Partie 2 : Le XXIe siècle, un mode de consommation différent

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Partie 2 :
Le XXIe siècle, un mode de consommation différent
Introduction :
Depuis la nuit des temps, l'homme, comme d'ailleurs tous les êtres vivants, s'est
préoccupé de trois choses fondamentales pour sa vie : assurer sa subsistance c'est-à-dire la
recherche et la production de nourriture, assurer la perpétuation de son espèce : faire des
enfants et se protéger des prédateurs et ennemis, et enfin, assurer son bien-être.
Les différentes civilisations qui se sont succédé marquant les grandes étapes de l'histoire de
l'homme se sont majoritairement organisées pour assurer, chacune à sa manière et selon les
circonstances, ces trois priorités vitales.
Cela a bien sûr eu des conséquences, les unes positives, les autres dramatiques. Au nombre
des progrès positifs on peut considérer que l'invention de l'agriculture a été le véritable
point de départ de ce que l'on est convenu d'appeler la civilisation.
1°) Changement des pratiques alimentaires
Les pratiques alimentaires ont récemment connu de fortes évolutions caractérisées
notamment par une augmentation de la consommation de lipides, par les produits prêts à
consommer, par une progression de la restauration hors domicile, par l’expansion de la
grande distribution… Elément important du bien-être, facteur de protection ou de risque en
matière de santé, l’alimentation se situe maintenant au croisement de différentes politiques
publiques ayant un objectif commun : la santé publique. Les relations entre comportements
alimentaires et état de santé de la population font aussi depuis plusieurs dizaines d’années
l’objet d’un champ de recherche actif.
L’évolution des pratiques alimentaires pendant la deuxième moitié du XXème siècle
et au XXIème s’inscrit dans le prolongement de tendances de long terme : les rations
alimentaire on étés modifiées au détriment des glucides fournis par les produits céréaliers,
les industries agroalimentaires se sont développées et la consommation de produits
transformés a nettement augmenté, les structures de distribution ont également étés
modifiées etc. Ces évolutions ne sont pas dissociables de celles de la société française :
industrialisation et urbanisation croissantes, salariat en hausse, en particulier féminin,
niveaux de vie qui s’améliorent, accès croissant à des niveaux de diplôme plus élevés.
L’ensemble de ces évolutions se traduit par des modifications dans les consommations
alimentaires, intégrant davantage de produits transformés provenant des circuits de la
grande distribution, par des modifications dans les pratiques dans le sens d’une
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simplification des repas et du développement des consommations hors domicile. (Voir
tableau 1)
Ces évolutions ne touchent pas tous les ménages de la même manière et des disparités
subsistent selon l’appartenance sociale, le niveau de revenu, l’âge et la génération.
Tableau 1 : Progression de la restauration hors domicile
Les parts relatives des dépenses alimentaires entre domicile et hors domicile ont
profondément évolué en 50 ans, comme le montre le tableau ci-dessous :
1960
1975
2000
2007
2008
2009
Alimentation à domicile
86,3 %
83,3 %
75,9 %
74,9 %
75,8 %
76,1 %
Alimentation hors
domicile
13,7 %
16,7 %
24,1 %
25,1 %
24,2 %
23,9 %
Total alimentation
100,0 %
100,0 %
100,0 %
100,0 %
100,0 %
100,0 %
En 1960, plus de 86 % des dépenses alimentaires des ménages français concernaient la
consommation à domicile (contre moins de 14 % pour la restauration hors foyer). En 2009,
c’est près de 24 % du budget alimentaire des ménages qui est consacré à la restauration
hors foyer, contre "seulement" 76 % pour les dépenses de consommation au domicile.
2°) Un changement en fonction du produit
Une des évolutions majeures au cours des dernières décennies du XXe siècle est en
effet l’orientation croissante de la consommation vers des produits de plus en plus
transformés. Cette tendance n’est pas récente : dès 1960, 80% des dépenses des ménages
sont issues de l’industrie agroalimentaire, cette part atteint 84% en 2000 mais diminue
légèrement en 2006, en effet elle est de 83%. Mais au sein des produits en provenance des
industries, ceux dont la consommation progresse le plus sont ceux qui connaissent une
diminution de leur prix en raison du développement des grandes surfaces. (Voir tableau 2).
