Chapitre 4 : les instruments de la politique du commerce extérieur Le débat libre échange / protectionnisme Il est plus que nécessaire d'assurer un cadre solide et actif au commerce international. Bien que le commerce soit une réalité ancienne ( les échanges internationaux ayant en effet commencé il y a 5000 ans entre l'Égypte et la Mésopotamie), le commerce international est une réalité beaucoup plus récente. Ce n'est qu'à partir du XIXe siècle, au moment de la révolution industrielle, et en raison du développement des moyens de transport et de communication que le commerce international a connu une ascension irréversible. Aujourd'hui, nous en sommes à l'heure de l'internationalisation de l'économie. Ce que l'on appelle "la mondialisation" correspond à une accentuation de ce phénomène d'internationalisation. La mondialisation de la production se caractérise par une évolution sans précédent du volume des échanges à partir de la seconde guerre mondiale -- en 1946 ce volume était de 100 milliards de dollars par an -- aujourd'hui il est passé à plus de 4 600 milliards de dollars par an. Quant à la mondialisation FINANCIERE, elle se traduit par une déréglementation de la circulation des mouvements de capitaux -- une circulation estimée à plus de 1 500 milliards de dollars par jour !! Dans un tel contexte, la question se pose de savoir dans quelle mesure les états ont encore la capacité de réguler l'ensemble du système et d'assurer son équilibre. Libre-échange ou protectionnisme ? Quelles sont les éléments du débat ? Politique de monnaie forte ou politique de monnaie faible ? Les états disposent-ils encore de toute leur liberté pour procéder à des modifications de parités ? Quelles sont les facteurs dont dépend la compétitivité industrielle d'un pays ? Nous examinons successivement ces différentes questions. I -- Les éléments du débat : libre-échange et protectionnisme. A -- Le protectionnisme. Le protectionnisme se définit comme un système économique dans lequel le commerce et d'industrie d'une nation sont protégés de la concurrence étrangère par des mesures gouvernementales. L'histoire économique des deux derniers siècles nous montre une alternance de période de libre-échange et de protectionnisme. Au XIXe siècle, la première révolution industrielle au centre duquel se trouve la Grande-Bretagne correspond à une période de libre-échange -- les premières mesures protectionnistes apparaissent à la fin de ce siècle en raison de la concurrence des États-Unis et de l'Allemagne. La première moitié du XXe siècle sera donc essentiellement marquée par des mesures protectionnistes et le phénomène ne fera que s'accentuer à partir de 1929. Depuis cette époque, tout se passe comme si « tout le monde se réclamait du libre-échange mais personne de le pratique » selon une formule bien connue. D'un côté les pays cherchent (où sont contraints) à ouvrir leur économie, et d'un autre les freins au développement du libre-échange sont encore très nombreux et la mondialisation présente à cet égard des dangers que beaucoup dénoncent. -- Droits de douane : il s'agit de mesures gouvernementales tarifaires consistant à taxer les produits importés. Les accords internationaux cherchent à les limiter et nous verrons plus tard que l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT, dispose de pouvoirs assez importants pour éviter les abus des états dans ce domaine. Les droits de douane présentent l'avantage d'augmenter les ressources fiscales de l'état et d'augmenter le prix des produits importés ce qui freinera leur demande. - Les quotas d'importations ou contingentements : -- il s'agit ici de limiter quantitativement les importations. Les quotas peuvent prendre la forme soit de quotas d'importations avec délivrance de licence d'importation, soit d'accords qualifiés d'accords d'autolimitation. -- notons qu'aujourd'hui le protectionnisme prend des formes de plus en plus déguisées : -- instauration de normes techniques, normes de sécurité, normes sanitaires, destiné à accentuer la protection des productions nationale. On peut aussi exclure systématiquement les entreprises étrangères des marchés publics. -- le protectionnisme peut également être très agressif -- c'est le cas lorsqu'il prend la forme de subventions aux productions nationales voire même de subventions aux exportations pour combler le manque de productivité des entreprises nationales. La bataille est très féroce entre les USA et l'Europe sur ce sujet -- les USA accusent les Européens de verser des subventions trop importantes aux agriculteurs et les Européens accusent les USA de pratiques équivalentes. Nous détaillerons cette question lorsque nous étudierons le fonctionnement de la Politique agricole commune. Le protectionnisme tend aujourd'hui à se régionaliser -- l'Union Européenne apparaît aux yeux de beaucoup d'observateurs comme un gigantesque instrument de protectionnisme mais à l'intérieur duquel (paradoxalement ?!) la liberté des échanges est assurée. En bref, le protectionnisme reste très « à la mode » malgré tous les discours prônant le libre-échangisme. D'une manière générale, il est courant de justifier les pratiques protectionnistes de la manière suivante : -- tout d'abord, les mesures protectionnistes peuvent améliorer le niveau de l'emploi. À court terme, l'adoption de mesures protectionnistes peut se traduire par une multiplication de revenus au niveau national (multiplicateur keynésien) donc se traduire par des créations d'emplois. Cet argument a été, bien entendu, très critiquée par les économistes du courant monétariste. -- le protectionnisme aide les industries naissantes ou les secteurs en restructuration à s'appuyer sur le marché national pour atteindre dans un second temps un niveau de compétitivité suffisamment significatif pour pouvoir « se placer » sur les marchés à l'export. Adam Smith lui-même n'excluait pas tout recours au protectionnisme