A usage officiel TD/TC(2005)2/ANN2 Organisation de Coopération et de Développement Economiques Organisation for Economic Co-operation and Development 10-Mar-2005 ___________________________________________________________________________________________ _____________ Français - Or. Anglais DIRECTION DES ECHANGES COMITE DES ECHANGES TD/TC(2005)2/ANN2 A usage officiel ECHANGES ET AJUSTEMENT STRUCTUREL 9-10 mars 2005 Ce document forme l'une des trois annexes au rapport référencé TD/TC(2005)2/CHAP1 et TD/TC(2005)2/CHAP2 et présente des études de cas concernant le textile et l'habillement, l'acier et la construction navale. Français - Or. Anglais Kenneth Heydon, Direction des échanges ; téléphone : (00)33-(0) 1 45 24 89 40 ; courrier électronique : [email protected] / Jun Kazeki : téléphone : (00) 33-(0)1 45 24 89 27 ; courrier électronique : [email protected] JT00180092 Document complet disponible sur OLIS dans son format d'origine Complete document available on OLIS in its original format TD/TC(2005)2/ANN2 TABLE DES MATIERES 3. TEXTILE ET HABILLEMENT .................................................................................................................3 3.1 BANGLADESH .......................................................................................................................................7 3.2 COLOMBIE ...........................................................................................................................................19 3.3 LESOTHO – LE SECTEUR DE L’HABILLEMENT ...........................................................................28 3.4 MAURICE – LE SECTEUR DE L’HABILLEMENT ...........................................................................34 3.5 LES ETATS-UNIS .................................................................................................................................42 3.6 AUSTRALIE ..........................................................................................................................................50 3.7 LA REPUBLIQUE SLOVAQUE ..........................................................................................................52 4. ACIER ......................................................................................................................................................54 4.1 L’UNION EUROPÉENNE ....................................................................................................................56 4.2 LA RESTRUCTURATION DU SECTEUR DE L’ACIER AUX ÉTATS-UNIS .................................62 5. CONSTRUCTION NAVALE ..................................................................................................................65 5.1 UNION EUROPÉENNE ........................................................................................................................67 5.2 JAPON....................................................................................................................................................73 5.3 AUSTRALIE ..........................................................................................................................................78 2 TD/TC(2005)2/ANN2 3. TEXTILE ET HABILLEMENT Principaux points ressortant de l’analyse La politique commerciale doit favoriser et non retarder l’ajustement 1. De tous les secteurs examinés dans cette étude, c’est sans doute dans celui du textile et de l’habillement que les obstacles aux échanges sont les plus importants, mais aussi la libéralisation la plus rapide. Depuis le début des années 60 et jusqu’en 2004, des restrictions quantitatives permettaient aux pays importateurs de restreindre les volumes autorisés et d’influer sur l’orientation des échanges. Ces dix dernières années, les contingents imposés par l’Arrangement multifibres (AMF) ont été progressivement supprimés, pour disparaître complètement fin 2004. Malgré la suppression de ces contingents, les droits de douane à l’importation restent beaucoup plus élevés sur ces produits que sur la plupart des autres produits non agricoles. Les obstacles tarifaires et non tarifaires existant dans ce secteur y ont faussé les échanges de plusieurs façons, ce qui a eu pour résultat des prix à la consommation élevés, le maintien de filières dans les économies « matures », l’apparition d’une production née des contingents dans des pays qui n’en auraient pas développé dans d’autres circonstances et, enfin, l’existence de rentes pour les producteurs les plus efficaces (acceptant de réduire leur production). 2. Que ce soit dans les pays en développement ou dans les pays industrialisés, le système du contingentement a créé l’illusion que les producteurs étaient à l’abri de la concurrence et, partant, n’avaient pas besoin d’ajuster leur production. Ce constat vaut de la même manière pour les producteurs de secteurs issus des contingents dans les pays en développement, dont beaucoup n’ont existé malgré leur inefficacité que parce que les prix étaient artificiellement élevés, et pour les producteurs des pays industrialisés, depuis longtemps menacés par la concurrence des importations. 3. On s’accorde à penser que la disparition des contingents provoquera des changements majeurs dans la structure des échanges du secteur. Les effets seront particulièrement sensibles pour les petits producteurs moins performants des pays en développement. La suppression des contingents n’a pas pour autant sonné le glas de la production textile et vestimentaire de tous les pays à l’exception de quelques-uns. Toutes les études de cas offrent des exemples de producteurs qui, dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement, ont profité de la dernière décennie pour se préparer à l’évolution qui s’annonçait et pour ajuster leur production. Dans tous les cas, les pays concernés ont réduit leurs barrières commerciales en prévision de 2005. Les méthodes employées à cet effet n’ont cependant pas été les mêmes partout. 4. Le Bangladesh a réduit les obstacles qu’il imposait aux importations de fournitures et de biens d’équipement, afin de diminuer les coûts de production pour son industrie de la confection. Outre une diminution des droits de douane et des taxes, le pays a libéralisé son taux de change et s’est attaqué aux problèmes de la corruption et de l’inefficacité de l’administration1. La principale leçon à tirer de l’expérience du Bangladesh est qu’il est impossible de soutenir indéfiniment le secteur des exportations d’un pays uniquement parce qu’il bénéficie d’un accès préférentiel à des marchés réglementés. 5. Cette dernière remarque concernant l’accès préférentiel aux marchés se trouve confirmée par l’exemple du Lesotho. Si le pays a bénéficié d’un accès préférentiel aux marchés de l’Union européenne 3 TD/TC(2005)2/ANN2 (dans le cadre de la Convention de Lomé, du Système généralisé de préférences et de l’initiative « Tout sauf les armes ») et des États-Unis (dans le cadre de la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique), ce sont les réformes nationales qui ont tout d’abord attiré les investissements. Les premiers investissements remontent au milieu des années 80. Ils résultaient d’une évolution de la stratégie de développement combinant substitution des importations et promotion des exportations. 6. De la même manière, l’exemple de Maurice souligne l’importance des réformes économiques nationales. La stabilité politique et macro-économique a été essentielle pour le développement de l’investissement étranger et pour l’amélioration des conditions sociales. Le secteur du textile et de l’habillement a également bénéficié d’une politique commerciale favorable. Après l’échec des politiques de substitution des importations mises en œuvre dans les années 60, les pouvoirs publics mauriciens ont encouragé la production par la création de zones de promotion des exportations, dans les années 70, puis par l’adoption d’un programme d’ajustement structurel, dans les années 80. 7. La politique colombienne tient à la fois de l’approche bangladaise et de l’approche américaine (décrite plus bas). Plus encore que le Bangladesh, la Colombie est revenue de sa stratégie d’industrialisation par substitution des importations. En menant des réformes de marché plus complètes, le pays s’est débarrassée de l’influence néfaste du protectionnisme sur les exportations, tout en favorisant une concurrence saine entre ses producteurs. La Colombie a également négocié de nombreux accords de libre échange, afin de garantir son accès aux marchés d’exportation. 8. De la même façon que les exportateurs colombiens ont profité de leur proximité avec les ÉtatsUnis et de leur accès à ce marché, le secteur slovaque de l’habillement a tiré avantage de l’entrée de son pays dans l’Union européenne. Depuis l’Accord européen de 1995 jusqu’à l’accession à l’Union neuf ans plus tard, la filière a pu accéder au marché communautaire. Elle en a profité pour mettre en œuvre des activités de perfectionnement passif avec ses partenaires européens. 9. Les États-Unis ont mis en œuvre une série de programmes et d’accords offrant à certains pays en développement un accès en franchise de droits et sans contingents au marché américain de l’habillement. Les règles d’origine en vigueur dans les programmes comme l’Initiative du bassin des Caraïbes ou les accords de libre-échange passés avec les pays d’Amérique latine ou d’autres régions du monde font dépendre le libre accès au marché américain de règles applicables au niveau de la fibre ou du tissu. L’intention est ici d’encourager un partage de la production entre le secteur textile américain et les secteurs de l’habillement des pays partenaires. Cette stratégie vise à assurer « un atterrissage en douceur » aux producteurs américains de vêtements (dont beaucoup relocalisent leur production dans les pays partenaires), tout en créant de nouveaux débouchés destinés à compenser le recul du chiffre d’affaires de la filière textile nationale. 10. La réforme de la politique commerciale australienne, fondée sur des droits de douane peu élevés et un large accès aux importations de textiles, vêtements, chaussures et cuir, a prouvé que ce type de choix pouvait favoriser la réussite de l’ajustement, en incitant les entreprises à miser sur des produits novateurs à forte valeur ajoutée, spécialisés et à forte intensité de capital, ainsi que sur le développement de la marque, le service à la clientèle ou l’expansion du marché. Le processus d’ajustement s’est néanmoins accompagné d’un soutien budgétaire substantiel à l’innovation et à l’investissement, afin d’aider les entreprises à rester compétitives dans un contexte de droits de douane peu élevés. Le coût de la main d’œuvre compte, mais sa qualité aussi 11. La tentation est grande de conclure que la compétitivité, dans le secteur de l’habillement, est purement fonction du coût de la main-d’œuvre. En effet, il est avéré que (a) la main d’œuvre contribue très largement à la valeur de la plupart des vêtements et (b) que les salaires des pays en développement sont 4 TD/TC(2005)2/ANN2 inférieurs à ceux des pays industrialisés. À ce titre, il n’est pas étonnant que la tendance à long terme soit de délocaliser la confection dans les pays en développement et de quitter ces pays dès qu’ils ont à leur tour atteint un certain niveau de développement. 12. Cela ne signifie pas pour autant qu’un pays serait bien avisé de ne fonder sa compétitivité que sur une main-d’œuvre bon marché. L’exemple de la Colombie montre bien que la qualité de la main d’œuvre compte tout autant que son coût, en particulier pour un pays qui souhaite conserver son secteur de l’habillement après avoir atteint un niveau de développement industriel moyen. La différence essentielle se joue entre les filières d’assemblage pur, pour lesquelles le coût de la main-d’œuvre est effectivement crucial, et des secteurs plus élaborés, capables d’assumer des activités à plus forte valeur ajoutée axées sur la transformation du tissu en vêtement. Dans le cas de la Colombie, le passage de l’assemblage à une filière de production complète a nécessité d’améliorer les compétences de la main-d’œuvre et ses capacités de gestion, mais a permis de créer un secteur plus concurrentiel et mieux à même de résister à l’abandon des contingents. Certaines entreprises du Bangladesh s’efforcent elles aussi de passer ce cap. 13. L’atmosphère qui règne sur le lieu de travail a également son rôle à jouer. L’exemple australien semble indiquer que renforcer la coopération et l’efficacité de la communication entre la direction et les salariés, notamment par des négociations sur les conditions de travail, pourrait contribuer à davantage de flexibilité et de productivité. Plus hautes étaient les barrières et plus dure sera la chute 14. Les paragraphes précédents concernaient l’ajustement au sein même des secteurs du textile et de l’habillement. Il importe tout autant d’encourager l’ajustement en dehors de cette filière, en particulier dans les pays dont la production devrait chuter — et qui perdront des emplois — avec la suppression des contingents. La disparition du contingentement affectera les pays indépendamment de leur niveau de développement économique. 15. Les programmes d’aide à l’ajustement ont jusqu’à présent été beaucoup plus conséquents dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Cela tient sans doute à la fois à l’offre et à la demande : les pays industrialisés ont plus de ressources à consacrer à ces questions et sont aussi plus susceptibles de présenter un grand nombre de secteurs « matures » confrontés à la concurrence des importations et ayant besoin d’aide. Dans le cas du textile et plus encore de l’habillement, néanmoins, on prévoit que les perturbations toucheront dans les prochaines années aussi bien les pays industrialisés que les pays en développement. Les États et les autres sources de financement, comme les institutions financières régionales et internationales, devront probablement consacrer plus de moyens à ces programmes. 16. L’exemple de l’Australie suggère qu’en cas de suppressions d’emplois significatives sur le plan régional ou de compression massive des effectifs dans le secteur, les pouvoirs publics accompagneront d’une aide spécifique les mesures d’ajustement généralement disponibles. 17. Aux États-Unis, les travailleurs des secteurs du textile et de l’habillement victimes de suppressions d’emploi ont occupé une place centrale dans le programme d’aide à l’ajustement. Certaines des questions soulevées lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de ce programme mériteront d’être examinées avec soin par les pays ou les organismes qui se pencheront sur ce type de programmes dans les prochaines années, notamment les arguments économiques et politiques plaidant en faveur de la différenciation des travailleurs ayant perdu leur emploi en fonction des causes de leur licenciement (c’està-dire la question de savoir si le chômage lié aux échanges doit être traité de manière différente).2 5 TD/TC(2005)2/ANN2 Des politiques similaires ont été adoptées à Maurice (voir l’étude de cas dans la section consacrée aux perspectives de développement). 