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Travail de fin d’études
Promotion 20… – 20….
L’infirmier face à l’addiction au crack
Le……– Semestre 6
Directeur de mémoire :
SOMMAIRE
Introduction ........................................................................................................... 2
Description de la situation ..................................................................................... 5
Questionnement autour de la situation .................................................................. 6
Argumentation de l’intérêt professionnel ........... Error! Bookmark not defined.
Formulation de la question de départ .................. Error! Bookmark not defined.
Projet d’exploration de la situation de départ ..................................................... 22
 Exploration théorique................................ Error! Bookmark not defined.
 Exploration empirique .............................. Error! Bookmark not defined.
Cadre conceptuel
.................................................................................................................................
Conclusion ........................................................... Error! Bookmark not defined.
Bibliographie ....................................................... Error! Bookmark not defined.
Annexe.....................................................................................................................
Lexique
Liste des sigles utilisés
AVC
:
CAME
accident vasculaire cérébral
:
crack à la Martinique
CIM-10:
classification internationale des maladies, 10ième révision
CSRM :
centre de soins et de réinsertion de la Martinique
CSAPA:
centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie
DOM
:
départements d’outre-mer
ECIMUD:
équipe de coordination et d'intervention auprès des malades usagers de drogues
ELSA :
équipe de liaison et de soins en addictologie
OMS :
organisation mondiale de la santé
SMPR:
service Médico-Psychologique Régional
2
Liste des figures
Figure 1 .....................................................................................................................
Figure 2 .....................................................................................................................
Figure 2: Cycle addictif du crack (Adaptation Karila L. d’après Dackis C. New treatments for
cocaïne abuse Drug discovery today. Therapeutics stratégies vol.2, 2005 ; p79 -85)
3
INTRODUCTION
Pour ce travail de fin d’études, nous avons choisi d’orienter notre réflexion autour du
savoir-faire infirmier dans le domaine des addictions. En effet, il nous semble intéressant
d’aborder ce thème, tant les enjeux de santé publique sont importants. D’après la Mission
interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, les addictions aux
substances psychoactives sont responsables chaque année en France de plus de 100 000 décès
évitables. Elles sont également à l’origine de handicaps, de nombreux problèmes familiaux,
sociaux, économiques, d’actes de violence et de situations de précarité qui génèrent
d’importantes souffrances. Ainsi, ce problème de santé publique représente un coût social
majeur.1
Le CSAPA constituent le principal mode d’accès aux soins en addictologie. Ces centres ont
une approche pluridisciplinaire et travaillent en collaboration avec différents services
hospitaliers afin de répondre à la diversité des besoins des usagers : aide au sevrage2, écoute,
soutien moral, soins cliniques, etc. Le CSAPA est composé d’une unité mobile de liaison et
d’intervention, d’une unité de soins ambulatoire et d’une unité résidentielle. Ces dispositifs
permettent à la personne dépendante de bénéficier d’un accompagnement global, et d’une
continuité de soins. C’est ainsi, qu’après une « Cure de Sevrage » hospitalière, les patients
qui en font la demande peuvent bénéficier d’une prise en charge « post Cure » en unité
résidentielle.
Lors de notre formation, nous avons pu rencontrer des usagers de drogues, découvrir les
mécanismes qui conduisent à l’addiction et appréhender le rôle infirmier. Effectivement, les
infirmiers aident les patients à changer leur rapport aux produits consommés. Toutefois, la
prise en charge est souvent complexe et ne peut se faire sans la motivation intrinsèque des
patients.
Selon le rapport CAME, la consommation de crack génère des situations de grande
marginalisation, nourrit une délinquance violente et engendre un climat d’insécurité. La
dépendance entraîne des psychiatriques et somatiques graves, et parfois mortelles. Le
Circulaire DGS/6B/DHOS/O2 no 2007-203 du 16 mai 2007 relative à l’organisation du dispositif de prise en
charge et de soins en addictologie.
2
Le sevrage se définit comme l'arrêt de la consommation de drogue.
1
4
traitement de cette addiction associe des moyens psychothérapeutiques et pharmacologiques.
Dans le cadre de ce travail de fins d’études, nous avons choisi de porter notre réflexion sur le
rôle psychothérapeutique de l’infirmier dans l’aide au sevrage de l’usager dépendant au crack.
Pour mener notre réflexion, nous avons exploré les notions suivantes : addictions au crack,
syndrome
de
sevrage
et
entretien
motivationnel
à
travers
deux
champs
disciplinaires« Sciences Humaines, Sociales » et « Sciences et Techniques Infirmières,
Interventions » au moyen de la discipline sociologie des soins.
