COMITE D’EXPERTS SUR LES SERVICES DE SANTÉ DANS UNE SOCIÉTÉ MULTICULTURELLE EXPOSÉ DES MOTIFS 2 ADAPTATION DES SERVICES DE SANTÉ À LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS UNE EUROPE MULTICULTURELLE EXPOSÉ DES MOTIFS I. INTRODUCTION Grâce aux apports de la migration, l’Europe est de plus en plus diverse et poursuit son évolution vers une société multiculturelle. Dans la plupart des pays européens, on manque d’informations quantitatives sur l’état sanitaire des minorités ethniques. De nombreux indices laissent cependant à penser que, par rapport à la population autochtone, celles-ci sont davantage exposées à la maladie et souffrent d’affections plus variées. Il existe également relativement peu d’informations sur l’accessibilité du système de santé aux minorités ethniques, la qualité des soins qu’elles reçoivent, leur satisfaction à l’égard de ces soins et les problèmes qu’elles rencontrent dans le cadre du système de santé. Des études de plus en plus nombreuses semblent toutefois indiquer que les services de santé sont souvent mal adaptés à la diversité culturelle de la clientèle à laquelle ils sont appelés à s’adresser. Le terme « minorité ethnique » désigne un groupe de personnes qui se sentent proches les unes des autres, parce qu’elles estiment (subjectivement) avoir une origine commune, parfois une même langue, une culture partagée et une forme de conscience collective en laquelle chacun se reconnaît quelle que soit sa position sociale dans le groupe. Bien que la recommandation et le présent exposé des motifs soient centrés sur la diversité (culturelle) liée à la présence de minorités ethniques en Europe et sur sa gestion, les experts soulignent que la diversité devrait être considérée comme une caractéristique générale de la population. C’est pourquoi la gestion de la diversité devrait faire partie intégrante de l’organisation des soins de santé destinés à l’ensemble de la population. A. Remarques sur l’état sanitaire des minorités ethniques Les études réalisées établissent clairement que certaines maladies et causes de décès sont beaucoup plus fréquentes dans certains groupes ethniques que dans d’autres. Ainsi, la thalassémie ne touche pas les populations autochtones ouest-européennes, mais elle représente un problème sanitaire rare – mais important – chez les personnes originaires du bassin méditerranéen (Schulpen, 1994). Autre exemple : l’anémie falciforme qui, en Europe occidentale, ne se rencontre que chez les minorités noires (notamment au Royaume-Uni) (Ahmad, 2000). Un domaine relativement bien étudié est celui de la mortalité périnatale et infantile : celle-ci est généralement beaucoup plus élevée chez les groupes ethniques minoritaires que dans la population autochtone. Elle est par exemple de 14,4 ‰ chez les « nord-africains »1 et de 17,7 ‰ chez les « Turcs » vivant en Belgique, contre . Les termes « Turcs », « Marocains », etc. sont utilisés pour désigner l’origine nationale et non la nationalité effective des personnes concernées. 1 3 10,7 ‰ pour la population belge autochtone (Peeters & De Muynck, 1994). Les données sur la mortalité périnatale sont importantes, car elles sont considérées comme l’un des indicateurs les plus objectifs de la santé d’une population (Schulpen, 1996). De plus, une étude effectuée aux Pays-Bas révèle que la mortalité chez les enfants d’origine marocaine ou turque est deux fois plus élevée que chez les enfants néerlandais (Van Steenbergen et al., 1996). En Allemagne, on a constaté en 1999 que, sur 1000 enfants immigrés nés en bonne santé, 5,4 en moyenne décédaient au cours de leur première année de vie. Ce chiffre était de 4,4 dans le groupe allemand témoin (Bureau fédéral allemand des statistiques, 2000). Pour les autres problèmes de santé, les données sont peu abondantes. Au RoyaumeUni, il s’est avéré que le diabète de type 2 était deux fois plus fréquent chez les personnes venues du sous-continent indien. Roderick et al. (1994) ont montré que le risque que ces personnes présentent une insuffisance rénale au stade terminal (nécessitant un traitement de substitution rénale ou une greffe de rein) était dix fois supérieur à celui couru par les Britanniques. De plus, il y a lieu de penser que, dans certains pays, des obstacles à l’accès à la transplantation nuiraient à son équité, comme une étude l’a récemment montré en Australie à propos des Australiens autochtones (Cass, Cunningham, Snelling et al., 2003). Plus important encore, plusieurs études indiquent que les minorités ethniques présenteraient un moins bon état sanitaire général. Les Pays-Bas sont l’un des rares pays à organiser des études sanitaires dans différents groupes ethniques2. D’après l’étude sanitaire réalisée chez les Turcs habitant aux Pays-Bas, toutes les données recueillies montrent que l’état sanitaire ressenti (et dans une mesure limitée objectif) de ces personnes est moins satisfaisant que celui des Néerlandais. Quelque 25 % des Turcs décrivaient leur propre état de santé comme « pas très bon », contre 11 % des Néerlandais. Plus de 33 % des Turcs souffraient d’au moins une maladie chronique (25 % des Néerlandais). La prévalence de l’obésité (définie par un indice de Quételet supérieur à 27) était de 33 % chez les Turcs, soit deux fois plus importante que chez les Néerlandais (CBS, 1991). B. Causes des variations ethniques de l’état sanitaire Le débat sur les inégalités de classe (ou socio-économiques) en matière de santé a éclairé l’analyse des variations ethniques de l’état sanitaire. Cette question a commencé à retenir l’attention en 1980 avec la publication du rapport Black au Royaume-Uni. Pour expliquer le rapport inverse observé entre classe sociale et mortalité prématurée, le rapport Black proposait quatre théories possibles – biais dans les méthodes de mesure, sélection sociale, causes culturelles et causes matérielles –, en privilégiant la dernière (à savoir les effets directs ou indirects des conditions environnementales et économiques défavorables). Andrews et Jewson (1993) et Smaje (1996) ont développé ce cadre en vue d’examiner les variations ethniques en matière de santé. Ils distinguent les catégories suivantes : Facteurs biologiques/génétiques 2 . Plusieurs auteurs estiment que les études sanitaires générales se prêtent mal à la collecte de données sur la santé des minorités ethniques (voir par exemple Bhrolchain, 1990). 4 Facteurs culturels Facteurs matériels – facteurs socio-économiques Facteurs liés à l’immigration Racisme Effets sélectifs des soins de santé – qualité des soins Compte tenu de son importance cruciale pour toute initiative visant à améliorer l’état sanitaire des minorités ethniques, nous ferons brièvement le point sur l’état actuel de la réflexion concernant les facteurs déterminants des variations ethniques en matière de santé. Cette question a également été longuement débattue lors des réunions du Comité d’experts. 1. Facteurs biologiques/génétiques : A ce jour, il n’a pas été clairement établi dans quelle mesure les facteurs biologiques/génétiques peuvent contribuer aux variations ethniques en matière de santé (Bradby, 1995 ; Smaje, 1996 ; Senior & Bhopal, 1994). Certaines maladies et cause de mortalité sont beaucoup plus fréquentes dans certains groupes ethniques que dans d’autres : la thalassémie et l’anémie falciforme (drépanocytose) en sont des exemples classiques. De façon globale, un certain nombre d’études indiquent que l’état sanitaire général des minorités ethniques est moins bon, mais les données restent limitées. 2. Les facteurs culturels sont une autre des explications avancées. Des types de comportement considérés comme caractéristiques de certaines minorités ethniques ont été mis en cause. Un exemple de coutume très controversée dans de nombreux pays d’Europe occidentale est l’excision, pratiquée par exemple en Somalie ou en Egypte. Des études ont par ailleurs montré que la culture pouvait jouer un rôle important dans l’attitude à l’égard du recours à une aide extérieure. Le fait que les femmes marocaines de la première génération d’immigrés ne considèrent pas la grossesse comme un état nécessitant une assistance médicale est sans aucun doute l’une des nombreuses raisons pour lesquelles elles ne se présentent pas en temps voulu dans les cliniques prénatales de Belgique, (Verrept & Timmerman, 2001). L’image d’« impureté » que les Voyageurs et les Roms attachent à la population majoritaire peut aussi être un frein à l’utilisation du système de santé. Les modèles explicatifs appliqués par certains groupes ethniques – mais que ne partage pas la majorité – peuvent les conduire à recourir à des services de santé traditionnels dans le pays d’accueil ou le pays d’origine. En outre, certains secteurs du système de santé peuvent être perçus comme trop dégradants pour qu’il soit possible d’y faire appel. C’est le cas par exemple des traitements psychiatriques, comme cela a été observé chez certains groupes ethniques au Royaume-Uni (Donovan, 1984). Des études médicales anthropologiques et psychiatriques font apparaître l’existence de syndromes liés à la une culture, notamment dans le domaine de la santé mentale (Kleinman & Good, 1985 ; Kleber, 1996). Il s’agit d’un groupe de maladies à caractère ethnique, dont chacune ne se rencontre que dans une culture ou une région donnée et recouvre un ensemble spécifique de symptômes, de signes ou de changements comportementaux reconnus par les membres de ces groupes culturels et suscitant une réponse normalisée (Helman, 1990). Comme ces syndromes ne correspondent pas aux catégories biomédicales, il arrive que les professionnels de santé nient leur existence, pourtant patente pour les membres des groupes culturels concernés. Ainsi, les syndromes liés à la culture peuvent être une source de confusion et de malentendu entre les professionnels de santé et les patients. 