiste à résoudre le
mystère du fantôme de Carlotta, la résolution de ce mystère est doublée par l’histoire d’amour
entre les personnages. La scène 1ère scène du baiser (au bord de l’océan) est l’apogée totale de la
dimension romantique du film. Elle montre des personnages qui s’aiment plus que tout mais qui
ne peuvent pas être ensemble.
 Dimension mélodramatique.
Par conséquent, tout ici semble nous indiquer une issue heureuse. L’étreinte se montre ainsi
comme la promesse d’un futur heureux alors que tout semble séparer les personnages.
De plus, les acteurs sont des immenses stars hollywoodiennes (James Stewart & Kim Novak), on
est obligés d’imaginer qu’ils vont finir ensemble.
Jean-Pierre Esquenazi dit à propos de ce baiser : « Vertigo semble ouvrir une porte de sortie,
en jouant le jeu du cliché et en profitant du poids de nos habitudes hollywoodiennes. »
On peut sentir dans la chronologie que c’est un peu prématuré, étant donné que le 1 er baiser
arrive vers 1h. On a le sentiment que le film ne peut pas se terminer à ce moment là.
2nd baiser : c’est ce qui introduit l’ambiguïté. Le regard de Madeleine est fuyant, sa bouche est
écrasée. Nous sortons du cliché hollywoodien et ça annonce en quelque sorte la catastrophe.
Lorsque Madeleine se suicide quelques minutes après, il y a un effondrement de nos croyances.
La nouveauté de Vertigo est de saper ses propres fondements en tant que film hollywoodien.
Beaucoup de spectateurs ont détesté la fin alternative (seulement diffusée aux Etats-Unis). Cela
explique pourquoi le film en France a eu du succès alors qu’il fut un échec là-bas.
Robert Kapsis, Hitchcock : The Making Of A Reputation, 1992 : « La véritable surprise pour les
spectateurs fut quand ils découvrirent combien le film était différent du travail habituel
d’Hitchcock. Le problème était que les premiers spectateurs étaient déçus de l’écart du film par
rapport à un Hitchcock plus conventionnel, et de fait, se plaignirent du film à leur entourage. »
De plus, « Peut-être que cette scène de la mort de Madeleine, dans un film 3 ans antérieur, va
plus loin encore. Non seulement la star féminine meurt, mais l’impuissance du héros à la sauver
est exposée dans tous les détails. »
 Le public en général ne peut pas s’extraire des conditions de réceptions dans lesquelles il
se trouve. C’est pourquoi il faut prendre en compte la dimension historique lors d’une théorie de
la réception.
II-
Un genre précis : le Western (1940’s, 1950’s)
C’est un genre aisé à étudier car il possède des codes facilement identifiables. L’horizon
d’attente des spectateurs est donc assez solide.
André Bazin, dans Le Western ou le Cinéma Américain par Excellence, dégage des archétypes du
western classique (des normes qui font qu’un western est identifiable) :
- Archétype géographique : se déroule dans le Nouveau-Mexique, le Centre-Ouest
américain  Paysage immense, déserts, prairies, naissance de la ville qui n’en est pas
encore une
- Archétype de la population : Les cowboys : représentés avec leur chapeau, lasso,
courageux, solitaire… Et les indiens (qui incarnent la menace).
- Archétype de la conquête de l’Ouest : avec des saloons, des chemins de fer, etc.
-
Bagarres, chevauchées… Idée d’une justice expéditive et radicale et une certaine forme
de manichéisme (soi noir soi blanc)
Ce sont plus des codes formels que des codes narratifs.
 Johnny Guitar, Nicholas Ray, 1954
Selon les termes de Bazin, le film appartient à ce qu’il appelle « la 2ème phase du western
classique ».
La 1ère phase est ce qu’il appelle « la phase de l’épopée » (les 1ers westerns qui légitiment la
conquête de l’Ouest face aux indiens violents)
La 2ème phase est ce qu’il appelle « la phase de la tragédie » on l’ont voit apparaître un doute sur
la violence de l’exploitation des indiens et à l’exploitation des 1ers pionniers.
Contexte de production : 9ème film du réalisateur Nicholas Ray (Les Amants de La Nuit, La Fureur
de Vivre). C’est son agent Lew Wassermann qui eut l’idée de se film dans le but d’offrir un grand
rôle à Joan Crawford (Icône de l’époque, elle traverse toute la 1ère partie du XXème siècle. C’est
surtout l’une des rares vedette du muet qui ait survécu à l’arrivée du parlant, toujours
considérée comme une grande star dans les 1950’s, 1960’s.)
Le film est tourné dans le Tricolor (procédé de coloration rivale du Technicolor) en 1953
(époque de l’apogée du western). Bazin dit même qu’à l’époque, on tourne des « sur-westerns »
(westerns à gros budgets, avec des immenses stars…).
Johnny Guitar a eu un grand succès commercial mais pas du tout critique car les critiques
pensaient qu’il s’agissait d’un banal western, trop mélodramatique. C’est grâce à la politique des
auteurs (groupe de critique français des Cahiers du Cinéma des 1950’s) que le film se voit offrir
une renommée critique et qu’il est maintenant considéré comme un classique.
Contexte historique : Maccarthysme  Chasse aux sorcières (les « sorcières » étant les
sympathisants avec les communistes). De manière générale on appelle le Maccarthysme
l’ensemble des mesures de répression qui ont été menées par les commissions parlementaires à
l’encontre des sympathisants communistes (ou considérés comme tel) en 1953 - 1954.
Dès 1957, une des commissions de McCarthy convoque 19 personnalités d’Hollywood pour leur
demander de justifier leur position politique et idéologique. Parmi eux, une 10aine de
personnalités refusent de répondre en invoquant la liberté d’expression. Pour ça ils ont été
accusés d’outrage et certains furent envoyés en prison. On les appelle Les 10 d’Hollywood.
A la suite de ça, la MPAA (Association des Professionnels d’Hollywood) qui est à l’origine du code
de censure, a édité une liste noire des personnalités en disant de ne plus les employer. Parmi
eux, Chaplin, Buñuel et Welles. C’est d’ailleurs pour ça que Chaplin quittera les Etats-Unis pour
faire des films en Europe.