La hausse globale du niveau de vie des Français sur la seconde moitié du XXe siècle,
accompagnée d’une hausse des prix alimentaires légèrement inférieure à l’inflation, se
traduit par une baisse de la part des dépenses consacrées à l’alimentation dans le budget
des ménages. En effet cette part passe de 25% en 1960 à 15% en 2007.
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Tableau 2 : Hausse ou baisse des consommations alimentaires observées en volume sur la
période 1960-2006
Produits en régression ou stagnation
Produits en hausse
Pains, pâtes.
Riz, corn flakes, semoule, pâtisserie artisanale,
pâtisserie
industrielle, biscuits, biscottes
Viandes
Viande de cheval, triperie, viande de veau,
viande de bœuf
Lapin, gibier
Corps gras
Beurre, huile de maïs, huiles raffinées,
margarine
Pain et céréales
Produits d’épiceries
Laitages
Fruits / Légumes
Sucre, farine
Confiture, conserve de fruits, chocolat en barre,
confiseries, café et thé, miel
Lait concentré et lait sec
Fromages, yaourts, desserts lactés frais
Légumes secs, pomme de terre
Légumes frais, légumes surgelés, en conserve,
déshydratés ; fruits frais
Plats préparés
Boissons
Vin de consommation courante, cidre,
bière,
Porto, Banyuls, vins doux, Vermouth
Soupes (en sachets, en boîtes, surgelées), plats
préparés à base de viande et charcuterie et à
base de poissons et crustacés
Vin AOC, Champagne, mousseux, whisky, cognac,
rhum, jus de fruits, eaux et boissons non
alcoolisées.
Source : Herpin & Verger, 2008
3°) Changement en fonction de la situation du ménage.
De nombreux comportements alimentaires sont liés à la force de l’habitude (et donc
aux générations) plutôt qu’aux effets d’âge (et donc au vieillissement).Le premier constat est
celui de la préférence par les plus jeunes générations des produits transformés, alors que les
générations les plus anciennes sont adeptes de produits frais comme les fruits, légumes,
viandes, poissons, pommes de terre, pain, beurre etc.
Certains produits alimentaires ne sont pas achetés mais directement produits par les
ménages, par exemple dans le cadre du jardinage : 25% des ménages disposent d’un jardin
potager et 15% d’un verger. C’est ce qu’on appelle l’autoconsommation. Globalement assez
faible dans les années 2000, elle concerne les ménages de manière très différenciée :
importante chez les agriculteurs, pour qui elle représente près de 20% des dépenses
alimentaires, elle reste non négligeable pour les retraités car elle est de 6% et assez faible
ouvriers : 3%.
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4°) D’autres facteurs de d’évolution :
-
Un consommateur qui change :
Les manières de vivres ont également évolués au cours de ces dernières décennies, par
exemple le temps passé au travail, les loisirs comme le sport, etc. Beaucoup de facteurs font
que le consommateur n’a plus le temps de faire des plats « maison ». Les consommateurs
vont privilégier alors la praticité des aliments par exemple, les plats préparés, riz précuit ou
purées instantanées. « Il arbitre ses choix en fonction de ses besoins, mais aussi de ses désirs,
qui correspondent aujourd'hui à des achats astucieux, débrouillards, où il ne subit pas, mais
agit. » Citation de Danielle Rapoport.
L’expansion de la grande distribution dans les circuits d’approvisionnement est également
un facteur dans le fait que le consommateur change. En effet, il va de moins en moins se
rendre dans les commerces de proximités et va plutôt se rendre dans les grandes
distributions et ainsi gagner du temps.
