Soraya ABALI

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Soraya ABALI
Cette trace d’apprentissage valide la compétence suivante :
Travailler en équipe au sein du système de santé.
SYNDROME DE DIOGENE
Mme P. est une patiente de 78ans, qui avait été hospitalisée dans le service de
gérontologie de l’hôpital Fernand Widal où j’étais en stage.
Elle avait été admise aux urgences pour des douleurs abdominales associées à des
diarrhées évoluant depuis 1mois, puis vait été rapidement transférée dans le service pour
suite de la prise en charge.
Cette patient n'a aucun antécédent médico-chirurgical particulier, ne prend aucun
traitement
Il s’agit d’une ancienne standardiste, veuve depuis 5ans et demi, sans enfant, plutôt isolée
sur le plan social et amical ; seule une cousine vient lui rendre visite « de temps en
temps ».
Elle est complètement autonome dans les activités simples de la vie quotidienne, fait ses
courses, s’alimente de conserves et plats froids.
Les conditions de vie au domicile semblent très mauvaises avec une insalubrité et une
incurie du logement puisqu’elle explique que chez elle, il n’y a pas d’électricité, pas de
chauffage, pas de cuisinière depuis plusieurs années ni d’eau chaude.
Elle ne semble pas se plaindre de la situation et se justifie en expliquant que
l’appartement a peut-être besoin de « quelques travaux » mais qu’elle n’a jamais eu le
temps de les faire et que pour l'instant « ça ne la gêne pas ».
Cliniquement, Mme P. est incurique au premier plan.
Son hémodynamique est stable ; elle est fébrile à 38.4°C ;
Son auscultation cardio-pulmonaire est normale ;
Son abdomen est sensible de façon diffuse, mais plus particulièrement au niveau de
l’hypochondre gauche et de la fosse iliaque gauche.
Par ailleurs : on ne retrouve pas de troubles des fonctions cognitives évident avec un
MMS=29/30.
Biologiquement :
Il existe un syndrome inflammatoire biologique (GB=15 000/mm3 ; CRP=90mg/l),
Une dénutrition avec une albuminémie=35g/l, d’origine mixte (exogène par carence
d’apport et endogène liée à l’inflammation)
Le scanner abdomino-pelvien réalisé objective une sigmoïdite diverticulaire abcédée, pour
laquelle la patiente est traitée par antibiothérapie, sous laquelle l’évolution sera favorable.
Au cours de son hospitalisation dans le service, les infirmières et aide-soignantes du
service nous signalent que Mme P. accumule la nourriture qu’elle ne consomme pas : elles
retrouvent des barquettes dans sa table de nuit, des yaourts sous son oreiller qu’elle refuse
de jeter quand les soignants lui font la remarque. ;
Mme P. accumule aussi les peignes, brosses à dents et dentifrices fournis par l’hôpital ;
elle en a déjà tout une réserve dans son placard.
Hormis sa tendance à accumuler nourriture et objets divers, Mme P est toujours restée
calme et son comportement n’a jamais été inadapté.
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L’enquête menée par l’assistant social du service révèle que Mme P est connue des
services sociaux ; c'était sa cousine qui avait fait un signalement mais Mme P. a toujours
refusé toute aide extérieure.
Il est donc décidé d’organiser une visite à domicile à laquelle participent l’assistant social
ainsi qu’un des médecins du service, afin de mesurer la dégradation avant toute prise de
décision, en particulier sur le mode d'hébergement ultérieur ou une éventuelle mesure de
protection juridique.
La visite au domicile confirme l’insalubrité et l’ incurie extrême du domicile, témoin de
l’absence ancienne de soins d’hygiène.
A l’intérieur du domicile régnait une odeur nauséabonde liée à l’accumulation de
nourriture dans un coin de l’appartement ;
certaines pièces étaient inaccessibles du fait de l’entassement de multiples piles de
magasines et autres objets divers.