5 L’explication culturelle des différences ethniques en matière de santé est vivement critiquée par de nombreux chercheurs en sciences sociales, qui la taxent d’ethnocentrisme, de racisme voilé, de vision réificatrice et réductrice et l’accusent de détourner l’attention du racisme et de « blâmer les victimes » (Andrews & Jewson, 1993). Ces critiques émanent de plus en plus de chercheurs qui appartiennent euxmêmes à des groupes ethniques minoritaires. L’opérationnalisation de la « culture » est souvent décrite comme vague et inadéquate (Sheldon & Parker, 1992). Les phénomènes culturels spécifiques qui détermineraient les inégalités en matière de santé et/ou le faible recours aux services de santé sont rarement explicités. Il semble que l’on invoque les facteurs culturels quand aucun autre facteur ne peut être mis en avant pour rendre compte des disparités observées entre différents groupes ethniques. Par culture, on entend souvent simplement le mode de vie, le régime alimentaire, les pratiques contraceptives, etc. Plusieurs auteurs ont pointé du doigt l’artifice qui consiste à vider la notion de culture de sa complexité et à la réduire au mode de vie. La culture des minorités ethniques est souvent ramenée à un ensemble d’opinions et de comportements rétrogrades qui parfois ne sont même pas réellement spécifiques de la minorité ethnique concernée. Cette vision réductrice de la culture confirme implicitement l’idée que se fait la majorité de sa propre supériorité culturelle. Une fois que l’on a « prouvé » que la culture était la cause des problèmes sanitaires des minorités ethniques, « changer la culture » peut apparaître comme une stratégie utile pour les résoudre (Donovan, 1984 ; Van Dijk, 1989). Au cours des dernières décennies, de nombreux projets ont été mis sur pied en vue de faire évoluer certains comportements de minorités ethniques dans le but d’améliorer leur état sanitaire. Plusieurs d’entre eux, comme la campagne « Asian Mother and Baby » lancée au Royaume-Uni dans les années 80, ont rencontré une farouche opposition de la part des groupes qu’ils étaient censés aider (Verrept, 1995). Des auteurs comme Smaje (1996) font en outre observer que, lorsqu’elles diffèrent de celles de la population majoritaire, les valeurs et les pratiques culturelles des minorités ethniques passent aisément pour déviantes ou pathologiques dans une société qu’ils décrivent comme racialisée. La construction sociale de la normalité tend à être fondée sur les comportements de la classe moyenne majoritaire. Bowler (1993) relève que les mères noires ou appartenant à la classe ouvrière étaient exclues des études sur la maternité normale au Royaume-Uni, mais prises en compte dans les études sur les déviances. Une focalisation étroite sur les questions culturelles nie l’importance de la position sociale où socio-économique, de l’âge, de l’orientation sexuelle, de l’identité sexuelle, de la localisation géographique, des compétences physiques et mentales qui peuvent toutes avoir un effet sur les besoins de santé, les intérêts et les préoccupations de chaque groupe. La littérature scientifique suggère par conséquent que les différences culturelles pourraient expliquer les inégalités en matière de santé entre les minorités ethniques et la population dominante, mais dans une moindre mesure que ce que l’on pensait auparavant. 3. Les facteurs matériels/socio-économiques pourraient fort bien rendre compte de la plupart des disparités ethniques en matière de santé. Depuis la publication du rapport 6 Black en 1980, l’idée selon laquelle des facteurs comme la pauvreté, le chômage, les conditions de vie malsaines, les risques professionnels, etc. ont des conséquences néfastes pour l’espérance de vie et la santé a été défendue. Fait intéressant, plusieurs études ont été menées pour tenter d’analyser les effets indépendants de l’appartenance ethnique sur la santé. Ces études consistent à comparer l’état sanitaire des minorités ethniques à celui de la population majoritaire en isolant les effets de la situation socioéconomique dans l’analyse des données. Malheureusement, ces recherches n’ont pas toujours clarifié les choses. Il a été constaté que les inégalités socio-économiques correspondaient approximativement aux disparités en matière de santé, qu’il s’agisse des minorités ethniques ou de la population majoritaire. Or, dans toutes les classes socio-économiques, les minorités ethniques apparaissent comme particulièrement vulnérables à l’égard des problèmes sanitaires. Ce phénomène n’est peut-être pas dû, cependant, aux différences culturelles. La validité transculturelle des instruments classiques de mesure de la situation socio-économique a été mise en doute par plusieurs chercheurs, qui avancent que les minorités ethniques pourraient systématiquement occuper les positions les moins favorables au sein de chaque classe socio-économique (Andrews & Jewson, 1993 ; Smaje, 1996). S’agissant de l’éventuelle influence des facteurs culturels et matériels sur les disparités ethniques en matière de santé, Smaje estime que le « débat a été enfermé dans une opposition largement politique entre, d’une part, un accent (radical) mis sur les déterminants matériels ou structurels de la santé et, de l’autre, une tendance (conservatrice) à privilégier les explications culturelles (…) ». 4. Facteurs liés à l’immigration Bien que la migration elle-même puisse amener protection et amélioration de la santé, surtout pour les personnes qui ont réussi à échapper à la pauvreté, à la violation des droits de l’homme ou à la torture, un lien a depuis longtemps été établi entre les facteurs liés à l’immigration, ou plus exactement les processus liés à l’expérience de l’immigration, et les problèmes sanitaires des minorités ethniques. Si ce lien est incontestable dans le cas de la première génération d’immigrés, des études récentes montrent que l’immigration pourrait faire sentir ses effets sur la santé des immigrés jusqu’à la troisième génération (Meurs, 2003). Les déterminants de la santé dans le pays d’origine et les pathologies importées ont une incidence sur la santé des minorités ethniques. Des mécanismes de sélection (par exemple la sélection des travailleurs opérée par les pays d’accueil) peuvent avoir un effet positif sur l’état sanitaire global des minorités ethniques (c’est ce que l’on appelle l’« effet migrant en bonne santé »). Ce n’est pas le cas toutefois pour les réfugiés qui peuvent en outre souffrir d’un stress post-traumatique consécutif aux persécutions et aux tortures. Enfin, plusieurs auteurs avancent que des mécanismes de sélection négatifs pourraient également influer sur la santé des groupes ethniques, quand par exemple des personnes socialement marginalisées, voire atteintes de troubles mentaux, quittent des communautés qui ne sont pas en mesure de les prendre en charge. Il est généralement admis que les effets psychosociaux de l’immigration peuvent avoir une influence sur la santé de la personne immigrée. Le « choc culturel », les sentiments de perte et d’aliénation qui accompagnent le processus d’immigration chez de nombreux immigrés peuvent constituer d’importants facteurs de stress. De ce fait, 7 les immigrés peuvent connaître davantage de problèmes de santé mentale. Malheureusement, on dispose de très peu de données fiables concernant l’état de santé mentale des immigrés et des minorités ethniques. Le stress lié à l’immigration peut être préjudiciable pour le bien-être et la santé des enfants d’immigrés. Cela est particulièrement vrai pour les enfants de réfugiés (Begemann, 1996). La perte des relations sociales tissées dans le pays d’origine, la séparation des êtres chers, les relations différentes entre les sexes dans le pays d’accueil, les engagements financiers envers ceux qui sont restés dans le pays d’origine et les tensions entre les parents et leurs enfants mieux acculturés (souvent dits « occidentalisés ») seraient, selon certains, d’importants facteurs de stress qui auraient des répercussions sur la santé des familles immigrées (Smaje, 1995). 