2 OCDE (2004b). 1 6 TD/TC(2005)2/ANN2 3.1 BANGLADESH Introduction 18. Le secteur de l’habillement au Bangladesh illustre clairement comment un pays extrêmement pauvre, en proie à de graves difficultés et face à un avenir incertain, peut réussir à développer ses exportations. Parti de quasiment rien dans les années 70, ce secteur a connu une croissance très rapide de ses emplois, de sa production et de ses exportations. Ainsi, les vêtements constituaient un huitième des exportations bangladaises en 1985, les deux tiers en 1996 et les trois quarts en 1999.3 Cette croissance s’explique par la combinaison de salaires bas et d’un système de contingents. Les réformes économiques mises en œuvre et son accès préférentiel à certains marchés étrangers ont permis au Bangladesh de mieux exploiter ces opportunités. Grâce à la réunion de conditions et de politiques publiques favorables, les producteurs ont pu surmonter les obstacles que constituent les catastrophes naturelles, les carences des infrastructures de base, l’instabilité politique, la corruption et le protectionnisme des marchés étrangers. La principale source d’incertitude réside dans le démantèlement, en 2005, du système de contingents prévu par l’Accord multifibre (AMF). Les décideurs et producteurs bangladais sont conscients qu’il s’agit là autant d’un défi à relever que d’une opportunité à saisir et cela fait dix ans qu’ils se préparent aux bouleversements à venir. Défis et réformes au Bangladesh 19. Tout examen du développement du Bangladesh doit tenir compte du fait qu’il s’agit de l’un des pays les plus pauvres du monde et qui souffre de tous les maux qui génèrent et qui sont générés par l’extrême pauvreté. Au nombre de ces maux figurent les goulets d’étranglement engendrés par les carences de l’infrastructure de transport et le manque de fiabilité de la fourniture d’électricité, ainsi que par les dysfonctionnements institutionnels. Ce pays a tout de même réussi à tirer parti de l’unique opportunité générée par la pauvreté (la faiblesse du coût de la main-d’œuvre) et à concevoir des moyens de contourner certains de ses désavantages structurels. Nous examinons ci-dessous certains des défis les plus caractéristiques de l’environnement de ce pays, ainsi que les mesures prises par les autorités pour y remédier. 20. Avant de nous pencher plus avant sur ces défis et ces réformes, deux remarques s’imposent. Premièrement, la législation ne peut apporter de solution à tous les problèmes. Le Bangladesh est régulièrement victime d’inondations et de raz-de-marée, souvent responsables de dégâts importants. Les catastrophes naturelles dévastent périodiquement l’économie en général et le secteur de l’habillement en particulier. Si le pays parvient à mieux se prémunir contre les catastrophes naturelles (par exemple en améliorant son infrastructure et ses services d’urgence), il ne pourra pas pour autant éliminer les problèmes climatiques/géologiques sous-jacents. 21. Deuxièmement, le Bangladesh ne mène pas ses réformes à un rythme régulier ou selon une orientation cohérente. Dans les années 70 (première décennie d’indépendance pour ce pays), sa politique commerciale reposait sur la substitution aux importations et l’intervention de l’État, puis des réformes économiques significatives ont été engagées dans les années 80, et accélérées au début de la décennie suivante. Au début des années 90, période de stabilité et de prospérité, la politique commerciale et d’autres pans de la politique économique ont enregistré beaucoup plus d’avancées qu’à la fin de cette même décennie, car l’environnement était devenu moins prévisible et le pays politiquement instable. En 2000, 7 TD/TC(2005)2/ANN2 l’Organisation mondiale du commerce constatait que le gouvernement avait « libéralisé son régime commercial, élargi la base de prélèvement de la TVA, renforcé le cadre législatif et réglementaire du secteur bancaire, mis en œuvre d’importants ajustements de certains prix administrés, fermé ou privatisé diverses entreprises publiques déficitaires et pris des mesures pour améliorer l’administration du pays », mais notait toujours une lenteur des réformes concernant « la base d’imposition, l’administration des douanes, les banques, la restructuration/privatisation des entreprises publiques et la gestion des affaires publiques »4. 22. Depuis cette époque, le Bangladesh a néanmoins pris plusieurs mesures importantes afin d’axer davantage son économie sur le marché. De nombreuses réformes ont été lancées en concertation avec le Fonds monétaire international (FMI), dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance et énoncées dans le Document intérimaire de stratégie de réduction de la pauvreté (DISRP) 5. Certaines de ces mesures sont motivées par la certitude que le pays doit être préparé aux chocs qui naîtront du démantèlement du système de contingents fixé par l’Accord multifibre pour l’habillement. Les réformes semblent avoir porté leurs fruits à court terme : les exportations de vêtements ont rebondi en 20036. La question est maintenant de savoir si elles parviendront avec autant de succès à améliorer les perspectives à long terme du pays. Budget, fiscalité et droits de douane 23. Le Bangladesh souffre d’un déficit budgétaire persistant et les finances publiques y sont fortement tributaires des taxes sur les échanges. Il est néanmoins parvenu à réduire le nombre de ses fourchettes tarifaires. Il a ainsi ramené son taux maximal de 350 % en 1991 à 37.5 % en 20007 et le tarif moyen des produits manufacturés pondéré par les importations de 51.8 % sur 1990-1991 à 23.8 % sur 1998-19998. Comme le montrent la figure 1 (annexe statistique), le taux effectif de protection moyen a été radicalement abaissé : 75.7 % en 1992-1993, contre 28.6 % en 1997-1999. Les réductions étaient particulièrement marquées pour certains produits textile et d’habillement (voir plus loin). Les recettes générées par les taxes à l’importation représentent toujours plus de la moitié du total des recettes publiques et les taxes sur les bénéfices à l’exportation ou celles que doivent acquitter les investisseurs étrangers constituent une grande part des impôts versés par les sociétés. Ces taxes sont en partie compensées par les diverses exemptions dont peuvent bénéficier les secteurs orientés sur l’exportation (exonérations fiscales temporaires, concessions tarifaires et ristournes de droits de douane, entrepôts sous douane, notamment), ainsi que par les subventions directes proposées aux exportateurs de textiles et de vêtements. Ces mécanismes contribuent néanmoins à rendre le système plus compliqué et les abus possibles (voir plus loin). 24. Les réformes récentes ont cherché à modifier la composition des recettes publiques et à remédier au déficit budgétaire persistant. La combinaison d’une augmentation des recettes publiques et d’une discipline budgétaire a permis de faire redescendre le déficit à 3.5 % du PIB sur l’exercice 2003, contre 5.1 % en 20019. Dans le budget 2003, le tarif douanier maximum a été réduit, de 37.5 à 32.5 %, et le taux effectif moyen ramené à 24 %10. Les autorités bangladaises envisagent de poursuivre les réformes en adoptant un taux maximum de 30 % pour l’exercice 2004, et d’abaisser encore les taxes sur les échanges dans le budget 2005.11 Inefficience et corruption dans la fonction publique 25. Les efforts déployés par les pouvoirs publics pour venir en aide au secteur du textile et de l’habillement sont sapés par « la lenteur du passage en douane, les difficultés à se faire rembourser des droits, l’engorgement des ports et divers comportements de recherche de rente »12. Tant les restrictions que la multiplicité des programmes d’incitations créent de graves problèmes (corruption et activités illégales, notamment)13. D’après l’indice de perception de la corruption 2003 de Transparency International, qui 8 TD/TC(2005)2/ANN2 s’appuie sur des enquêtes menées par des organismes indépendants, le Bangladesh affiche le score le plus élevé parmi les 133 pays étudiés14. Selon une analyse, « il y a consensus sur le fait qu’une grande partie de la richesse accumulée par les fabricants de vêtements au Bangladesh a été gagnée de manière illégale »15. La politique publique relative à ce secteur mise en œuvre en 1995 (Textile Policy – 1995) reconnaissait explicitement que les « importations illégales de fils et de tissus dans le pays constituent un grave problème »16 et proposait une série de mesures pour y remédier. 26. La corruption fait partie des problèmes les plus épineux que rencontre le Bangladesh, mais ce dernier s’efforce de lutter contre. Avec l’aide de donneurs extérieurs, les autorités bangladaises sont en train d’adopter une nouvelle loi visant à mettre sur pied une Commission anti-corruption indépendante. Une réforme du système des entrepôts sous douane pourrait par ailleurs atténuer les problèmes engendrés par ce dispositif, qui a déjà subi une refonte fin 2003. Depuis cette date, toutes les importations destinées à couvrir les besoins de la consommation intérieure et la plupart des importations destinées à l’exportation sont soumises à des garanties bancaires pour les droits de douane (100 %) et la taxe sur la valeur ajoutée (25 %)17. Des réformes complémentaires sont également sur le point d’être adoptées concernant la passation des marchés publics. Il est également prévu de supprimer les exonérations temporaires pour l’expansion d’entités existantes et d’éliminer certaines exemptions fiscales. Investissement étranger 27. Le Bangladesh dispose de l’un des régimes d’investissement les plus libéraux de l’Asie du Sud. Il n’impose en effet guère de limitations à la participation étrangère. La politique de l’investissement de 1999 (Investment Policy – 1999) autorise l’investissement privé national et étranger dans tous les secteurs à l’exception de quatre, jugés particulièrement sensibles (la foresterie et trois autres liés à la sécurité). Les entrées de capitaux étrangers sont néanmoins « faibles, même par rapport aux autres pays d’Asie du Sud »18. Ce phénomène pourrait en grande partie provenir de problèmes persistants pour lesquels il n’existe pas de remède simple : la vulnérabilité du Bangladesh aux catastrophes naturelles ainsi que son instabilité politique dissuadent en effet les entreprises étrangères d’investir dans ce pays (et parfois même à passer commande auprès des fabricants locaux). Les producteurs bangladais effectuent la quasi-totalité de la confection de vêtements, même si les investisseurs étrangers, en particulier ceux d’Asie de l’Est, ont installé des usines dans les zones franches19. 28. Les investisseurs étrangers exercent cependant une plus grande influence que les chiffres ne le laisseraient entendre. Le groupe coréen Daewoo a servi de « catalyseur » au développement industriel, qui permet « l’expansion d’industries nouvelles grâce à une collaboration fructueuse entre entrepreneurs locaux et investisseurs étrangers bien établis »20. Le partenariat noué par Daewoo à la fin des années 70 avec une entreprise locale (Desh) a donné naissance à la première génération d’entrepreneurs locaux dans le domaine de l’habillement. Cette coopération reposait davantage sur la sous-traitance et le transfert de technologies que sur l’investissement direct. 29. Étant donné que le Bangladesh dispose d’un régime d’investissement libéral, il n’est pas nécessaire de réformer en profondeur son régime juridique. L’objectif principal consiste en revanche à trouver comment pallier la rareté des capitaux étrangers tout en renforçant l’attrait global du pays aux yeux des investisseurs. Ainsi, le recours aux lettres de crédit adossées permet de multiplier les sources de capitaux étrangers. Cette stratégie donne aux entrepreneurs la possibilité d’utiliser les recettes futures des exportations de vêtements pour financer les importations nécessaires de tissus et autres facteurs de production. 9 TD/TC(2005)2/ANN2 Taux de change 30. Le taka, la monnaie nationale bangladaise, est de plus en plus soumise au jeu du marché. Elle est pleinement convertible depuis 1994, date à laquelle les banques ont été autorisées à effectuer des paiements et des transferts internationaux sans attendre le feu vert de la banque centrale. Au cours de la dernière décennie, la politique de change se fondait sur des ajustements occasionnels et ponctuels du taka en fonction des indicateurs macro-économiques et du taux de change effectif réel (calculé sur la base d’un panier de monnaies pondéré par les échanges). Ce système était assez controversé. Tandis que l’OMC pensait que ces dévaluations rendaient « la politique de change excessivement subordonnée aux considérations politiques »21, d’autres observateurs étaient convaincus que les efforts déployés par le Bangladesh pour maintenir la compétitivité de son taux de change effectif réel contribuaient à la prospérité de l’industrie de l’habillement22. Certains fabricants bangladais ont demandé soit une dévaluation de la monnaie nationale soit la création d’un taux de change distinct pour ce secteur. 31. Le flottement du taka, qui date du 31 mai 2003, constitue peut-être la réforme économique la plus importante de ces dernières années. Ce flottement n’a posé aucune difficulté majeure et a été facilité par le durcissement de la politique monétaire. Le Bangladesh s’est désormais engagé à gérer son taux de change avec souplesse : « il n’y aura intervention sur le marché des changes que pour remédier à une situation désordonnée »23. Les autorités bangladaises sont par ailleurs décidées à supprimer progressivement l’obligation de restitution des devises à la banque centrale et les subventions à l’exportation. Main-d’œuvre 32. Si la main-d’œuvre est relativement bon marché au Bangladesh, elle est également relativement peu productive. Selon une étude menée à la fin des années 90, il fallait 25 minutes-personne pour effectuer une tâche sommaire entrant dans la confection d’un vêtement au Bangladesh, contre 19,75 minutes à Hong-Kong et 14 minutes aux États-Unis24. Même dans ces conditions, le coût unitaire de main-d’œuvre restait largement inférieur au Bangladesh : au milieu des années 90, la confection d’une chemise coûtait à peine USD 0,11 au Bangladesh, contre USD 0,26 en Inde et USD 0,43 au Pakistan25. L’emploi dans le secteur de l’habillement est très majoritairement féminin, et se caractérise par des niveaux de syndicalisation et de rémunération relativement faibles26. Toujours au milieu des années 90, le salaire journalier des femmes au Bangladesh était inférieur d’environ 40 % à celui des hommes27. Les conflits du travail constituent également une source de troubles intérieurs et internationaux, de même que les grèves d’ampleur nationale (hartals). Dans les années 90, le Bangladesh a failli être sanctionné par la communauté internationale à cause du travail des enfants. Cette question a été tranchée en 1995 avec la signature d’un protocole d’accord, sur l’initiative de plusieurs ONG, entre les fabricants de vêtements du Bangladesh, l’Organisation internationale du travail et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance28. 