Séquence de fin de Johnny Guitar :
Il y a un inversement des rôles par rapport au western traditionnel  Western féminin.
Le personnage est passif mais il y a quand même un excès de violence.
Formellement, la séquence est extrêmement découpée de façon à ce que la scène soit
anormalement rythmée et rapide. En 5 minutes, on a une centaine de plans, chacun dure moins
de 10 secondes.
La séquence est construite sur une sorte d’acmé (un pic d’intensité).
Le dernier moment de la scène, lorsqu’Emma meurt, on a une sorte de retour à la justice, on a un
happy-ending « cliché » (baiser, cascade, musique, etc.). En même temps, cette fin de scène
dénote car d’un seul coup le rythme ralenti, les plans deviennent de plus en plus long.
 C’est une scène traditionnelle et conventionnelle.
+ Le réalisateur utilise la topographie du lieu pour créer des effets de caméra. Il joue de l’espace
à sa disposition (héros filmé en contre-plongée)
+ La mort du Kid est filmée frontalement (ce qui est rare à l’époque, la mort est rarement
montrée frontalement. Ici elle est frontale et violente.)
+ Les costumes : il est rare à l’époque de voir une femme en pantalon dans les Westerns, et son
visage est stoïque, impassible, crispé, pas du tout pleurnichard (ce qui accentue son côté
masculin). Les « méchants » sont tous en noirs (car ils reviennent de l’enterrement du frère, on
retrouve aussi la notion de rituel funéraire, de croque-morts, de corbeaux. Comme si leur
costume avait annoncé la tragédie de la tuerie qui allait se passer), tandis que le costume de
Vienna est flamboyant (jaune). Les costumes des hommes sont pastels, ternes. Comme si Vienna
avait un costume d’homme et les hommes des costumes plus féminins.
Emma est montrée comme une hystérique, folle. Elle a des airs sataniques, qui s’opposent au
visage d’acier de Vienna.
+ On a une dénonciation du climat historique de l’époque et de l’idée d’une justice totalement
expéditive et arbitraire.
Patrick Brion : « Western baroque et lyrique, Johnny Guitar est aussi une très curieuse parabole
politique de l’Amérique d’alors, toujours marquée par la chasse aux sorcières. »
CHAP2 : La représentation de la mort
I-
La thèse du déni social de la mort
 Norbert Elias, La Solitude des Mourants, 1982
Aujourd’hui, en Occident, la mort fait l’objet d’un refoulement d’ordre social qui caractérise
le processus général de civilisation. Notre attitude face aux mourants (par extension, aux
vieillards) se sont modifiées : maintenant, la mort éveille un sentiment de honte, voire de
répulsion. Par exemple, une des manifestation de ceci est un manque de spontanéité dans
l’expression de la sympathie à l’égard de personnes qui ont pu perdre un être cher (sentiment de
honte, de gêne).
Pour Norbert Elias, il y a une sorte de censure sociale qui entoure la mort, la mort est devenue
taboue. Cette pudeur, cette gêne, est le signe de la civilisation moderne.
En effet, avant, la situation était différente, l’homme quand il sentait la mort venir convoquait
son entourage pour faire une œuvre de transmission. Cette dimension rituelle précédent la mort
n’existe plus.
Certes, la mort biologique existe toujours, en revanche, la mort sociale a disparu. Aujourd’hui, on
ne sait plus comment se comporter face à la mort, on ne sait plus comment en parler. Une sorte
de silence entoure donc ce phénomène.
Norbert Elias dit « désormais les gens ne meurent plus, ils disparaissent. ».
L’idéal moderne serait de mourir sans s’en rendre compte, ou de faire complètement disparaître
la mort.
L’un des premiers indices est le bouleversement démographique qui touche les individus
occidentaux et qui éloigne l’individu d’une expérience concrète de la mort. En effet, par rapport à
avant, la mortalité infantile est très rare et la médecine a évolué, elle nous permet de lutter
contre certaines maladies qui, avant, emportait des milliers de personnes. De plus, les sociétés
peu à peu se sont pacifiées et on permis la naissance d’individus qui n’ont jamais connu la
guerre.
Notre attitude vis-à-vis de la mort constitue un ensemble d’ « autocontraintes » car la mort est
très violente bien qu’elle reste exceptionnelle. Tout ceci est le résultat d’un processus de
civilisation. Au Moyen-Age, la mort n’était pas censurée comme elle l’est aujourd’hui car elle
faisait partie du quotidien. Il faut ajouter à ça le progrès médical qui a permis un prolongement
de la durée de vie et qui a suscité un changement de lieu, aujourd’hui on nait et on meurt à
l’hôpital : il y a un phénomène de rejet de la mort.
Avant, il y avait la notion de « se préparer à bien mourir », la mort était au centre de la vie et de
la communauté, c’est la raison pour laquelle on construisait les villes/villages autour des églises
et des cimetières.
Aujourd’hui, la mort est exceptionnelle et donc suscite une réaction violente.
II-
2 manières de représenter la mort : la montrer ou l’occulter
1) La bonne mort au Moyen-Age
Au Moyen-Age, les hommes mettaient la mort au centre de leurs préoccupations. Pour se
libérer de leurs angoisses, au lieu de repousser la mort, ils ont développé des genres littéraires
et artistiques, nous nous intéresserons à 3 :
 Les danses macabres : généralement peintes sur les murs des églises.
 Elles représentent un cadavre décharné ou un squelette, couplé avec le représentant d’une
classe sociale
 La mort peut être représentée de plusieurs manières mais généralement elle est représentée
en train de danser et de se moquer de sa victime.
 La mort peut être représentée avec n’importe quelle classe social pour montrer que tout le
monde est mortel : le Pape, les cardinaux, les rois, les médecins, les voleurs, les paysans, les
enfants, tout le monde. La mort ne regarde ni les rangs, ni les richesses, ni l’âge.
 La danse macabre peut représenter une sorte d’avertissement pour les puissants et une sorte
de réconforts pour les pauvres.
 Son motif de base est de montrer que la vie est éphémère, d’où le fait de se préparer à bien
mourir.
 Les vanités :
 Ce sont des natures mortes allégoriques (= une représentation de quelque chose d’abstrait
par quelque chose de concret). L’idée générale de la vanité est de montrer que l’existence
terrestre est vaine : la vie humaine est précaire et a peu d’importance.