Le lit de la patient n'était pas accessible non plus, et n'avait pas dû être utilisé depuis au
moins plusieurs semaines (mois ou années ?) puisqu'il était complètement recouvert lui
aussi d'objets hétéroclites, et c'est un fauteuil qui semblait faire office de lit.
De plus, ils ont pu constater un état de dégradation important des lieux, nécessitant
d’importants travaux : murs vétustes; électricité à refaire; pas de douche ni baignoire, juste
un lavabo avec lequel la patiente devait faire sa toilette; aucun électroménager, juste un
réchaud à pétrole dans un coin ; et toujours et encore des piles de livres, CD, magazines
anciens...qui s'accumulent dans chaque recoin, sur chaque meuble.
 Le diagnostic de syndrome de Diogène qui était suspecté a définitivement été
confirmé par cette visite.
S’est ensuite posée la question de la suite de la prise en charge : quel hébergement? Faut-il
mettre en place une mesure de protection juridique ?
Si Mme P. réclame depuis le début un retour au domicile, il paraît impossible qu’elle y
retourne.
Même si le ménage est fait, de nombreux travaux de peinture, électricité, rachat de
matériel sont à prévoir. Mme P, propriétaire de son appartement, ne touche qu'une maigre
retraite et n’a pas l’argent nécessaire.
De plus, elle ne trouve pas ces travaux indispensables et ne veut de toute façon pas
entendre parler d’aide au domicile, ce qui laisse présumer un risque important de récidive.
Il a été donc été décidé au cours d’un staff du service par l’ensemble de l’équipe médicale
et paramédicale du service qu’un retour à domicile n’était pas envisageable, et qu’il fallait
donc envisager une institutionnalisation pour Mme P.
Après 1long refus, la patiente a fini par accepter un projet d’hébergement en foyer
logement, avant aboutissement des démarches pour l’institutionnalisation en maison de
retraite, et une mesure de curatelle a été mise en place.
Discussion :
Mme P constitue le seul cas de syndrome de Diogène rencontré au cours de mon cursus
médical.
Et il m'a semblé que la prise en charge de ces patients était délicate et complexe.
En effet, c’est de façon fortuite, au décours d’une pathologie médicale intercurrente que le
syndrome de Diogène de Mme P. a été découvert.
Au départ, il s’agit d’une patiente parfaitement autonome et qui ne présente pas de trouble
des fonctions supérieures, ni de trouble psychiatrique évident.
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Elle vivait dans des conditions aberrantes en marge de la société et en dehors du temps
mais n’exprimait aucune plainte, ni aucune critique de son mode de vie, et n’avait pas
demandé d’aide.
Et celle-ci s’est retrouvée dans une prise en charge qu’elle n’avait pas sollicitée,
institutionnalisée, malgré sa volonté de retour au domicile.
Même si c’est pour son bien puisqu'il ne semblait pas possible de laisser Mme P. vivre
dans de telles conditions, celle-ci a été privée de ses libertés, d'une façon qui a dû lui
paraître arbitraire : impossibilité de retour au domicile, mise en place d'une mesure de
curatelle.
On peut se demander pour ces patients atteints de syndrome de Diogène où débute la nonassistance à personne en danger et où s’arrête le respect des libertés individuelles.
LE SYNDROME DE DIOGENE
Historique
Le Syndrome de DIOGENE est une entité gériatrique particulière, de description
relativement récente, puisque les 2articles princeps remontent à 1966 et 1975.
 1966 : Mc Millan et Shaw, psychiatres anglais
 Publication d’1étude concernant 72patients âgés évoluant vers 1état d’incurie extrême
et 1détérioration des conditions de vie au domicile
 1975 : Clark et Mankikar, gériatres anglais
 Publication d’1étude concernant 30patients âgés vivant dans des conditions
d’isolement et de manque d’hygiène tels qu’ils en définissent un « syndrome »
• Diogène de Sinope = philosophe grec du IV siècle avant J-C, qui enseignait le
cynisme, c’est-à-dire le retour à 1vie conforme à la nature (lui-même dormait dans
1tonneau, mangeait et déféquait en public) ; refus d’1quotidien soumis à la répétition
et à l’identique.