33. Les autorités bangladaises et le secteur privé sont conscients que pour que le Bangladesh puisse rester concurrentiel après le démantèlement de l’Accord multifibre, il ne peut s’appuyer uniquement sur la faiblesse de ses coûts de main-d’œuvre. Ce pays devra en effet renforcer les compétences de ses travailleurs, tant pour accroître l’efficience de la production des lignes de vêtements existantes que pour passer à des lignes nouvelles à plus forte valeur ajoutée29. Les autorités bangladaises s’attaquent à ce problème en multipliant les programmes de développement des compétences. Il restera toutefois encore à faire à cet égard. Selon un observateur, cette politique « est mise en œuvre plus ou moins au cas par cas »30. Pour qu’un pays soit compétitif, il faut également que les acheteurs étrangers soient certains que leurs commandes ne seront ni retardées ni annulées du fait de perturbations intérieures. Cet aspect nécessitera à son tour de régler la question des droits des travailleurs. En mai 2004, les autorités bangladaises sont parvenues à un accord avec les donneurs extérieurs et se sont engagées à respecter, dans les zones franches, les normes de l’Organisation internationale du travail. Au moment de la rédaction de la présente étude, les 10 TD/TC(2005)2/ANN2 conditions de cet accord attendaient l’aval du Parlement. Le projet de loi en question s’intitule « EPZ Workers Association and Industrial Relations Act, 2004 ». Caractéristiques du secteur du textile et de l’habillement au Bangladesh 34. Au Bangladesh, le complexe fibre-tissus-vêtements revêt la forme d’une pyramide inversée : le pays produit en effet très peu de fibre, un peu de tissus, mais beaucoup de vêtements. Si ce pays est un gros producteur de jute, cette fibre ne joue pas un rôle significatif dans la fabrication de vêtements destinés à l’exportation. Le jute est en revanche essentiellement utilisé pour les tissus et les vêtements destinés au marché local, ainsi que pour d’autres produits en jute qui sont exportés31. Pour l’habillement, les marchés intérieur et d’exportation continuent « d’exister en parallèle, avec peu d’échanges de compétences entrepreunariales ou de moyens »32. De nombreux vêtements exportés sont en coton, alors que le Bangladesh ne produit que très peu de cette matière première. Le secteur de la filature de coton ne peut donc pas répondre à la demande du secteur de l’habillement. La situation est encore pire du côté de l’offre locale de tissus synthétiques. La politique textile de 1989 (Textile Policy – 1989) visait l’autosuffisance complète du pays dans le domaine du tissu, mais cet objectif s’est révélé bien trop ambitieux. Dans sa version révisée de la politique textile de 1995 (Textile Policy – 1995), le gouvernement fixait pour objectif « l’autosuffisance dans le textile, afin de répondre à la demande locale et approvisionner le secteur [du prêt-à-porter], par biais des effets d’entraînement amont nécessaires provenant du développement du secteur privé »33. 35. La capacité limitée des producteurs de textile locaux empêche le Bangladesh de capitaliser sur la réussite de son secteur de l’habillement, et le placera dans une position plus vulnérable lorsque l’Accord multifibre sera définitivement supprimé. Les autorités bangladaises ont néanmoins pris des mesures destinées à renforcer la position du secteur du tissu. Le secteur du tissage a été privatisé au milieu des années 80, et les usines de tissage ont été inscrites sur la liste des secteurs pour lesquels l’investissement privé ne nécessitait aucune autorisation officielle. (Certaines usines de textile restent néanmoins la propriété de l’État.) Ces mesures ont encouragé l’investissement dans ce secteur, mais pas suffisamment pour que ce dernier soit à même de répondre aux demandes croissantes d’un secteur de l’habillement en pleine expansion. Les usines de textile pâtissent du sous-investissement et de technologies obsolètes. Selon une estimation, « 90 à 95 % de la capacité de filature installée au Bangladesh ne répond pas aux critères stricts de performance imposés par les machines de tissage et de tricotage modernes, ni même à ceux des tissus utilisés dans les vêtements de qualité destinés à l’exportation »34. 36. Le Bangladesh n’est donc pas un producteur intégré de textiles et de vêtements. Il se concentre essentiellement sur l’assemblage d’intrants importés pour confectionner des vêtements finis. La production de vêtements a principalement lieu dans les zones franches qui sont assujetties à des régimes fiscaux et réglementaires spéciaux, ou bien dans le cadre de régimes analogues propres à une usine (entrepôts sous douane) ou à une transaction (ristourne de droits). Le tableau 1 et la figure 2 présentent les flux d’échanges : le Bangladesh importe des quantités significatives de tissu de Chine et d’autres pays d’Asie de l’Est et exporte des vêtements finis vers l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale. Le mouvement dans les deux sens se fait sans contrepartie. Le Bangladesh n’importe en effet quasiment pas de tissu depuis les pays de l’OCDE et n’exporte quasiment pas de vêtements en direction des pays asiatiques, développés ou en développement. Pour obtenir le produit net des exportations de vêtements, il convient de déduire les importations de fibre et de tissu. En 1995, d’après les estimations officielles, « la valeur ajoutée par le secteur [de l’habillement] ne dépasse pas 20 à 25 % du total des recettes à l’exportation »35. 37. Le Bangladesh se trouve dans une situation plus précaire que l’Inde, producteur intégré qui cultive le coton, fabrique du tissu et confectionne des vêtements. Cette polyvalence s’avèrera utile pour l’Inde lorsque les contingents disparaîtront. De nombreux observateurs s’attendent à ce que le prix du tissu explose sous l’effet de la croissance de la demande mondiale, et prévoient que la Chine conserve certains 11 TD/TC(2005)2/ANN2 tissus pour les transformer elle-même. Cette évolution pourrait conduire à une pénurie de matière au Bangladesh, qui est nettement plus sensible aux perturbations de l’offre que ne l’est un producteur intégré. Le secteur de l’habillement au Bangladesh offre également une capacité de réaction moindre : le délai de réalisation d’un projet n’est que de 12 jours en Inde, contre 120 à 150 au Bangladesh36. 38. Quel niveau de compétitivité le Bangladesh affichera-t-il après le démantèlement de l’Accord multifibre ? Il est difficile de répondre sur la base des données existantes, dans la mesure où les contingents de l’Accord multifibre biaisent fortement les schémas de production et d’échanges. La comparaison des coûts unitaires n’est pas aussi simple qu’elle le serait sur un marché véritablement ouvert, comme le montre l’exemple de la figure 3. Les données semblent indiquer a priori que, pour un type donné de chemise en coton, le Bangladesh affiche le prix au débarquement le plus bas sur le marché américain. C’est d’autant plus vrai si l’on considère uniquement le coût unitaire des biens, sans tenir compte des droits de douane et des frais d’acheminement. Les chiffres ne nous disent cependant pas si l’écart de coût moyen entre une chemise bangladaise (USD 4,68) et une chemise chinoise (USD 6,89) s’explique par (a) une efficience supérieure des Bangladais ou (b) une décision délibérée de la part des producteurs chinois de se concentrer sur le haut de gamme. Tant que la production chinoise est freinée par les contingents, les fabricants chinois sont incités à tirer le maximum de chaque livraison, ce qu’ils font en misant sur des produits haut de gamme. Lorsque les contingents auront disparu, la concurrence pourrait s’intensifier sur les niches bas de gamme, où se concentre aujourd’hui la production du Bangladesh (tee-shirts, pyjamas, jeans, chemises bon marché, notamment). Nous pourrions assister à une convergence de la production dans les années à venir. Si, après démantèlement de l’Accord multifibre, les fabricants chinois seront incités à être présents sur les deux segments, nombre de producteurs bangladais espèrent pénétrer sur le haut de gamme. Politique commerciale 39. L’expansion de l’industrie de la confection au Bangladesh a été facilitée par la libéralisation des échanges et la mise en place d’un régime d’incitations. Les autorités ont abaissé les droits de douane sur le fil de coton de 50 % en 1984 à 7.5 % en 1995. La libéralisation n’est cependant pas généralisée. L’État cherche en effet à trouver un compromis entre les demandes de producteurs de vêtements relativement efficients et les craintes de producteurs de textile relativement inefficients. Bien que réduits par rapport au taux antérieur (100 %), les droits sur les étoffes tissées restent élevés. Il en résulte, comme le montre la figure 1, une structure tarifaire semi-inversée, où le taux effectif de protection est plus élevé pour les biens intermédiaires que pour les produits finis. Étant donné le taux de protection sur le tissu, il est intéressant, pour les importateurs qui bénéficient de régimes de franchise de droits, « d’écouler » des textiles sur le marché intérieur. Ces « importations illégales de tissus et de vêtements risquent d’affaiblir les effets protecteurs » des droits de douane37. 40. Outre un abaissement des tarifs douaniers sur les matières premières et les biens intermédiaires, les autorités bangladaises ont proposé une série d’incitations au début des années 90. Parmi celles-ci figurent une déduction anticipée des recettes d’exportation de l’impôt des sociétés, un système de remboursement en numéraire sur la base du pourcentage de valeur ajoutée locale (à l’origine fixé à 15 %, puis relevé à 25 %), la suppression des droits de douane sur les machines importées par les secteurs orientés à l’exportation et la réforme du système de ristourne de droits38. Certaines de ces incitations ne sont toutefois pas anodines : l’État cherche en effet à influencer les décisions des entrepreneurs. L’un des instruments d’intervention des pouvoirs publics est destiné à inciter les entreprises à utiliser davantage d’intrants locaux pour la confection de vêtements. Selon l’Import Policy Order de 1993, pour les transactions effectuées dans le cadre de lettres de crédit, la valeur des produits importés ne peut dépasser 70 % de la valeur des produits exportés (et 75 % pour les articles tricotés), ce qui revient à dire que 30 % de la valeur ajoutée de ces exportations doivent être d’origine bangladaise. 12 TD/TC(2005)2/ANN2 41. Le Bangladesh envisage actuellement de négocier des accords de libre-échange avec des pays d’Asie de l’Est et du Sud. Ces négociations sont essentiellement motivées par l’espoir de trouver de nouveaux débouchés pour l’exportation de vêtements bangladais, afin de diversifier l’éventail de produits exportés par ce pays. 42. On attribue généralement à l’AMF le décollage du secteur bangladais de la confection dans les années 80 et 90, tandis que d’autres producteurs asiatiques pratiquaient le « transfert de quotas » ou « quota-hopping » (qui consiste à délocaliser la production dans des pays qui ne sont pas soumis à des restrictions quantitatives). Les conséquences de l’AMF n’étaient pas toutes favorables pour le Bangladesh. Au contraire, le secteur a subi de lourdes pertes en 1985 suite à l’introduction de contingents par le Canada, la Communauté économique européenne et les États-Unis. Au terme du cycle d’Uruguay, le Bangladesh faisait partie des 22 pays pour lesquels le Canada imposait des contingents dans le cadre de l’AMF et des 28 qui étaient assujettis à des contingents par les États-Unis. Les restrictions imposées par l’Europe n’ont jamais pleinement pris effet, et, en 1986, la CEE accordait un accès en franchise de droits et sans contingents aux textiles en provenance du Bangladesh. C’est peut-être ce qui explique pourquoi, dans les années 90, l’Europe était la principale destination des exportations de vêtements bangladais, devant l’Amérique du Nord. 43. Si l’AMF sert à limiter les échanges mondiaux de textiles et de vêtements, d’autres initiatives cherchent à renforcer les opportunités commerciales pour les pays en développement en général et pour les pays les moins avancés (PMA) en particulier. Le Bangladesh est inscrit sur la liste officielle des Nations Unies qui recense les PMA depuis la création de cette dernière en 1971, qui comptait 24 PMA à l’époque. En 2001, les pays industrialisés se sont engagés à laisser entrer librement sur leur territoire les produits exportés par les 49 PMA39, engagement qu’ils ont réitéré à l’occasion de la Conférence ministérielle de l’OMC à Doha40. L’UE étend ce libre accès aux importations de produits répondant aux critères définis dans l’initiative « Tout sauf les armes » (TSA), en provenance du Bangladesh et d’autres PMA, mais de nombreux exportateurs de vêtements ont du mal à satisfaire aux règles d’origine imposées par l’initiative TSA41. Les États-Unis accordent eux aussi un traitement spécial aux PMA. Toutefois, les préférences qu’ils concèdent au Bangladesh ne sont pas aussi généreuses que celles dont bénéficient la plupart de leurs partenaires commerciaux en Afrique, dans les pays andins et dans le bassin des Caraïbes. Les exportations de textiles et de vêtements des pays situés dans ces régions pénètrent en effet en franchise de droits et sans contingents sur le marché américain. En outre, les États-Unis envisagent actuellement de réduire, voire de supprimer, les privilèges dont bénéficie le Bangladesh dans le cadre du Système de préférences généralisées (SPG), invoquant le fait que « les autorités bangladaises ne garantissent pas aux travailleurs la liberté d’expression ni le droit de négociation dans les » zones franches42. Au moment de la rédaction de la présente étude, cette question était encore à l’étude. Conclusions et enseignements 44. La leçon la plus importante à tirer de l’expérience du Bangladesh est simple : il est impossible de soutenir indéfiniment le secteur des exportations d’un pays uniquement parce qu’il bénéficie d’un accès préférentiel à des marchés réglementés. Si la politique commerciale peut avoir autrefois été de la plus haute importance pour ce secteur très protégé, ce ne sera plus le cas dans les années qui viennent. L’AMF a eu un effet moteur à deux époques. Les contingents ont servi à dynamiser le développement du secteur il y a 20 ou 30 ans, lorsque les producteurs coréens considéraient le Bangladesh comme un partenaire utile dans leur stratégie de « transfert de quotas ». Le démantèlement de ces contingents a, de la même manière, incité le pays à adopter de nombreuses réformes ces dernières années. Afin de se préparer à l’après-AMF, le Bangladesh a pris des mesures qui, espérons-le, le placeront en meilleure position pour être pleinement concurrentiel face à des pays qui étaient jusque-là soumis à des contingents. 