Description de la situation
Au cours de ce stage effectué dans un CSAPA, plusieurs situations m’ont interpellé. Durant
les dix semaines de stage, cinq usagers en difficulté avec leur consommation de crack ont
quitté le centre de manière volontaire. Parmi ses usagers, certains sont déjà entrepris plusieurs
cures sans parvenir à une abstinence durable.
Avant l’hospitalisation, ces patients ont été suivis par l’équipe de coordination et
d’intervention auprès des malades usagers de drogues. Lors des différents entretiens, ils ont
déclaré vouloir intégrer le service résidentiel pour l’aide au sevrage en raison de leurs
conditions de vie précaires et de leur incapacité à réduire leur consommation. À cette étape,
nous observons que ces usagers dépendants sont principalement en demande de soins
relationnels et/ou de nourriture. Les usagers disent être heureux à l’idée
d’intégrer
l’hébergement.
En début d’hospitalisation, nous constatons que la communication avec l’infirmier est
agréable et que les usagers dépendant au crack se plaignent de douleurs multiples, de
problèmes dentaires et de troubles du sommeil. Après plusieurs jours d’abstinence, ils sont
irritables et la communication avec l’infirmier est difficile. Les usagers déclarent que
personne ne peut les comprendre et que rien n’est fait pour les aider. Toutefois, ces usagers
n’évoquent pas leurs difficultés à gérer leur craving3.
Après deux semaines d’abstinence, je constate que cinq des usagers dépendants au crack ont
quitté la structure de soin résidentielle de manière volontaire en dépit des interventions
thérapeutiques de l’infirmier.
3
Besoin irrépressible de consommer
5
Questionnement autour de la situation
Le départ volontaire des usagers dépendant au crack peut susciter de nombreuses
interrogations. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix d’organiser notre
questionnement autour de trois axes principaux.
Processus psychopathologiques :

Pourquoi les patients quittent-ils le centre de soins de manière volontaire ?

Quels sont les facteurs déclenchants?
Soins relationnels :

Comment l’infirmier peut-il établir une relation d’aide lors des phases de craving ?

Quelle est l’importance du repérage du stade motivationnel du patient dans la pratique
infirmière ?

Comment l’infirmier peut-il favoriser la motivation intrinsèque du patient?

Quels sont les moyens thérapeutiques infirmiers qui favorisent l’adhésion aux soins du
patient ?
Rôles infirmiers, organisation du travail et interprofessionnalité :

Quel est le rôle de l’infirmier dans la prise en charge postcure?

Comment s’effectue la prise en charge pluridisciplinaire et la prévention de la rechute?

Quelles stratégies infirmières pour mieux prendre en charge les usagers de drogues
dépendants au crack dans un contexte de pluridisciplinarité?
La question de départ se décline comme ci-après :
Dans un service d’addiction, en quoi le rôle de l'infirmier peut-il aider le patient
dépendant au crack à surmonter les difficultés liées au sevrage?
Cadre conceptuel
Au regard de notre questionnement, plusieurs concepts nous semble important à définir. Dans
la première partie de notre cadre conceptuel, nous commencerons par une présentation de
l’addiction au crack et des représentations culturelles.
Dans la seconde partie, nous étudierons le syndrome de sevrage au crack. Puis, notre dernière
partie portera sur le rôle infirmier dans l’aide au sevrage.
6
PARTIE 1 : ADDICTION AU CRACK
Définition de l’addiction
L’addiction est définie par une conduite qui repose sur une envie répétée et irrépressible d’un
comportement ou d’un produit, en dépit de la motivation et des efforts du sujet pour s’y
soustraire et de ses conséquences négatives sur le plan physique, psychique, familial,
professionnel, social, etc. Ainsi il existe des addictions comportementales (jeu, achats,
nourriture, sexe, internet...) et des addictions aux substances psychoactives (alcool, tabac,
drogues illicites...) qui se traduisent par la dépendance (1).
La dépendance associe une dépendance physique, psychique et un syndrome de sevrage. La
dépendance physique se manifeste par un phénomène de tolérance, c’est-à-dire par le besoin
d’augmenter des doses pour obtenir les mêmes effets ou de rapprocher les consommations. Le
syndrome de sevrage concerne les signes de manque physiques et psychiques à l’arrêt de la
consommation. La dépendance psychique ou craving se traduit par le besoin irrépressible de
consommer (2).