 On distingue 3 catégories de vanités :
- La vanité du savoir : représentés par des livres ou des instruments scientifiques, ou
même l’art.
- La vanité du pouvoir et des richesses : représentés par des bijoux, de l’argent, des armes,
ou encore des couronnes.
- La vanité des plaisirs : représentés par le vin, la pipe, les jeux ou encore la musique
 Toutes ces richesses, matérielles, physiques, tout ce qui rattache l’homme au monde, on doit
s’en détacher : la véritable liberté est d’être pieux, c’est ce qui mènera l’homme au Paradis. La
conception est totalement religieuse.
 Les Ars Moriendi : littéralement « l’art de bien mourir »
 www.bdnancy.fr/ars/ars.htm
 Ce sont des gravures sur bois, elles représentent un homme au seuil de la mort, entouré par
ses proches, des saints, des anges, des démons. Une peuplade de personnages viennent
l’entourer à son chevet, soit pour l’emmener au paradis, soit pour le maintenir sur terre et lui
montrer toutes les richesses matérielles qu’il n’aura plus lorsqu’il passera de l’autre côté.
 Ils ont un rôle moralisateur et religieux : il faut apprendre à se détacher des biens matériels,
etc., pour pouvoir monter au Paradis. L’Ars Moriendi présente l’individu de manière concrète, en
train de faire le bilan de sa vie. C’est donc son dernier examen de conscience.
2) La représentation de la mort dans le film hollywoodien classique
 Jacqueline Nacache, Hollywood, L’Ellipse et l’Infilmé, 2001
Jacqueline Nacache se demande « comment montrer la mort, c’est-à-dire l’infilmable par
excellence, sinon en la laissant sombrer dans l’infilmé ? » (= comment peut-on montre la mort sans
la montrer ?)
A l’époque classique, tout meurtre violent ne peut montrer la mort que par fragment. Dans les
films hollywoodiens, il est impossible de filmer à la fois le lieu de la mort et son origine (le geste
meurtrier). Ce sont toujours des plans séparés : l’idée est de montrer que l’on meurt toujours
seul « dans son plan ».
Elle illustre son propos avec un film spécifique : They Live By Night / Les Amants de la Nuit,
Nicholas Ray, 1949. Pour Nacache, il est assez caractéristique avec la manière de représenter la
mort à l’époque : l’image doit choisir entre la mort et la source de la mort.
Dans les films où la mort est à voir, il y a beaucoup de caché. La mort n’est pas montrée telle
qu’elle. Il va y avoir des stratégies pour parler de la mort sans la montrer.
Cette situation découle de l’instigation du code de production : (1930 – 1960)
l’autocensure. C’est un code d’éthique, adopté par la MPAA, les producteurs, écrit par un
religieux. Il part du principe que le cinéma est une forme universelle de divertissement en lequel
le spectateur accorde une grande confiance. De cette confiance, découle un grande
responsabilité de la part des producteurs vis-à-vis du public car le cinéma en tant qu’art ou
divertissement peut avoir une influence notable dans l’évolution de la nation. Le but est donc de
produire un divertissement sain pour tout le monde.
 Voire corpus, texte de The Motion Picture Code, p2
En effet, la sympathie du spectateur ne doit jamais être jeté du coté du crime, du méfais, du mal
ou du pêché. La loi naturelle ou humaine ne sera pas ridiculisée et aucune sympathie ne sera
accordée à ceux qui la viole.
 Voire corpus, texte de Jean-Loup Bourget, p2
La déviation doit être suggérée plutôt que montrée de manière explicite.
Concernant le meurtre, il est beaucoup question de technique ; le film ne doit pas être un « mode
d’emploi criminel ». C’est pour cela qu’on ne montre pas le processus qui conduira un
personnage lambda à devenir un criminel.
En même temps, il y a de plus en plus de genre et des films considérés comme violents. De très
nombreux films hollywoodiens mettent à mort. La mort est au cœur de toutes les fictions.
Jacqueline Nacache dit « la mort est bannie du champs, tout en étant présente ». Ce
bannissement du champ commence dès les années 1910 : « dès les années 1910, c’est d’abord
une topographie de la mort invisible que le hors-champ aspire avec force. ». En effet, la mort est
un mystère, elle est irreprésentable et c’est pour cela qu’on dit qu’elle est aspirée par le horschamp, le hors-champ prend en charge la mort.
De nombreuses morts se retrouvent derrière des portes, on de nombreuses morts sont de
fausses morts. On peut avoir des suicides manqués (The Shop Around The Corner, Ernst
Lubitsch). On parle de « mort derrière la porte », comme dans Assurance sur la Mort, Billy
Wilder (1944).
Correction de l’analyse de séquence
1. 4 plans.
2. Mouvement latéral, ascendant, descendant. Mouvement à cheval entre panoramique et
travelling.
3. La musique pendant le générique est extérieure au monde de la fiction, ensuite l’ambiance
sonore est interne à la fiction.
4. Le raccord entre le plan 2 et le plan 3 : le raccord est sur la sueur et la température.
5. Le mouvement de caméra 3 est un travelling horizontal gauche.
6. Il y a plusieurs manifestations d’ouverture : ouverture du film, ouverture des rideaux (qui
fait le lien avec le théâtre, le spectacle), « ouverture du jour », l’idée que la fenêtre soit
ouverte…
7. Fonction de la séquence : le personnage principal a la jambe cassée, il est photographe
d’aventure, il fait chaud, c’est l’été…
8. C’est ingénieux car toutes ces informations nous sont données par des moyens uniquement
cinématographiques, sans besoin de dialogues.
On parle de mort derrière la porte pour Assurance sur la Mort car la caméra n’est focalisée non
pas sur le meurtre mais sur ce regard verrouillé de Phyllis. Cette technique de reléguer la mort
hors-champ est assez caractéristique du cinéma hollywoodien.
Dans L’Ennemi Public, de William Wellman (1931), aussi, la caméra fait un panoramique
pour se décadrer et reléguer une mort hors-champ. A un autre moment, lors de la mort d’un
autre personnage, la mort est hors-champ tout en étant dans le champ : on voit le blessé une fois
qu’il est déjà blessé, on ne voit pas l’acte. Les morts, on ne les voit pas, on les entend, ceci découle
de l’arrivée du parlant : il y a un jeu important sur les sons.
