Chapitre 1. Introduction à la sociologie politique. L’un des premiers obstacles à considérer dans les sciences sociales, et a fortiori pour la politique, c’est l’écart entre ce que l’on peut mobiliser spontanément comme réflexion concernant la société etc…, et ce qu’on peut comprendre des observations des chercheurs qui étudient le fait social (quelles façons de faire ? quelles manières de penser ?). Qu’est-ce qui est mis en branle dans entre les cadres d’analyse dont on est porteurs et ceux que la sociologie apporte, en tant que science ? NB : on ne parle pas de la même façon de génétique ou de sociologie politique, cependant il y a bien un tas de concepts spécifiques à la sociologie comme pour toute science. NB : un des problèmes de la sociologie : l’obstacle majeur dans l’analyse sociologique c’est la confrontation à des réalités qui sont déjà nommées par tout un chacun. Cela peut faire croire que leur simple énoncé explique déjà ce que ça recouvre. Ce que nous pensons connaître et comprendre est un obstacle aux réflexions sociologiques, d’autant plus que nous vivons dans la société que l’on étudie. On est notre propre sujet d’étude, en gros. C’est un problème car notre réflexion est alors polluée par un tas d’idées préconçues, de préjugés, de représentations qui gênent la réflexion « pure ». Les connaissances, convictions, expériences dont nous sommes porteurs influent sur notre réflexion sociologique sur la société qui nous entoure. Position à adopter « lâcher-prise », « déconstruction » = s’extraire de nos idées habituelles et de nos préconçus sur le monde qui nous entoure Cela s’applique d’autant plus à la politique, car nous sommes sans cesse baignés dans un flot d’informations plus ou moins politiques. On en a alors une appréhension plus ou moins nette en fonction de notre vécu personnel, si on est militant ou non, si on connaît des militants ou non… Il y a donc un certain rapport à ce domaine en fonction de notre vécu. Analyse sociologique : se situer dans une position analytique, dans une conception de la sociologie qui pose le pb des relations sociales dissymétriques, inégalitaires, et des tensions qui se déploient dans l’existence des hommes marqués par des rapports sociaux liés à la domination. Max Weber pose le pb fondamental de la domination. Bibliographie : - Weber, Le métier du politique, in Le savant et le politique - Bourdieu, Propos sur le champ politique Norbert Elias, sociologue allemand, s’est beaucoup intéressé au « procès de civilisation », cad aux processus d’évolution des sociétés qui conduisent à en arriver à ce qu’on appelle couramment « civilisation ». Il prône un effort particulier pour se défaire de l’actualité et des influences de notre vie lorsque l’on étudie la société. Article en 1987 dans la revue Genèse Le retrait des sociologues dans le présent. Comment se fait-il que, le plus loin possible que l’on remonte dans l’Histoire des sociétés, nous soyons en présence de groupes qui réussissent à capter le pouvoir et des positions qui les rendent dominants sur les autres ? comment expliquer que ces groupes aient réussi à occuper de telles positions de manière durable ? et que les positions occupées s e transmettaient de façon héréditaire ? y-a-t’il « transmission » ou « reproduction » « biologique » du pouvoir chez les dominants ? si ces groupes obtiennent des positions dominantes, c’est toujours à travers des conflits, des luttes plus ou moins visibles : luttes pour consolider les positions dominantes contre des groupes moins forts politiquement et moins organisés. Est-ce que ça continue, et comment, avec le début et le développement de la « démocratisation » ? Pourquoi des groupes dominent-ils ? Pourquoi les « sphères dirigeantes » gardent-elles un pouvoir solide et si difficile à entamer ? On va comparer les situations à travers le temps (en diachronie) et voir l’évolution au cours du temps depuis longtemps pour pouvoir essayer de tirer des conclusions. Ancienne Mésopotamie dans le pays Sumer, comment passe-t-on du stade de clan, de tribu, à celui de Ville-Etat / Cité-Etat ? Quel est le moment fondateur, le point de passage à la société étatique ? Le passage des villages tribaux à des Villes-Etats est dans l’Histoire des sociétés l’une des plus grandes transformations des sociétés humaines. Il y a alors une très forte différenciation des fonctions des membres de la communauté et des activités assumées par ceux-ci. Elias situe l’accentuation de la forme de la forme différenciée de la société en pays Sumer au moment de la naissance de la Ville-Etat. Liens de plus en plus nombreux entre les gens, alors qu’ils étaient plus simples et plus rares pendant le mode d’organisation tribale. Un nouveau mode