Triangle multifactoriel des addictions
Loin de stigmatiser le consommateur, Claude Olievenstein résume sa vision biopsychosociale
des addictions par : « la rencontre d’une personnalité, d’un produit et d’un moment
socioculturel » (figure 1). Dans une situation de dépendance, le besoin s’est substitué au désir,
le produit ou le comportement envahit l’existence de la personne addicte qui continue de s’y
adonner bien que les conséquences néfastes l’emportent sur le plaisir obtenu (4).
7
Figure 1 – Modèle biopsychosocial des addictions
Critères de dépendance de la CIM-104
Le syndrome de dépendance, selon la CIM-10, consiste en un ensemble de phénomènes
comportementaux, cognitifs et physiologiques dans lesquels l’utilisation d’une substance
psychoactive entraîne un désinvestissement progressif vis-à-vis des autres activités. La
caractéristique essentielle du syndrome de dépendance correspond à un désir souvent
puissant, parfois compulsif de consommer. Au cours des rechutes, c’est-à-dire après une
période d’abstinence, le syndrome de dépendance peut se réinstaller beaucoup plus
rapidement qu’initialement.
Pour un diagnostic de certitude, au moins trois des manifestations suivantes doivent avoir été
présentes au cours de la dernière année :
1. désir puissant ou compulsif de consommer une substance psychoactive ;
2. difficultés à contrôler l’utilisation de la substance ;
3. syndrome de sevrage physiologique à la diminution ou l’arrêt de la consommation ou
l’utilisation de la substance pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage ;
4. tolérance aux effets de la substance psychoactive, le sujet à besoin d’une quantité plus
importante de la substance pour obtenir l’effet désiré ;
4
.La classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10) est une liste de classifications médicales
codant notamment les maladies, signes, symptômes, circonstances sociales et causes externes de maladies ou de
blessures, publiée par l'organisation mondiale de la santé (OMS).
8
5. abandon progressif d’autres sources de plaisir et d’intérêts au profit de l’utilisation de la
substance psychoactive, et augmentation du temps passé à se procurer la substance, la
consommer, ou récupérer de ses effets ;
6. poursuite de la consommation malgré la survenue de conséquences manifestement
nocives ;
9
Généralités sur la Cocaïne et le Crack
La cocaïne est extraite des feuilles de cocaïer. Une fois transformée par un procédé chimique,
elle devient du chlorhydrate de cocaïne qui peut être injectée ou sniffée, mais qui ne peut pas
être fumée.
Le crack est du chlorhydrate de cocaïne transformé à l’aide d’ammoniaque ou de bicarbonate
de soude. Le crack est aussi appelé cocaïne-base ou free base. Bien que chimiquement crack
et cocaïne soient similaires, les effets sont différents à cause de leur mode de consommation.
L’inhalation des vapeurs de crack produit des effets au bout de cinq à dix secondes. Les effets
sur le cerveau sont très intenses et d’une durée comprise entre 5 à 10 minutes.
Les effets recherchés sont vécus comme les principaux bénéfices de la consommation de
crack. Le crack permet à ses usagers de se sentir bien et d’oublier les émotions négatives
pendant un moment. Ces effets comprennent une forte sensation de stimulation, appelée le «
rush » ou le « flash », qui s’apparente à une explosion de plaisir. Les effets stimulants sont de
plusieurs ordres : euphorie, sensation de bien-être, augmentation de l’énergie, tachypsychie
(enchaînement anormalement rapide des idées, caractéristique des états maniaques),
désinhibition, hyper vigilance, éveil sensoriel et augmentation du désir sexuel. Sur le plan
somatique, les effets se traduisent principalement par une tachycardie, une hypertension
artérielle, une dilatation pupillaire, une anorexie et des troubles du sommeil.
La descente
Rapidement après la phase d’euphorie, l’usager se trouve dans une phase appelée « descente »
ou « crash » dont les effets sont à l’opposé du plaisir et de la stimulation initiale. Cette phase
se caractérise par une dysphorie (humeur oscillant entre tristesse et excitation), un
ralentissement psychomoteur, une irritabilité, léthargie, un désintérêt sexuel, une
bradypsychie (ralentissement de la pensée), des altérations cognitives (mémoire,
concentration), une baisse de l’estime de soi, une méfiance excessive, une hyperphagie
(augmentation de la quantité d’aliments absorbés), une hypersomnie…
D’autre part, plus les doses absorbées sont importantes, plus la « descente » est difficile à
supporter. Les consommateurs décrivent souvent la « descente » comme une « chute ».
