Dounia Zellou ECE 1 Jean-Charles Asselain Histoire économique de la France du XVIIIème siècle à nos jours, Tome 1 : de l’Ancien régime à la première guerre mondiale Pp113-151 Seuil,Points H, 1984 I/Le premier élan de la croissance au XVIIIème 1/La « révolution agricole » en France au XVIIIème : mythe ou réalité ? 2/L’essor du commerce extérieur 3/Les industries traditionnelles et la naissance de l’industrie moderne 4/L’économie française à la veille de la Révolution II/Les incertitudes de l’industrialisation française jusqu’en 1914 1/ Les conséquences économique de la Révolution et de l’Empire 2/L’accélération de l’essor industriel (1815-1860) 3/Ralentissement, crises et dépression (1860-1890) 4/Impulsions nouvelles et dynamisme de la croissance à l’orée du XXème 5/Forces et faiblesses de l’économie française à la veille de la guerre de 1914 1)Les conséquences économiques de la Révolution et de l’Empire Il y a 2 approches différentes de cette période : 1ère : Thèse de Gipert dans Aspects juridiques du capitalisme contemporain, la révolution est une mutation structurelle qui marque la fin du féodalisme et le début d’une croissance moderne. Cqsce : élimine les obstacles de l’Ancien Régime et crée les conditions au capitalisme. 2ème : la révolution est une période de désorganisation de l’activité économique due à un retard cumulé de l’économie française (grand écart avec l’Angleterre). i/Les mutations structurelles : 1-l’œuvre agraire de la Révolution : transformations importantes à la suite de la révolution paysanne : *abolitions de l’ensemble des droits féodaux en 1793 : les paysans tenanciers sont désormais propriétaires. *Transfert de propriété des « biens nationaux » : 2 vagues de confiscations des biens de l’Eglise et des nobles émigrés qui sont ensuite revendus. Csqce : paysans peuvent acquérir des parcelles de terre. *Bourgeoisie favorable à la « liberté d’entreprendre » i.e de clôture et de partage des communaux. Mais résistance des paysans : recul de l’assolement triennal très lent en France. Kemp « quelles que soient les conséquences de la révolution paysanne, elle a sans aucun doute contribué à ralentir le développement économique de la France. » Bilan : aspect conservateur de l’œuvre agraire de la Révolution : peu de redistribution des terres, il y a surtout eu consolidation des petites exploitations. Après la révolution : freinage de l’émigration rurale, de la croissance démographique, de la croissance de la production et de la productivité agricole. 2-La législation économique de la Révolution dans le domaine industriel et commercial : * Idéologie individualiste de la bourgeoisie : mars 1791 loi d’Allarde met fin aux corporations, csqce : liberté d’entreprise et de choisir sa profession. Complété en juin par la loi Le Chapelier qui interdit l’association de salariés. Objectif : instaurer un libre marché du travail. Corollaire : pas de protection légale des travailleurs, cf. article 1781 du code civil : en cas de conflit de paiement du salarié le « maitre » doit être crû sur parole par les tribunaux + 1803 : le livret ouvrier renseigne les employeurs sur le passé des candidats. *But de la révolution = favoriser l’essor de l’industrie et du commerce. Csqce : suppression des douanes intérieures et réorganisation du système fiscal. Mais : le nouveau système ne procure pas à l’Etat des ressources suffisantes d’où le recours à des ressources extraordinaires ( exple : vente biens nationaux). *La politique économique des gouvernements de la Révolution s’est éloignée des principes libéraux : fin du traité de 1786 et retour au protectionnisme. Pb = inflation. Csqce : La Convention agit directement par des réquisitions exple 1973 « maximum général des prix et des salaires » pour empêcher des émeutes de la faim. Bilan : l’œuvre de Assemblée constituante, d’inspiration libérale , domine.1804 : le code civil consacre les principes de liberté et de propriété = conditions au capitalisme. II : Les à-coups de la croissance économique jusqu’à 1815 : -Période révolutionnaire 1792-1793 a connu un effondrement économique : guerres civiles, guerres extérieures et inflation. Les régions rurales sont moins affectées car elles reposent sur une économie de subsistance à dominante agricole. Mais : les villes souffrent de crises d’approvisionnements.