de vie s’impose, un nouveau modèle de contrôle des autres et de soi-même. Une certaine distance sociale (inconnue au stade précédent) va se déployer. - au stade tribal, globalement la répartition se fait par sexe et par âge - au stade Ville-Etat la répartition va pénétrer toutes les strates de la société. Il y a séparation très nette entre les producteurs de la matière première (cultivateurs…) et les autres. On trouve alors des unités territoriales à beaucoup plus fortes densités : apparition de groupes spécialisés qui ne produisent plus car un groupe fait cela exclusivement le groupe cultivateur peut même produire un surplus alimentaire (ce qui n’était pas le cas dans le mode d’organisation tribal), pendant que les autres se spécialisent dans d’autres activités (travail des matières premières pour fabriquer d’autres choses…). C’est la naissance des villes spécialisation des groupes humains naissance de la forme de la société-Etat. Il s’agit d’extraire sous la contrainte, par l’exploitation d’un groupe humain spécialisé dans cette tâche, un important surplus alimentaire, et en contrôler la production comme la distribution. Développement de la forme étatique. Un groupe va dominer la scène sociale. Ce sont les prêtres qui ont le pouvoir par l’écriture et la comptabilité de contrôler beaucoup de choses dans la société (notamment au niveau des distributions de nourriture par exemple). Ce sont les détenteurs de la connaissance, cad des « moyens d’orientation ». Pour Elias, pendant longtemps on a analysé ça en système économique. Ce serait le surplus économique qui vient du surplus agricole qui aurait permis la nouvelle organisation de la société. Il met en cause le schéma qui met l’économie au cœur de tout et en fait le primat de l’analyse sociologique. Elias pense que Marx a apporté une avancée décisive, mais que cette façon d’envisager les choses ne rend pas assez compte de l’évolution des sociétés sous les autres aspects. Il n’y a pas eu simplement transformation de village en villes, mais la transformation est allée jusqu’à la création de villes-Etats, ce qui est une étape supplémentaire dans l’évolution des sociétés. Donc on peut en déduire qu’il y a d’autres phénomènes que les phénomènes économiques en jeu. En effet, on voit peu à peu apparaître des fonctions sociales spécialisées dans la vie sociale. Question : quels sont les détenteurs de fonctions (fonctionnaires sociaux) qui détenaient le moyen de contrôler les paysans (groupe spécialisé producteur) pour qu’ils produisent plus ? On en revient au rôle des prêtres (la ville se développe autour du temple), et on découvre le rôle du dirigeant politique (la ville enserre aussi le palais du monarque). Les groupes dirigeants sont alors les prêtres et les guerriers. I. L’analyse sociologique de la politique selon Max Weber. A lire : conférence de 1919 (voir plan de cours), Economie et Société + Histoire économique – esquisse d’une histoire universelle de l’économie et de la société. Dans cette conférence de 1919, il précise sa conception du politique : « qu’entendons-nous par politique ? Le concept est vaste et embrasse toute les activités d’autorité autonomie […] nous entendrons par politique uniquement la direction du groupement politique que nous appelons « Etat » ». C’est une activité qui se concentre dans la direction, il s’agit de diriger un groupement politique, le plus emblématique, c’est l’Etat, tel que Norbert Elias avait pointé son surgissement. A propos de groupements, Weber, dans économie et société, définit tout un ensemble de concept fondamental de l’analyse sociologique : un groupement est une forme caractéristique de relation sociale, mais qui est d’autant plus clair qu’il s’agira de maintenir un certain ordre au sein du groupement en question, le maintien d’un ordre qui sera garantit par un certain nombre de personne qui prennent en charge cette fonction et la plupart du temps, il s’agira de considérer un pouvoir directorial, ou une direction administrative. Weber explique toute une série de nuance. La caractéristique suffisante, c’est qu’il existe une direction, que celle-ci soit occupée par un chef de famille, …l’activité est mise sous la coupe d’une fonction, d’une dimension de direction. Du point de vue du groupement politique, Weber va insister sur la dimension de territoire et sur une notion assez étrange d’entreprise. « Nous dirons d’un groupement de domination qu’il est un groupement politique tant que et lorsque […] déterminable sur un territoire et […] usage de la force physique par la direction ». Dans le cas du groupement politique qui est l’Etat, c’est une entreprise politique de matière institutionnelle et qui a pour particularité de monopoliser la