10
L’humeur et l’énergie chutent brutalement et ce phénomène s’accompagne de réactions
dépressives, de troubles anxieux et de la réapparition de l’appétence à la drogue. La gravité
des réactions dépressives est corrélée à l’intensité de l’euphorie initiale. Le besoin de
consommer de nouveau au moment de la descente conduit généralement les consommateurs à
enchaîner les prises de crack, « jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de produit ».
Représentations de la cocaïne et du crack
Selon l’appellation et la forme sous laquelle elle apparaît, la cocaïne fait l’objet
d’appréciations et d’images radicalement différentes. La cocaïne, sous sa forme chlorhydrate,
est considérée comme une consommation de luxe, apanage des milieux « branchés ». C'est
une des raisons pour laquelle cette substance bénéficie d’une image « positive » et associée à
un certain niveau de réussite sociale. Les usagers ont la croyance que ce produit est une
drogue relativement facile à gérer à condition de la consommer avec modération (3).
Concernant le crack, l’enquête CAME montre que les représentations sont aux antipodes de
celles prévalant pour la cocaïne en poudre. Celles-ci sont clairement négative, quel que soit le
lieu, région parisienne ou Antilles françaises. (3).En Martinique, le crack est vu comme un
produit dangereux aussi bien pour l’entourage du consommateur que pour la société. Les
consommateurs de crack sont considérés comme des personnes qui manquent de volonté et
qui ont besoin de structures de prise en charge spécialisées pour les aider.
En ce qui concerne la prise en charge en structure spécialisée, l’enquête CAME montre que si
le sondage en population générale confirme que la majorité de la population souhaite que l’on
développe les structures de prise en charge, le plus souvent c’est aux soignants que l’on
demande ce travail : « on vous le laisse, soignez le » car le crack fait peur à l’entourage.
L’enquête a montré également qu’un quart des usagers se déclare réticent à fréquenter ces
structures. Il paraît évident que s’adapter à la rigueur et aux règles d’une institution peut être
difficile pour ceux qui ont plusieurs années de rue et l’habitude d’une certaine « liberté ».
C’est pourquoi les professionnels soulignent l’importance de bien préparer la cure de sevrage
et de ne pas la proposer dans l’urgence. Avant de se diriger vers une structure spécialisée,
l’entourage ou l’usager a souvent envisagé d’autres solutions. L’enquête montre que 4 usagers
sur 10 ont déjà bénéficié d’un soutien religieux dans le cadre de leur consommation. En 2005,
le rapport OBSERVATOIRE DE LA SANTÉ DE LA MARTINIQUE. Phénomènes
11
émergents liés aux drogues en 2004 - Tendances récentes sur le site de Martinique.
Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT). 2005.: « la dimension
magico-religieuse est toujours présente. Le crack serait un produit des ténèbres (la «pierre du
diable») et le dealer un émissaire du diable tellement son pouvoir sur l’usager est grand.
D’après les usagers, le crack a quelque chose de diabolique car il entraîne des effets
tellement démesurés que c’est la seule explication possible. Lorsqu’ils sont dans une
démarche de soins ils pensent souvent que le seul mur qui peut faire barrage à la
consommation, c’est la religion. En associant leur volonté à la religion, ils ont le sentiment
d’être plus forts. Il y a une grande anxiété de la rechute et certains pensent que seule une
puissance supérieure peut les aider contre le crack. Ce recours à la foi s’inscrit aussi dans les
habitudes de la société martiniquaise où pour conjurer un sort il faut passer par Dieu. ». Il
faut cependant souligner qu’en 2007/2008, les soignants notent un recul apparent du magicoreligieux dans le discours des usagers.
3. Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Bello PY, Toufik A, Gandilhon M,
Evrard I. Phénomènes émergents liés aux drogues en 2004. Sixième rapport national du
dispositif TREND. Saint-Denis: OFDT; 2005.
11. Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Reynaud-Maurupt C. Les usages
de la cocaïne en 2006-2007 chez les consommateurs "cachés". Pratiques, carrières et
motivations des usagers non identifiés par le système de prise en charge sanitaire et sociale.
2009.
12
Partie II : Le syndrome de sevrage du crack
Le sevrage
Les manifestations cliniques du sevrage au crack sont particulièrement pénibles pour l’usager.
Elles peuvent se classer en trois phases :
1. Le crash. Il s’agit d’un vécu subjectif de « chute » après l’euphorie. L’humeur et
l’énergie chutent brutalement et ce phénomène s’accompagne de réactions
dépressives, de troubles anxieux et de la réapparition de l’appétence à la drogue. A ce
stage des manifestations plus psychiatriques à type méfiance pathologique et vécu
paranoïaque sont possibles, on peut observer des signes de psychose induite en
intoxication aigüe ou chronique. En quelques heures l’appétence pour le produit
diminue et laisse place à un épuisement et une envie irrépressible de dormir.