13 TD/TC(2005)2/ANN2 45. Le démantèlement imminent des contingents a provoqué un changement de stratégies industrielles. Dans le cadre de l’AMF, la stratégie du Bangladesh reposait principalement sur le faible niveau des salaires et les contingents. La perspective d’une plus ou moins grande uniformisation des règles du jeu a poussé le Bangladesh à aborder des problèmes qu’il ne peut se permettre d’ignorer dans le nouvel environnement. Avec des degrés de réussite variables, ce pays a réduit les droits de douane et la charge fiscale qui pèsent sur les entrepreneurs, simplifié les procédures et fait reculer la corruption. Il a en outre libéralisé son taux de change, amélioré les compétences des travailleurs et répondu aux demandes de la main-d’œuvre. Ces réformes sont plus abouties dans certains domaines (libéralisation des changes) que dans d’autres (droit du travail). 46. Comment le Bangladesh s’en sortira-t-il après la disparition de l’AMF ? Les données disponibles sur la compétitivité des producteurs bangladais sont mitigées et les opinions quant aux perspectives du pays dans le nouvel environnement sont tout aussi diverses. « Le défi à relever par le Bangladesh est éléphantesque par sa taille, formidable par son ampleur et tout simplement écrasant par son gigantisme »43. Tel est l’avis pessimiste d’un intellectuel bangladais. D’autres observateurs locaux aboutissent toutefois à la conclusion inverse : si « à court terme, le pays risque de connaître des perturbations et des difficultés d’adaptation, […] à long terme, le Bangladesh se placera dans le peloton de tête »44. Si l’on se fonde sur les réformes mises en œuvre jusqu’ici ainsi que sur les engagements pris par le pays pour l’avenir, il y a fort à penser que c’est la deuxième opinion la plus juste. 3 Bhattacharya et Rahman (2000), p. 4. OMC (2000), p. 3. 5 FMI (2003c). 6 Les exportations ont grimpé de 9.5 % sur l’exercice 2003, tirées par le secteur du prêt-à-porter. FMI (2003). 7 Muqtada, Singh et Rashid (2002), p. 6. 8 Ahmed (2001), p. 36. 9 FMI (2003c). 10 FMI (2003c). 11 FMI, (2003c). 12 Bhattacharya et Rahman (2000), p. 21. 13 Quddus (1996). 14 Transparency International Corruption Perceptions Index 2003, consultable sur Internet à l’adresse suivante : http://www.transparency.org/cpi/index.html#cpi. 15 Quddus et Rashid (2000), p. 106. 16 Gouvernement de la République populaire du Bangladesh, Ministère du Textile (1995), p. 19. 17 FMI, (2003c). 18 Muqtada, Singh et Rashid (2002), p. 7. 19 Hossain (2002). 20 Quddus et Rashid (2000), p. 3. 21 OMC (2000), p. 4. 22 Voir par exemple Bhattacharya et Rahman (2000), p. 8, et Ahmed (2001), chapitre 7. 23 FMI, (2003c). 24 Étude publiée en 1998 citée dans Bhattacharya et Rahman (2000), p. 17. 25 Rahman (2000), p. 29. 26 Voir Paul-Majumderr (2002). 27 Les femmes gagnaient 60 % du salaire des hommes sur l’échelle des salaires dans les villes, et 56 % dans les campagnes. Calculs effectués à partir des données de Rahman (2000), p. 29. 28 Quddus et Rashid (2000), pp. 102-103 et 227-228. 29 Voir les recommandations y afférentes in Quddus et Rashid (2000), pp. 189-190. 30 Rahman (2002), p. 90. 31 Voir Sikdar (1990). 32 Quddus et Rashid (2000), p. 71. 33 République populaire du Bangladesh, ministère du Textile (1995), p. 2. 4 14 TD/TC(2005)2/ANN2 34 Dowlah (1998), p. 37. Il convient de noter que ces problèmes pèsent plus lourdement sur le secteur du tissage. Les usines locales de tricotage peuvent fournir près de 80 % du tissu demandé par les producteurs de vêtements destinés à l’exportation, mais la plupart des étoffes tissées sont importées. Ibid., p. 35. 35 Government of the People’s Republic of Bangladesh, Ministry of Textiles (1995), p. 15. 36 Bhattacharya et Rahman (2000), p. 16. 37 Centre for Policy Dialogue, p. 274. 38 Résumé de Bhattacharya et Rahman, (2000), pp. 8-9. 39 La Déclaration de Bruxelles approuvée lors de la troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés appelait à « améliorer l’accès préférentiel des PMA aux marchés en favorisant l’accès de tous les produits de ces pays, en franchise et hors contingents, aux marchés des pays développés ». Paragraphe 6 de la Déclaration de Bruxelles, in Troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, A/CONF.191/12 (2 juillet 2001). 40 Les ministres du Commerce ici réunis se sont « engagés en faveur de l’objectif d’un accès aux marchés en franchise de droits et sans contingents pour les produits originaires des PMA ». Paragraphe 42 de la Déclaration ministérielle, Conférence ministérielle de l’OMC à Doha, WT/MIN(01)/DEC/W/1 (14 novembre 2001). 41 Notons que la question des règles d’origine est traitée en plus de détail dans l’étude de cas jointe sur les exportations de vêtements de la Colombie. 42 Voir Office of the United States Trade Representative, “Generalized System of Preferences (GSP): Request for Public Comments on the Possible Withdrawal, Suspension, or Limitation of GSP Benefits with Respect to Bangladesh”, Federal Register, Volume 69, Number 70 (12 avril 2004), p. 19 258. Il convient cependant de noter que la suppression des privilèges dont bénéficiait le Bangladesh au titre du SPG n’a quasiment aucun impact sur le secteur de l’habillement en tant que tel, dans la mesure où les États-Unis n’étendent généralement pas le traitement sous SPG aux produits de ce secteur. 43 Dowlah (1998), p. viii. 44 Quddus et Rashid (2000), p. 21. 15 TD/TC(2005)2/ANN2 ANNEXE STATISTIQUE Figure 1 : Taux effectif de protection des importations bangladaises Pourcentages ad valorem Fabrication industrielle Fabrication artisanale Confection Toile de jute 1992-1993 1997-1998 Fil Jute Moyenne Coton 0% 40 % 80 % 120 % 160 % 200 % Source : D’après les estimations de la Commission tarifaire bangladaise, telles que rapportées dans Ahmed, in Bangladesh (2001), tableau 5.7. Nasiruddin Liberalization Trade 16 240 % TD/TC(2005)2/ANN2 Figure 2 : Importations de tissu et exportations de vêtements par le Bangladesh, 2001 Milliards de dollars Etats-Unis Allemagne Royaume-Uni France Italie Belgique Canada Japon Inde Corée Exportations de vêtements Hong Kong Importations de tissus Taïwan Chine Reste du monde 0$ 1$ 2$ 3$ 4$ Source : Calculs effectués d’après des données WITS Figure 3 : Prix moyen au débarquement pour une catégorie de chemises pour homme importées par les États-Unis, 2003 Dollars courants, valeur en douane, importations destinées à la consommation, article HTS 6205.20.2065 (chemises pour homme en coton, non maillé, moins de deux couleurs sur la chaîne Bangladesh Honduras Mexique Inde Monde Chine Hong Kong Philippines 0$ 2$ Prix unitaire 4$ 6$ Frêt et assurance 8$ Tarifs douaniers Source : Calculs effectués d’après des données de l’U.S. International Trade Commission. 17 10 $ TD/TC(2005)2/ANN2 Tableau 1 : Échanges du Bangladesh dans la fibre, le tissus et les vêtements En milliers de USD courants 1993 1995 1996 1997 1998 2001 Importations de fibre Exportations de fibre Solde fibre 98 904 71 448 -27 456 114 474 79 318 -35 156 187 375 73 316 -114 059 249 888 101 899 -147 989 302 756 83 144 -219 612 412 730 51 156 -361 574 Importations de tissu Exportations de tissu Solde tissu 690 919 179 180 -511 739 1 495 380 275 230 -1 220 150 1 400 276 277 114 -1 123 163 1 042 149 294 999 -747 150 1 532 537 278 897 -1 253 641 1 504 465 282 445 -1 222 020 Importations de vêtements Exportations de vêtements Solde vêtements 7 333 198 076 304 777 66 697 120 736 369 589 2 611 145 3 937 368 4 436 365 5 376 450 7 567 891 8 432 851 2 603 812 3 739 292 4 131,589 5 309 753 7 447 155 8 063 262 Solde total 2 064 616 2 483 986 2 894 366 4 414 614 5 973 902 6 479 668 Source : calculs effectués d’après des données WITS. Ces données ne sont pas disponibles pour toutes les années. 18 TD/TC(2005)2/ANN2 3.2 COLOMBIE Introduction 47. La Colombie constitue un exemple de pays en développement à revenu intermédiaire qui est en train de passer d’une production protégée de vêtements bas de gamme à la production intégrée de marchandises de qualité. Ce pays doit faire preuve de compétitivité non seulement sur le terrain des prix, mais aussi en ce qui concerne sa capacité à proposer des produits élaborés à un niveau de qualité supérieur et dans des délais plus brefs. Telle est la perspective stratégique qui modèle l’opinion du pays sur les barrières et préférences commerciales. Les restrictions à l’accès aux marchés, aussi bien locaux qu’internationaux, ne sont plus envisagées dans le contexte étroit des activités de recherche de rente. Ces conditions d’accès sont désormais perçues au regard de leur impact sur la capacité du pays à être compétitif sur le segment le plus prestigieux du marché. C’est en partie ce raisonnement qui a poussé la Colombie à abandonner une stratégie fondée sur l’industrialisation comme substitut à l’importation, qui s’est révélée bien plus attrayante en théorie qu’en pratique, et à favoriser des formes d’échanges préférentiels qui facilitent le perfectionnement des produits. On pourrait dire que l’on observe une transition « de la zone franche vers l’accord de libre-échange » : à la dépendance préalable aux zones franches, qui se concentraient essentiellement sur le simple assemblage de tissus, se substituent des opérations plus sophistiquées, qui sont possibles dans le cadre d’accords de libre-échange à la flexibilité requise. Le contexte économique et politique 48. La capacité de la Colombie à être effectivement compétitive sur le marché mondial du textile et de l’habillement dépend de sa compétitivité industrielle globlale. Comme de nombreux autres pays en développement, pendant des décennies, la Colombie a assis sa stratégie de développement sur des fondations protectionnistes. Cette approche a finalement été abandonnée au bénéfice d’un modèle orienté sur le marché. L’ouverture du marché comme engagement 49. Une étude a décrit avec justesse « l’évolution de la politique économique et commerciale en Colombie » comme ayant suivi un « itinéraire indirect45 ». De même que la plupart des pays d’Amérique latine, au début des années 50, la Colombie a adopté une politique d’industrialisation comme substitut à l’importation. Au début de la décennie suivante, les pouvoirs publics ont complété cette stratégie par une politique de promotion des exportations. Le pays ne s’est orienté vers une approche véritablement axée sur le marché qu’au moment des perturbations induites par la crise de la dette, au début des années 80. Le premier effet de cette crise a été d’interrompre le processus de libéralisation amorcé à la fin des années 70. La première phase de libéralisation (1977-1981) a été compromise par un retour temporaire au protectionnisme (1982-1984), auquel a succédé une seconde période de libéralisation (1985-1991)46. 50. Le véritable engagement de la Colombie à instaurer une économie ouverte remonte au début des années 90, avec le lancement de la politique d’apertura (ouverture). Si les gouvernements successifs ont opéré des ajustements, le pays n’est pas revenu à une attitude protectionniste. Cette politique d’ouverture va bien au-delà des échanges commerciaux. Il s’agit d’un exemple de « réformes de deuxième génération » qu’ont adoptées plusieurs pays d’Amérique latine, celles-ci étant définies comme des « mesures supplémentaires, ajustements des actions passées, corrections de l’orientation ou changements plus 19 TD/TC(2005)2/ANN2 profonds des stratégies et de la politique47 ». Dans le cas de la Colombie, les réformes structurelles des années 90 ont porté sur la fiscalité, la libéralisation financière, la privatisation et la libéralisation des transactions financières avec l’étranger. Dans le même temps, les tarifs douaniers moyens ont rapidement chuté : ils sont passés de 83 % en 1985 à 7 % 199248. Sur la base de ces exemples, on peut dire que les réformes économiques de la Colombie répondent à une stratégie « concurrentielle » – à distinguer d’une stratégie de marché « standard ». Alors que la stratégie standard s’appuie sur une adhésion relativement stricte aux dogmes du néo-libéralisme, dans la stratégie de libéralisation concurrentielle, des instruments de politique publique tels que « la fiscalité et les incitations au crédit pour les petites entreprises commerciales, la promotion des exportations et les programmes de formation à l’emploi […], sont utilisés plus activement dans le cadre d’un modèle de développement fondé sur le libre-échange49 ». Le Chili a, lui aussi, mis en œuvre cette approche, aboutissant à des résultats bien meilleurs que ceux de l’Argentine avec la stratégie standard ou que ceux du Brésil, qui a en grande partie appliqué la stratégie standard. Les taux de change 51. Un élément clé de l’apertura est un taux de change déterminé par le marché. Depuis la fin de 1999, quand la Colombie a supprimé sa bande de fluctuation du taux change pour laisser flotter le peso, la Banco de la República intervient sur les taux via des mécanismes reposant sur les options. Cette politique suppose l’adjudication d’options d’achat et de vente (selon que la Banque cherche à acheter ou à vendre des dollars des États-Unis), option qui peut ensuite être exercée lorsque le cours du change au comptant s’écarte (appréciation ou dépréciation) de sa moyenne arithmétique mobile des 20 derniers jours. La Banque peut ainsi contrôler l’expansion ou la contraction des réserves, ainsi que la volatilité du taux de change50. Cette approche et le volume des interventions « sont destinées à modérer les variations du peso, tout en laissant le marché déterminer son niveau51 » et évitent aussi la formation de tensions inflationnistes. 