5. Le racisme et la discrimination exercent indiscutablement une influence sur l’état sanitaire des minorités ethniques. Bien que peu de chercheurs se soient penchés sur le sujet, l’expérience du racisme et de la discrimination semble avoir une incidence directement dommageable sur la santé (Smaje, 1995). Etant donné que le racisme pèse sur la situation socio-économique des groupes ethniques minoritaires, il a également un effet indirect sur la santé de ces groupes. L’existence de pratiques racistes et discriminatoires dans les services de santé a été peu étudiée en Europe occidentale, mais beaucoup plus en Europe centrale, en particulier dans le contexte de la fourniture de soins de santé aux populations roms (EUMC, 2003 ; Brazinova, 2003). Il ressort de ces études que l’accès aux services de santé et l’efficacité des soins peuvent être gravement compromis par la discrimination structurelle largement répandue au niveau de la société et des services de santé. 6. Les effets sélectifs des services sanitaires et sociaux et la qualité des soins reçus par les minorités ethniques3 sont des facteurs qui sont de plus en plus souvent mis en relation avec les inégalités ethniques en matière de santé (Murray-Garcia, 2002). Sont en cause les difficultés d’accès, la méconnaissance des spécificités culturelles chez les prestataires de services de soins, l’absence de dispositions spéciales (services d’interprétation, traduction des documents d’éducation sanitaire, etc.), autant de facteurs qui peuvent constituer des obstacles structurels à des soins de qualité. Pour des motifs juridiques, financiers, linguistiques et culturels, il peut être très difficile voire impossible pour les membres de minorités ethniques d’accéder au système de santé ou de recevoir des soins de la même qualité que la population majoritaire. Dans des Etats membres comme l’Arménie, les services de santé, déjà trop coûteux pour une grande partie de la population autochtone, le sont a fortiori pour les réfugiés, qu’ils soient ou non installés : en effet, 35 % de la population arménienne autochtone ne peut accéder au système de santé en raison des obstacles financiers ; la situation des réfugiés installés et non installés est encore plus difficile à cet égard, puisque 44 % des premiers et 46 % des seconds n’ont pas les moyens de recourir au système de santé (Melikyan, 2003). Les services de santé mentale semblent tout à fait inaccessibles pour les minorités ethniques dans des pays comme l’Autriche 3 . Par qualité des soins, nous entendons « la mesure dans laquelle les services et les professionnels de santé accroissent la probabilité d’obtenir les résultats sanitaires souhaités et fournissent des prestations conformes à l’état actuel des connaissances professionnelles » (Smedley, Stith et Nelson, 1999). 8 (Csitkovics & Schmidl, 2004), la Belgique (Verrept & Timmerman, 2001) et les Etats-Unis (Smedley, Stith & Nelson, 2003). Beaucoup de programmes de prévention ne touchent pas ou touchent insuffisamment les minorités ethniques (Csitovics & Schmidl, 2004 ; Naish, Brown & Denton, 1994 ; CEMG, 1997). L’accès aux services de santé n’est pas le seul problème. Une fois que les patients issus des minorités ethniques y ont accédé, les soins qu’ils reçoivent peuvent être de moindre qualité que ceux prodigués aux patients de la population majoritaire.. Des études sur la gestion du diabète ont montré que la glycémie était souvent moins bien maîtrisée chez les patients issus des minorités ethniques (Hawthorne, 1990 ; Chin, Zhang & Merrell, 1998). Dans cette dernière étude, il a été observé que, même en tenant compte des variations liées au sexe, au niveau d’instruction et à l’âge des patients, la probabilité de bénéficier de dosages de l’hémoglobine glycosylée et des lipides, de visites chez un ophtalmologiste et de la vaccination contre la grippe était plus faible pour les Afro-américains que pour les patients de race blanche. Les premiers avaient aussi davantage tendance à faire appel aux services d’urgence des hôpitaux et se rendaient moins souvent chez un médecin. Ces phénomènes peuvent indiquer que les soins fournis à ce groupe laissent à désirer. Cela expliquerait en partie pourquoi les diabétiques issus des minorités ethniques développent davantage de complications telles que la cécité, l’insuffisance rénale et les pieds diabétiques. Guadagnoli et al. (1995) ont constaté que les Afro-américains présentaient deux fois plus de risques que les Américains de race blanche de subir une amputation au-dessus du genou, après contrôle des autres variables (comorbidités, hospitalisations antérieures, région géographique, statut d’enseignement de l’hôpital, etc.). Il a été observé que les documents d’éducation sanitaire portant par exemple sur la gestion du diabète n’étaient pas adaptés aux minorités ethniques : en effet, les facteurs culturels comme les pratiques alimentaires sont insuffisamment pris en compte, de sorte que les traitements sont mal suivis (O’Neil, Kaufert & Koolage, 1986). Les différences de traitement dont font l’objet les minorités ethniques ont été étudiées de manière assez approfondie aux Etats-Unis, mais beaucoup moins en Europe. L’impact différencié des services sanitaires peut être lié à des pratiques discriminatoires dans le système de santé, à l’inadaptation des concepts de soins et des dispositifs confrontés à la diversité mais aussi à un manque de compétences chez les professionnels de santé concernés. Les actes sanitaires peuvent de ce fait être moins efficaces et les patients moins satisfaits (Borde, 2001) et, par contrecoup, plus réticents à recourir au système de santé. Plus encore que dans d’autres secteurs de la santé et de la médecine, les disparités en matière de disponibilité et d’accessibilité semblent particulièrement flagrantes dans les services de santé mentale (United States Department of Health and Human Services, 2001). Une étude réalisée aux Pays-Bas a révélé que les patients issus des minorités ethniques étaient très mécontents de la qualité des soins reçus dans les centres de santé mentale, de sorte que les traitements étaient très souvent abandonnés prématurément. Fait intéressant, les professionnels de santé semblaient partager le point de vue de leurs patients selon lequel la qualité des soins qu’ils dispensaient était inférieure au niveau requis. 9 Il a été démontré que les obstacles linguistiques étaient fortement préjudiciables à la qualité des soins reçus par les patients issus des minorités ethniques allophones (Bowen, 2001 ; Jacobs et al., 2003). L’incapacité à communiquer avec les prestataires de soins de santé peut conduire à différer des consultations nécessaires. Les droits des patients risquent de ne pas être respectés si les prestataires de soins de santé et les patients sont incapables de communiquer. Un point particulièrement préoccupant à cet égard est l’obtention d’un consentement véritablement éclairé : une étude canadienne a montré que, lorsque le patient connaissait mal l’anglais, le consentement éclairé était souvent obtenu au moyen de méthodes normalement employées pour des patients atteints de maladie mentale ou de démence ou en état de coma. (Kaufert & Putsch, 1997). Il existe très peu d’études systématiques sur les effets des obstacles culturels. Cela s’explique peut-être par la difficulté à cerner le concept de culture. Néanmoins, il semble unanimement admis qu’un traitement inapproprié des différences culturelles peut avoir une incidence défavorable sur la qualité des soins et qu’une meilleure connaissance des spécificités culturelles ou une plus grande sensibilité culturelle amélioreraient l’efficacité et le bon fonctionnement des services de santé fournis aux minorités ethniques (Bischoff, 2003). C. Tâches du Comité d’experts sur les services de santé dans une société multiculturelle L’Europe croissant en diversité, les fournisseurs de soins de santé vont être de plus en plus incités à comprendre et à satisfaire les besoins culturels d’une patientèle ethniquement diverse. C’est ce qui a motivé la décision du Comité européen de la Santé de créer un Comité d’experts sur les services de santé dans une société multiculturelle. Il est mis en avant que les notions de santé, de maladie et de mort sont profondément ancrées dans la culture de chaque groupe humain ou pays et que cette culture conditionne le mode de traitement des malades, ainsi que les rituels qui entourent les mourants. Or, ce fait n’est pas toujours assez reconnu par les services et institutions de santé des États membres. Le mandat du Comité d’experts souligne – en outre – que le respect des droits et de la dignité de la personne impose de prendre en compte cette diversité culturelle dans le cadre des services de santé. L’intérêt de la communauté internationale pour des « soins culturellement différenciés » va de pair avec de récentes innovations médicales telles que la notion de soins centrés sur le patient, l’adoption de chartes des droits des patients ainsi que l’importance croissante attachée au résultat des interventions médicales et à la satisfaction des patients. Il a été demandé au Comité d’experts : - d’examiner les questions qui se posent aux services de santé des États membres dans différents contextes culturels et