 Ce film regorge de possibilités pour mettre à l’égard le mortel et le reléguer hors-champ. C’est
un film à propos duquel Jacqueline Nacache dit « toutes les morts y sont en coulisse »
Dans Hollywood, l’Ellipse et l’Infilmé, dans le chapitre « Hitchcock & le Spectacle Interdit »,
Jacqueline Nacache nous montre aussi comment Hitchcock nous décrit la mort tout en ne nous
la montrant pas. Elle écrit « pour Hitchcock, la question n’en finit pas de se poser : comment mettre
sous les yeux du spectateur, le spectacle interdit ? Toutes les morts, tous les meurtriers hitchcockien
scintillent autour de l’impossible objectif : montrer en cachant, terrifier sans horreur, éblouir sans
spectacle ».
Hitchcock utilise plusieurs techniques, dont l’une qui est dans L’Ombre d’un Doute (1943), où il
ne montre pas le meurtrier en train de tuer. Le meurtrier est un « meurtrier sans victimes ».
Selon Nacache, Hitchcock désire montrer les choses en général d’aussi près que possible, or
comme c’est impossible pour la mort, il ne peut faire autrement que de nous brouiller la vue.
C’est pour cela qu’on a souvent une image de la mort qui est déformée. Elle donne l’exemple de
L’Inconnu du Nord-Express (1951) : il y a une représentation frontale de la mort mais qui en
même temps est totalement biaisée (le spectateur voit le meurtre à travers les lunettes à doublefoyer de la victime ». Nacache ajoute «’’Poussez vous, aimerait dire le spectateur, je vois mal’’,
mais rien d’autre ne lui est permis que cette vision tronquée et troublée ».
Lifeboat, Alfred Hitchcock (1943) : les actes violents sont montrés mais cachés à l’intérieur du
champ. Cet effet de cache inscrit donc le hors-champ dans le champ.
D’après Nacache, la dissimulation de l’instant mortel peut aussi instaurer un doute
fondamental : ne pas montrer la mort, c’est faire trembler la conviction que ce qui est arrivé
hors-champ soit réellement advenu, comme si une mort qu’on ne voyait pas pouvait ne pas
réellement exister. L’intérêt dramatique est évident puisque celui que l’on n’a pas vu mourir
risque toujours de réapparaitre. Elle donne l’exemple du Trésor de la Sierra Madre de John
Eston (1948), où le héros décide de tuer son partenaire, il le fait dans une portion du champ,
cachée par un tronc d’arbre, et comme dans les exemples précédents, elle est simplement
entendue, et finalement le « mort » n’est pas mort. Un mort qu’on ne voit pas mourir peut
totalement réapparaitre.
Par conséquent, un crime caché équivaut à la possibilité qu’il n’y ait pas eu de crime.
 Le cinéma hollywoodien a une attitude contradictoire à l’égard de la mort : il se nourrit
de la mort puisqu’il en fait le centre de très nombreuses fictions, et en même temps, il la
repousse de toutes ses forces. Ne pas montrer la mort c’est aussi un moyen pour proposer une
philosophie rassurante et dire d’une certaine manière que la mort n’est pas une menace,
puisqu’elle n’est pas montrée avec brutalité. De plus, lorsqu’on voit la mort, elle est la plus part
du temps stylisée, esthétisée, chorégraphiée, elle est présentée plus belle, cela en diminue les
effets.
Il y a donc l’idée dans le cinéma hollywoodien, la volonté de représenter ce qui nous terrifie,
nous angoisse le plus, et en même temps, de nier l’existence même de cette menace en la
repoussant hors-champ.
3) Montrer la mort dans la fiction contemporaine
La mort est partout et elle est montrée de manière de plus en plus explicite. Deux thèses
d’opposent pour expliquer cette représentation de la mort dans la fiction :

Damien Le Guay, « Représentation actuelle de la mort dans nos sociétés : les
différents moyens de l’occulter » dans Etudes Sur la Mort (2008)  La mort au cinéma est une
mort caricaturée, nous vivons dans une société où l’idéal général est d’atteindre le bonheur, par
conséquent, la mort étant le malheur absolu, nous essayons de la dissimuler, de la rendre
étrangère à nos vies. Pour cela, les médias (le cinéma et les séries TV), font exactement le
contraire : ils la surreprésente, ils la rendent visible et en parlent tout le temps. Il parle
d’occultation par excès.

Le cinéma et les séries TV d’aujourd’hui représentent la mort de manière frontale
non pas pour l’occulter mais pour lui donner du sens. Les tenants de ce parti disent que le
cinéma et les séries TV peuvent être considérés comme un instrument de médiation entre les
spectateurs et la mort, comme un réservoir de sens possibles.
Que l’on soit d’accord avec l’une ou l’autre position, il faut constater que la mort est de plus
en plus présente dans les séries TV, qui mettent en scène les professionnels de la mort.
Exemples : Les Experts, diffusé depuis les années 2000 : les téléspectateurs voient des cadavres
disséqués… La série utilise la mort pour résoudre un problème de vivant. C’est pour cela qu’on
appelle ces personnages « les experts », ce sont les experts de la mort.
Les Experts font renaitre les morts pour résoudre des problèmes de vivants. Les morts sont
toujours particulièrement atroce, les images de cadavres abimés sont de plus en plus fortes.
Cette série est la première à mettre en son centre un nouveau type de héros : l’expert
scientifique qui se situe à mi-chemin entre le policier et le médecin légiste.
Bones met aussi en son centre un personnage assez bizarre, la série met en scène un
anthropologue judiciaire dont l’objet d’étude est les squelettes et les cadavres en tout genre. On
questionne là aussi un cadavre pour résoudre une intrigue. La configuration de la salle constitue
un mouvement de mise au centre du cadavre.
La mort est le lieu où on parle de tout sauf de la mort : on parle de ses problèmes de boulots, etc.
Le lieu de la mort est un lieu de communication entre les vivants, c’est un lieu social. On
désacralise la mort, c’est aussi un moyen de la mettre à distance.
C’est aussi souvent le lieu de la comédie (Scrubs).