2. Débute la seconde phase de sevrage qui correspond à une longue période de dysphorie
avec démotivation et retour du craving. La reconsommation est conditionné par
l’environnement favorisant ou non. Si l’abstinence se prolonge, la dysphorie peut
durer jusqu’à douze semaines.
3. La dernière phase est marquée par la disparition de la dysphorie, mais en revanche le
craving persiste de façon intermittente et est conditionné pendant des mois et des
années. Addiction à la cocaïne Laurent KArylla p31
Les patients peuvent apaiser le sevrage avec de l’alcool, du cannabis ou d’autres
psychotropes, ce qui peut entrainer d’autres syndromes de dépendance.
Le craving
Le craving désigne le besoin irrépressible de consommer. C’est une expérience subjective.
Épisode déplaisant, il peut être rapidement soulagé par la prise de crack. Il s’agit avant tout de
pensées obsessionnelles pouvant durer quelques minutes à quelques heures. C’est un facteur
majeur de rechute, même après une longue période d’abstinence. … Addiction à la cocaïne
Laurent KArylla p40
13
Les envies de consommer peuvent survenir dans trois grandes circonstances5 : face au produit
ou au dealer, dans des circonstances de consommation antérieure, et lors de stress et
d’émotions qu’elles soient positives ou négatives.
Du fait de la puissance des symptômes du craving, la consommation de crack constitue un
risque majeur de consommation d’alcool pour supporter la « descente »(62).
62. L ACOSTE J, C HARLES-N ICOLAS A. Approche thérapeutique actuelle de la
cocaïnomanie. Courrier des Addictions, 2006 ; 8 : 67-69
La perte de contrôle
La souffrance psychique liée au craving entraine une perte de maîtrise des émotions, des
réponses à la contrariété et une impatience. Cette situation favorise le recours à des
récompenses immédiates et impulsives. La drogue usurpe toutes les capacités de choix. Toute
contrariété trouvera sa résolution, non dans l'élaboration d'un processus adaptatif mais dans un
apaisement prédéterminé et conditionné par l’anticipation des bénéfices liés à la
consommation. L'arrêt durable du produit expose à des rechutes par défaut de capacités
adaptatives acquises hors du produit.
Dr Philippe Binder Maître de conférence associé Faculté de médecine de Poitiers
Coordinateur du Réseau ICARES Avril 2010
Euphorie
lié au
crack
Crash
Recherche
du produit
Sevrage
Perte de
contrôle
Déficit de
prise de
décision
Cravi
ng
Figure 2: Cycle addictif du crack (Adaptation Karila L. d’après Dackis C. New treatments for
cocaïne abuse Drug discovery today. Therapeutics stratégies vol.2, 2005 ; p79 -85)
5
Approche thérapeutique actuelle de la cocaïnomanie Current therapeutic approach of cocaïne addiction
J. Lacoste* et **, A. Charles-Nicolas** Le Courrier des addictions (8) – n° 2 – avril-mai-juin 2006
14
15
PARTIE III : Rôle infirmier dans l’aide au sevrage au crack
En ce qui concerne la dépendance au crack, à ce jour, il n’existe pas de traitement
pharmacologique de substitution, contrairement à l’héroïne ou au tabac. Toutefois, au regard
de la clinique de l’addiction au crack, des traitements médicamenteux peuvent agir effacement
sur l’euphorie, le sevrage et le craving.
Dans le cadre de notre étude, nous avons fait le choix de nous intéresser aux traitements
psychothérapeutiques.
Face au patient dépendant, Prochaska et DiClemente ont défini un modèle de changement
dans le but de définir la bonne intervention pour le bon patient au bon moment. Ce modèle
suppose que les usagers dépendant passent par une série d'étapes de motivation avant de sortir
de la dépendance. Pour accompagner une personne dans son désir de changement, il faut tenir
compte du stade où elle se trouve6. À chaque étape correspond des modes d’intervention
adaptés.
Modèle transthéorique des changements de comportements de Prochaska et DiClemente
(critères d’hospitalisation en addictions) (5).
Parce que le déni7 du patient est directement proportionnel au désir du soignant de le faire
changer, ces deux auteurs ont démontré que la persuasion et la coercition n’étaient pas le
meilleur moyen de convaincre un patient d’accéder aux soins. En proposant ce modèle,
Prochaska et DiClemente soulignent l’importance d’adapter le discours et les techniques
thérapeutiques à chaque situation, mais également que la rechute fait partie de l’évolution de
la maladie addictive qu’elle soit naturelle ou après traitement.