contrainte physique. Du point de vue d’un sociologue, qu’es qu’un Etat ? L’Etat ne se laisse définir sociologiquement que par le moyen spécifique qui lui est propre, à savoir la violence physique. « Tout Etat est fondé sur la force disait Trotski […] monopole de la violence légitime physique, ce qui est en effet le propre de notre époque, c’est qu’elle n’accorde le droit de recourir à la violence que lorsque l’Etat le tolère » par conséquence, nous entendrons par politique, l’ensemble des efforts que l’on fait en vue de participer au pouvoir ou d’influencer la répartition des pouvoirs soit entre les Etats, soit entre les divers groupes à l’intérieur d’un Etat. » (Citation pas complète) L’Etat est le lieu emblématique des luttes en vue de monopoliser certaines fonctions. Le politique va se condenser dans les efforts dans l’entreprise de domination qui consiste à garder le contrôle de cette forme Etat, et l’Etat a pour propriété historique particulière d’être parvenu à monopoliser la violence physique : police, armée, justice. (Fonction régalienne) L’Etat occupe une place centrale dans la politique. Dans la conférence de 1919, Weber considère que comme tout les groupements politiques ayant précédés l’Etat, nous avons à faire, l’Etat consiste en un rapport de domination de l’Homme sur l’Homme fondé sur le moyen de la violence légitime (càd la violence considérée comme légitime). L’Etat ne peut donc exister qu’à la condition que les hommes dominés se soumettent à l’autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs. » Idée de domination et dimension de la légitimité. Domination : dans économie et société, il explique ce concept. Il va proposer le concept de puissance qui est différent et qui est toute chance de faire triompher sa propre volonté dans un groupe. La domination signifie : la chance qu’on a de trouver des personnes déterminables prêtes à obéir à un ordre. Il faut davantage préciser que le terme de domination ne peut signifier que « la chance pour qu’un ordre rencontre une docilité ». la domination présuppose de la part de ceux qui la subissent, explicitement ou non, un acquiescement, une acceptation. Un certain nombre de dispositions qui se construisent dans l’éducation, … qui explique que nous ne soyons pas en révolution permanente. Légitimité : Weber précise qu’il est essentiel de saisir l’intérêt intérieur ou extérieur qu’il y a à obéir. Il souligne l’existence d’un minimum de volonté d’obéir. Les moyens de la domination : - les intérêts matériels ou économiques - les intérêts affectueux - les intérêts rationnels À ce stade, et à propos de la légitimité, ce qui est décisif à ces yeux, c’est la croyance des individus en la légitimité. Il y a trois types de domination légitime, et on peut distinguer la légitimité qui revêt un caractère rationnel, càd qui renvoi à la raison, mais la domination rationnelle repose sur la croyance en la légalité du droit, en la légalité des règlements qui sont arrêtés, mais surtout en la légalité du droit dont dispose un certain nombre d’individus qui sont habilités à donner des directives, donc qui peuvent exercer de ce point de vue la domination légale rationnelle. Autre type : caractère traditionnel qui repose sur la croyance quotidienne en la valeur de tradition, en la sainteté de tradition, valable de tout temps, et donc de la légitimité de ceux qui sont habilités à exercer la domination par ce moyen. Exemple : le chef de famille jouissait de la domination traditionnelle 3e : caractère charismatique qui repose sur la soumission extraordinaire au caractère sacré ou à la vertu héroïque, voir la valeur exemplaire d’une personne. Exemple : De Gaulle On peut ajouter dans le cadre de la domination légale rationnelle, la plupart du temps on accepte les ordres d’un personnel considéré comme objectif, alors que dans la domination traditionnelle, on obéit à une personne détentrice du pouvoir transmis par la tradition, et dans la domination charismatique, on obéit au chef par le biais d’une confiance personnelle. La domination, dans la sociologie de Weber, est centrale pour rendre compte des rapports sociaux. Sa sociologie est fondamentalement une sociologie de la domination qui nous renvois à une essence des relations sociales, à une dynamique sociale, un ensemble de processus. Un travail, une activité sociale dont il importe de saisir le caractère. Dans la définition sociologique de l’Etat, il explique que c’est un rapport de domination de l’Homme sur l’Homme, et ajoute que le politique est « l’ensemble[…] » Ce qu’on doit saisir ici, c’est l’ensemble des forces. Mobilisation continuelle en vue de faire reconnaître la domination, le bien fondé de celle-ci. Des efforts conduites par des hommes à