dès lors qu'il s'agissait de protéger des industries dans l'enfance. -- le protectionnisme peut assurer la sécurité nationale dans la mesure où la trop grande spécialisation d'un pays dans des productions limitées risque de nuire à son indépendance en cas de conflit. B. -- le libre-échange. Les partisans du libre-échange adressent de nombreuses critiques aux protectionnistes. Nous avons déjà évoqué dans les chapitres précédents( fondements du commerce international) les théories de Smith, Ricardo, Hecksher, Ohlin et Samuelson. Nous avions également évoqué les observations paradoxales relatives à la configuration des échanges internationaux. Le 1er argument en faveur du libre-échange est donc d'ordre purement théorique. Les théories classiques du commerce international servent encore de référence même si, depuis les années 80 de nouvelles théories les contredisent quelque peu. Les nouvelles théories du commerce international tiennent davantage compte de l'exacerbation de la concurrence sur certains marchés mondiaux et des rivalités entre grandes entreprises, pays ou régions -- d'après ces nouvelles théories, la nature du commerce international s'explique plus par des logiques d'affrontements que par des logiques d'avantages comparatifs. Le deuxième argument consiste à dire que toute mesure protectionniste entraîne de la part des autres pays des mesures de rétorsion. De ce fait, la réduction des importations risque d'entraîner une chute des exportations donc un ralentissement global de la croissance. Les partisans du libre-échange évoquent également le fait que le protectionnisme entraîne une baisse de la qualité des produits en empêchant une confrontation stimulante avec les entreprises étrangères. Par ailleurs, le protectionnisme, en évitant aux producteurs nationaux d'aligner leurs prix sur le niveau mondial, est facteur de hausse des prix. En bref, pour certains, l'abus de mesures protectionnistes risque de ralentir la croissance et d'accentuer les phénomènes inflationnistes. Quelles sont les enseignements que nous pouvons finalement tirer de ce débat ? Remarquons tout d'abord que les biens de bien-être résultant d'une libéralisation des échanges sont globalement peu significatifs dans la majeure partie des cas. Les consommateurs bénéficient-ils réellement d'une augmentation de pouvoir d'achat grâce au développement du libre-échange ? Cette controverse a opposé en France, Maurice Allais et les économistes de l'OECE. Pour l'union européenne, le Japon, et les États-Unis, les gains associés au libre-échange sont peu importants -- en revanche, pour certains pays en voie de développement, le développement du libre-échange est un échec total. Il est donc loin d'être prouvé que la libéralisation commerciale peut profiter à tous. Certains pays restent durablement exclus des échanges mondiaux. II - La modification des parités Notions de dévaluation et réévaluation -- rappel. A -- la dévaluation. Une dévaluation est une mesure gouvernementale consistant à abaisser le cours d'une monnaie nationale de manière à stimuler les exportations en volume donc à rétablir l'équilibre du commerce extérieur. La dévaluation s'inscrit dans le cadre d'une politique de monnaie faible. Il s'agit donc d'une modification artificielle de parité. De très nombreuses dévaluations ont été pratiquées pendant la période des trente glorieuses. Aujourd'hui, l'internationalisation de l'économie rend le procédé quelque peu risqué dans la mesure où une dévaluation risque d'aboutir à l'inverse des objectifs recherchés. Si une dévaluation permet d'améliorer la compétitivité prix des produits nationaux à l'étranger, elle porte en elle risque d'alourdir le prix des importations. Or certaines importations sont incompressibles ou quasi incompressibles (pétrole par exemple). Les coûts de production des entreprises s'en trouveront alourdis et elles répercuteront inévitablement cet alourdissement sur leur prix de vente. Toute dévaluation comporte donc intrinsèquement un risque inflationniste. Les états craignent l'inflation et la dévaluation n'est plus guère utilisée en tant qu'instrument de politique du commerce extérieur. La dévaluation est un instrument utilisé dans le cadre d'une politique de monnaie faible. B -- la réévaluation. Il s'agit en quelque sorte de l'inverse d'une dévaluation. La réévaluation est une mesure gouvernementale consistant à augmenter le cours d'une monnaie nationale de manière à alléger le coût des importations et à favoriser les investissements directs à l'étranger. Il s'agit donc de faciliter le placement des capitaux nationaux à l'étranger. À l'inverse de la dévaluation, la réévaluation s'inscrit dans le cadre d'une politique de monnaie forte et semble lieux s'adapter à un contexte d'internationalisation croissante des marchés. III - La compétitivité de l'industrie L'adoption de mesures protectionnistes et la manipulation des taux de change sont finalement des instruments qui risquent d'entraîner des effets pervers c'est-à-dire contraire aux objectifs recherchés. Les Etats cherchent plutôt à limiter leurs mesures protectionnistes à des situations conjoncturelles particulières -quant aux dévaluations monétaires, elles semblent avoir perdues aujourd'hui de leur efficacité. Finalement, l'équilibre extérieur d'un pays ne peut s'appuyer à long terme que sur la compétitivité de son industrie. Cette compétitivité dépend de plusieurs facteurs : -- le niveau de productivité du facteur capital qui est directement relié à la qualité et à la quantité des investissements. -- le niveau de productivité du facteur travail qui dépend, quant à lui, du niveau de formation des individus, et de l'adaptation des qualifications aux besoins de l'industrie et de l'organisation du travail dans les entreprises. -- l'importance de l'innovation. -- la mise en oeuvre de stratégies pertinentes et de démarches "qualité" dans les entreprises, etc....