52. La fortune des secteurs du textile et de l’habillement a toujours dépendu des fluctuations de la parité dollar-peso. Pourtant, comme c’est toujours le cas pour les secteurs à intégration verticale, les variations des taux de change ont des répercussions différentes sur les producteurs situés aux divers échelons de la chaîne de production. Pour les producteurs de textile, une dévaluation améliorera sa compétitivité en termes de prix vis-à-vis des tissus importés, mais peut aussi relever le coût des matières premières et des biens d’équipement importés. Cependant, un producteur peut gérer ces coûts en se spécialisant dans des tissus réalisables à partir d’intrants locaux et en déterminant le meilleur moment pour importer ses biens d’équipement. Le problème peut être plus difficile à gérer pour les fabricants de vêtements, pour qui les investissements sont moins volumineux, mais qui doivent acheter régulièrement des tissus. Néanmoins, dans tous les cas, l’élimination des fluctuations des taux de change rend l’environnement d’affaires plus prévisible. Caractéristiques des secteurs du textile et de l’habillement en Colombie 53. L’élément critique pour l’industrie colombienne, comme pour celles des pays de l’OCDE, est que le taux de rémunération local est bien supérieur à celui des pays en développement asiatiques. Comme dans pratiquement tous les pays, les appointements des travailleurs du textile (habituellement environ USD 240 par mois) sont supérieurs à ceux pratiqués dans l’habillement (environ USD 160 par mois52). Le modèle d’entreprise colombien cherche à compenser ces désavantages salariaux vis-à-vis de la concurrence par des facteurs hors prix, à savoir un niveau de qualification supérieur de ses travailleurs, de meilleures procédures de contrôle qualité, ainsi que l’exploitation de la situation géographiquement favorable du pays. 54. La Colombie a peu à peu progressé sur l’échelle de la sophistication dans le secteur de l’habillement. Les analystes distinguent généralement trois types d’organisation dans l’industrie du vêtements, sur la base des niveaux croissants de qualité et d’implication53 : (1) le simple assemblage de tissu, souvent réalisé une base de sous-traitance, habituellement dans des zones économiques spéciales ; (2) 20 TD/TC(2005)2/ANN2 la fabrication pour le compte d’une marque (original equipment manufacturing – OEM), analogue à l’assemblage de vêtements bas de gamme bon marché, mais consacrée à des vêtements plus onéreux, de marque ; et (3) la fabrication de marques d’origine (original brand manufacturing – OBM), dans laquelle le fabricant d’OEM a acquis l’expérience nécessaire pour concevoir et commercialiser ses propres produits. Dans les années 60, la majeure partie de la production consistait simplement en de l’assemblage dans les zones franches. À la fin des années 70, les entreprises colombiennes produisaient des vêtements sous licence pour plusieurs grandes sociétés de marque. Aujourd’hui, un nombre croissant de producteurs d’OEM mettent en œuvre les moyens nécessaires pour se tourner vers la production d’OBM. 55. Pour pouvoir évoluer de la sorte, le secteur de l’habillement, et l’économie dans son ensemble, ont dû s’attaquer à plusieurs facteurs qui freinaient la productivité. Dans une étude désormais classique des problèmes du secteur de l’habillement durant les années 60 et 70, un analyste a énuméré les principales difficultés suivante : la médiocre productivité de la main-d’œuvre, qui neutralisait la majeure partie des avantages tirés de la faiblesse des salaires, la piètre productivité de l’équipe dirigeante, peu attachée à la qualité et à la ponctualité, la politique tarifaire, qui limitait la disponibilité des intrants mondiaux de qualité au prix des marchés internationaux, les zones de promotion des exportations, qui existaient mais ne fonctionnaient pas, et les coûts de transport, largement à l’avantage de la Colombie, mais exploités de manière inefficiente54. Ces goulets d’étranglement ont été traités par une série d’initiatives, dont certaines s’adressaient à l’ensemble de l’économie, et les autres à des secteurs spécifiques. La coopération entre les secteurs public et privé s’est révélée cruciale. En 1989, par exemple, le gouvernement de la Colombie a commandé une série d’études externes sur les secteurs industriels afin d’en promouvoir la modernisation. L’une d’entre elles s’est intéressée au textile. Par un heureux hasard, ce dernier a reçu et commencé d’adopter les recommandations émanant de cette étude à une période où il s’était déjà engagé dans son propre processus de reconversion et au moment précis où l’État a lancé la nouvelle politique d’apertura55. Les initiatives des secteurs public et privé ont donc convergé en un effort commun. 56. L’industrie de l’habillement a aujourd’hui la réputation de fournir des produits de grande qualité, pouvant être livrés en flux tendus, en particulier dans des niches de marché telles que les sous-vêtements féminins, l’habillement pour bébé ou les vêtements de bain. En prévision de 2005, le secteur a délaissé le bas de gamme pour se recentrer sur des produits de mode de qualité, tout en proposant une production intégrée. Il s’agit d’accords d’externalisation qui peuvent concerner l’ensemble du processus de réalisation du vêtement (conception, toutes les étapes de la fabrication et distribution du produit fini), ou n’importe quelle combinaison de ces étapes. Main-d’œuvre, encadrement et investissement 57. L’un des principaux problèmes rencontrés durant ces dix dernières années a été le manque de compétence de la main-d’œuvre et de professionnalisme parmi le personnel d’encadrement. Ces deux aspects ont été résolus au niveau du secteur. L’habillement, en particulier, a entrepris de nouveaux programmes de formation au début des années 90, cherchant à faire en sorte que les travailleurs puissent endosser de nouvelles fonctions ou « avoir la flexibilité requise pour exécuter des tâches distinctes au sein du même processus de production » (affectation multiple56). Si cette approche semble contredire la logique de spécialisation, elle s’est avérée payante pour ce secteur. Les perspectives de la Colombie pour l’après 2004 dépendent de sa capacité à être compétitive sur les segments les plus prestigieux du marché, y compris le processus intégral de production de vêtements de qualité. Cet aspect est à son tour fonction du niveau de qualification des travailleurs, dont la comparaison avec les concurrents asiatiques tourne déjà à leur avantage. La formation des travailleurs constitue donc une priorité, les pouvoirs publics et le secteur privé dirigeant conjointement des programmes de formation permanente. 58. Les dirigeants ont progressé au même rythme que la main-d’œuvre, essentiellement par un processus d’apprentissage par la pratique. La production de vêtements colombienne s’appuie en priorité sur 21 TD/TC(2005)2/ANN2 les échanges, et non sur l’investissement. Cette caractéristique se vérifie aussi bien pour les fabricants qui se chargent de l’intégralité du processus pour des produits haut de gamme, que pour les sous-traitants des distributeurs étrangers. Les dirigeants locaux sont responsables aussi bien d’entreprises de textile que d’habillement et la plupart des entreprises colombiennes dans ces deux secteurs sont détenues par des intérêts colombiens. Il semble, cependant, que les entreprises fabriquant des fibres artificielles soient détenues par des étrangers, ou se caractérise par une participation étrangère de sociétés sises aux ÉtatsUnis, au Mexique, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Les responsables politiques colombiens espèrent pouvoir attirer de nouveaux investissement étrangers afin de renforcer la compétitivité de la production de tissus et vêtements haut de gamme. 59. L’apertura a conduit à une multiplication des transactions commerciales, mais s’est révélée encore plus significative en ce qui concerne les changements qu’elle a inspirés dans le fonctionnement interne du secteur du textile. Selon un sondage, alors que quelque 38.5 % des producteurs ont déclaré avoir commencé de remplacer les intrants importés par des produits nationaux, ceux qui déclaraient avoir réorganisé leurs processus de production étaient bien plus nombreux (73.0 %57). C’est au cours de cette période que beaucoup d’entreprises de textile ont adopté des programmes de gestion de la qualité totale, de production en flux tendu et de planification stratégique58. Le secteur de l’habillement a engagé des efforts similaires, en particulier en termes de gestion de la qualité totale59. Les coûts de transport 60. De gros efforts ont été entrepris afin de mieux tirer parti de la situation géographique stratégique de la Colombie. Proche des États-Unis, ce pays se situe à la jonction entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. La Colombie est également le seul pays d’Amérique du Sud à disposer de ports ouvrant à la fois sur l’océan Pacifique et la mer des Caraïbes. Cette localisation lui confère un avantage en termes de délai de livraison, aspect critique pour les segments à forte valeur ajoutée de ce secteur. Cet atout est particulièrement précieux dans les accords de coproduction. L’expédition vers l’Asie (pour l’assemblage) de tissus fabriqués et coupés aux États-Unis peut nécessiter un délai de quatre à six semaines, ce qui est bien moins intéressant pour un fabricant asiatique que de transformer un tissu luimême asiatique (processus qui peut ne prendre qu’une semaine60). La Colombie peut expédier des produits vers les États-Unis en trois semaines par la mer, et en trois heures par avion. Politique commerciale 61. Le textile et l’habillement colombiens sont passés d’un marché local protégé à une situation de concurrence sur les marchés à l’exportation. Non seulement cette transformation a nécessité la transition cruciale d’une industrie se substituant à l’importation à une orientation sur l’exportation, mais elle a en outre exigé que la stratégie d’exportation évite les écueils du simple assemblage et de la recherche de rente sur la base des prix. Dans le cadre de l’Accord multifibres, il aurait été facile, pour la Colombie, de mettre en place une industrie née des contingents, privilégiant les profits à court terme sur des marchés restreints, mais la durée de vie de cette approche aurait été limitée. La Colombie a au contraire choisi de renforcer sa compétitivité dans l’environnement d’après 2004. Elle a pris une série de mesures destinées à renverser son ancien protectionnisme. Tout d’abord cantonnées à des programmes isolés introduisant des exceptions au protectionnisme, ces mesures ont ensuite évolué vers des accords réciproques prévoyant la suppression des barrières protectionnistes sur une base mutuelle et négociée. 62. Cette évolution a nécessité un bouleversement des attentes des producteurs, dont beaucoup se complaisaient dans l’isolement que leur apportait le système d’industrialisation comme substitut à l’importation. Au début des années 90, la moitié des producteurs de textile n’exportaient pas du tout, et seulement 3.8 % d’entre eux exportaient la majorité de leur production61. À peine plus de la moitié des producteurs d’habillement (51.7 %) vendaient à l’étranger62. Les fabricants de vêtements ont adopté une 22 TD/TC(2005)2/ANN2 attitude plus pessimiste à l’égard de l’apertura que l’industrie du textile, « les entrepreneurs étant davantage préoccupés par les torts que les importations pouvaient leur causer, en particulier les importations illégales, que par le profit qu’ils tireraient des exportations63 ». Depuis lors, le secteur de l’habillement s’oriente de plus en plus vers l’exportation et les mentalités ont changé. 63. La compétitivité d’une industrie à vocation exportatrice est en partie déterminée par sa capacité à contourner les biais contre l’exportation que constituent les barrières protectionnistes. Étant donné que la chaîne colombienne fibre-tissu-vêtement n’est que partiellement intégrée, le pays est dépendant des échanges en amont comme en aval. Même s’il cultive le coton, la production a décliné au cours des années 90 et les importations de fibre de coton représentent désormais plus de 65 % de la consommation. La plupart des fibres synthétiques utilisées par l’industrie textile du pays sont importées, essentiellement des États-Unis64. Les réformes commerciales ont contribué à rehausser la compétitivité de l’industrie colombienne. Une étude a examiné la réaction des secteurs du textile et de l’habillement, entre autres, face à l’évolution du degré de protectionnisme. Elle conclut à « des données soutenant sans équivoque l’hypothèse selon laquelle le protectionnisme nuit à la productivité des usines » à cause d’un « niveau accru (i) d’intensité de la main-d’œuvre qualifiée dans la production, (ii) d’importations d’intrants intermédiaires, et (iii) d’investissements dans les machines à l’échelle de l’usine65 ». 64. Les améliorations apportées aux capacités des secteurs nationaux sont complétées par des révisions de la nature du régime commercial. Ces dernières décennies, les tarifs douaniers appliqués aux textiles et vêtements importés étaient fixés à des niveaux quasiment confiscatoires, mais, en vertu du Plan Vallejo adopté en 1967, des incitations étaient offertes aux exportateurs qui importaient des matières premières et des biens d’équipement. Ce plan prévoit une exonération de droits de douane sur les matières premières importées qui seront utilisées dans la fabrication de produits destinés à l’exportation. À quelques modifications près, ce régime reste valable aujourd’hui. Ce plan, conjugué aux zones franches, a contribué à asseoir l’assemblage de vêtements et l’OEM en Colombie. Dans ces zones, les entreprises sont exonérées de l’impôt sur les bénéfices de toutes les recettes issues de l’exportation, de tous les droits de douanes et taxes sur la valeur ajoutée sur les biens et services introduits dans la zone, et disposent du droit de changer, détenir et négocier des devises et d’ouvrir des comptes en devises auprès de banques nationales ou étrangères. 65. Alors que le Plan Vallejo reste opérationnel, il se fait distancer, en termes d’importance, par un autre régime plus ambitieux. Dans le cadre d’une stratégie que l’on pourrait décrire comme une réorientation « des zones franches vers les accords de libre-échange », la Colombie s’est progressivement écartée du simple assemblage des vêtements bas de gamme dans les zones franches pour se tourner vers des productions plus sophistiquées destinées à la vente sur les marchés partenaires de ses accords de libreéchange. Ces derniers peuvent être davantage créateurs de valeur que les zones franches, si tant est que leurs règles d’origine ne soient pas trop restrictives. L’accord de libre-échange actuellement en cours de négociation entre la Colombie et les États-Unis (voir ci-dessous) constitue la plus récente et la plus vaste d’une série de démarches visant la libéralisation des échanges entre la Colombie et le reste du continent américain. Parmi les autres étapes d’importance, notons la transformation, dans les années 90, du Groupe andin, favorisant la substitution aux importations, en Communauté andine, fondée sur un marché commun et un « régionalisme ouvert » (c’est-à-dire la réduction simultanée des obstacles au commerce avec des pays tiers) ; la négociation de l’accord du Groupe des Trois (ou G3), avec le Mexique et le Venezuela, en 1994 ; l’accord bilatéral Chili-Colombie (1994) ; et le lancement des négociations pour la Zone franche des Amériques, en 1998. 66. La conclusion de l’accord de libre-échange entre les États-Unis et la Colombie, qui pourra également inclure l’Équateur, le Pérou et peut-être la Bolivie, constituera l’apogée du processus en cours depuis 20 ans. Comme analysé plus en détail dans l’étude consacrée au textile et à l’habillement aux ÉtatsUnis, depuis le milieu des années 80, la majeure partie des mesures américaines relatives à ces secteurs se 23 TD/TC(2005)2/ANN2 s’efforcent d’encourager la coproduction avec les pays qui incorporent du tissu fabriqué aux États-Unis dans leurs vêtements finis. L’application de cette politique à la Colombie est passée par trois étapes. Avant le début des années 90, le seul moyen consistait à encourager la production dans les zones franches. Le pendant américain au Plan Vallejo était le programme HTS 9802, aux termes duquel les importations de produits assemblés à l’étranger à partir de composants venus des États-Unis ne sont soumises aux droits de douane que sur la valeur ajoutée étrangère. Comme on peut le constater à la figure 1, il existe une correspondance étroite entre les exportations des États-Unis et les importations de la Colombie dans ce secteur. Jusqu’à récemment, ces importations et exportations étaient habituellement les deux extrémités de la même transaction : le tissu des États-Unis entrait en Colombie en franchise de droits aux termes du Plan Vallejo, et les vêtements finis pénétraient aux États-Unis sur une base de droits réduits, en vertu du programme 9802. Le recours à ce programme a toutefois reculé ces dernières années ; cette évolution a été attribuée à un « revirement des secteurs colombiens, qui sont passés des seules opérations d’assemblage des vêtements à des processus globaux de fabrication de vêtements, dans un effort de renforcement de la compétitivité66 ». 