6
Outil associé à la recommandation de bonne pratique « Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage
individuel au maintien de l’abstinence » HAS / Service des bonnes pratiques professionnelles /
octobre 2014
7
Refus inconscient de reconnaître une réalité extérieure traumatisante. Larousse Médical
16
Figure 3 – Modèle de Prochaska et DiClemente8
Ainsi comme on peut le voir sur la figure 2, au stade de pré-contemplation, le thérapeute est
face à un consommateur heureux qui ne souhaite pas modifier son comportement. L’attitude
thérapeutique la plus adaptée est de faire naître le doute. Lui imposer les soins n’aura aucune
efficacité, favorisera la rechute voire le fera quitter les soins prématurément.
Au stade de contemplation, le consommateur est indécis. Son ambivalence sur les avantages
et inconvénients de sa consommation est au plus haut. Le thérapeute doit l’aider à créer une
balance décisionnelle en mesurant les pour et les contre du maintien de l’addiction comme de
l’abstinence. Le patient justifiant sa consommation par sa souffrance psychique a du mal à ce
stade à comprendre que c’est aussi sa consommation qui engendre sa souffrance psychique.
Au stade de détermination, le consommateur veut passer à l’action prochainement. L’attitude
thérapeutique la plus adaptée est de planifier un programme d’action avec lui.
Le stade de l’action est le stade de l’arrêt. Le consommateur est en train de modifier son
comportement ou l’a modifié depuis plusieurs mois. L’attitude thérapeutique consiste à
l’accompagner dans les étapes du changement. À ce stade, le patient est à haut risque de
rechute, tous les étayages du système de soins et du système environnemental doivent être
mobilisés.
8
Prochaska et coll., 1992 ; Prochaska et coll., 1997.
17
Au stade de maintien, le consommateur a arrêté et a engagé de nouveaux comportements
dans ses habitudes de vie. Le thérapeute doit l’aider à identifier et utiliser des stratégies de
prévention de la rechute. Car la rechute est un stade appartenant à part entière à l’évolution
naturelle ou sous traitement des addictions.
Au stade de rechute, deux situations sont à distinguer. Soit il est en régression, c’est-à-dire
qu’il est retourné au stade précédent, on dit aussi qu’il est en chute ou en re-consommation.
Le thérapeute doit l’aider à se déculpabiliser pour reprendre le chemin de l’abstinence. Soit il
est en rechute, dans ce cas l’usager a repris son comportement sur le long terme et le
thérapeute doit lui permettre de reprendre le chemin des soins en lui présentant la rechute
comme une expérience de plus pour accéder à l’abstinence. Le thérapeute l’aidera à reprendre
le chemin de la balance décisionnelle en évitant la paralysie par la culpabilité.
La balance décisionnelle
L’exercice de la balance décisionnelle (Janis et Mann, 1977) permet à la personne d’explorer
les avantages et les inconvénients de la consommation et du changement dans un contexte
sécuritaire, sans jugement, dans le but d’aider à résoudre l’ambivalence.
Échelle de mesure du craving
Compte tenu de l’influence du craving dans les mécanismes d’entretiens de la dépendance, sa
réduction est un objectif de soin prioritaire. En effet, si l’infirmier parvient à aider l’usager à
réduire son craving, on peut déduire qu’il sera plus facile pour cet usager de devenir abstinent.
Il existe différentes techniques de mesure du craving pour la cocaïne. Les échelles visuelles
analogiques (EVA) cotant le craving, sur un score allant de de 0 à 10, ont l’avantage d’être
simples et rapides à utiliser. Cependant, elles restent insuffisantes pour mesurer précisément
le craving des usagers (9).
Deux échelles plus complexes, évaluant le craving, ont été validées en langue française. Il
s’agit du «Cocaïne Craving Questionnaire» version brève (CCQ-Brief) (Annexe 2) et de
l’Obsessive Compulsive Cocaine Scale (Annexes 1).
18
Les craving induits par le stress ou les émotions positives ou négatives, peuvent être mieux
contrôlés en aidant le patient à mieux identifier et verbaliser ses émotions, mais aussi par
l’affirmation de soi, et parla gestion des émotions. Afin d’aider le patient à surmonter les
difficultés de sevrage, l’entretien motivation semble être particulièrement adapté aux besoins
des usagers. Il s’agit d’une méthode thérapeutique qui permet de mettre en place un
environnement propice à la relation, à explorer les résistances et à résoudre l’ambivalence,
liée au changement.