destination d’autres en général plus nombreux : la masse, le peuple, la nation. Donc, ce qui doit pouvoir être expliciter, c’est cet ensemble d’effort fait en vue de. Pour caractériser cet ensemble d’effort, ce « travail social » ( Durkheim), Weber emploie le terme d’entreprise de domination. Aujourd’hui cela a une connotation économique, mais c’est loin d’être cela chez Weber, quoique la liaison ne soit pas s’y éloigné que cela. Il y a des articulations à faire entre l’entreprise et l’entreprise politique. Pour simplifier, dans le concept d’entreprise, il faut retenir le caractère continu d’une activité que l’on va rapporter à une finalité que l’on se donne. Lorsqu’on aura à faire à un groupement organisé en entreprise, nous retrouvons la direction, mais une direction administrative qui a un caractère continu et ce qui est frappant, c’est que cette dimension va aussi bien fonctionner pour des activités politiques, associatives ou religieuses,… La domination politique consiste donc en une entreprise de domination conduite par des hommes singuliers qu’il s’agira de caractériser, d’hommes que l’on peut qualifier d’entrepreneurs politiques, comme il y a dans l’économie des entrepreneurs économiques. « toute entreprise de domination qui réclame une continuité administrative exige d’une part que l’activité des sujets s’orientent de façon d’une obéissance au maître qui prétendent être « détenteur de la violence légitime » et d’autre part de détenir des moyens matériels de gestion. Suite de socio pol : fin du cours du 23 octobre 2008-11-06 Entreprise de domination : - pour qu’elle se déploie il faut une continuité administrative (Etat en place) : assurée par un état-major - il est nécessaire d’obtenir l’accord des membres de l’état-major - il faut des moyens matériels, financiers, pour pouvoir exercer le monopole de violence physique Sur quoi va se fonder l’obéissance de ces individus ? Comment compter sur leur implication ? Et cela dans la durée ? Weber considère ici le fonctionnariat spécialisé (haute fonction publique). La rétribution matérielle et l’honneur social de ces fonctions assurent au gouvernement la sincérité du sujet, et par là la garantie de la continuité du travail tel que l’exige l’Etat dans son entreprise de domination. Weber rassemble des éléments de l’Histoire. Pour lui, le démagogue c’est celui qui touche à la dimension constitutive du politique. Weber précise quelles sont les conditions pour ne pas mettre en péril l’Etat de domination (parallèle entre Etat économique et Etat politique). Référence à Marx : certains détiennent les moyens de productions et d’autres n’ont que leur force de travail. Nature de l’état-major : il est indispensable à la continuité et à la pérennisation de la domination. Avec la nationalisation des activités sociales s’est imposée la domination nationale. Dans le cadre de ce que pointe Weber, cela concerne aussi le politique. Cela se maintient grâce à l’activité spécifique que produit l’administration bureaucratique. Weber pose la question de la bureaucratie. La domination moderne (légale) peut se consolider grâce à l’intervention de cette direction administrative bureaucratique. Direction administrative bureaucratique : elle s’applique aussi bien au sujet des activités économiques de profit que des activités économiques charitables (Eglise) ou de n’importe quelle activité. Choix entre bureaucratisation et dilettantisation de l’organisation : résultante de l’Histoire on s’appuie sur la codification de règles de fonctionnement et de connaissances spécifiques cela permet l’impersonnalisation. Pour caractériser l’Etat de domination il y a un parallèle constant entre Etat politique et Etat économique. Selon Weber, nous sommes historiquement face à un processus d’expropriation politique : séparation entre professionnels de la politique et les autres. On peut aussi affirmer que l’expansion du capitalisme est impossible sans Etat national. La politique n’est pas l’affaire de tous, elle est devenue l’affaire d’un groupe qui s’est spécialisé dans la politique. Ces hommes se sont d’abord mis au service des princes. Leur travail a abouti à l’Etat de domination politique. Ils sont les artisans de l’expropriation politique qui s’est faite à leur profit. Ils ont trouvé un sens moral à leur existence. Weber insiste sur la question économique : s’agit-il de vivre pour la politique ou de la politique ? cette question renvoie au problème du recrutement des classes dirigeantes. Ploutocratie : gouvernement par les plus fortunés Weber permet de poser des questions essentielles : il va plus loin puisqu’il souligne l’analyse historique qui l’y conduit : connaître l’histoire des partis puisque ce sont eux qui recrutent