= « catastrophe nationale » Lévy-Leboyer. -Directoire : retour progressif à une situation normale malgré l’inflation et la spéculation. 1-Les conditions de l’activité économique sous le Consulat et l’Empire : *Consulat : pas vers la stabilisation, remise en ordre monétaire dans les années 1800-1802 avec la Banque de France dirigée par « les deux cent familles »( actionnaires) et une nouvelle unité monétaire : le franc. Malgré les dépenses de l’Empire l’inflation est modérée et il y a une reprise de l’activité économique = « prospérité impériale ». *Mais : sous l’Empire la guerre est ininterrompue : déstructions matérielles et humaines (1 300 000 morts entre 1792 et 1815). Csqce : l’Etat a recours aux impôts et à l’emprunt. *Relations extérieures de l’économie française bouleversées cf blocus. 1806 : effondrement du commerce maritime. But blocus= élargir le marché national au continent européen + préserver le protectionnisme. Mais : échanges extérieurs baissent, en France divisés par 2 en volume entre 1784 et 1788, et effondrement du commerce colonial. *L’industrie française a des difficultés d’approvisionnement en matières premières : coton brut 4X plus cher en France qu’en Angleterre. Cause :l’interruption des échanges entraine l’isolement technologique. *Depuis 1789 élargissement de l’espace économique français ( exple Mulhouse en 1798). Comprend des pays différemment développés économiquement exple Belgique très avancée et Italie mois avancée. Rapports différents : pour la France l’Italie = source d’approvisionnement et débouché pour l’industrie (traité de commerce de 1808) alors que Belgique= apport de technologies ( Bauwens rapporte à Paris des mules). * La politique d’industrialisation utilise diverses formes d’encouragements : subventions cf. Jacquard, aides, appui… Bilan : politique économique napoléonienne = forme extrême de protectionnisme. 2-Résultats : *Agriculture : progrès médiocres et incertains. Positif : diffusion de la pomme de terre, « nourriture des pauvres » qui contribue au recul de la jachère, apparition de la betterave (tentative de création d’une industrie sucrière nationale) et développement des cultures fourragères qui permettent des rotations culturales plus complexes et plus intensives. Négatif : production agricole progresse lentement : 0.3%/an entre 1781-1790 et 1803-1812, idée d’une quasi-stagnation. *Evolution industrielle : plusieurs branches ont été stimulées : industrie lourde car besoins militaires, production de charbon : 5 millions de tonnes en 1807. *Nouveau type d’industrie de substitution : la production de sucre de betterave : import de sucre brut en France et réexportation sous forme de sucre raffiné. Production sucre de betterave en 1803-1812 :14 000 tonnes/an. *Industrie cotonnière : développement fondé sur le dynamisme du progrès technique mais conditions défavorables. Csqce : croissance en soubresauts rythmée par des périodes de prospérité et de crises. Néanmoins : industrie cotonnière = seule branche qui a connu une véritable révolution : disparition de la filature manuelle au profit des mules. *Autres branches : prospérité et modernisation des industries de la laine et de la soie. Exple : procédé Leblanc pour la fabrication de soude. * Mais, la France est en retard surtout par rapport à l’Angleterre en termes de productivité. T.Markovitch montre un ralentissement marqué par rapport à la croissance de la fin de l’Ancien Régime. Causes : effondrement des industries maritimes « secteur atlantique », et de l’industrie du lin. Conséquence : axe de l’industrialisation se déplace vers le nord-est et les régions de l’ouest et du sud-ouest amorcent une « désindustrialisation » : déclin de certaines branches mais compensé par de nouvelles industries modernes qui exercent un effet d’entrainement exple :filature mécanique du coton et de la laine, construction de machines… Bilan : 1/ industries apparues se sont révélées fragiles et menacées d’où un protectionnisme intensifié. 2/ Le dynamisme de l’industrie française repose sur les branches et il dépendant du marché intérieur.=opposition avec l’Angleterre et avec le XVIII où les principales industries françaises étaient exportatrices. 