Entretien motivationnel
Définis par William R. Miler et Stephen Rollnick, il s’agit d’une méthode directive centrée
sur le patient dans le but d’augmenter sa motivation intrinsèque vers le changement en
l’aidant à explorer et à résoudre son ambivalence. La responsabilité de changer est laissée à
l’individu.
Les stratégies employées reposent davantage sur le soutien que sur l’argumentation. Les
attitudes de l’intervenant vont jouer un grand rôle dans les stratégies utilisées en vue de
réduire l’ambivalence et guider le patient vers le changement.
(3EM) « Trois modèles motivationnels et le traitement de la dépendance aux substances
psychoactives » Joël Tremblay et Hélène Simone au Drogues, santé et société, vol. 9, n° 1,
2010, p. 165-210.
URI: http://id.erudit.org/iderudit/044872ar
(3EM)
L’élément le plus important de l’entretien motivationnel est l’expression d’empathie. L’écoute
empathique devrait être la réponse principale du thérapeute. Elle apporte divers avantages,
dont le fait de susciter peu de résistance en communiquant respect et accueil, d’encourager
l’usager à explorer ce qu’il vit et de permettre la construction d’une alliance thérapeutique.
Le second principe s’appuie sur l’observation que l’être humain préfère et se sent mieux
lorsque son comportement est cohérent avec ses buts, ses croyances, ses valeurs. Il y a
dissonance lorsque le comportement va à l’encontre des buts, des croyances ou des valeurs de
la personne. Le rôle de l’intervenant consiste à aider le patient à réaliser ses dissonances, ce
qui augmente les probabilités de changement.
19
La résistance est une préoccupation légitime du soignant, car elle prédit un manque
d’engagement dans le processus thérapeutique et conduit à de piètres résultats de traitement
(Miller et Rollnick, 2002). La résistance peut prendre plusieurs formes, par exemple, une
personne peut argumenter, interrompre ou ignorer le thérapeute, nier ou minimiser ses
problèmes. La résistance est fréquemment interprétée comme du déni ou un manque de
motivation de la part de la personne. La façon de répondre à la résistance est une
caractéristique clé de l’approche motivationnelle. Le thérapeute est entre autres invités à
concevoir la résistance comme un signal que la personne voit la situation différemment de luimême. (Miller et Rollnick, 2002; Miller, 1995b).
Le quatrième principe porte sur la nécessité de bien estimer et renforcer le sentiment d’être
capable de changer (auto-efficacité). Même si quelqu’un désire changer, il peut être immobile
tant qu’il n’estimera pas qu’il a les moyens pour effectuer le changement désiré. Le thérapeute
aura recours aux expériences passées de succès, utilisera le recadrage cognitif ou d’autres
techniques pour accroître les attentes d’auto-efficacité, construisant à partir des ressources du
patient.
20
PARTIE EXPLORATOIRE
Méthodologie
J’ai choisi d’utiliser une approche qualitative au moyen d’entretiens semi-directifs. En effet,
j’ai souhaité recueillir les informations de manière spontanée. En ce sens, l’entretien semidirectif m’est apparu comme le moyen l’outil le plus adapté.
Population du service :
Concernant le choix des services, j’ai sélectionné ceux qui sont directement en lien avec ma
question de départ à savoir les services du CSAPA de l’hôpital Clarac et de Trinité. En effet,
le CSAPA est la structure spécialisée dans le domaine des addictions. Je me suis entretenu
avec les infirmiers des services de l’ELSA, de l’ECIMUD et de l’unité de soins résidentiels.
Il m’a semblé pertinent dans un deuxième temps de faire le parallèle avec un service de
psychiatrie adulte où les infirmiers sont également confrontés à la dépendance au crack. C’est
pourquoi j’ai réalisé un entretien dans un service de psychiatrie afin de mettre lien les
réponses apportées en addictologie et en psychiatrie.
Choix des personnes interrogées :
Bien que la prise en charge au CSAPA soit pluridisciplinaire, j’ai réalisé les entretiens auprès
des infirmiers diplômés d’état afin de répondre à ma question de départ. Pour ce faire, j’ai
interrogé trois infirmiers. J’ai voulu également questionner leur vécu par rapport aux relations
souvent de longue durée qu’ils entretiennent avec cette population.
Les infirmiers du CSAPA avaient une expérience en service d’addictologie de 8 à15 ans.
L’infirmière de l’hôpital Maurice Despinoy exercice depuis plus de vingt années en service de
psychiatrie adulte.