la manière dont ils les abordent ; de proposer aux États membres un cadre-type permettant de traiter des patients de différentes traditions culturelles d’une manière pratique aux divers stades des services de santé, notamment : 10 o en adaptant les services de santé aux besoins culturels des patients concernés, non sans prendre en compte les incidences budgétaires de l’opération et l’impact de la gestion des services de santé ; o en formant le personnel de santé, notamment les infirmières, de manière à le sensibiliser aux différents besoins culturels des patients comme de leurs familles, ainsi qu’à le rendre capable d’y répondre avec doigté. Au cours de la discussion sur le mandat, beaucoup d’experts ont signalé que les différences culturelles faisaient peut-être moins obstacle que d’autres facteurs à l’équité en matière de santé et à l’accès équitable aux services de santé. Certains ont parlé à ce propos des facteurs mentionnés ci-dessus. Il a été dit aussi qu’on chercherait en vain à établir une nette distinction entre les obstacles et problèmes relatifs à la santé selon qu’ils sont liés à des facteurs culturels ou socio-économiques (ou autres). Étant donné le lien existant de longue date entre les facteurs matériels et les disparités en matière de santé qui tiennent à l’ethnicité ; étant donné aussi l’interconnexion des divers déterminants des schémas ethniques relatifs à la santé, il a été décidé de : - Inclure des recommandations qui encouragent le développement d’une politique sociale et de /santé intégrée. Il est clair que cela va au-delà de l’adaptation des services de soins de santé à la diversité culturelle; - Adopter une définition large de la culture qui identifie des sous-catégories fondées sur des attributs communs (comme le genre) ou des expériences de vie communes (par ex. un traumatisme, l’éducation, l’occupation, le statut socio-économique, la situation de «sans-abri», de « sans papiers », …). C’est la convergence d’appartenances multiples à divers groupes culturels ou sub-culturels qui contribue à former l’identité personnelle d’un individu et le sens de sa propre « culture ». La compréhension de la façon dont ces facteurs influent sur la manière dont une personne cherche et utilise les soins médicaux, ainsi que la compréhension de la relation historique du groupe auquel elle appartient avec l’institution médicale, font partie intégrante de la prestation de soins culturellement compétents selon le Department of Health and Human Services des Etats-Unis (2001) ; - Mettre l’accent sur le fait que la réduction des inégalités en matière de santé dans une Europe multiculturelle exige l’élaboration d’une politique d’analyse fondée sur la diversité, qui examine les idées, les politiques, les programmes et la recherche afin d’évaluer leur impact potentiellement différent sur des groupes spécifiques d’hommes, de femmes, de garçons et de filles. Une focalisation étroite sur des questions culturelles nie l’importance des classes ou du statut socio-économique, de l’âge, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, de la localisation géographique, de la capacité mentale et physique, éléments qui tous peuvent avoir un rapport avec les besoins de santé, les intérêts et les préoccupations d’un groupe (Health Canada’s Gender-based Analysis Policy, 2000). Par conséquent, les experts recommandent une approche générale fondée sur la diversité et qui tienne compte de toutes les sources de diversité susceptibles d’être importantes en matière de santé et de soins de santé. Les experts tiennent à souligner que la question de la diversité (culturelle) et sa gestion ne doivent pas être liées exclusivement à la présence de minorités ethniques. Il estiment que la diversité culturelle est plutôt à percevoir comme une caractéristique de la population de l’Europe actuelle dans son ensemble. 11 D. Remarque sur la terminologie Malheureusement, il n’existe toujours pas de terminologie partout acceptée pour désigner les migrants et les groupes ethniques non autochtones ainsi que leurs descendants. Selon le point de vue historique et sociologique d’où l’on se place vis-àvis des migrations, les termes et expressions « migrants », « immigrés », « minorités ethniques » et « communautés ethniques » peuvent passer pour parfaitement légitimes dans un pays et blessants dans un autre. Dans le présent rapport, on emploiera l’expression « minorité ethnique » pour désigner un groupe d’individus se sentant proches les uns des autres parce qu’ils estiment (subjectivement) avoir une origine commune, dans certains cas une même langue, une culture partagée, une sorte de conscience collective en laquelle chaque membre du groupe se reconnaît, quelle que soit sa position sociale (d’après Weber cit. in Sundquist, 1995). Sans doute importe-t-il de signaler que l’arrière-plan historique de la présence de minorités ethniques varie considérablement d’un État membre à l’autre. Certains, comme la Slovaquie par exemple, ont accueilli depuis des siècles un grand nombre de Roms. Dans beaucoup de pays d’Europe occidentale, comme l’Allemagne et l’Autriche, la présence de minorités ethniques est liée surtout aux processus migratoires qui ont accompagné le développement économique des années soixante. Après l’effondrement des régimes communistes, certains États d’Europe orientale sont devenus des pays d’émigration, plutôt que des pays attirant l’immigration. Tel est le cas, par exemple, de la Géorgie. On estime qu’au moins 600.000 personnes ont émigré de Géorgie entre 1990 et 1996 (Rachvelishvili, 2003). L’expression générale « minorités ethniques » désigne l’ensemble des groupes suivants : - les migrants et leur descendance ; - les minorités nationales (par exemple les gens du voyage, les groupes ethniques qui ont acquis la nationalité du pays où ils vivent, mais se considèrent comme « culturellement différentes » et(ou) que la majorité considère comme tels) ; - les demandeurs d’asile et les réfugiés ; - les victimes de la traite d’être humains ; Dans le cadre de ces recommandations de nombreux autres groupes ont été identifiés qui contribuent à la diversité sociale : - les « sans-papiers » (immigrés illégaux, membres de groupes ethniques n’ayant pas accès à des documents régularisant leur statut juridique). - Les personnes dont la peau n’est pas blanche - Les minorités religieuses (pour des raisons de discrimination) - Les minorités linguistiques - Les groupes définis par des handicaps spécifiques, comme les malentendants Tous ces groupes ont parfois des vécus très différents. Il peut donc s’avérer nécessaire d’élaborer des stratégies différentes pour adapter les services de santé aux besoins de santé spécifiques de ces groupes variés. 12 La diversité de la population dans son ensemble doit appeler l’attention des États membres en ce qui concerne la santé et les soins de santé. C’est pourquoi non seulement l’expression « minorité ethnique » est employée, mais aussi des expressions telles que « populations multiculturelles » et « société multiculturelle ». II. STRATÉGIES VISANT À AMÉLIORER LA SANTÉ ET LES SOINS DE SANTÉ POUR LES POPULATIONS MULTICULTURELLES NON-DISCRIMINATION DANS L’ACCESS AUX SERVICES DE SOINS DE SANTE Dans les pages suivantes, on recommande un certain nombre de stratégies aux gouvernements des États membres, et on les commente brièvement. En outre, on présente plusieurs problématiques identifiées dans la littérature et au cours des discussions du Comité d’experts. Après une brève description de chacune de ces séries de préoccupations, on formule des recommandations ayant pour but d’améliorer la situation. Dans certains cas, on fait allusion aussi à des interventions jugées efficaces pour réduire les disparités entre ethnies en matière de soins de santé. On mentionne également plusieurs stratégies qui sont souvent recommandées dans les études sur les politiques de santé intéressant les minorités ethniques, mais qui ont fait l’objet de recherches insuffisantes pour permettre de tirer des conclusions définitives quant à l’efficacité des politiques en question. Recommandations préoccupantes concernant certaines problématiques particulièrement 1. Discrimination, racisme, respect du patient et droits de l'homme Il importe de noter que la discrimination et le racisme se rencontrent dans de nombreux secteurs des États membres, par exemple le logement et l’emploi. Le racisme et la discrimination, qui sont moralement inacceptables, ne font qu’aggraver la marginalité et la vulnérabilité sociale des minorités ethniques. En outre, des recherches ont montré que ce que les membres des minorités ethniques vivent hors d’un cabinet médical risque d’affecter leur perception du système de santé publique et leur réaction à ce dernier (par exemple, cela peut les rendre méfiants, donc peu enclins à suivre leur traitement, à se faire soigner rapidement, etc.) (Smedley, Stith & Nelson, 2003). La discrimination et le racisme s’observent aussi dans le domaine des soins de santé, tant au niveau du système tout entier qu’à celui de ses institutions ou des soignants. Dans de nombreux États membres, certains groupes ethniques minoritaires (par exemple, les immigrés sans papiers ou les membres des minorités nationales n’ayant pas de statut légal) n’ont qu’un accès très limité au système de soins de santé (par exemple, limité aux soins d’urgence). Il est des États membres où certaines institutions de santé refusent de traiter les patients appartenant à une minorité ethnique. On dispose de nombreuses publications à ce sujet en ce qui concerne les patients Roms. Concrètement, cela a provoqué une ségrégation ethnique dans les services de santé. Du fait de cette politique délibérée, les minorités ethniques n’ont accès qu’à des institutions offrant des services de santé sommaires, voire inférieurs aux normes. Bien que l’idée de racisme et de discrimination soit assurément odieuse à 13 la plupart des professionnels de la santé, de nombreux auteurs ont fait état de comportements racistes et discriminatoires observés dans le domaine de la santé. 