2)L’accélération de l’essor industriel (1815-1860) Le « grand XIXème » de 1815 à 194 = siècle de paix relative malgré guerre de 1870 et conflits coloniaux. Mais irrégularité de la croissance économique : à court terme crises cycliques et à long terme phases d’accélération et de ralentissement. Différentes périodisations proposées : Crouzet 1815-1860 croissance forte, 1860-1882 ralentissement, 1882-1896 stagnation et 1896-1913 croissance forte. Ou périodisation des « cycles Kondratieff » : 1815-1848 et 1873-1896 phases de baisse de longue durée des prix et . 1815-1848 et 1896-1914 phases de hausse. Constats : 2 points tournants 1896, passage d’une stagnation à une croissance forte et 1860 passage d’une croissance soutenue à une phase de ralentissement. + 1860= date du traité de commerce franco-britannique, brève période libérale et 1890, début du redressement, correspond au retour du protectionnisme. I/L’économie française face à ses handicaps : 1-Les conditions intérieures : *Au lendemain de la chute de l’Empire la situation est sombre : la production agricole et l’industrie lourde ont beaucoup diminué. Graves difficultés dans les industries cf. sucre de betterave et coton. * « dotation en facteurs de production » désavantageuse surtout du point de vue technologique. *Consommation de charbon multipliée par 10 entre 1820 et 1860= preuve de son rôle indispensable pour l’industrialisation. Pb : coût élevé du charbon = handicap pour la croissance de l’industrialisation. Csqce : effort d’investissement pour la modernisation des transports afin de répondre aux besoins d’énergie. *Insuffisance de main d’œuvre dans l’industrie, cause= part nombreuse de la paysannerie dans l’agriculture. * Retard du développement bancaire + le montant cumulé des dépôts dans les banques françaises est relativement faible. Mais autofinancement des industries, la « Haute Banque » fournit une contribution aux investissements miniers. exple : Rothschild participe en 1836 à la fondation des mines de La Grand-Combe. Banques françaises= intermédiaires avec banques étrangères, par exemple des capitaux suisses, britanniques et belges ont contribué à la construction des chemins de fer en France. 2-Les conditions extérieures : *1ère moitié XIX : mesures protectionnistes en France à cause de la concurrence cf. tarifs 1816-1818. *Néanmoins, la France tributaire de l’extérieur pour son approvisionnement en charbon, en capitaux et en techniques (provenant d’Angleterre). + Règles protectionnistes détournées exple machines anglaises exportées en pièces détachées en France. Mais, pour éviter une dépendance économique elle s’est finalement dotée de sa propre industrie de constructions mécaniques. *Seul désavantage de l’économie française : devancée sur les marchés d’exportations car son coefficient d’ouverture est faible. * 2 conséquences de cette infériorité : 1/ les exportations industrielles françaises reposent sur des branches traditionnelles davantage axées sur la qualité et 2/ la croissance industrielle dépend du dynamisme intérieur. II/Les forces d’impulsion : 2 secteurs ont donné une impulsion décisive au développement industriel : l’agriculture et les transports. 1-La croissance agricole : * Urbanisation très lente, dominante agricole et rurale. Population active agricole = part importante de la population active totale. *L’histoire agricole en France présentée avec pessimisme : la modernisation de l’agriculture ne commencerait que dans la seconde moitié du XIXème exple : premières batteuses apparaissent tard. Mais : cultures de pomme de terre et de betterave à sucre se sont diffusées. *Plan quantitatif : entre 1820 et 1870 la France connaît sa croissance la plus forte du siècle : 1.2%/an. L’extension de la surface cultivée + la progression des rendements ( passage à l’assolement triennal) expliquent les progrès de la production. *L’agriculture la plus avancée s’observe autour du bassin parisien = formes modernes d’agriculture « mixte » : rotations continues, cultures fourragères…d’où amélioration des rendements. *Bilan :Le Progrès agricole est à l’origine d’une amélioration du pouvoir d’achat, même si elle est inégale. 