67. La deuxième phase a été marquée par la promulgation de la loi de 1991 relative aux préférences commerciales en faveur des pays andins (Andean Trade Preferences Act), renouvelée et prorogée par la loi de 2002 relative à l’éradication des drogues et à la promotion des échanges andins (Andean Trade Promotion and Drug Eradication Act – APTDEA). Les préférences de 1991 n’incluaient pas les textiles et l’habillement, contrairement aux amendements de 2002. Dans la mesure où les produits satisfaisaient aux règles d’origine énoncées par l’APTDEA, qui autorise effectivement une certaine utilisation de matériaux provenant de pays tiers, les biens bénéficiaient d’un accès au marché des États-Unis en franchise de droits et sans quota. Cette admission d’une proportion limitée de matériaux provenant de pays tiers revêt une importance capitale, car les producteurs colombiens ont besoin d’une plus grande flexibilité concernant l’origine des produits afin de pouvoir continuer de s’écarter de leur simple fonction d’assemblage. Les premiers résultats des préférences élargies peuvent être observés dans la figure 2. Si les données brutes suggèrent qu’une partie des produits importés par les États-Unis en provenance de la Colombie en 2003 et 200467 peuvent simplement refléter le changement de statut douanier des flux existants, le bond de la valeur des importations implique également que les préférences ont induit des ventes supplémentaires. Les négociations de l’accord de libre-échange offrent l’occasion d’une transformation plus profonde des relations américano-colombiennes dans le domaine du tissu et de l’habillement. Celle-ci dépendra en partie de l’issue des négociations sur les règles d’origine. 24 TD/TC(2005)2/ANN2 Conclusions et enseignements de l’expérience 68. L’expérience colombienne souligne combien il est important d’éliminer le biais contre les exportations inhérent aux régimes protectionnistes. Alors que les dirigeants colombiens ont, pendant des dizaines d’années, cherché à réconcilier ces deux aspects du régime du textile et de l’habillement, ils ont finalement dû sacrifier l’ensemble des barrières protectionnistes. Une fois que le pays s’est engagé à libéraliser ses marchés, l’industrie nationale a bénéficié des avantages qu’offre l’accès à des fournitures et biens d’équipement importés de bonne qualité et meilleur marché tout en restant exposés aux défis de la concurrence. 69. Tout ce qu’apportent ces changements dans la politique publique, c’est une possibilité d’entrer en concurrence. Ensuite, ce sont les entreprises elles-mêmes qui doivent tirer profit de ces opportunités en renforçant leur compétitivité. D’après une étude sur l’industrie de l’habillement, la réussite des entreprises qui ont obtenu les meilleurs résultats au cours de l’apertura est « fondée sur leur capacité à réagir à la concurrence en maîtrisant leurs coûts de production, en gérant les prix de vente et en améliorant la qualité des produits vendus68 ». Les entreprises qui se sont engagées dans des réformes ont été mieux à même de servir à la fois le marché local et étranger. 70. La politique commerciale peut venir soutenir ces efforts en encourageant le perfectionnement des produits et processus. L’industrie colombienne bénéficie en particulier de la complémentarité des objectifs de politique commerciale de la Colombie et des États-Unis, qui, tous deux, font en sorte d’encourager la coproduction et la revalorisation progressive de l’exploitation des entreprises colombiennes. La combinaison d’une politique plus libérale, du relèvement des compétences d’encadrement et des qualifications de la main-d’œuvre, de l’apprentissage par la pratique, des programmes d’échanges préférentiels et de la négociation d’accords de libre-échange donne un nouveau visage à l’industrie colombienne. Ce qui fut un secteur protégé aux visées étroites a développé la capacité de proposer un processus de production intégré et de qualité. Ce secteur ferait piètre figure s’il cherchait à entrer en concurrence avec les grands producteurs asiatiques sur le seul terrain des prix, mais il a choisi de s’orienter sur des segments à plus forte valeur, où les considérations autres que les prix revêtent une importance tout aussi grande. 45 Haar et Reyes (2000), p. 4. Cette périodisation émane de Fernandes (2003), pp. 9-10. 47 Jeffrey Stark (1999). 48 Haar et Reyes (2000), p. 7. 49 Wise, Carol (1999), p. 1. 50 Pour de plus amples détails sur ces opérations, voir FMI (2004 ), p. 6. 51 FMI (2004b), p. 17. 52 USITC (2004a). 53 Cette typologie, ainsi que l’étude des différents modèles régionaux, est adaptée de Gereffi et Memedovic (2003), p. 1. 54 Résumé d’après Morawetz (1981). 55 Voir l’analyse de l’étude du Boston Consulting Group in Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), pp. 88 et suivantes. 56 Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), p. 174. 57 Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), p. 108. 58 Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), p. 172. 59 Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), p. 110. 60 McMillan, Pandolfi et Salinger (1999), pp. 21-22. 61 Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), p. 101. 62 Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), p. 163. 63 Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), p. 165. 46 25 TD/TC(2005)2/ANN2 64 USITC (2004a). Fernandes (2003), p. 3. 66 USITC (2003), pp. 2-32. 67 Les importations de textile et de pièces d’habillement admissibles pour les pays andins sont devenues éligibles pour le traitement préférentiel, avec la mise en œuvre de l’ATPDEA, le 31 octobre 2002, mais les exportateurs n’ont pas tiré parti de cette nouvelle opportunité avant 2003. 68 Jaramillo, Montoya et Ramirez (1996), pp. 182 et suivantes 65 26 TD/TC(2005)2/ANN2 ANNEXE STATISTIQUE Figure 1. Échanges Colombie-États-Unis : fibres, tissu & habillement, 1989-2004 En millions de USD courants ; données 2004 projetées à partir des résultats sur janvier-mai $ 600 $ 500 Importations É-U de Colombie $ 400 GSP & Andean Program Exportations É-U $ 300 vers Colombie $ 200 Importations nettes à partir de la Colombie $ 100 $0 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 Source : calculé à partir des données de la U.S. International Trade Commission Figure 2. Importations américaines de vêtements colombiens, 1989-2004 En millions de USD courants ; données 2004 projetées à partir des résultats sur janvier-mai $ 600 $ 500 $ 400 Programme andin $ 300 $ 200 Importé au titre de la nation la plus favorisée $ 100 $0 1989 1991 1993 1995 1997 1999 Source : calculé à partir des données de la U.S. International Trade Commission 27 2001 2003 TD/TC(2005)2/ANN2 3.3 LESOTHO – LE SECTEUR DE L’HABILLEMENT Introduction 71. Le Lesotho, qui fait partie des pays les moins avancés, est un petit pays enclavé au sein de l’Afrique du Sud et largement dépendant de son grand voisin. Malgré tout, il est parvenu à développer un secteur de l’habillement florissant et à se propulser au rang des premiers pays exportateurs de vêtements d’Afrique subsaharienne. Cette étude de cas passe en revue le secteur de l’habillement au Lesotho et se concentre sur les politiques publiques qui ont contribué à l’expansion et à la compétitivité de ce secteur. Une combinaison de facteurs a servi à attirer des investisseurs (essentiellement asiatiques) vers ce secteur : (1) une relative stabilité politique, (2) une main-d’œuvre productive et relativement bien instruite, (3) une politique active de promotion des exportations et de l’investissement, (4) un accès à l’infrastructure sudafricaine et (5) un accès préférentiel aux marchés de l’Union européenne et des États-Unis. Par conséquent, la loi américaine sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA) a contribué à l’envolée de ce secteur, mais il importe de souligner que les premiers investissements ont été réalisés bien avant l’introduction de l’AGOA. Les évolutions économiques et sociales 72. Lors de son accession à l’indépendance, en 1966, le Lesotho était entièrement tributaire de l’agriculture et son secteur manufacturier inexistant. Une croissance rapide dans les années 70 (croissance moyenne du PIB réel de 7 % par an) et sur la période 1987-97 (6.4 %), découlant des envois de fonds des travailleurs migrants et de l’argent de l’aide, puis des investissements étrangers, a transformé l’économie. Les produits manufacturés représentent aujourd’hui 18 % du PIB, dont environ la moitié provient du secteur de l’habillement (FMI, 2004). 73. Traditionnellement, l’économie est fortement tributaire des envois de fonds des travailleurs expatriés, qui représentaient près de la moitié du PNB dans les années 8069. Le recul de la demande de travailleurs peu qualifiés en Afrique du Sud, parallèlement à des troubles civils dans le pays, a débouché sur une grave crise et une forte diminution des envois de fonds, qui sont tombés à un quart du PNB en 1998 (Lundahl et al., 2003). 74. Les exportations ont considérablement progressé au cours des années 90, avant de s’envoler à la fin de la décennie sous l’effet de l’AGOA. Les exportations représentent aujourd’hui plus de 50 % du PIB, l’habillement constituant les trois quarts de ce chiffre. Environ 95 % des vêtements exportés sont vendus sur le marché américain dans le cadre de l’AGOA70. Même si l’intégralité des facteurs de production du secteur de l’habillement sont importés d’Asie et d’Afrique du Sud, la croissance des exportations de ce secteur a permis de réduire les importants déficits commerciaux du Lesotho. Néanmoins, en 2002, les importations totales représentaient plus du double des exportations et émanaient pour la plupart des pays membres de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU). 75. Bien que remarquable, la croissance du Lesotho s’est accompagnée d’un faible taux de création d’emplois dans le secteur formel et d’une augmentation de la pauvreté, sous l’effet notamment de la faiblesse de la productivité dans l’agriculture et d’une diminution des opportunités d’emploi dans les mines sud-africaines (Lundahl et al., 2003). Le taux de chômage officiel dépasse 30 %. En 2001, le secteur de l’habillement employait davantage de personnes que le secteur public, mais cela n’a pas suffi à absorber les 28 TD/TC(2005)2/ANN2 pertes enregistrées ailleurs. En outre, les disparités de revenu figurent parmi les plus élevées du monde et les inégalités entre hommes et femmes sont marquées. Les femmes disposent de moins d’opportunités que les hommes, en partie parce qu’elles n’ont toujours pas le droit de posséder ou de transférer des biens. Le VIH/sida fait beaucoup de victimes et l’espérance de vie est passée de 53 ans en 1989 à 45 ans en 1999. Depuis les programmes d’ajustement structurel de la fin des années 80, l’enseignement compte parmi les priorités des pouvoirs publics et les résultats obtenus par le Lesotho dans le domaine de l’éducation sont supérieurs à la moyenne de l’Afrique subsaharienne71. Les évolutions du secteur de l’habillement Les performances du secteur, sa structure et son impact sur l’économie 76. Le secteur de l’habillement est devenu la principale source de croissance économique et d’emploi au Lesotho. Les origines de ce secteur remontent au début des années 80, lorsque des usines de confection y ont été délocalisées depuis l’Afrique du Sud dans le but d’éviter des sanctions internationales, de tirer parti d’une main-d’œuvre bon marché et relativement productive et de la dérogation dont bénéficiait le pays concernant les règles d’origine dans le cadre de la Convention de Lomé72. Un accès préférentiel aux marchés des États-Unis et de l’Union européenne, ainsi que l’existence d’incitations ont contribué à attirer les investisseurs. Les premiers investissements en provenance d’Asie de l’Est ont été réalisés en 1986. Depuis, ce secteur affiche un rythme de croissance soutenu, qui ne s’est ralenti qu’à la fin des années 90. L’adoption, en 2000, de l’AGOA a donné un puissant coup de fouet au secteur (Gibbon, 2002, et FMI, 2004c). 77. Le secteur de l’habillement crée un grand nombre d’emplois pour une main-d’œuvre essentiellement féminine. En février 2003, ce secteur comptait officiellement 43 entreprises, employant 43 000 salariés (dont 90 % de femmes), et plusieurs projets d’investissement étaient en cours. En outre, de nombreux petits fabricants produisent pour le marché intérieur. Les entreprises détenues par des intérêts du Taipei chinois dominent le secteur et la production se concentre presque exclusivement sur les jeans (60 %) et les tee-shirts (40 %) destinés au marché américain73. Tous les facteurs de production sont importés, mais les règles d’origine qui s’appliqueront à compter de 2007 encouragent les investissements dans des usines de tissage, de filage et de tricotage (CCI, 2001, USITC, 2004b, et Gibbon, 2002). Conséquence de la faible valeur ajoutée locale, les interdépendances entre le secteur de l’habillement et l’industrie locale sont limitées (Cadre intégré, 2003). 78. Le secteur privé est très polarisé et il n’existe pas de coordination interne qui permettrait aux acteurs du secteur de faire connaître leurs préoccupations communes aux pouvoirs publics. Les grandes entreprises ont tendance à s’appuyer sur leurs propres réseaux pour obtenir des informations commerciales, alors que les entités de plus petite taille semblent ne pas être au courant des normes de production et des opportunités commerciales. Dans l’ensemble, les entreprises locales entretiennent très peu de relations avec le secteur d’exportation détenu par des intérêts étrangers, notamment en ce qui concerne la fourniture de facteurs de production et de services. Les politiques publiques 79. Le Lesotho se caractérise par sa forte dépendance vis-à-vis de l’Afrique du Sud que ce soit en termes de politiques macro-économiques, d’échanges, d’investissements, de transport ou d’emploi. Néanmoins, les politiques publiques jouent un rôle important dans le développement du secteur de l’habillement. 