Afin d’aborder et d’analyser l’adage « infans conceptus pro nato hobetur quoties de commodis ejus agitur », nous devons d’abord nous intéresser un peu au principe de droit civil. En effet, le principe en droit civil, une personne juridique est attribuée à partir de la naissance, à condition que l’individu naisse vivant et viable. Avant sa naissance, l’individu n’a pas d’entité propre. La condition de viabilité est une notion scientifique qui considère un individu comme viable à compter de la 20ème semaine de grossesse ou à partir de 500 grammes. Or il y a une exception au principe, c’est curieusement la maxime latine, laquelle traduite en français veut dire « l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il en va de son intérêt ». Cette exception est à relativiser car afin qu’elle puisse être appliquée, suivant les critères du droit civil, l’enfant doit être né vivant et viable. On pourrait presque se poser la question si l’exception ne devient pas le principe avec deux lois, celle relative à l’interruption volontaire de grossesse et celle relative au respect du corps humain. Ces deux lois garantissent le respect de l’être humain dès le commencement de la vie. Or ce principe reste lettre morte, car la jurisprudence ne reconnaît pas le statut de personne à l’embryon, « en punissant celui par la faute duquel un fœtus est venu à la vie, mais ne punit pas celui par la faute duquel un fœtus est décédé ». La citation précédente, m’a longuement fait réfléchir, car en une première lecture elle n’a pas beaucoup de sens, mais plus je la lisais et plus elle devenait tout à fait claire. Après quelques recherches, j’ai trouvé qu’un arrêt du Conseil d’Etat de 1982 suivi par la Cour de Cassation dans un arrêt de la 1ère chambre civile du 25 juin 1991, il en a résulté le principe de « la naissance non désirée ne constitue pas de préjudice », mais lorsque s’y ajoute des circonstances particulières, telles qu’un enfant conçu en issue d’un viol ou un enfant handicapé, le droit punit celui qui n’a pas pu empêcher la naissance de cet enfant. Un sujet à débat relativement à l’adage latin, c’est qu’en quelque sorte il donne à l’embryon et au fœtus des droits. En effet, la loi assure la primauté de la personne, interdit tout atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie. Car en principe, la personnalité s’acquiert à la naissance mais dans le cas d’infans conceptus elle s’obtient dès la conception de l’enfant en cas de nécessité majeure et en faveur de l’enfant. Mais l’adage latin est soumis à quelques conditions, l’enfant doit être viable et vivant à la naissance et la rétroactivité n’est possible que dans l’intérêt de l’enfant. 1 Carvalho Luisa Sc.Soc.Droit 2 En analysant l’adage en deux parties, la première partie « Infans conceptus pro jam nato habetur » qui veut dire « l’enfant conçu est réputé être né », l’enfant acquit des droits pendant la durée de sa gestation. La rétroactivité de la personnalité est possible, quand cela est nécessaire et légitime. Or une difficulté se rajoute, déterminer la date exacte de la conception ! Le jour de la naissance de l’enfant est extrêmement précis tandis que celui de la conception peut paraître plus compliqué à fixer de manière sûre. La deuxième partie « quoties de commodis ejus agitur » qui signifie « à chaque fois qu’il y va de son intérêt ». En résumant, la rétroactivité ne peut être que positif pour l’enfant, si c’est par exemple des dettes la rétroactivité n’est pas d’application. Pour moi la question primordiale est quand est-ce que l’enfant obtient une personnalité juridique, au stade d’embryon ou fœtus ? C’est simple de dire que si c’est pour l’avantage de l’enfant on peut agir de façon rétroactive et donc attribuer une personnalité juridique à un embryon alors qu’en droit civil ce n’est pas le cas. Alors qui peut définir si une décision est positive ou négative pour cet enfant qui va naître ? Je mets sur la table la problématique de l’interruption volontaire de grossesse. Qui sur terre, peut dire et savoir d’avance si la décision d’une mère de se faire avorter est un avantage pour l’enfant ou pas ? De l’autre côté, je pose aussi la question, hériter une fortune d’argent alors qu’on est qu’un embryon, qui peut dire que cette fortune fera de cet enfant un enfant heureux et lui portera bénéfice ? Je me mets à penser que les êtres humains sont quelque part des bêtes matérialistes et insensées. Un autre aspect et pas négligeable, concernant le respect et la dignité de tout être humain dès le commencement de la vie, c’est qu’en considérant qu’un fœtus vit, car il possède tous les organes vitaux, comment doit-on traiter les femmes qui consomment des drogues pendant la grossesse ? On pourrait également considérer rétroactivement les situations qui vont en désavantage