L’histoire de Dexter s’articule autour du personnage principal qui est analyste le jour
pour la police de Miami et tueur en série la nuit. Elle met en son centre l’alliance entre la mort et
la science, autant pour faire régner la justesse que pour permettre au héros d’assouvir ses
pulsions meurtrières. (cf. le pilot). Le héros jour le rôle que la société attend de lui pour pouvoir
exprimer con côté sombre la nuit. Il est considéré généralement comme un serial killer justicier
car il tue les meurtriers profondément coupables. Il incarne un mélange entre la figure
contemporaine de la mort et la figure héroïque du justicier. Il y a une ambiguïté morale car le
spectateur s’identifie à un personnage à la fois bon et à la fois mauvais. La mort est nécessaire à
la survie du personnage puisqu’il est animé de pulsions meurtrières. Cette figure de justicier est
mise en valeur par 2 éléments principaux :
 Elément narratif : il ne tue que des meurtriers qui n’ont pas été punis par la
justice.
 Les ennemis qu’il affronte sont généralement montrés comme
irrémédiablement mauvais. On constate une radicalité des opposants qui
amoindrit sa propre ambiguïté.
David Schmid : « Bien qu’il soit extrêmement difficile d’affirmer de manière définitive si Dexter
est bon ou mauvais, il est évident que l’ambiguïté qui l’entoure est rachetée par une absence
complète d’ambiguïté concernant ses victimes. »  En effet, sa violence est justifiée par la
violence qu’il a en face de lui.
Schmid montre plus tard dans son article que le succès de ce héros atteste le fait qu’on peut tout
à fait orienter l’identification du public à des personnages comme des tueurs en série.
Pour Thomas Leitch, tout ceci passe par un phénomène de reniement de la violence.

La première technique consiste à justifier la violence en la rationnalisant 
établir une différence entre la violence justifiable et la violence injustifiable. (Ex : James Bond =
permis de tuer).

La deuxième technique consiste à limiter les effets de la violence, en ne montrant
pas les conséquences d’un acte violent sur le reste de la société.

La troisième technique est de styliser la violence, la chorégraphier (ou même la
rendre comique), pour isoler le spectateur des conséquences de cette violence.

La quatrième technique est de rendre la violence acceptable en la confrontant à
un autre mal (c’est à dire montrer qu’il y a une violence bonne et une violence mauvaise)
Tout ce qui a un rapport avec les pompes funèbres est quasiment absent du cinéma ou des
séries. Le croque-mort n’est jamais qu’un élément du décor et l’on ne voit que rarement ce qui se
passe entre la mort d’un personnage et son enterrement.
Ex : Six Feet Under raconte le quotidien d’une famille qui tient une petite entreprise de pompes
funèbres. L’originalité de cette série est de mettre au centre des héros croque-morts. La
morgue, un lieu plus ou moins tabou, se situe au cœur de cette série.
 Pour conclure, dans Six Feet Under, comme dans les autres séries évoquées, c’est de la
mort dont il est question. Une mort souvent professionnelle, clinique, hygiénique, et aussi une
mort dont on peut se moquer. Les séries TV s’abreuvent du thème de la mort pour en montrer
différentes interprétations, dont peuvent se saisir les spectateurs pour réfléchir à leurs propres
rapports avec la mort ou aux autres. La représentation de la mort nous permet de nous
questionner sur notre propre relation avec elle.
CHAP3 : Religion et cinéma
Marion Poirson-Dechonne, Le cinéma est-il iconoclaste ?, 2002
Iconoclasme : < eikon (=image)/klaô (=casser) destruction des images religieuses.
Iconoclaste : celui qui s’oppose aux icônes (représentation de Saints dans la religion
chrétienne). Ce mot désignait d’abord celui qui s’opposait à l’adoration des images saintes.
Ensuite il caractérise celui qui proscrit la représentation de la divinité. Enfin, péjorativement il
désigne ce qui est hostile aux traditions, ce qui est blasphématoire.
Iconophilie : L’amour des images.
Iconolâtrie : L’adoration des images (dans son versant péjoratif – adoration excessive).
I-
Contexte
Les premiers chrétiens étaient des iconoclastes, ils refusaient les icones et les idoles. Ce sont
les romains qui ont fait triompher le règne des images dans la religion.
Les premiers iconoclastes ont été considérés comme des défenseurs du véritable christianisme,
que l’on considérait comme altéré avec ces pratiques d’iconophiles.
Ces premiers iconoclastes s’appuyaient sur un épisode de la Bible qui fonde l’iconoclasme : les
10 commandements (le Décalogue) que Dieu a imposé à Moïse lorsqu’il a gravit le mont Sinaï. Un
des interdits des 10 commandements est justement l’image.
Le terme iconoclaste peut aujourd’hui aussi être utilisé de manière séculaire (laïque), c’est à dire
en dehors de la religion.
On peut déceler deux caractéristiques principales à l’image religieuse au cinéma : ceux qui la
montrent et ceux qui la détruisent.
II-
Construire l’image religieuse
1) Le cinéma s’inspire de la Bible
Le christianisme est une religion iconophile et dans notre culture occidentale, on remarque
que de nombreux films s’inspirent de la Bible ou de personnages saints.
Ex : la figure de Jeanne d’Arc : La Passion de Jeanne d’Arc, de Dreyer, 1928 ; Jeanne au Bucher, de
Rossellini, 1954 ; Jeanne la Pucelle, de Rivette, 1984.
Da Vinci Code, Indiana Jones et la Dernière Croisade…
Il y a aussi les films parodiques, comme les films des Monty Pythons.
2) Un art de la célébration
Elie Faure : volonté d’assimiler la séance de cinéma à une messe. En effet, il établit un
parallèle entre l’art des cathédrales et le cinéma en montrant la dimension collective des deux,
tant au niveau de la production et au niveau de la réception. C’est pour cela que la séance de
cinéma ressemble à la messe car elle permet au peuple de se réunir.
Célébrer < celeber (=très peuplé/très fréquenté). Le cinéma répond tout à fait à cette définition.
3) Le cinéma comme expression du spirituel : le visage
Le cinéma est un médium particulièrement favorable pour montrer le spirituel, notamment
par ce qu’il met en scène grâce au visage.