80. À la fin des années 70, la stratégie de développement du pays a radicalement changé. Les autorités ont adopté une stratégie de promotion industrielle qui conjuguait substitution aux importations et 29 TD/TC(2005)2/ANN2 production orientée à l’exportation, et accordait une plus grande place au secteur privé (Matlsoa, 1999). Mais cela n’a pas suffi à palier les faiblesses structurelles de l’économie (Lundahl et al., 2003). La stagnation économique de l’Afrique du Sud, alliée à un creusement des déficits budgétaire et du compte courant, a entraîné une accumulation de dette publique dans les années 80. À la fin de la décennie, le Lesotho s’est lancé dans une série de programmes d’ajustement structurel financés par les institutions financières internationales. Cette coopération se poursuit encore aujourd’hui, en se concentrant sur la stabilité macro-économique et la réforme structurelle. 81. Sur le plan des mesures macro-économiques et de la politique des échanges, la marge de manœuvre du Lesotho est limitée par son appartenance à la zone monétaire commune de l’Afrique australe (Common Monetary Area – CMA), qui regroupe l’Afrique du Sud, la Namibie et le Swaziland, et à l’Union douanière d’Afrique australe (SACU), qui comprend en outre le Botswana74. La monnaie nationale est rattachée au rand sud-africain, ce qui a une incidence sur la compétitivité du Lesotho à l’international, ainsi que sur son taux d’inflation. Le Lesotho applique les tarifs douaniers extérieurs et les règles commerciales communs aux membres de la SACU et bénéficie d’un accès en franchise de droits aux marchés des autres pays membres. La moitié des recettes publiques provient des droits de douane collectés et redistribués par le National Revenue Fund sud-africain75. 82. Le régime d’échanges extérieurs commun est relativement ouvert, avec un tarif douanier moyen de 11.4 % en 2002, contre 15 % en 1997. Cependant, ce taux cache des crêtes tarifaires significatives sur les vêtements et les facteurs de production, qui créent un biais anti-exportations pour le pays. De surcroît, on trouve tout un ensemble de droits moins transparents : droits spécifiques, mixtes, composés et calculés selon une formule (Cadre intégré, 2003, OMC, 2003a). La conjugaison d’une capacité institutionnelle faible et d’un dialogue public-privé déficient empêche que des questions complexes soient traitées par la politique des échanges. 83. Dans les années 80, les exportations de vêtements du Lesotho bénéficiaient d’un accès préférentiel aux marchés de l’Union européenne dans le cadre de la Convention de Lomé et aux marchés des États-Unis dans celui du Système généralisé de préférences (SGP). À la fin de la décennie, l’UE a exigé que deux étapes de la production s’effectuent dans le pays d’origine ou dans un pays ACP éligible. Après une dispense de 8 ans, plusieurs producteurs étrangers ont réduit leurs activités au Lesotho, tandis que d’autres réorientaient leurs exportations sur le marché américain afin de tirer parti des contingents inutilisés dans le cadre de l’AMF. Entrée en vigueur en 2000, l’AGOA accorde à des pays d’Afrique subsaharienne qui remplissent certaines conditions un accès en franchise de droits au marché américain pour les vêtements et divers autres produits. Les facteurs de production doivent normalement provenir des États-Unis ou d’un autre pays d’Afrique subsaharienne éligible, mais cette règle ne s’appliquera aux PMA, dont fait partie le Lesotho, qu’à compter de janvier 200776. 84. L’investissement direct étranger joue un rôle fondamental dans le développement du secteur de l’habillement et dans les résultats de ce dernier à l’exportation (Banque mondiale, 1998, Lundahl et al., 2003). Le Lesotho ne dispose d’aucune loi régissant l’investissement étranger, mais le régime d’investissement y est considéré comme libéral et non discriminatoire. La propriété n’est soumise à aucune restriction et l’expropriation n’a jamais été pratiquée. Le centre de promotion de l’investissement (Investment Promotion Centre), branche de la Lesotho National Development Corporation (LNDC), un organisme parapublic, sert de guichet unique pour les investisseurs et leur procure toute une gamme d’incitations77. Bien qu’importantes, ces incitations n’ont pas constitué le principal moteur de l’IDE 78. L’attrait que représente le Lesotho pour l’IDE s’explique notamment par des accords commerciaux internationaux favorables (y compris les exceptions aux règles d’origine de l’UE), une main-d’œuvre productive, un accès aux ports sud-africains et l’existence de mécanismes efficients pour les exportateurs79. 30 TD/TC(2005)2/ANN2 Les défis et opportunités à venir 85. À l’avenir, le principal problème auquel sera confronté le secteur de l’habillement sera vraisemblablement l’évolution des conditions d’accès aux marchés. La menace que fait planer la suppression progressive de la disposition spéciale pour le textile à compter de 2005 (désormais repoussée à 2007) incite certaines entreprises à investir dans l’intégration en amont, mais on n’en connaît pas encore l’impact global sur ce secteur. Dans le même temps, la suppression des contingents de l’AMF entraînera probablement un durcissement de la concurrence de la part de pays comme la Chine et d’autres producteurs d’Asie. Parmi les opportunités figurent l’accord de libre-échange en cours de négociation entre la SACU et les États-Unis, ainsi que l’initiative « Tout sauf les armes » de l’UE, même si les règles d’origine imposées par cette dernière doivent encore être clarifiées (FMI, 2004c). 86. Sur le plan intérieur, le gouvernement a encore de sérieux défis à relever s’il veut continuer à développer et à diversifier l’économie. Concernant l’habillement, il est nécessaire de renforcer les interdépendances entre les entreprises à capitaux étrangers et l’économie locale, en améliorant le climat des affaires, en soutenant les entrepreneurs locaux et en favorisant la formation sur le tas. La faible culture entrepreunariale du Lesotho, les différences culturelles entre investisseurs étrangers et population locale, ainsi que la baisse de qualité de l’enseignement professionnel dans le système éducatif compliquent cette tâche (Lundahl et al. 2003). Les dispositifs de formation font défaut, en partie parce que les employeurs étrangers sont peu enclins à former et à épauler les salariés locaux (Cadre intégré, 2003). En outre, le VIH/sida risque de nuire gravement à la santé publique et au développement du pays. 87. L’absence de dialogue entre les pouvoirs publics et le secteur privé risque de saper considérablement la capacité du pays à relever les défis dans le domaine des échanges, tels que ceux énumérés plus haut (Cadre intégré, 2003, Consortium Capra-BPCC, 2003). À cet égard, les donneurs soutiennent très activement le processus de prise de décision du pays en matière commerciale, notamment via le Cadre intégré pour l’assistance technique liée au commerce (encadré 2). 88. D’aucuns s’inquiètent de voir l’envolée du secteur de l’habillement favoriser la propagation du VIH/sida, car les opportunités d’emplois ainsi créées incitent les jeunes à quitter les zones rurales pour les villes. Face à cette crainte, une coalition du secteur privé contre le VIH/sida (Private Sector Coalition against HIV/AIDS) a été mise sur pied en 2002 (IRIN, 2003). En outre, ce secteur peut avoir un impact délétère sur l’environnement, car il utilise abondamment une eau déjà rare et la pollue. Le projet de loi sur l’environnement de 2000 (2000 Environmental Bill) traite de la menace environnementale, mais les parties prenantes sont lentes à mettre en œuvre des solutions concrètes (Gibbs et Gibbs, 2002). Conclusion 89. Le secteur de l’habillement au Lesotho a été qualifié de réussite (FMI, 2004c, p. 14) et il est vrai que ce secteur contribue de manière significative à la croissance économique, aux exportations et à l’emploi. Cependant, ses retombées sur l’économie locale sont limitées et on ne sait pas encore comment les entreprises d’exportation à capitaux étrangers réagiront à l’évolution des conditions d’accès aux marchés. Dans tous les cas, l’économie est aujourd’hui tributaire d’une seule grande industrie, ce qui la rend vulnérable. La diversification et la promotion de l’entrepreunariat local doivent donc figurer en tête des priorités du gouvernement. 31 TD/TC(2005)2/ANN2 Encadré 1. Le Cadre intégré pour l’assistance technique liée au commerce Le Cadre intégré pour l’assistance technique liée au commerce (CI) est un programme faisant intervenir plusieurs donneurs. Il a pour mission d’intégrer les priorités commerciales dans les stratégies de développement national, tels que les Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP), des pays les moins avancés et de contribuer à la fourniture coordonnée d’une assistance technique liée au commerce, en réponse aux besoins identifiés par les PMA. Ce programme a été lancé en 1997 par six institutions multilatérales (la Banque mondiale, le CCI, la CNUCED, le FMI, l’OMC et le PNUD). Quatorze pays participent actuellement à ce Cadre intégré, parmi lesquels le Lesotho. L’Étude diagnostique sur l’intégration du commerce (EDIC) constitue un élément important du Cadre intégré. Cette étude est un rapport par pays qui fait un état des lieux du régime d’échanges et d’investissement du pays participant, identifie les goulots d’étranglement et les opportunités en matière commerciale et formule des recommandations concernant la réforme des politiques et l’assistance technique. Le rapport sur le Lesotho, finalisé en novembre 2003, est disponible sur le site Internet du Cadre intégré et formule les recommandations suivantes : Prendre une part active aux accords régionaux (SACU et SADC), notamment poursuivre la libéralisation du tarif extérieur commun de la SACU, limiter le recours aux obstacles non tarifaires et encourager la coopération régionale visant l’introduction de mesures de facilitation des échanges. Déployer des efforts visant à améliorer le climat de l’investissement dans le pays pour les investisseurs tant étrangers que locaux, ce qui nécessite de simplifier le système d’autorisations pour les nouveaux arrivants et pour les opérations commerciales internationales, la gestion des terres et le dispositif d’entrée des étrangers au Lesotho. Investir dans l’infrastructure et les ressources humaines, tant dans l’éducation à long terme que dans la formation à court terme, en particulier dans le secteur de l’habillement. Tenter d’améliorer les procédures administratives et de reporting statistique. L’Étude diagnostique sur l’intégration du commerce reconnaît le besoin impérieux d’une assistance extérieure pour développer les capacités institutionnelles nécessaires pour parvenir à ces objectifs. En conséquence, le CI a mis sur pied un comité directeur national, dont les participants représentent les pouvoirs publics, le secteur privé et les donneurs, afin de gérer les activités de suivi (mise en œuvre des projets d’assistance technique et de renforcement des capacités). Source : Cadre intégré (2003), www.integratedframework.org Lesotho: Structure de l’économie Tableau 1. Pourcentages moyens Agriculture, valeur ajoutée (% du PIB) Industrie, valeur ajoutée (% du PIB) Services, etc., valeur ajoutée (% du PIB) Échanges (% du PIB) Exportations de biens et services (% du PIB) Croissance du PIB (annuelle, en %) Emploi dans l’agriculture (% de l’emploi total) Emploi dans l’industrie (% de l’emploi total) Emploi dans les services (% de l’emploi total) Source : CD-ROM World Development Indicators (2004) 32 1976-1984 1985-1994 1995-2002 30.9 24.7 44.4 134.8 16.5 8.0 40.2 34.1 25.6 21.2 33.0 45.8 135.5 16.9 5.0 40.0 27.9 32.1 17.4 40.9 41.7 133.3 31.1 3.3 n.d. n.d. n.d. TD/TC(2005)2/ANN2 Tableau 2. Lesotho : structure des exportations Désignation SH code 2 1976-84 1985-94 1994-2003 Vêtements et accessoires du vêtement Articles minéraux non métalliques manufacturés, n.d.a. Or à usage non monétaire (à l’exclusion des minerais et concentrés d’or) Poissons, crustacés, mollusques, et leurs préparations Légumes et fruits Autre matériel de transport Transactions spéciales et articles spéciaux non classés par catégorie Articles manufacturés divers, n.d.a. Produits laitiers et œufs d’oiseaux 84 66 97 5.91 % 17.97 % 0.00 % 77.97 % 7.66 % 6.45 % 86.65 % 11.62 % 0.60 % 03 05 79 93 0.01 % 3.71 % 0.29 % 0.11 % 0.02 % 3.82 % 0.03 % 0.16 % 0.36 % 0.31 % 0.08 % 0.05 % 89 02 30.32 % 0.00 % 0.18 % 0.00 % 0.04 % 0.04 % Métaux non ferreux 68 0.01 % 0.03 % 0.02 % Source : Base de données UN COMTRADE, CTCI rév. 3. 69 À cette époque, près de la moitié des hommes adultes travaillaient en Afrique du Sud. En 2003, la valeur totale des importations de vêtements en provenance du Lesotho par les États-Unis représentait USD 392 millions. Cette même année, les importations au titre de l’AGOA atteignaient USD 372 millions. Source : USITC (2004b). 71 Le taux d’alphabétisation des adultes est de 81.4 %, chiffre nettement supérieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne (63 %). 72 Cette dérogation autorise le Lesotho à exporter en franchise de droits des vêtements produits dans le pays à partir de coton qui ne provient pas de pays ACP. Le niveau de productivité est d’environ 70-80 % de celui des usines asiatiques d’articles bas de gamme, mais inférieur pour des vêtements plus sophistiqués (USITC, 2004b). 73 Parmi les principaux clients américains, citons Gap, Wal-Mart et K-mart. 74 Voir Grandes (2003) pour une analyse détaillée du fonctionnement de la CMA et de ses implications pour ses différents membres. Le Lesotho fait également partie de la Communauté du développement de l’Afrique australe (SADC), dont l’objectif est de créer une zone de libre-échange pour ses 14 pays membres, mais il s’est retiré du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA) en 1998. 75 Jusqu’en 2002, l’essentiel des droits de douane étaient fixés par l’Afrique du Sud, mais, aux termes d’un nouvel accord, ils le seront par un organisme distinct, le Tariff Setting Board. Voir www.tralac.org pour plus de détails. 76 En juillet 2004, l’AGOA III (AGOA Acceleration Act) a été adoptée. Elle prolonge la loi précédente, qui devait expirer en 2008. Selon les nouvelles dispositions, les accords préférentiels sur les textiles ont été prorogés jusqu’en 2015 et la dérogation que constitue la clause du « Third country fabric » (accès hors taxes pour les vêtements fabriqués avec du tissu importé de pays tiers) jusqu’en 2007. Voir www.agoa.gov. 77 Il s’agit notamment d’une facilité de financement pour les exportations, de prêts et/ou d’une participation à long terme, d’un accès sans restrictions aux devises et d’une exonération de taxe générale sur le chiffre d’affaires pour l’achat de biens d’équipement et de machines destinés aux industries manufacturières. Outre la LNDC (www.lndc.org.ls), la Basotho Enterprises Development Corporation (BEDCO) fournit financement, formation et assistance aux entreprises locales. 78 À cet égard, le Cadre intégré (2003, p. 26) note que « les exportations à destination de l’UE remontent bien avant l’expiration de la dérogation de l’UE sur le contenu local, tandis que l’expansion des exportations destinées aux ÉtatsUnis date d’avant la disposition de l’AGOA sur le contenu local. Ainsi, les résultats obtenus par le Lesotho ne peuvent guère être attribués à des traitements préférentiels particuliers, ce qui le différencie d’un grand nombre de pays en développement. En outre, cela montre que l’attrait du Lesotho aux yeux des investisseurs étrangers va plus loin que les préférences particulières, même si, dans le cas des textiles, les préférences ont leur importance ». 