2. Statut socio-économique des minorités ethniques Dans la mesure où la relation santé-ethnicité reflète grosso modo les différences socio-économiques entre minorités ethniques et population majoritaire, il est essentiel que les gouvernements prennent des mesures pour améliorer le statut socioéconomique de ces minorités. Particulièrement important est l’accès équitable à la nourriture, au logement, à un environnement sain, à l’enseignement, à l’emploi, aux services sociaux et aux services de santé. Avec la promotion d’un environnement sain et d’un comportement favorable à la santé, l’amélioration du statut socio-économique des minorités ethniques constitue à n’en pas douter le moyen le plus efficace de réduire les disparités entre ethnies sur le plan de la santé. Pour plus de renseignements à ce sujet, nous renvoyons le lecteur à la Recommandation Rec(2001)12 et son exposé des motifs sur « L’adaptation des services de soins de santé à la demande de soins et de services des personnes en situation marginale ». 3. Qualité des soins Accessibilité Ainsi que Bischoff l’a soutenu en 2003, les soins sont de qualité insuffisante si on ne les prodigue pas à tous les patients. À ce titre, les questions d’accès aux soins sont à considérer sous l’angle qualitatif. Smedley, Stith & Nelson (2003) ont ajouté à cela que les soins prodigués à certains groupes, qu’ils soient inférieurs aux normes en raison de leur accessibilité ou de leur qualité, donnent lieu de craindre que l’administration des soins en général ne soit entachée d’incohérence et de subjectivité. Les inégalités en matière de soins constituent donc un danger pour la population tout entière. Nous avons déjà mentionné l’existence, dans certains États membres, d’obstacles juridiques aux services de santé (financés par l’État). Ce qui empêche juridiquement l’accès à l’assurance santé (lequel peut n’être pas possible en l’absence de statut légal, de permis de travail ou autre) crée des obstacles financiers aux soins dans plusieurs États membres. La barrière linguistique pose un problème à de nombreux patients lorsque le système de santé manque des ressources, des connaissances ou de la priorité institutionnelle nécessaires pour offrir des services d’interprétariat appropriés. Il ne fait aucun doute qu’elle exerce un effet négatif sur l’accès initial aux services de santé. Cette barrière ne se borne pas aux rencontres avec le médecin et le personnel hospitalier. Les patients se heurtent aussi à d’importants obstacles pour accéder aux programmes de promotion de la santé et de prophylaxie (faute de documents de promotion et d’éducation sanitaires traduits dans leur langue, faute de méthodes appropriées pour que ces programmes touchent les populations marginalisées), (Smedley, Stith & Nelson, 2003 ; Bowen, 2001 ; Jacobs et al, 2003). 14 De récentes recherches ayant pour variables l’ethnicité et le maniement de la langue officielle donnent à penser que dans bien des cas, c’est peut-être la langue, et non les croyances et pratiques traditionnelles des patients, qui constitue le principal obstacle aux contacts initiaux avec les services de santé. Ainsi a-t-on pu démontrer que les patients ayant une connaissance insuffisante de la langue officielle accèdent moins que les autres aux services de santé mentale et de guidance (Bowen, 2001). Combinée à un statut socio-économique inférieur, la barrière linguistique peut aussi réduire l’accès à l’information sur le fonctionnement et les avantages potentiels des services de santé. Un manque de connaissance du système de santé et de la manière de s’en servir risque d’en réduire l’accès et d’y faire recourir à mauvais escient. Si l’on ne tient pas assez compte des différences culturelles et des besoins culturels, par exemple si on ne respecte pas les valeurs et les convictions des patients appartenant à des groupes minoritaires, cela risque de rendre les services de santé culturellement inacceptables à ces groupes, créant ainsi un obstacle culturel dans l’accès aux soins. Lorsque des personnes appartenant à une culture où la pudeur a une importance particulière ne peuvent avoir affaire à des soignants du même sexe, cela risque de les amener, par exemple, à refuser de faire confiance aux services de santé dans le cas de certaines affections. Il en va de même lorsqu’à l’hôpital, on ne sert pas aux patients des repas répondant à leurs besoins religieux et culturels (Henley & Schott, 1999). Quand les établissements de soins n’ont pas la compétence culturelle nécessaire, cela risque de réduire l’accessibilité du système de soins de santé4. Les facteurs géographiques, par exemple la rareté relative des médecins et des services de santé au sein des communautés minoritaires, de même que l’insuffisance des transports (à prix abordables), ont été qualifiés d’obstacles importants à l’égalité d’accès des minorités ethniques aux soins médicaux (en Europe centrale et orientale et aux États-Unis également) (EUMC, 2003 ; Smedley, Stith & Nelson, 2003). Qualité des soins prodigués aux minorités ethniques Aux États-Unis notamment, la recherche a bien mis en lumière l’existence de disparités interethniques vis-à-vis des soins de santé. Comme il est indiqué en introduction, de très nombreuses recherches indiquent que les minorités ethniques ont tendance à recevoir des soins de moindre qualité, même lorsqu’on maîtrise les facteurs en rapport avec l’accès, par exemple la situation des patients eu égard à l’assurance maladie ou aux revenus. À elles toutes, ces études soutiennent l’hypothèse selon laquelle l’appartenance ethnique des patients permet largement de prédire la qualité et l’intensité des soins qu’ils vont recevoir (Smedley, Stith & Nelson, 2003). Il n’existe malheureusement que peu de données sur les disparités observées entre les soins de santé en Europe selon qu’on appartient à telle ou telle ethnie. Malgré cela, les résultats des recherches et la documentation rassemblée à cet égard par les experts devraient alerter les États membres. Nous mentionnons ci-dessous plusieurs questions qualitatives qu’il faudra régler si l’on veut éviter, réduire, puis éliminer les disparités interethniques en matière de soins de santé. Nous formulons des recommandations qui La compétence culturelle peut se définir comme étant l’aptitude à fournir des services de santé efficaces tout en prenant en considération le sexe, l’orientation sexuelle, le handicap, l’âge ainsi que les croyances religieuses, spirituelles et culturelles de l’individu (Bischoff, 2003). 4 15 devraient aider les États membres à donner des suites pertinentes aux questions soulevées. 4. Qualité de la communication – Barrière linguistique On a démontré qu’une bonne communication entre patient et soignant a des effets durables et que dans l’immédiat, elle améliore le respect et le résultat du traitement prescrit. La qualité de cette communication est donc un indicateur sûr de la qualité des soins prodigués (Bischoff, 2003). Beaucoup de recherches ont été conduites sur les conséquences de la barrière linguistique pour la qualité des soins (Bowen, 2001) ; Jacobs et al, 2003). Aux États-Unis et en Europe occidentale, la résorption de la barrière linguistique est considérée comme le domaine où des interventions s’imposent de la manière la plus urgente et la plus évidente. On a pu observer que cette barrière produisait les effets suivants5 : - On sait relativement peu de choses concernant les effets de la barrière linguistique sur le résultat du traitement. La recherche donne pourtant à entendre qu’il y a de nombreux effets de portée moyenne (comme par exemple une moindre compréhension et un moindre respect du traitement prescrit). On a associé la barrière linguistique à un accroissement du risque soit de devoir être hospitalisé, soit d’être intubé lorsqu’on souffre de l’asthme, à des différences de médication, à un plus grand nombre de réactions aux médicaments et à un taux moins élevé de traitement optimal de la douleur. La barrière linguistique serait liée aussi à une gestion moins appropriée de