et forment les dirigeants. Parmi les ancêtres des hommes politiques, il y a les lettrés, les clercs, la noblesse de cours, les juristes, les avocats (noblesse de robe)… Un enjeu fondamental est de distribuer les emplois : on est là au cœur même des luttes pour la domination. Weber évoque la représentation : nous sommes dans les démocraties occidentales dans un système de représentation : les représentants figurent le peuple, les citoyens. Weber rappelle la diversité des modèles de représentation. Il distingue 4 types de représentation. La représentation appropriée, la représentation par mandat, la représentation libre, la représentation d’ordre. Ce n’est pas la représentation en elle-même qui est propre à l’occident, ce qui est spécifique c’est la figure des représentants et la réunion de ceux-ci dans des corps parlementaires. Explication par weber de la disparition de la représentation par mandat : aujourd’hui la représentation qui domine est la représentation libre. Nous élisons de manière libre les représentants, cad que nous leur laissons le champ libre pour prendre les décisions dans leur assemblée, ce qui s’oppose à la représentation par mandat, cad sur une orientation précise ds une configuration précise, et cette orientation ne doit pas changer. Economie et société : les types de domination : paragraphe domination : voir la série de caractérisations relatives à chaque type de représentations. Weber fait une sorte d’inventaire de toutes les sortes de représentation. Représentation par mandat (elle est liée) : mandats impératifs et droit de rappel qui est liée à l’acceptation des citoyens représentés. Aujourd’hui ce type se trouve dans les démocraties de conseils, démocratie directe, donc impossible dans les représentations de masse selon weber. Actuellement la forme dominante est la représentation libre : le représentant en règle générale élu n’est pas responsable de ses choix devant les électeurs il ne doit se soumettre qu’à ses propres choix et est son propre juge. Donc les électeurs sont les sujets se choisissant un maître et non pas des citoyens déléguant quelqu’un pour porter leur voix. La logique de la représentation qui devrait revenir à l’expression du libre choix des électeurs devient le fait de se dessaisir du pouvoir réel en le remettant entre les mains d’un représentant qui n’est pas redevable. La disparition du mandat impératif date du moment où le roi convoquait des Etats Généraux et demandait que les délégués puissent voter comme ils veulent et par exemple pour les propositions du roi, afin que les mandats impératifs ne provoquent pas l’obstruction de ces institutions. Catherine Colliot-Thélène : le désenchantement de l’Etat – de Hegel à Max Weber (Editions de minuit, 1992). La sociologie politique de max weber est largement une sociologie de la domination cas une sociologie qui situe le propre de l’activité politique dans l’organisation d’une relation sociétale qui est irréductiblement dissymétrique. Cela n’empêche pas Weber de prêter attention à ce qu’on appelle la démocratie directe. Elle est pour Max Weber non pas le rejet et l’éviction de la domination mais elle est pour lui une version minimale de la domination. Il y a selon lui dans la démocratie directe une domination qui ne s’avoue pas comme telle. Par ex : le fait que la direction administrative se présente comme le serviteur des dominés ne veut pas dire qu’elle n’exerce pas un minimum de domination sur ceux qui les ont choisis. Eléments de caractérisation de la démocratie directe : - brièveté des fonctions de représentation - droit de rappel des représentants : possibilité des électeurs de faire cesser le mandat du représentant - principe de rotation des charges - mandat impératif - obligation pour les mandataires de rendre des comptes devant leurs mandants - faible extension géographique et démographique des groupements concernés - une différenciation sociale faible une limite très forte à la division du travail, à la variation des positions occupées par les individus… - des tâches administratives simples et stables Ces conditions sont reconnues par bcp de théoriciens pour la possibilité effective d’une « démocratie directe ». Si max weber considère utopique l’idée de renier et d’annuler la domination de l’homme sur l’homme, ce n’est pas parce qu’il met en avant les préjugés traditionnels des adversaires de la démocratie. Il souligne comme d’autres le caractère extrêmement restrictif des conditions nécessaires pour installer une véritable démocratie directe. Maw Weber donne en exemple la ville américaine dans sa construction historique ou le canton suisse, et dit que c’est les cas limites pour l’instauration d’une gestion en démocratie