-
Une prise de conscience :
Les crises sanitaires de 1996 et 2000 et l’augmentation spectaculaire de l’obésité et
des maladies dégénératives comme les cancers, maladies cardio-vasculaires, etc, ont
entraîné une véritable prise de conscience collective de l’importance de l’alimentation sur la
santé. La prise de conscience de cette évolution récente de notre alimentation et de ses
conséquences sur la santé marque le début de l’âge du changement de comportement du
citoyen-consommateur qui ne s’est amorcé qu’avec les politiques nutritionnelles très
volontaristes initiées récemment. La France, tiraillée entre sa tradition culinaire et
l’augmentation des pathologies du comportement alimentaire, se voit contrainte depuis le
premier Programme National Nutrition Santé, datant de 2001, d’intensifier la diffusion de
messages nutritionnels.
-
Des messages aux consommateurs
La diffusion des messages du PNNS à partir de début 2007 sous chacune des publicités de
l’industrie agro-alimentaire contribue à la très bonne mémorisation des messages. En juillet
2008, 41% des Français citent comme message qui les a le plus marqués, « Manger au moins
5 fruits et légumes par jour ». En revanche, il peut y avoir une difficulté à traduire les
messages dans la pratique quotidienne : ainsi le message « 5 fruits et légumes » est bien
connu mais peut donner lieu à différentes interprétations sur la taille de la portion à
consommer. Pour cette difficulté, la forme du message peut être en cause : par exemple,
lorsqu’un message nutritionnel écrit sur un bandeau accompagne un spot publicitaire
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dynamique, on observe que l’attention se porte sur l’objet de la publicité plutôt que sur le
message. Si les objectifs préconisés de ces messages sont rarement atteints, la campagne a
néanmoins eu un impact positif sur la fréquence des prises alimentaires chez les petits
consommateurs.
Le système d’enquêtes « Comportements Alimentaires en France» pose depuis 1998 une
question ouverte qui est : « Si je vous dis bien manger, à quoi pensez-vous ? ». Dans les
représentations du bien manger observées dans ces enquêtes, la dimension du plaisir
partagé est prédominante en France jusqu’en 2003. En 2007, un changement de tendance
est observé : le mot le plus cité dans les réponses à la question « Si je vous dis bien manger,
à quoi pensez-vous ? », est le mot « équilibre ». La dimension restrictive de l’alimentation
est nettement plus présente qu’en 1995 et 2000, notamment chez les plus jeunes.
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Un modèle Alimentaire
Le repas a toujours été, dans toutes les civilisations un moment de convivialité,
de réunion et un élément de cohésion sociale. Il n'est d'ailleurs pas difficile de constater que
toutes les civilisations ont développés au cours des millénaires des codes, des rites et des
règles entourant la prise des aliments. Les pays anglo-saxons ont un rapport à l’alimentation
privée où chacun a la liberté de juger ce qui est bon pour soi, alors que le modèle
alimentaire français accorde, lui, beaucoup d’importance à la tradition et au plaisir du
partage.
En 1993, Grignon définit Le modèle alimentaire français comme « l'aboutissement
d'un processus historique qui finit par combiner des usages et des conceptions du temps
émanant de classes et de cultures occupant des positions différentes et souvent opposées
dans la structure sociale » .
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Un comportement alimentaire :
Selon les enquêtes alimentaires du CREDOC réalisées depuis 1988, un Français sur
quatre, c'est-à-dire 26%, affiche un comportement alimentaire tourné essentiellement vers
la santé.
L’alimentation représente le deuxième poste de dépense des ménages français. C’est
aussi un des postes sur lesquels les ménages touchés par la crise de 2008 ont le plus de
facilité à réaliser des économies. Dans cette optique, ils adoptent des comportements
d’achat plus rationnels, qui les conduisent à arbitrer entre enseignes, entre marques, entre
conditionnement, mais aussi entre familles de produits, comme viande contre poissons,
légumes contre féculents, ou à l’intérieur de chaque famille de produits comme viande
rouge contre viande blanche, produits frais contre conserve, etc. La reprise de
consommation alimentaire entrevue en 2010 reste fragile et l’on peut s’interroger sur la
nature, l’intensité et la pérennité de ces substitutions et des transferts de consommation qui
en résultent.
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