Marion Poirson-Dechonne reprend l’idée de Jacques Aumont dans un ouvrage écrit en 1992,
Du Visage au Cinéma, où il montre la dimension spirituelle et mystique du visage qui, depuis la
nuit des temps, était considéré comme l’expression de l’âme. Cette idée vient de la Bible, avec
l’Incarnation : le fait que Jésus soit l’incarnation de Dieu sur terre. Cela a légitimé la
représentation du visage, qui tient une place importante, notamment sur le plan spirituel.
Au cinéma, on peut noter 2 grandes idées en ce qui concerne le visage :
 Le visage est le lieu par excellence où se manifeste l’émotion.
Ex : Trois Couleurs : Bleu, Krzysztof Kieslowski, 1992  le film montre la douleur la plus
intense de l’héroïne par ces inserts qui mettent en valeur des mouvements imperceptibles de
son visage.
 A travers le visage, le cinéma permet de montrer l’expression religieuse et la
présence du divin.
Ex : La Passion de Jeanne d’Arc, Karl Dreyer, 1928  montrer la présence du divin dans le
personnage. On peut noter l’absence de maquillage de l’héroïne, les cadrages particuliers où on
peut noter pas mal de décadrages, des angles de vue obliques, des contre-plongées, une position
du visage tout à fait particulière, et la lumière (l’éclairage du visage de l’actrice). Tout cela
confère au visage de Falconetti une authenticité unique dans l’histoire du cinéma. Ce film est une
exploration du visage humain, et tous les éléments participent au mysticisme du personnage.
L’éclairage traduit la ferveur religieuse de Jeanne d’Arc, l’éclat de son regard et le reflet de son
illumination intérieure.
« Le microcosme, en apparence le plus impitoyable, devient une sorte de miroir sacré, où nous
découvrons la touche de Dieu, le contact insaisissable, comme sur la grande fresque où le doigt
de l’homme effleure le doigt de Dieu. »
 Le cinéma permet l’expression de la spiritualité, notamment par le visage et de
nombreux films tentent d’exprimer le sacré, le mystique.
III-
Briser l’image religieuse
1) Le cinéma représente des actes iconoclastes
Les cinéastes sont des iconophiles et lorsqu’ils critiquent la religion ils sont iconoclastes
puisqu’ils font de la religion leur cible et détruisent parfois certaines formes de la représentation
religieuse. Non pas tant pour défendre notre foi que pour critiquer tout un système.
C’est souvent un pouvoir que l’on va dénoncer, mais tout cela par le prisme de l’image.
 Agora, Alejandro Amenàbar, 2009
Epoque du christianisme grandissant (Vème siècle) : opposition entre les païens et les
chrétiens. Le film tourne autour d’Hypatie, la première qui a eu l’intuition d’héliocentrisme. Elle
raconte dans le film comment Alexandrie et toute l’Egypte se convertie au christianisme pendant
qu’elle maintient sa position païenne.
Biblioclasme = destruction des livres.
Le film traite de la destruction de la bibliothèque d’Alexandrie, de la destruction des statues
païennes et de la lapidation d’Hypatie lorsque les chrétiens prennent le pouvoir. En effet c’est
une période où le monothéisme triomphe à Alexandrie. A la fin, ils lapident la philosophe qui
refuse de se convertir. On peut lire le film comme une sorte de parabole de notre société, où les
chrétiens seraient assimilés aux islamistes intégristes (mais aussi à l’extrémisme religieux en
général).
Le film renverrait aussi aux pratiques des talibans (voiler les femmes, lapider les païens, la mise
à mort de ceux qui ne croient pas en la même religion).
Amenàbar montre l’iconoclasme pour dénoncer le fanatisme religieux qui commence par
abattre les images avant de faire exécuter les hommes. Le film s’inscrit dans la tradition du
péplum hollywoodien mais il peut aussi se lire comme une allégorie de la situation géopolitique
contemporaine.
Aux barbes, aux tuniques noires et aux discours misogynes des fanatiques d’Alexandrie
répondent les barbes, les tuniques noires et les discours misogynes des islamistes intégristes.
De manière plus générale on voit dans ce film une dénonciation de l’obscurantisme face à la
raison et à la science. La philosophe païenne est donc l’héroïne du positivisme scientifique face à
l’extrémisme religieux en général.
Par conséquent, c’est un film qui critique la religion à travers son iconoclasme. Il montre, à
travers l’intolérance qu’il dénonce, comment le refus de l’image s’assimile au refus de l’homme.
C’est pour cela qu’on met en parallèle la lapidation d’Hypatie avec la destruction de la
bibliothèque. Le cinéaste, en tant que faiseur d’image, défend ses images : on est dans une
position d’iconophile.
 Octobre, Sergueï Eisenstein, 1927
C’est un film muet commandé à Eisenstein par le pouvoir Russe pour célébrer les 10 ans de
la révolution.
Le film se déroule en 1917 et raconte la chute du Tsar Nicolas II (la fin de l’Empire russe) et la
prise du pouvoir du prolétariat en Octobre de la même année, avec comme dirigeant Lénine.
Eisenstein se sert lui aussi d’un acte d’iconoclasme mais ici, cet acte vise à consolider les bases
de la révolution prolétarienne et à susciter l’adhésion des spectateurs. On assiste à un
iconoclasme politique plutôt que religieux.
Le film s’ouvre sur un plan de l’énorme statue du Tsar Alexandre III (ayant précédé Nicolas II),
avec les symboles du pouvoir (la couronne). Nous voyons cette statue prise d’assaut par le
peuple. Le peuple démantèle la statue qui est une menace d’oppression politique et la chute de la
statue anticipe la chute du régime tsariste. On note également la disproportion entre l’énormité
de la statue et la taille des gens qui symbolise la force du peuple qui en s’unissant parvient à
affronter le pouvoir (donc la puissance du peuple).
On voir également un transfert du pouvoir entre le début et la fin du film puisqu’on voit Lénine
sous la lumière des projecteurs à la fin.
Eisenstein montre que l’acte de déboulonner la statue du Tsar peut s’assimiler à
l’affaiblissement de sa puissance politique. Il y a un projet politique de la part du cinéaste qui
vise à substituer au pouvoir intemporelle du tsarisme l’idéologie de type marxiste.
L’acte d’iconoclasme a pour conséquence de recréer une autre icône.