directe. L’exercice de la démocratie directe s’avère donc matériellement quasi impossible pour des raisons matérielles notamment. Il va de soi qu’à l’échelle de l’Etat-Nation, cad du groupement politique en Etat-Nation, il y a une indéniable incompatibilité par rapport à ce type d’administration. Considérer le cas de la démocratie directe présente un intérêt réel. Ce n’est pas quelque chose comme un prototype ou un point de départ idéal qui se serait développé et se serait au fil du temps perverti. Dans la vision de Weber c’est un cas limite en terme de typologie : la domination y est minimale, elle y est masquée, mais elle a du coup une valeur heuristique. Elle aide à comprendre ce qui est en jeu dans les systèmes de représentations. On peut lire en creux dans l’instabilité de cette organisation les raisons qui rendent inévitables la domination. En même temps, on devine par anticipation les types les plus abstraits de cette administration démocratique. Ce qui va être décisif au plan de la domination, cad au plan de ce qui constitue l’opposition entre dominants et dominés, c’est deux dimensions : le temps libre d’une part et la formation spécialisée d’autre part. Le temps libre dont peuvent disposer les possédants, les notables, les amène à prendre en charge les fonctions administratives de coordination et se saisissent ainsi du pouvoir. La démocratie directe devient pouvoir des notables. Cela s’est produit non pas parce que les possédants seraient nécessairement supérieurs mais parce qu’ils sont disponibles et ont le temps de prendre en charge autre chose que leur profession. Cf Engels : L’anti-Dühring : tant que la classe laborieuse ne peut se libérer du travail et prendre sa destinée en main, il faut une classe particulière qui prend en charge les affaires de la société. Cette classe possédante n’a jamais d’ailleurs manqué d’augmenter le temps de travail des travailleurs pour son propre profit. La formation spécialisée garantit à long terme la victoire des professionnels de la politique sur les « amateurs » des classes non favorisées. Présupposés de la démocratie selon Weber - on peut penser qu’on part d’une égale qualification de tous pour prendre en charge et diriger les affaires publiques l’analyse du fonctionnement concret des sociétés modernes démontre pour Weber que c’est irréaliste. - On tient pour possible la minimisation du pouvoir de commandement des dirigeants dans un régime démocratique, on laisse accroire que le pouvoir possédé par les dirigeants est minimisé. Cela pourrait s’entendre comme un horizon revendicatif, cad qu’on poserait des limites au développement des pouvoirs de la bureaucratie d’Etat. Weber est le premier analyste qui considère qu’il est pour le moins difficile sinon impossible de limiter, de contrôler, la croissance inéluctable de la bureaucratie ou du « fonctionnariat étatique ». Pour Weber il n’y a pas d’indépendance entre pouvoir politique et pouvoir économique. Il y a « interdépendance » entre les deux univers. Statut spécifique de l’Etat comme groupement politique chez Weber. Pour Weber on ne peut comprendre réellement ce qui a trait à la politique si on ne regarde pas particulièrement le cas de l’Etat. C’est un bon analyseur de ce qui se joue en politique et à propos du politique. Du point de vue sociologique, quand on s’intéresse à l’Etat il s’agit de donner une analyse de l’Etat et des discours qui sont tenus sur l’Etat. Qu’apporte Weber ? Il ne conçoit pas de définir la politique comme une institution ou un activité indépendamment de son accomplissement dans l’Etat. La démarche de Weber est très originale, même risquée : il s’agit de caractériser de manière empirique la politique, de la caractériser de manière la plus concrète possible, abstraction faite de toutes fins (objectifs) politiques. C’est exactement ce que Pierre Bourdieu conçoit quand en sociologue il suggère d’analyser la politique non politiquement mais sociologiquement. Weber a voulu montrer la distinction historique entre Etat et groupement politique. Ce qu’il parvient à faire valoir c’est l’existence de groupements politiques avant qu’ils ne prennent la forme Etat. Comme cette forme Etat s’est finalement imposée, on a bien dans l’Histoire une antécédence de la politique vis-à-vis de l’Etat, et c’est bien dans cette forme dernière qu’est l’Etat qu’il convient de focaliser l’analyse. Les trois types de légitimité : - traditionnelle - charismatique - légale rationnelle Qu’est-ce qui caractérise la théorie de Weber au sujet de la légitimité ? Si Weber rejette l’acceptation dominante de la politique quand celle-ci est formulée en termes de valeurs ? La domination implique commandement et obéissance. On peut isoler deux modalités qui se