maladies chroniques telles que l’asthme et le diabète. - Du fait de la barrière linguistique, il peut arriver que les soignants ne respectent pas les normes éthiques en matière de soins de santé. La protection du secret médical risque alors de n’être pas assurée, et le consentement informé du patient de n’être pas obtenu (Kaufert & Putsch, 1997). - La barrière linguistique suscite l’insatisfaction du patient. En lisant la littérature à ce sujet, on constate en effet des différences importantes et significatives dans la manière dont les patients comprennent leur situation et se conforment au traitement lorsqu’une telle barrière existe. - On s’est aperçu, de même, que la barrière linguistique influait négativement sur l’efficacité et la satisfaction des soignants, à qui elle rend difficile le respect des normes professionnelles et dont elle peut accroître la responsabilité dans certains pays. - Enfin, et ceci est important, certains indices donnent à penser que la barrière linguistique peut avoir d’importants effets sur le coût de la santé, à cause de ses conséquences pour l’utilisation des services et le résultat des traitements. Le recours à des interprètes improvisés, en particulier des membres de la famille, est la méthode la plus fréquemment utilisée pour essayer de résoudre le problème de la barrière linguistique. On a de plus en plus de raisons de penser que le recours à des interprètes improvisés, sans formation, risque d’entraîner de sérieux défauts de communication, et donc d’aboutir à des soins inadaptés. Les interprètes non qualifiés peuvent bien connaître les deux langues, mais ne pas posséder d’aptitudes à l’interprétation. Une mauvaise interprétation est cause de malentendus, de faux 5 Inspiré de Bowen & Kaufert, 2001. 16 diagnostics et de respect insuffisant du traitement. Des interprètes sans formation qui ne connaissent pas assez les deux cultures en présence ne peuvent apporter la médiation interculturelle qui s’impose. Les membres de la famille, en particulier les enfants, sont eux-mêmes très exposés à des perturbations psychologiques s’il leur faut traduire une conversation émotionnellement chargée (ayant trait, par exemple aux violences ou à l’émigration forcée qu’ont subies leurs parents) (Bischoff, 2003). En outre, on s’est aperçu que des interprètes improvisés déformaient le message des soignants et (ou) des patients afin de servir leurs propres intérêts ou ce qu’ils pensaient être l’intérêt de l’un ou l’autre interlocuteur (par exemple, en dissimulant une mauvaise nouvelle au patient) (Es Safi, 1996 ; Verrept, Perissino & Herscovici, 2000). Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut commencer par employer des interprètes professionnels en matière de santé pour garantir à beaucoup de minorités ethniques un accès équitable à des soins de qualité. Les interprètes professionnels peuvent contribuer dans une large mesure à rendre les services de santé acceptables et leurs soins satisfaisants aux yeux des minorités ethniques. Il y a cependant une vaste controverse quant à la définition du rôle de l’interprète en matière de soins de santé (Bowen, 2001 ; Tribe & Raval, 2002). Enfin, des recherches supplémentaires s’imposent pour évaluer convenablement les besoins linguistiques des minorités ethniques dans le domaine de la santé, ainsi que les effets des programmes d’interprétariat spécialisé sur la qualité des soins. 5. Réponses aux besoins sanitaires et socioculturels des minorités ethniques Dans certains Etats membres, le Royaume-Uni par exemple, le système de soins de santé a été critiqué pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour faire face à des problèmes de santé qui se retrouvent essentiellement au sein des minorités ethniques (par ex., l’anémie falciforme, Ahmad, 2000). Il pourrait en être de même pour le traitement d’altérations de la santé liées au passé migratoire des minorités ethniques (par ex., traitement du stress post-traumatique chez les réfugiés ayant été torturés) et pour les problèmes de santé mentale, ou autres, résultants du statut de sans-papiers ou de victime de traite d’êtres humains (Gushulak & MacPherson, 2000). Des croyances, des concepts, des types de comportement, des traditions et des convictions religieuses en partie déterminés par la culture peuvent fortement conditionner les attentes des minorités ethniques vis-à-vis du système de santé et la qualité de leurs relations avec ce système. Nous trouvons dans la littérature scientifique de nombreuses références à des facteurs de ‘diversité culturelle’ qui peuvent altérer la rencontre interculturelle entre le patient et le professionnel de santé : par ex.,: les diverses conceptions de la nutrition ou du régime, les modèles étiologiques, les différents types de systèmes de soins traditionnels, ,les conceptions à propos de la chirurgie et de la transplantation, de l’autopsie, de la communication avec les malades (par ex., la communication de mauvaises nouvelles), des visites aux malades, de l’agonie et de la mort, des rituels religieux à accomplir à la naissance ou au décès …, des relations entre les sexes (acceptation ou refus de se faire soigner par un représentant du sexe opposé), de la circoncision (féminine) (infibulation), etc. (voir par ex., Henley et Schott, 1999). 17 Les écrits sont nombreux à souligner que les soignants doivent répondre de manière appropriée aux besoins culturels des patients. Nous avons pu constater les bienfaits d’une formation en la matière ; elle a en effet approfondi les connaissances des soignants et amélioré leur comportement et les a aidés à concevoir des stratégies de communication opérantes. Cependant, malgré les progrès accomplis, des difficultés demeurent. Il faut en effet définir quelles sont les compétences pédagogiques indispensables, trouver un consensus sur les approches et les méthodologies adaptées, déterminer des méthodes d’intégration aux programmes de médecine, de soins infirmiers et élaborer et appliquer des stratégies d’évaluation appropriées (Smedley, Stith & Nelson, 2003). Il se pourrait que la capacité à communiquer de manière claire, sensible et efficace avec les patients, ainsi qu’avec leurs proches et les collègues issus de minorités ethniques soit l’aspect le plus important de la compétence culturelle. La communication interculturelle doit donc figurer dans tout programme visant à approfondir la compétence culturelle chez les professionnels de la santé. De nombreux auteurs font observer que si elle se borne à la transmission de connaissances ethnographiques (cours du type « livre de cuisine », Bischoff, 2003), la formation à la compétence culturelle peut fort bien amener à plaquer des stéréotypes sur les minorités ethniques. D’aucuns ont avancé qu’en ce domaine, les cours ne devaient pas seulement porter sur les connaissances, mais aussi sur les attitudes (sensibilité culturelle, influence des préjugés), sur l’auto-évaluation de sa propre attitude et de son comportement et sur les aptitudes transculturelles. Le secteur de la santé doit en outre chercher à résoudre de manière systématique les problèmes posés par la diversité culturelle (Hoge Raad voor Volksgezondheid, 2001). De même, il faut systématiquement réfléchir à la façon de répondre à des souhaits et demandes déterminés par la culture des patients issus de minorités ethniques. Comme nous l’avons dit précédemment, les différences culturelles ne peuvent expliquer qu’en partie des problèmes de santé des minorités ethniques. Il en va de même pour les problèmes rencontrés par les membres des minorités ethniques comme par les professionnels de la santé lors de leurs rencontres. Une discrimination structurelle au sein du système de santé, ainsi que l’expérience de pratiques racistes et discriminatoires au sein et en dehors du système de santé peuvent profondément entamer la confiance des patients issus de minorités ethniques envers le système de santé. Il est important de sensibiliser les professionnels de la santé à ces phénomènes pour qu’ils soient à même de les détecter, d’évaluer leurs possibles répercussions sur les contacts entre soignants et patients des minorités ethniques et d’apprendre à gérer ce type de situation. 