Définition
La définition du syndrome de Diogène proposée par Clark et Mankikar en 1975
comprend :
 Logement dans 1état d’extrême saleté et en complet désordre, dépassant le seuil de
tolérance de la communauté avoisinante
 Complète négligence de soi, tant au plan de l’hygiène que vestimentaire
 Accumulation de façon irrationnelle de toutes sortes d’objets inutiles
 Absence de honte relative aux conditions de vie
 Retrait social, isolement
 Refus obstiné d’aide
 Pas de troubles psychiatriques évolutifs
Données socio-démographiques :
 Fréquence : peu de chiffres retrouvés dans la littérature :
 Pour Mc Millan et Shaw (1966) : Fréqce estimée à 5cas/10 000hab de + de 60ans
 Lachs (1998) définit la « négligence personnelle du sujet âgé » qui remplit certains
critères du sd de Diogène ; Fréqce = 52cas/10 000hab de plus de 60ans
 Age
-il est admis que ce syndrome concerne des personnes âgées de plus de 60ans.
-âge moyen = 79ans pr les hommes
= 77ans pr les femmes
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 Sex ratio
D’après Clark et Mankikar : 1homme pour 3femmes.
 Mode de vie
 Patient vivant seul dans 75% des cas, contre 10% en couple.
 Toutes catégories sociales concernées
La génèse ou l’évolution du trouble ne sont donc pas influencées par le dénuement
financier ou le manque de confort du logement.
Clinique :
Découverte :
 Fortuite, repéré lors d’une hospitalisation pour 1pathologie médicale intercurrente
 Au décours d’un accident domestique (incendie, fuite d’eau…)
 Enquête sociale demandée par le voisinage, en raison de nuisances (odeurs…) ; ou par
l’entourage familial
Il n’a jamais été décrit de découverte sur appel du sujet lui-même.
Visite au domicile +++ : toujours nécessaire pour confirmer le diagnostic.
Prise en charge
 Difficulté+++ du fait de l’absence de collaboration des patients.
 Hospitalisation : à éviter tant que les solutions à domicile ne sont pas épuisées
 Suivi à domicile :
-Retour au domicile possible pour 25% des patients à l’issue de l’hospitalisation
-Possible via des services qui suivront le patient au domicile : services sociaux et
d’aide au domicile.
-Risque majeur = refus de l’aide apportée et donc risque+++ de récidive.
 Mesures de sauvegarde de justice souvent nécessaires.
 Evolution-Pronostic
-Durée d’évolution du syndrome de Diogène avant le début de la prise en charge : 1 à
5ans.
-Mortalité très importante : estimée à 46% dans les 5ans.
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Bibliographie :
 Rev. Med. interne 2002; 23: 122-31
Le syndrome de Diogène du sujet âgé : forme clinique d’un dysfonctionnement frontal ?
A propos de 4 observations.
Beauchet O., Imber D., Cadet L., Blanc P. , Ramboa P., Girtanner C., Gonthier R
 La Revue de Gériatrie 2000 ; 25 : 517-22
Le syndrome de Diogène…à deux
Feraldi O., Letessier C., Heuteux G . Lutzler P., fremonti P.
 La Revue de Gériatrie 2002 ; 27 : 107-14
Le syndrome de Diogène, du mythe à la réalité. A propos de 3 cas.
Haddad V., Lefebvre Des Noette V
 Nervure 2002 ; XV (1) : 7-10
A propos d’un syndrome de Diogène
Roubini, Laovenan, Le Foll.
 La Revue de Gériatrie 1993 ; 18 : 139-46
Le syndrome de Diogène du sujet âgé
Taurand ph., Taurand S., Compere Ch., Blotin M., Vergnet P., Mazzomla Ch
 L’Encéphale 2004, vol. 30, no4, pp. 315-322
Le syndrome de Diogène, une approche transnosographique
HANON C. ; PINQUIER C. ; GADDOUR N. ; SAÏD S. ; MATHIS D. ; PELLERIN J.
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