déploient : d’une part l’obédience des membres de l’état-major administratif vis-à-vis de leur chef, et d’autre part l’obédience de la masse des individus vis-à-vis du groupe que constituent les précédents. On peut dire que les formes de la domination varient selon les configurations de ce double rapport. Ces formes de domination sont indissociables d’un phénomène qu’on a déjà mentionné, cad de la croyance partagée par ceux qui tirent avantage de la situation comme par ceux qui sont dominés en la légitimité de cette forme de domination. Pour comprendre comment une relation de suggestion peut être durable, comment elle se consolide en une société, on ne peut pas s’en remettre à la contrainte pure. Pour Weber, des motivations « psychologiques » diverses contribuent à rendre les dominés dociles, à faire qu’ils acceptent l’ordre social qui leur est imposé. Les individus ont intérêt à la pérennisation du système : ils ont des intérêts affectifs, des intérêts idéaux, des intérêts rationnels ou de valeur, des intérêts matériels. D’autre part la « routine du quotidien » pèse sur les dominés qui acceptent parce que c’est comme ça et pas autrement. Tous ces motifs ne peuvent pas par leur seule force établir les fondements certains d’une domination. A cela doit s’ajouter la reconnaissance de sa validité. Ce n’est pas une critique idéologique ni une recherche de ce qui est juste ou injuste. Ce que Weber cherche à mettre en lumière c’est le caractère différencié de la domination selon les principes de légitimation dont la domination se réclame. Ces principes ne sont pas qu’une affaire de spéculations idéologiques, c’est parce que du point de vue des situations de dominations observables on peut repérer des différences réelles. La validité d’un ordre social est un des moments constitutifs de cet ordre. Pour cette raison même, elle est un principe de différenciation. [NB : Bourdieu soulignera que la domination au fond ne parvient à s’imposer durablement que dans la mesure où elle se rend méconnaissable et n’apparaît pas comme telle. La force ne peut s’imposer que dans la mesure où elle arrive à obtenir la reconnaissance qui n’est que la méconnaissance de sa nature même. Des pouvoirs fondés sur la force physique ou économique ne tirent leur légitimité que d’un pouvoir qui se dit à l’opposé de la force physique.] Weber a présenté 3 caractères possibles de la validation de la domination : il y a 3 formes de croyances, qui sont le fondement même de la validation de la domination sociale. Pourquoi 3 ? Pourquoi celles-ci ? L’intérêt est de gagner en connaissance au fond, des formes pures, des types-idéaux. On veut mettre en place les traits caractéristiques de la domination légale, ou direction administrative bureaucratique, cad pleinement réalisée dans l’Etat moderne occidental. La domination charismatique et la domination traditionnelle n’ont de force qu’avec la domination légale. Il y a 2 autres critères de différenciation. 1) opposition entre sujétion à la règle et sujétion à la personne dans le cas de la domination légale, l’obéissance s’adresse aux règles et non à la personne. C’est la règle de l’impersonnalisation des relations. Dans les deux autres cas, nous sommes renvoyés à l’autorité personnelle du dominant. S’opposent ici et de façon radicale la forme personnelle de la sujétion et impersonnalité des rapports de domination modernes. Cette impersonnalité c’est précisément ce qui constitue l’objectivation des relations sociales, cad l’un des aspects de la rationalisation qui commande l’avenir et le destin de la modernité. L’interprétation de Weber tend à rapprocher la domination traditionnelle et la domination charismatique pour mieux les éloigner de la domination légale. Dans cette dernière non seulement les membres de la société qui obéissent aux chefs obéissent non pas à sa personne mais à des règles, et ce chef lui-même s’en remet à ces règles. Dans le cas de la domination traditionnelle, celui qui a le pouvoir est un seigneur personnel. Quand il est entouré d’un état-major, il est constitué de serviteurs attachés à sa personne et non des fonctionnaires. C’est la fidélité des serviteurs à la personne du chef qui détermine les rapports de pouvoir. On n’obéit pas à des règles mais à la personne qui porte le pouvoir par la tradition. Caractérisation de la direction administrative bureaucratique qui est pour Weber le type le plus pur de la domination légale : en réalité il faut voir que c’est du côté de la codification juridique que Hegel avant Weber a pointé ces dimensions et que Weber va dépasser. Ces formes ont en commun d’être des formes de la domination quotidienne, des formes qui se présentent sous les traits de la durée, de la permanence.