18 6. (In)formation et participation du patient Au cours des dix dernières années, les priorités se sont peu à peu fixées sur l’amélioration de la communication avec le patient et les soins centrés sur le patient. L’information et la participation du patient ont donc fait l’objet d’un regain d’attention. Il est important que l’information circule dans les deux sens pour renforcer la coopération, l’engagement et le respect des régimes médicaux (Korsch, 1994, cité in Smedley, Stith et Nelson, 2003). Kaplan & Greenfield (2004) ont récemment avancé que se concentrer uniquement sur les praticiens dans le cadre médical ne résout la question qu’en partie. Ils soulignent l’importance du rôle du patient pour réduire les disparités en matière de santé. Les futures actions en ce sens devront avant tout préparer les patients à tirer le meilleur parti de leur brève visite chez le clinicien. Nombre de programmes de formation des patients qui ont été testés ont révélé qu’ils augmentaient la participation du patient aux décisions prises concernant leurs traitements. Ils amélioraient en outre les résultats obtenus, que ce soit chez les populations pauvres ou minoritaires ou dans la population globale. Certaines populations manquent parfois des connaissances et des compétences nécessaires pour utiliser le système de santé à bon escient et adopter un style de vie sain. Une mauvaise « culture sanitaire », terme qualifiant depuis peu ce phénomène, peut se solder par des problèmes de santé et empêcher de faire le meilleur usage des services de santé. Les sans-papiers et les réfugiés sont souvent insuffisamment informés de leurs droits (limités) à la santé et ne peuvent donc solliciter une assistance médicale. De nombreux Etats membres ont noté que les minorités ethniques sont également très ignorantes du fonctionnement et des bénéfices à retirer des services de santé mentale. Il est notoire que les minorités ethniques n’ont souvent pas connaissance des programmes d’éducation et de promotion de la santé. Il faut concevoir des programmes d’information du patient/pour la santé tenant compte de l’appartenance culturelle pour permettre aux patients des minorités ethniques d’avoir davantage voix au chapitre concernant les actions et décisions relatives à leur santé. Les programmes qui apprennent aux patients comment accéder au système de santé et en tirer le meilleur parti sont particulièrement importants. Il faudrait concevoir les documents d’information, les campagnes de promotion de la santé et les interventions en fonction des besoins et caractéristiques des minorités ethniques (traduction de documents, fourniture de matériels audio ou vidéo pour les groupes (semi)analphabètes et les groupes au faible niveau d’instruction, prise en compte des questions d’ordre culturel - par ex., l’utilisation de photos ou dessins qui pourraient être considérés comme acceptables dans une culture et extrêmement choquants dans une autre). Les recherches révèlent qu’il est important d’associer les membres des groupes cibles à l’élaboration et à la mise en œuvre d’actions de promotion de la santé visant les minorités ethniques. Ces personnes peuvent fournir des informations précieuses sur les stratégies susceptibles de contribuer à l’amélioration de l’efficacité des actions de promotion de la santé. 19 Au niveau systémique, la qualité des soins pourrait être améliorée par la participation active des minorités ethniques dans l’appréciation des besoins et à l’élaboration, la mise en application et l’évaluation des programmes. 7. Interventions destinées à réduire les disparités en matière de santé dans une société multiculturelle Outre les stratégies déjà recommandées, certaines preuves attestent que d’autres stratégies et interventions peuvent améliorer la qualité des services de santé dispensés dans les sociétés multiculturelles. Certains éléments de preuve, pas totalement probants, laissent à penser que les patients participeraient davantage au processus des soins et seraient plus satisfaits et respectueux de leur traitement si leurs soignants étaient de même nationalité qu’eux (Cooper-Patrick et al, 1999; Kaplan & Greenfield, 2004). Dans de nombreux Etats membres, les minorités ethniques sont sous représentées chez les professionnels de la santé. Pour augmenter la probabilité d’une concordance ethnique entre patients et personnel soignant, il faut augmenter la diversité ethnique des équipes de santé. Pour ce faire, il importe de veiller à ce que les enfants des minorités ethniques puissent bénéficier d’une formation dans le domaine des professions de santé ou du travail social et obtenir un accès équitable au marché du travail. Par ailleurs, de nombreux professionnels de la santé qualifiés, notamment des médecins et des infirmières diplômés dans un autre pays que celui où ils résident, rencontrent souvent de gros obstacles pour exercer leur profession dans les Etats membres. Ceci nuit bien évidemment à la création d’équipes de santé ethniquement mixtes. De nombreuses recherches ont révélé que des équipes multidisciplinaires (composées de médecins, d’infirmières, de diététiciens et – surtout – de travailleurs sociaux) pouvaient contribuer à réduire les disparités entre ethnies dans le domaine de la santé. Smedley, Stith & Nelson (2003) soutiennent que les équipes multidisciplinaires coordonnent et rationalisent les soins, renforcent le respect du traitement par le patient grâce à des techniques de suivi et s’emploient à réduire les multiples risques sociaux et comportementaux encourus par les patients, notamment ceux issus de minorités raciales et ethniques. Dans certains pays, tels la Roumanie (Oana, 2003), la Belgique (Verrept & Louckx, 1997), les Etats-Unis (Jackson, 1999), les Pays-Bas (van Mechelen, 2000) et le Royaume-Uni (Rocheron, Dickinson & Kahn, 1988), des programmes de médiation interculturelle ont été conçus et appliqués au sein des services sanitaires et sociaux pour améliorer l’accès aux soins et leur qualité pour les minorités ethniques.4 Bien . Des termes nombreux – et souvent imprécis – sont employés pour décrire des personnes engagées dans ce que plusieurs Etats membres qualifient souvent de médiation interculturelle, par ex., : ‘le personnel soignant local’, ‘les conseillers non professionnels’, ‘les travailleurs de proximité’ , les ‘auxiliaires de santé’. Ces personnes ont toutes en commun d’être des membres de la communauté servant d’intermédiaires entre les patients et les personnels de santé pour améliorer les conditions de santé de groupes qui n’ont habituellement pas d’accès adéquat aux soins (Witmer et al., 1995). 4 20 que la tâche des médiateurs interculturels puisse varier d’un projet et d’un pays à l’autre, il s’agit généralement de se faire l’interprète et l’intermédiaire entre les cultures (en expliquant aux patients des minorités ethniques les particularismes de la culture du personnel soignant et vice et versa, Kaufert 1984), de participer à l’éducation sanitaire, de servir de truchement entre les patients et les professionnels de la santé et d’avocat auprès des patients. En général, les médiateurs interculturels sont eux-mêmes membres de groupes ethniques minoritaires cibles du programme pour lequel ils travaillent. Certains faits prouvent l’utilité des médiateurs interculturels pour abattre les barrières culturelles et linguistiques, ainsi que leur influence positive sur la qualité des soins dispensés aux patients des minorités ethniques, comme en témoignent aussi bien les professionnels de la santé que les patients de ces minorités. Ces médiateurs facilitent l’échange d’informations correctes et précises entre professionnels de la santé et patients des minorités ethniques sur le respect des droits des patients, l’identification des besoins des patients, l’apport de soins tenant compte de l’identité culturelle et ils peuvent avoir une influence très positive sur l’indice de satisfaction des patients (Verrept & Louckx, 1997; Rocheron, Dickinson & Kahn, 1988). Il convient toutefois de souligner que certains programmes de médiation interculturelle ont rencontré une résistance farouche de la part des minorités ethniques, comme ce fut le cas lors de la campagne Mères et bébés d’Asie, menée au Royaume-Uni dans les années 1980, et pour les programmes de médiation interculturelle testés chez les Inuits canadiens (Rocheron, 1989; 0’Neil, 1989). Au Royaume-Uni, les minorités ethniques se sont plaintes que le programme se concentrait sur les difficultés culturelles, sans tenir compte des déterminants sociaux et politiques de leur santé et qu’il reprochait aux mères asiatiques leur fort taux de natalité. Les Inuits ont pour leur part eu le sentiment que les médiateurs prenaient fait et cause pour les professionnels de la santé, ces derniers appartenant à la majorité dominante. A ce titre, ils ne pouvaient que défavoriser davantage encore les patients des minorités ethniques. Enfin, en dépit de résultats encourageants, il faut mener de nouvelles recherches pour évaluer l’incidence de la médiation interculturelle sur la qualité des soins (surtout au niveau des résultats) et l’élaboration de normes professionnelles des meilleures pratiques en ce domaine. 8. Constitution d’une base de connaissances sur la santé des populations multiculturelles et les soins de santé dont elles bénéficient Pour la plupart des Etats membres, si ce n’est leur totalité, les données manquent pour élaborer une politique de santé appropriée pour les minorités ethniques, que ce soit pour ce qui concerne leur état sanitaire et les facteurs déterminants de leur santé, l’accès et l’utilisation des dispositifs de soins et de prévention, les disparités ethniques dans le domaine de la santé (par ex., différences de résultats des traitements entre les divers groupes ethniques), les difficultés rencontrées par les minorités ethniques (nécessitant par ex. les services d’un interprète) et les professionnels de la santé, l’indice de satisfaction des patients de minorités ethniques, les pratiques discriminatoires, etc. Certaines d’entre elles s’occupent essentiellement de la santé et de l’information, alors que d’autres supervisent surtout les contacts entre patients des minorités ethniques et professionnels de la santé. 