2-la rénovation des transports : 2 étapes : modernisation des transports traditionnels (1815-1840) et révolution des chemins de fer (débute en 1842). *Sous la monarchie de juillet, effort de développement des canaux : le réseau a + que triplé entre 1815 et 1848. Cause : besoin de transporter la houille. Sous monarchie de juillet effort considérable : cf. routes départementales et chemins vicinaux (loi de 1836)= début du désenclavement des campagnes. Pendant la Restauration les progrès du réseau routier s’accélèrent. + coût de transport des marchandises diminue , divisé par 2 entre 1800 et 1850. *La construction des chemins de fer concurrence le réseau autoroutier. Au début il y avaitune seule ligne importante : Strasbourg/Mulhouse. Loi de 1842 = point de départ d’une grande période car elle prévoit la construction d’un réseau en étoile à partir de Paris pris en charge par l’Etat. Après la crise de 1848, accélération brusque et rattrapage du retard : en 1860 le kilométrage construit en France dépasse celui de la Grande-Bretagne. + chemin de fer exerce un « effet amont » car il stimule la demande de produits métallurgiques et de matériel ferroviaire. Bilan : l’impulsion ferroviaire est à l’origine de l’intensification du processus d’industrialisation sous le Second Empire. III/Les étapes de l’industrialisation : 1-Industrialisation et croissance extensive (1815-1848) : *L’emploi industriel s’accélère : la population active dans l’industrie a doublé en 30 ans. Mais les progrès de la productivité sont lents. Coexistence dans l’industrie entre des méthodes de production modernes et traditionnelles. Exple : la diffusion du puddlage et l’installation d’un « marché européen d’entreprises » ( techniques apportées par des industriels belges et anglais). *L’industrialisation est axée sur les industries du secteur des biens de consommation. Exple : bougies, sucre… * L’industrie textile est l’une des plus dynamiques. Symbole= Normandie 1 ère du point de vue technologique. *Les autres industries textiles présentent un double contraste : elles sont technologiquement moins avancées mais détiennent des positions exportatrices fortes. Cause : faible degré de mécanisation et spécialisation dans des productions de qualité (demi-luxe) pour lesquelles il existe une demande dans les pays plus avancés. * Bilan :3 principaux traits de l’industrialisation française durant cette période : prépondérance des industries de biens de consommation, croissance de la grande et de la petite industrie, et spécialisation dans des articles de qualité. 2-Mutations décisives et intensification de la croissance (1815-1860) : *Décennie 1850-1860= période exceptionnelle dans l’histoire économique française : apogée de la prospérité agricole, naissance du système bancaire, urbanisation, révolution ferroviaire. *Les industries productrices de moyens de production prennent une place prépondérante. La métallurgie devient la principale branche motrice, la production de fonte augmente avec le « convertisseur » inventé par Bessemer en 1856, construction de matériel ferroviaire importante. *La métallurgie produit pour les chemins de fer et pour les machines à vapeur. Au cours de cette décennie, l’équipement en machines à vapeur atteint son rythme de croissance le plus élevé. Paris et Alsace = principaux centres de construction mécanique. *A cette période l’industrialisation repose sur l’importation de « techniques » +, et surtout, sur une aptitude à innover. *La croissance est désormais fondée sur les progrès de la productivité, et les équipements sont + productifs. Accélération importante en ce qui concerne les gains de productivité du travail et le taux d’investissement qui atteint un record en 1860. La croissance industrielle repose sur la substitution du capital au travail et sur l’intensité capitalistique de la production, « coefficient de capital » important. Bilan : Le partage de la valeur ajoutée industrielle traduit les évolutions techniques puisque la part de capital augmente sensiblement au détriment du facteur travail. *Si pour certains le chemin de fer ne fut pas le seul facteur des transformations il fut néanmoins, selon l’expression de R.Price, « l’élément nouveau déterminant ». De plus, il a permit la formation d’un véritable marché national qui a impulsé la spécialisation. *Pourtant l’avènement du chemin de fer a ruiné certaines activités comme le roulage ou la navigation fluviale et la fièvre de construction ferroviaire a freiné indirectement la modernisation du reste de l’économie. De même, le chemin de fer est aussi à l’origine de crises d’un type nouveau…