Briser l’image du Tsar est un acte d’iconoclasme, vu comme « positif » car il est exprimé juste par
le cinéaste, contrairement au film d’Amenàbar.
Or les images finissent par se transformer en stéréotypes et ces nouvelles images qui vont être
créées par le communisme vont elles-mêmes s’effondrer en 1989.
 Good Bye Lenin, Wolfgang Becker, 2003
Le rejet du pouvoir s’exprime lui aussi par le démentiellement d’une statue mais cette fois ci
c’est la statue de Lénine.
La statue de Lénine, érigée dans Octobre en tant qu’idole, ici est détruite.
On a aussi une réflexion sur l’image elle-même, notamment sur la falsification de l’image (à
travers les faux reportages)  une réflexion sur l’iconoclasme cinématographique.
 Le Tsar et Lénine sont des figures puissantes et vénérés mais qui en même temps sont
extrêmement fragiles. Dans les 2 films, on a le symbole de l’effondrement du pouvoir à travers
l’effondrement des statues. La révolution qui a brisé l’idole du Tsar a vénéré une nouvelle idole
qui elle-même est détruite lors de la réunification.
2) Iconoclasme et parodie
Le rire dans le domaine religieux n’est pas un acte gratuit. La parodie permet la réflexion
critique du spectateur sur un sujet donné.
 Life of Brian, Monty Python, 1979
Le film est une parodie de la vie de Jésus. Les premiers plans du film rappellent le péplum et
le récit biblique. Très rapidement on voit des dissonances (personnage de la Vierge Marie
incarné par un homme qui s’exprime avec grossièreté).
Le générique brise la continuité du récit. Toute la séquence est traversée par l’idée de
construction et de destruction.
La parodie continue de s’encrer dans les cartons (« about tea time »). La parodie concerne la
religion qui est critiquée dans son ensemble.
Brian n’est pas le fils de Dieu et de la Vierge Marie mais le fils illégitime d’un soldat romain et
d’une prostituée. La seule raison pour laquelle il prêche c’est pour échapper aux romains, et c’est
lorsque son prêche devient complètement absurde qu’il suscite des disciples, totalement
stupides et fanatiques.
On assiste à une première forme d’iconoclasme qui vise à détruire l’image religieuse en la
parodiant. Mais le film montre une autre forme d’iconoclasme qui suscite la réflexion sur le
cinéma en lui-même, notamment avec les ruptures dans la fluidité de la narration (enlèvement
par les extraterrestres) : anachronisme total, rupture du genre (on insert de la science-fiction
dans un péplum).
Le film parodie son propre fonctionnement en temps que construction d’images qui se
superposent les unes aux autres. La séquence des extraterrestres montre une nouvelle rupture à
l’image et accentue la dimension d’iconoclasme.
La plus grande déchirure dans l’énonciation est la scène de crucifixion (à la fin), où on a un
changement de genre à nouveau, annoncé par toute une série de transition (la manière dont on
accueille les crucifiés avec douceur, la chanson, le moment avec les kamikazes) : on passe du
registre du péplum à la comédie musicale. Le happy-end est aussi une manière de critiquer une
partie du cinéma qui se veut optimiste.
 On a un double iconoclasme : destruction de l’image religieuse – construction de l’image
cinématographique elle-même (réflexion sur les codes mêmes du cinéma). Les ruptures de la
transparence filmique visent à donner un certain recul au spectateur pour susciter sa propre
réflexion.
Conclusion :
La religion a aussi à voir avec le cinéma dans la manière dont elle a influencé les films
comme leur réception à travers la censure. Tout commence à l’apparition du cinéma qui a ses
débuts était considéré comme un divertissement populaire et dont on pensait que son influence
serait nuisible sur la population et notamment sur les jeunes spectateurs. Les autorités
catholiques ont tout de suite eu peur de ce nouveau médium, jusqu’au point de solliciter
l’intervention de l’état dans les années 30 pour protéger le citoyen de tout ce vice qui
représente le cinéma.
En 1934, les professionnels du cinéma établissent un code d’autocensure pour éviter de se faire
censurer par l’Etat : le code Hays, rédigé par 2 hommes d’Eglise, appliqué par Joseph Breen (un
censeur ultra catholique). L’objectif de ce code est de garantir la moralité des films. Il a donc
régit le cinéma jusque dans les 1960’s.
Dès 1933, la National Legion of Decency est un groupe fondé par des représentants de l’Eglise
catholique qui a le pouvoir d’influencer ses fidèles en conseillant ou non certains films en
fonction de notes (C = « condemn »).
En France, on a la Centrale Catholique du Cinéma qui donne des cotations aux films, des
chiffres en fonction du publique qui peut aller les voir (code 5 = à proscrire). En 1958, Les
Amants (de Louis Malle), qui raconte l’histoire d’une bourgeoise qui tombe amoureuse d’un
homme et qui quitte tout pour s’échapper avec lui. A la fois pour les scènes d’amour et l’audace
du personnage, le film et interdit -16 et a indigné les représentants de l’Eglise catholique et la
CCC conseille à ses fidèles de ne pas du tout aller voir ce film.
Les films a sujet religieux et iconoclastes ont toujours suscité des controverses, même plus
récemment : par exemple La Dernière Tentation du Christ, Martin Scorsese (1988).
Il y a quand même une évolution nette de la censure religieuse qui perd de son pouvoir : par
exemple La Passion de Jeanne D’Arc, C.T. Dreyer (1928), a été censuré en son temps pour des
raisons religieuses (les hommes d’Eglise sont montrés comme des fanatiques). En 1995, le
Vatican a établit une liste des grands films du patrimoine cinématographique et La Passion de
Jeanne d’Arc en faisait partie.
CHAP4 : La philosophie du cinéma
I-
Qu’est ce que la philosophie
La philosophie est une étude qui présente un haut degré de généralités. C’est une
disposition à voir les choses d’en haut. C’est à dire, à dépasser l’opinion commune pour accéder à
un savoir rationnel.
L’étymologie du terme philosophie signifie « l’amour de sagesse ». Le but ultime est donc de
parvenir à la sagesse. Mais l’étymologie du mot sophia désigne aussi « la connaissance » et
« l’éthique ». La philosophie a donc aussi une vocation morale. La discipline qu’est la
philosophie cherche à répondre à une question posée. C’est la spécialité des généralités,
autrement appelée concepts. C’est une attitude intellectuelle, une méthode de pensée, non pas
un contenu. Elle peut toucher à tout, notamment au cinéma.