Élaboration du guide d’entretien
Afin de réalisé mon guide d’entretien, j’ai commencé par définir les thèmes que je voulais
traiter. J’ai retenu trois thèmes principaux : les représentations du soignant, l’ambivalence au
changement de comportement, le rôle psychothérapeutique de l’infirmier.
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J’ai élaboré une série questions ouvertes et objectives, car je voulais avoir un réel échange
avec les soignants. Mon enquête a commencé par des questions d’ordre général puis s’est
terminée par des questions plus personnelles.
Mon outil d’enquête est basé sur le principe de l’anonymat et du volontariat des soignants
interrogés.
Déroulement des entretiens :
J’ai commencé par réaliser les entretiens au CSAPA. Ils ont été programmés un matin en
fonction de la disponibilité des soignants. Ils ont été réalisés au calme dans les bureaux de
soins et ont durée entre 25 à 30 minutes. Les infirmiers ont répondus de manière spontanée et
se sont montrés disponible. Au cours des entretiens, j’ai pu rebondir sur les propos recueillis
pour préciser la pensée ou réajuster mes questions.
L’entretien en psychiatrie
Analyse
Après avoir retranscrit les entretiens, j’ai élaboré une grille d’analyse pour chaque thème.
L’analyse permettre de mettre en évidence par thèmes les éléments de réponses pertinents
pour notre recherche. Les résultats seront comparés à notre cadre conceptuel.
Analyse :
Analyse par thème :
Profil des infirmiers en Addictologie
Les motivations soignantes à exercer dans un CSAPA
Relation soignant soignée
L’alliance thérapeutique
La prise en charge pluridisciplinaire
Les techniques de soin employé
La perception de la prise en charge
Les difficultés dans la relation de soins
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Les représentations soignantes du consommateur de crack
Hypothèse
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Conclusion
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Bibliographie
Ouvrages, revues
DiClemente C.C., Prochaska J.O. Self-change and therapy change of smoking behaviour: a
comparison of processes of change in cessation and maintenance. AddictBehav 1982 ; 7 (2) :
133-42.
Lépine J.P., Morel A., Paille F., Reynaud M., Rigaud A. Rapport : propositions pour une
politique de prévention et de prise en charge des addictions. Un enjeu majeur de santé.
Rapport au Ministère de la Santé et des Solidarités. 2006. 64 p.
Reynaud M. Traité d’addictologie. Paris, Flammarion Médecine-Sciences 2006 : 800 p.
Roques B. La dangerosité des drogues. Rapport au secrétariat d’État à la santé. Paris. Odile
Jacob 1999 : 320 p.
Sitographie
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Annexes1
Travail de fin d’étude
Entretien semi-directif
Question de départ :
Dans un service d’addiction, en quoi le rôle de l'infirmier peut-il aider le patient dépendant au
crack à surmonter les difficultés liées au sevrage?
Questions :
IDE
1. Que pouvez-vous me dire au sujet de la dépendance au crack ?
(Polyconsommation, publics accueillis : tranches d’âge, milieux sociaux, situation
familiale : célibataire, en couple, etc.)
2. Quel rôle joue le soignant dans la prise en charge de l’usager dépendant de crack en phase
de sevrage?
3. Quels sont les techniques thérapeutiques que vous utilisez ?
4. Pouvez-vous me parler des difficultés rencontrées pour mener à bien votre rôle auprès de
ces patients ?
5. Quelles stratégies mettez-vous en place afin de surmonter ces difficultés ?
6. Selon vous, quelle est la place de la rechute dans la démarche de soins du patient ?
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THÈME
SOUS THÈME
INDICATEURS
Représentation culturelle
Représentation
Représentation soignante
Personnalité des usagers
Pathologie
Le produit
Conséquence
Sociale
Manifestation clinique
Craving
Communication soignant/soigné
Refus de soins
Institutionnelle
Les différents services
Urgence
Les différents types de prise en
charge
À la demande du patient
Injonction thérapeutique
Place de l’IDE dans l’équipe
pluri professionnelle
Prise en charge
Rôle IDE
Relation soignant/soigné
Rechute
Expérience
soignant/spécialisation
Alliance thérapeutique
Techniques de soins
Stade de changement
Entretien motivationnel
Autres techniques
Situation familiale et sociale
Le soigné
Parcours de vie
(biographisation)
Cursus scolaire
Possibilité de réinsertion sociale
et professionnelle
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Lexique
Lexèmes
Pages
Émissaire du diable
Pierre du diable
Possédés
Produit des ténèbres
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