21 Il est par conséquent extrêmement difficile de concevoir une politique de santé pour les minorités ethniques et d’évaluer les répercussions d’interventions visant à améliorer leurs conditions de santé et/ou à réduire les disparités ethniques en la matière. Pour faire progresser la situation, il faut impérativement procéder à la collecte standardisée et systématique de données sur les conditions de santé des minorités ethniques. Ces données doivent en outre être combinées avec des données relatives à leur statut socio-économique et aux autres données pertinentes telles que le maniement de la langue, le contexte socioculturel, etc. Bien que la collecte systématique de données sur les minorités ethniques (contrôle ethnique) demeure très controversée dans plusieurs Etats membres, il paraît difficile de s’en passer si nous voulons tenter de résoudre les problèmes de santé des minorités ethniques. L’histoire de l’Europe témoigne des risques gravissimes que pose toute forme de recensement ethnique. C’est pourquoi il est vital que les Etats membres conçoivent des stratégies destinées à prévenir les abus d’un système de contrôle ethnique, ainsi qu’à éviter la stigmatisation des minorités ethniques et à garantir leur sécurité. La mise au point d’un système standardisé de collecte des données est freinée par l’absence de concepts précis et de stratégies de recherches adéquates pouvant être utilisés pour décrire et analyser les disparités ethniques dans le domaine de la santé et en démêler les facteurs associés. Aux Etats-Unis, l’Institut américain de médecine affirme que bien que la littérature scientifique offre des preuves probantes de disparités raciales et ethniques en la matière, nul ne sait encore clairement comment mieux comprendre et éliminer les disparités. L‘Institut ajoute qu’il faudrait considérablement élargir la recherche pour clarifier le rapport entre la race, l’ethnicité et les disparités dans le processus, la structure et les résultats des soins. Il déclare que la recherche doit permettre de mieux comprendre la contribution du consommateur et du prestataire, ainsi que les caractéristiques institutionnelles de la qualité des soins dispensés aux minorités (Smedley, Stith & Nelson, 2003). Dans les Etats membres, la situation est généralement moins favorable qu’aux Etats-Unis et que dans d’autres pays d’immigration ‘traditionnelle’ tels que l’Australie et le Canada. Un seul Etat membre, le Royaume-Uni, a conçu des stratégies pour obtenir des informations sur les conditions de santé et l’accessibilité et l’utilisation des services de santé par les minorités ethniques. Pour progresser, il nous faut résoudre les problèmes suivants: Donner une définition des minorités ethniques dans la recherche et les données administratives relatives à la santé Contrairement à plusieurs pays d’immigration traditionnelle où les minorités ethniques sont définies en fonction du terme de ‘races’ dans les statistiques officielles, la plupart des Etats membres ayant l’expérience de l’immigration se bornent à faire une distinction entre ‘autochtones’ et ‘étrangers’ (en utilisant la citoyenneté comme critère). La citoyenneté n’est pas une variable appropriée pour représenter la diversité ethnique puisque les immigrés et leurs enfants peuvent acquérir la nationalité du pays où ils se sont installés. En conséquence, les données relatives à la santé tirées de bases de données s’appuyant sur la notion de citoyenneté, qui ont pu être pertinentes pour 22 établir une distinction entre les différents groupes ethniques au cours des premières décennies d’immigration, doivent être interprétées avec prudence à l’heure actuelle. Pour obtenir des données plus fiables sur la santé des minorités ethniques, plusieurs auteurs ont recommandé d’inclure systématiquement des variables telles que ‘le pays de naissance’ et ‘le pays de naissance des deux parents’ dans les bases de données administratives relatives à la santé (Razum & Zeeb, 1998; Verweij, 1995). Au Royaume-Uni et en Hollande, une question sur l’auto-identification ethnique visait à recenser les membres des minorités ethniques dans les bases de données (Aspinall, 1997; Verweij, 1995). Pour évaluer précisément l’hétérogénéité au sein des groupes ethniques, il est important que d’autres données pertinentes (statut socio-économique, citoyenneté, durée de séjour dans le pays, langue maternelle, autoévaluation de la maîtrise de la langue officielle du pays d’accueil) soient également incluses dans les bases de données chaque fois que possible. Intégration et représentation proportionnelle des minorités ethniques dans la recherche Les minorités ethniques sont souvent systématiquement exclues et ainsi sousreprésentées dans les échantillons utilisés en recherche clinique et dans les recherches sur les services de santé et ce, pour diverses raisons. En premier lieu, pour des raisons plus pratiques que scientifiques, les minorités ethniques peuvent en être exclues de par leur maîtrise insuffisante de la langue officielle ou leur analphabétisme. En second lieu, il est souvent considéré trop fastidieux de tester la validité transculturelle d’instruments de recherche tels que des échelles ou des questionnaires. Pour éviter les problèmes méthodologiques et en raison d’un manque de compétences permettant de concevoir des outils de recherche transculturels valables, les chercheurs décident souvent d’exclure les membres des minorités ethniques de leurs études cliniques. En troisième lieu, les minorités ethniques hésitent souvent à participer aux projets de recherches biomédicales par crainte de subir des discriminations ou d’être utilisés comme cobayes pour tester des substances ou traitements expérimentaux, ce qui pose des difficultés de recrutement. Pour prendre la mesure de l’efficacité des services de santé et recueillir les informations nécessaires à la création de services de santé axés sur le patient et la demande, plusieurs Etats membres ont procédé à des enquêtes auprès de patients. Malheureusement, différentes études montrent que les minorités ethniques ne sont pas correctement représentées dans ce type d’enquêtes (Trojan, 1998; Borde, 2002) et qu’elles ne bénéficient pas des améliorations basées sur la gestion de la qualité (alors qu’elles sont peut-être celles qui en ont le plus besoin). Comme dans la recherche (bio)médicale traditionnelle, les enquêtes négligent souvent d’interroger des patients semi- ou complètement analphabètes maîtrisant mal les langues officielles. En raison de la discrimination - fréquente dans les minorités ethniques - entre hommes et femmes, ces dernières sont davantage exclues de ces enquêtes. Eu égard aux processus susmentionnés, les échantillons utilisés dans les études cliniques et, par conséquent, les résultats de nombreuses recherches, sont biaisés et ne donnent pas une juste vision de la diversité de la population actuelle des Etats membres qui sont multiculturels. La sous représentation ou l’exclusion des minorités ethniques empêche de généraliser les résultats des études à l’ensemble de la 23 population. On ne sait donc pas grand-chose des facteurs de risques, de la prévalence des maladies et des réactions aux traitements des groupes ethniques. Il faut en outre souligner que les chercheurs - guère formés à œuvrer dans des contextes multiculturels - ne sont que rarement critiqués pour avoir exclu ou mal abordé la diversité culturelle dans leurs travaux. En cas d’inclusion de ces minorités, l’absence d’instruments de recherche transculturels valides peut donner une vision inexacte de leur expérience, par exemple lorsque les études cliniques se bornent à utiliser des catégories diagnostiques uniquement basées sur les concepts médicaux occidentaux. Enfin, il faut poursuivre la recherche pour répondre à de nombreuses questions relatives à la santé des minorités ethniques: - - les déterminants de l’état sanitaire liéà l’ethnie; les déterminants des problèmes d’accès aux soins des minorités ethniques; les causes des disparités en matière de santé; l’évaluation de l’efficacité des stratégies d’intervention (création de services d’interprétariat, formation à la compétence culturelle pour les professionnels de la santé, programmes d’éducation à la santé destiné aux patients, …) mise au point de systèmes de contrôle ethnique appropriés, et de gestion de la diversité au sein des services de santé ; On ne peut répondre à ces questions qu’en ayant recours à une stratégie multidisciplinaire combinant des méthodes épidémiologiques et des méthodes de recherches sociologiques et anthropologiques quantitatives et qualitatives. 24 Références Ahmad WIU. (ed). Ethnicity, disability and chronic illness. 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