et même qui mettent en risque la vie du fœtus et notamment punir les coupables. Pourquoi l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il en va de son intérêt et pourquoi pas l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il en va de son désintérêt et son risque de vie !? Le plus contradictoire dans cet adage est le fait de définir à quel moment le fœtus ou l’embryon prend une personnalité juridique. Pourquoi pour certaines situations un fœtus acquiert des droits alors que juridiquement un fœtus n’a aucun droit juridique. Je pense qu’avant tout c’est une question de respect, un fœtus de mon point de vue est vivant, il s’agit déjà d’un être humain composé de tous ces organes vitaux. Donc pour moi doit être traité comme tout être humain. L’avortement, à partir de 9 semaines, pour moi il s’agit de tuer quelqu’un, même si cela paraît un peu cru, maintenant il ne faut pas juger les personnes qui décident de le faire, je pense qu’il y a des circonstances qui malheureusement peut mener une femme à prendre une telle décision, mais je pense que n’importe quelle femme peut aussi le faire avant les 9 semaines alors qu’il ne s’agit que d’un embryon. Un autre aspect qui se rejoint à ce sujet c’est l’infanticide qui est toujours d’actualité en Chine et en Inde. En Chine où la naissance d’une fille est une honte et en plus en Inde c’est un désastre financier car les parents doivent dépenser des fortunes pour marier leur fille. D’autres pratiques telles que l’insémination artificielle, le sort des embryons non utilisés et le clonage non seulement sont bouleversantes mais aussi désastreuses dans la dignité de l’enfance lorsqu’elles sont utilisées à des fins détournées, immorales, commerciales et industrielles. 2 Carvalho Luisa Sc.Soc.Droit 2 J’ai pris deux cas qui sont passés en Cour de Cassation, qui pour moi ont une très grande ressemblance mais traités de façon complètement opposée ! Une loi de 2004, réglemente le statut de l’embryon, ainsi les embryons peuvent être détruits en application du droit à l’avortement. Le fait qu’un fœtus n’ait pas de personnalité juridique a pour conséquence qu’un médecin provoquant accidentellement le décès d’un fœtus ne peut être poursuivi pénalement pour homicide involontaire (Cour de Cassation, Assemblée Plenière, 29 juin 2001). De l’autre côté, le 2 décembre 2003, la Cour de Cassation, a rendu un arrêt par la chambre criminelle, qu’il y a eu homicide involontaire lorsqu’une mère, enceinte de huit mois au moment de l’accident, a donné naissance à un enfant qui est décédé une heure après des suites des lésions subies au moment de l’accident. Cette jurisprudence doit être nuancée car il ne s’agit plus d’un embryon mais bien d’un fœtus déjà en stade bien avancé, mais il ne faut pas omettre de prononcer qu’un avortement involontaire d’un fœtus de 5 mois n’a pas été qualifié d’homicide involontaire (Cour de Cassation, criminelle, 30 juin 1999). Dans les deux situations il s’agit d’un accident, personne ne peut être condamnée coupable d’homicide involontaire pour un accident, je pense que cette mère était la dernière personne à vouloir la mort de son enfant. La même chose pour ce médecin, en essayant de faire le bien, a pris accidentellement la vie à cet enfant. Pour moi, que le fœtus ait 5 mois, 9 mois ou 3 mois, c’est du pareil au même, un fœtus à partir de 9 semaines est déjà un enfant et toute mort volontaire doit être considérée comme homicide et toute maltraitance punie pour enfreinte à la loi de la dignité et du respect de tout être humain. Un thème d’actualité est la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Cette activité est encore interdite dans quelques pays, or je pense que cette activité ne va pas en désobéissante de la loi concernant la dignité et le respect de tout être humain. C’est une pratique qui se fait un à stade encore très précoce de l’embryon. Les cellules embryonnaires sont douées de capacités importantes et donnent naissance à tous les types de cellules de l’organisme. Ces propriétés ouvrent de nombreuses perspectives, non seulement pour la médecine régénérative, mais également pour l’étude des maladies génétiques et la mise au point de traitements. De ce point de vue cette activité pourrait entrer dans le contexte « infans conceptus » car ceci pourrait venir à son intérêt. « Infans conceptus » est un sujet qu’on pourrait discuter longuement sur les différents aspects et sur les avantages et désavantages. Les lois sont faites par des humains, les humains sont tous différents et tous avec leurs imperfections, donc c’est normal qu’un adage ou une loi peut être interprétée de différentes façons, mais l’important c’est que ça nous fait réfléchir sur des sujets qui ont tout de même une importance dans notre vie. 3 Carvalho Luisa Sc.Soc.Droit 2