II-
Qu’est ce que la philosophie du cinéma ?
On peut mettre en scène des philosophes, comme dans Agora (Alejandro Amenàbar,
2009) ou dans Hannah Arendt (par Margarethe Von Trotta, 2013). On peut aussi penser que
c’est « adapter un texte philosophique à l’écran » mais cela paraît plutôt incompatible. Ça peut
aussi être le résultat d’un film réalisé par un philosophe, après tout. Enfin, ce pourrait aussi être
le fait de montrer un professeur de philosophie à l’écran, comme dans Le Cercle des Poètes
Disparus/Dead Poets Society (Peter Weir, 1990). Dans ce film, le professeur enseigne à ses
élèves le Carpe Diem et plus largement l’épicurisme. On aurait aussi pu parler de La Grande Vie
(Emmanuel Salinger, 2009).
En fait, la philosophie au cinéma, c’est :




Mettre des philosophes en scène
Adapter un texte philosophique à l’écran
Réalisation d’un film par un philosophe
Montrer un professeur de philosophie à l’écran
Pour faire de la philosophie au cinéma, on peut penser le monde à l’aide du cinéma ou penser
philosophiquement le cinéma. Stanley Cavell (1926 – ajd), philosophe américain, considère que
les films sont de véritables « aliments de la pensée » et qu’ils constituent « un renfort pour
réfléchir sur quoique ce soit », notamment par la variété de leur contenu et par l’impact qu’ils ont
dans la vie du spectateur. Il y a une complémentarité entre cinéma et philosophie en tant que
manière de penser le monde. C’est en ceci que, selon lui, le cinéma est particulièrement fécond
lorsqu’il s’agit de poser des questions philosophiques. Bien sûr, le cinéma et la philosophie ne
sont pas pareils : « Penser, c’est penser par concepts (philosophie), par fonctions
(mathématiques), par sensations (arts), et l’une de ces pensées n’est pas meilleure qu’une
autre ».
Le cinéma est particulièrement intéressant philosophiquement car il met le spectateur dans des
situations récurrentes, aux questionnements intemporels. Il est toujours question d’amitié,
d’amour, de bonheur, du bien, du mal, de la trahison… Des idées que l’on traite aussi en
philosophie. C’est pourquoi, des philosophes comme Alain Badiou montrent que le cinéma peut
se rendre utile en philosophie, notamment par sa représentation de grands conflits universels.
Dans une revue, datant de 2005, il explique : « Nul n'imagine le cinéma sans ses grandes figures
morales, sans le grand combat américain entre le Bien et le Mal. Même les gangsters n'y sont que
cas de consciences, décisions rédemptrices, abolition de la Méchanceté. Le ridicule de ces fables
n'interdit pas qu'il y est la aussi quelque chose d'admirable. Le cinéma aussi nous parle du courage,
de la justice, de la passion, de la trahison et les grands genres du cinéma, les genres les plus codés,
sont des genres éthiques, c'est-à-dire des genres qui s'adressent à l'Humanité pour lui proposer une
mythologie morale. »
Cette attitude provocatrice vise à montrer la dimension philosophique du cinéma populaire.
III-
Penser philosophiquement au cinéma
L’esthétique connaît deux aspects ;
 L’esthétique morphologique : elle étudie la forme du film, c’est une approche
formelle.
 L’esthétique philosophique : c’est une branche de la philosophie de l’art qui va
être un questionnement réflexif lié à des thématiques autour du goût, de l’art ou de
la beauté.
Par exemple, une des questions traditionnelles posée fût « le cinéma est-il un art ? ». Certains
questionnements sont aussi ontologiques (l’étude de l’essence des choses).
Enfin, il existe aussi l’approche de la théorie de la réception, qui se redemande quels sont les
effets du cinéma sur le spectateur. Laurent Julier et Jean-Marc Levratto, philosophes
contemporains, expliquent que le cinéma permet un « philosopher pratique ». Cette discipline
peut donc nous apprendre beaucoup de choses sur nous même, puisqu’il constitue un reflet de
nos vies. Elle possède une dimension réflexive et affective qui permet de réfléchir à ce que nous
sommes en tant qu’homme. Ces deux philosophes expliquent que ce philosopher pratique est
particulièrement vrai pour les films grand public qui « ne se préoccupent pas de nous faire penser
mais nous invitent simplement à affronter, en nous impliquant dans le récit, les questions que se
posent tout un chacun ».
IV-
Platon et l’allégorie de la caverne en lien avec le cinéma
Pour certains théoriciens, cette fable anticipait l’architecture de la salle obscure. En effet, le
spectateur est immobile et il observe des simulacres projetés devant lui. Il est donc coupé du
monde réel, il lui tourne le dos.
Les ombres du cinéma ont beaucoup de liens avec celles de la caverne. Comme dans l’allégorie
de Platon, la projection se fait grâce à la diffusion de lumière. Cette analogie date plutôt du début
de l’histoire cinématographique dans une perspective critique. Elle propose selon certains
philosophes, une lecture très critique du cinéma.
Marc Cerisuelo, professeur à Marseille, casse cette analogie : il explique qu’elle est à l’origine de
l’exclusion du cinéma du champ artistique. George Duhamel disait que le cinéma n’est pas un
art, mais un « divertissement pour illettrés ». Cette comparaison sert ce type de pensée, le
cinéma est dans l’illusion, l’aveuglement. Chacun a pu observer que le sujet en proie à l’état
filmique se sent comme engourdi. Les spectateurs à la sortie, brutalement rejetés par le ventre
noir de la salle dans la lumière vive et méchante du hall ont parfois le visage ahuri de ceux qui se
réveillent. On peut aussi considérer le cinéma comme un trompe-l’œil qui nous éloigne du
monde.
Stanley Cavell développe le concept de scepticisme : selon lui, le cinéma exprime notre
scepticisme. C’est la marque de notre condition humaine et concerne notre rapport aux autres
alors qu’en philosophie, il concerne notre rapport à nous. Le philosophe sceptique par
excellence est Descartes qui utilise ce courant pour atteindre la connaissance avec le fameux
« Je pense donc je suis ».
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