79 Les exportateurs de vêtements en dehors de la SACU se voient accorder une exemption totale de droits sur toutes les matières premières ou tous les composants utilisés dans les produits exportés (OMC, 2003a). 70 33 TD/TC(2005)2/ANN2 3.4 MAURICE – LE SECTEUR DE L’HABILLEMENT Introduction 90. Malgré des conditions de départ pouvant être considérées comme défavorables (croissance démographique forte et dépendance vis-à-vis d’une monoculture), Maurice est aujourd’hui largement reconnue comme une réussite en termes de développement et de diversification économique (Subramanian et Roy, 2001). En moins de trente ans, l’île a réussi à se hisser parmi les pays « à revenu moyen, tranche supérieure », à enregistrer une croissance soutenue du PIB réel par habitant et à mettre en place un secteur de l’habillement compétitif à l’international, ainsi qu’une industrie du tourisme florissante. La combinaison de conditions préférentielles et d’incitations commerciales (OCDE) sous la forme de zones franches d’exportation (ZFE) a permis au secteur de l’habillement d’enregistrer une croissance alerte. Cependant, cette évolution a été rendue possible grâce à des institutions publiques et une tradition démocratique solides, qui ont facilité l’introduction de réformes économiques bien conçues et largement acceptées. L’érosion des préférences et un déclin relatif de la compétitivité à l’international exercent aujourd’hui des pressions sur les pouvoirs publics, qui doivent aider le secteur de l’habillement à s’adapter via la modernisation et l’intégration régionale. Cette étude de cas passe en revue le développement du secteur mauricien de l’habillement depuis 1970, en mettant l’accent sur le rôle des politiques publiques dans ce processus. Les évolutions économiques et sociales 91. Depuis son accession à l’indépendance, Maurice enregistre des progrès impressionnants sur les plans économique et social. Ce pays bénéficie d’une stabilité politique et macro-économique, qui a favorisé l’entrée d’investissements étrangers et le développement d’un secteur manufacturier orienté à l’exportation L’économie s’est diversifiée dans les produits manufacturés (essentiellement des vêtements), les services (comme le tourisme et les services financiers), les produits agricoles et les pêcheries. Ces changements se reflètent également dans les schémas commerciaux. Ainsi, en 2003, les produits manufacturés représentaient environ 65 % du total des exportations. En outre, autrefois bénéficiaire net d’IDE, Maurice est aujourd’hui devenu un investisseur étranger dans ses pays voisins, comme Madagascar (habillement) et le Mozambique (sucre). 92. Les prouesses économiques sont allées de pair avec des améliorations sociales. Ainsi, aujourd’hui, Maurice se classe deuxième du continent africain selon l’Indicateur du développement humain, élaboré par le PNUD. Au moment de l’indépendance, la plupart des habitants vivaient dans la pauvreté (Banque mondiale, 2002). Selon l’enquête la plus récente, moins de 14 % des ménages ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté officiel (CSO, 2002). L’espérance de vie à la naissance s’est considérablement améliorée et la mortalité infantile est tombée à 64 pour mille naissances vivantes en 2002, soit un quart du niveau de 1970 (Banque mondiale, 2002, et PNUD, 2003). L’égalité des revenus est nettement plus importante que dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne qui ne font pas partie des PMA (Anker et al., 1998, et CSO, 2002). La situation des femmes a elle aussi progressé, grâce à une amélioration de l’éducation, de leur participation au marché du travail et de leur représentation politique (Banque mondiale, 2002). 34 TD/TC(2005)2/ANN2 Les évolutions du secteur de l’habillement 93. L’expansion du secteur de l’habillement, facilitée par un large éventail de politiques publiques, constitue le principal moteur du changement structurel qui s’opère à Maurice depuis les années 70 (Chernoff et Warner, 2002). C’est dans les années 80 que la croissance a été la plus soutenue, avant de se ralentir au cours de la décennie suivante, lorsque le secteur s’est trouvé confronté à une conjoncture de plus en plus difficile. Les performances du secteur, sa structure et son impact sur l’économie 94. En 2002, Maurice a exporté près de USD 1 milliard de vêtements (code 84 de la CTCI), soit près de 55 % de ses exportations de marchandises, ce qui représente 1 % des exportations mondiales de vêtements. Ce secteur compte plus de 200 entreprises, qui emploient 62 500 travailleurs (13 % de l’emploi total), essentiellement des femmes (CSO, 2004a)80. Environ les deux tiers des entreprises sont détenues par des ressortissants mauriciens : elles exportent principalement vers le marché européen. Les entreprises détenues par des intérêts chinois exportent surtout vers les États-Unis (Gibbon, 2000). 95. Les principaux produits sont des tee-shirts, des chemises pour hommes, des pantalons et des pullovers. Le fait que ces produits soient demandés toute l’année minimise les problèmes de distance et de délais de livraison qui caractérisent Maurice. La production est largement tributaire des importations de produits intermédiaires, tels que le fil ou le tissu, qui proviennent essentiellement de Chine et d’Inde, d’Europe et d’Afrique du Sud, et représentent environ la moitié des exportations (CSO, 2004a, et Anker et al., 1998). 96. Ce secteur s’est développé pendant les années 70, grâce aux recettes des exportations de sucre et aux investisseurs étrangers (principalement de Hong Kong), attirés par une main-d’œuvre bon marché, un accès préférentiel aux marchés d’exportation et les incitations mises en place par les pouvoirs publics. Après une croissance spectaculaire sur la période 1970-77 (où l’emploi dans ce secteur a progressé de près de 40 % par an), la hausse du coût de la main-d’œuvre et l’appréciation du taux de change ont contribué à saper la compétitivité de ce secteur. Une deuxième phase d’expansion a été enregistrée dans les années 80, lorsque les programmes d’ajustement structurel ont favorisé la stabilisation économique et que les autorités ont accordé des incitations encore plus intéressantes aux investisseurs (Chernoff et Warner, 2002). Cette expansion a eu pour effet délétère de faire considérablement grimper le coût de la main-d’œuvre. Les pénuries de main-d’œuvre ont tiré les salaires à la hausse, sans accroissement correspondant de la productivité. En outre, dans les années 90, la concurrence internationale s’est intensifiée. Face à l’intensification des pressions, les entreprises inefficientes ont dû mettre la clé sous la porte, d’autres se sont vu contraintes de s’adapter en améliorant leur productivité, en mettant leur production à niveau, en important de la main-d’œuvre étrangère et en externalisant leur production dans des endroits meilleur marché, comme Madagascar (Gibbon, 2000). 97. Certaines entreprises ont récemment investi dans des stratégies d’intégration en amont afin de satisfaire aux exigences des règles d’origine de la loi sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA). Cependant, seul le segment des vêtements bas de gamme a progressé sur la chaîne de la valeur. Ainsi, dans les années 90, certains producteurs axés sur le marché de l’UE ont essayé de créer leurs propres marques, mais ils ont échoué en raison des coûts engendrés par la distance qui les sépare de ce marché. 98. L’impact du secteur de l’habillement sur le reste de l’économie est substantiel en termes de contribution à la croissance, aux exportations, à l’emploi et à la lutte contre la pauvreté, mais il l’est beaucoup moins lorsque l’on s’intéresse aux interdépendances au niveau de la production (Anker et al., 1998, Chernoff et Warner, 2002). Les entreprises de la ZFE demandent des services de packaging, de conseil ou encore d’adduction d’eau, et les entreprises locales apprennent beaucoup des entités étrangères 35 TD/TC(2005)2/ANN2 (CNUCED, 2001). Mais les possibilités de création d’interdépendances sont limitées par la petite taille de l’économie et l’incapacité des fournisseurs locaux à satisfaire aux exigences internationales en termes de qualité et de délais (Wignaraja, 2002). Les politiques publiques 99. Le secteur de l’habillement bénéficie d’un environnement macro-économique stable et de l’adoption de mesures orientées vers l’extérieur. D’un côté, les déficits budgétaires et l’inflation sont relativement bien maîtrisés et le taux de change reste concurrentiel. De l’autre, les autorités encouragent activement le développement d’activités orientées à l’exportation, principalement par la création d’une ZFE et l’adhésion à la Convention de Yaoundé, qui accordait aux exportations mauriciennes un accès privilégié au marché de la CE. 100. Les politiques de substitution aux importations des années 60, qui n’ont pas réussi à comprimer un chômage élevé, ont clairement révélé que la stratégie de développement devait absolument changer. Mais le gouvernement était face à un dilemme : il voulait développer un secteur d’exportation à forte intensité de main-d’œuvre sans perturber les industries axées sur la substitution aux importations datant de la deuxième moitié des années 60. Pour sortir de cette impasse, il a adopté une stratégie à deux vitesses, en isolant le secteur des exportations de celui en concurrence avec les produits importés. Ce système dual se caractérisait essentiellement par la création de la ZFE, qui bénéficiait d’incitations fiscales, d’importations en franchise de droits et d’une législation du travail peu contraignante. Des investissements publics dans l’infrastructure, une main-d’œuvre abondante et bon marché et un accès préférentiel aux marchés ont contribué à attirer les investissements internationaux et locaux vers le secteur naissant de l’habillement de la ZFE81 (Bonaglia et Fukasaku, 2001). 101. La combinaison d’une stratégie de substitution aux importations et d’une promotion des exportations a dominé jusqu’aux programmes d’ajustement structurel du début des années 80, lors de la libéralisation progressive des échanges. L’ajustement structurel a été rendu nécessaire par une combinaison de chocs exogènes, comme la chute des cours du sucre, la récession internationale et les déséquilibres budgétaires du pays. Parmi les principales réformes qui ont donné un coup de fouet au secteur de l’habillement figurent l’introduction d’un taux de change flexible et une politique de modération salariale visant à restaurer la compétitivité. Les restrictions quantitatives sur les importations et un certain nombre de dispositifs de contrôle des prix ont été supprimés (Gulhati et Nallari, 1990). Au milieu des années 90, Maurice disposait de l’un des régimes d’échanges les plus libéraux d’Afrique, même si la protection y était toujours plus importante que dans les nouveaux pays industrialisés d’Asie du Sud-Est82 (Milner, 2001, OMC, 2001). De surcroît, des mesures ont été introduites afin de simplifier les procédures administratives et d’attirer encore plus d’investissements : adoption de conventions sur la double imposition, création d’un guichet unique pour les investisseurs (Mauritius Export Development and Investment Authority – MEDIA), garanties à l’exportation accordées par la Banque de développement de Maurice (Development Bank of Mauritius) et réformes fiscales. Les réformes ont porté leurs fruits, la stabilité a été rétablie et la croissance a renoué avec son rythme alerte83. La situation a commencé d’empirer en 2000, avec un creusement du déficit budgétaire, un recul des exportations de vêtements et une croissance des revenus atone84. 102. Les pouvoirs publics ont investi massivement afin d’améliorer la richesse du pays en termes de capital humain et physique, et ont soutenu le secteur privé par le biais de diverses structures (encadré 3). La Banque de développement de Maurice et MEDIA ont grandement contribué au financement de l’infrastructure et des installations industrielles (Lamusse, 2001). Plusieurs institutions publiques apportent leur concours au secteur privé en général et au segment de l’habillement en particulier (Bonaglia et Fukasaku, 2001, Wignaraja, 2001). 36 TD/TC(2005)2/ANN2 103. La bonne gestion des incitations et d’une politique de promotion de l’investissement joue un rôle fondamental si l’on veut attirer les entreprises étrangères et leur permettent d’exploiter pleinement l’avantage comparatif dont l’île bénéficie. Cependant, ces mesures n’auraient pas été aussi fructueuses sans un environnement macro- et micro-économique général propice85. 104. Une tradition démocratique empreinte de stabilité et de participation, reposant sur le consensus politique, la liberté de la presse et le respect de l’État de droit et des droits de propriété, constitue un élément clé de la réussite de Maurice. Le besoin de cohésion sociale, vitale dans un pays caractérisé par une grande diversité ethnique, a également favorisé l’émergence d’institutions publiques relativement solides et une vaste politique sociale, qui passe notamment par des négociations salariales centralisées, un contrôle des prix pour certains produits sensibles et un généreux système de protection sociale86 (Subramanian et Roy, 2001). 105. Un certain nombre d’exemples montrent que cet environnement participatif joue un rôle significatif pour l’économie en général et pour le secteur de l’habillement en particulier. Premièrement, les pouvoirs publics se sont montrés attentifs aux requêtes des milieux d’affaires qui demandaient la création de la ZFE en 1970. Deuxièmement, les réseaux ethniques ont largement contribué à attirer l’IDE vers la ZFE. Troisièmement, les exportateurs de sucre ont conclu un accord avec les pouvoirs publics : ces derniers garantissaient les droits de propriété des sucriers tandis qu’une partie des rentes issues du sucre était transférée au secteur public. Ainsi, les recettes des exportations de sucre pouvaient être utilisées pour des investissements privés dans le secteur de l’habillement, tandis que les pouvoirs publics étaient en mesure de payer les fonctionnaires et le système de protection sociale (Subramanian et Roy, 2001). Quatrièmement, Gulhati et Nallari (1990) avancent que la culture démocratique de Maurice lui a permis de surmonter les déséquilibres économiques qu’il a connus à la fin des années 70 en donnant à l’avance aux décideurs politiques des signaux sur les déficiences de l’économie. Enfin, le secteur privé participe aux discussions et aux négociations portant sur la politique commerciale, notamment par le biais du Conseil économique conjoint (Joint Economic Council – JEC), sa principale association (encadré 4). Cette stratégie accroît les chances de parvenir à un résultat souhaité par toutes les parties prenantes (Bonaglia et Fukasaku, 2002). Les défis et opportunités à venir 106. La montée des pressions concurrentielles mondiales (demandes de prix plus bas, d’une qualité meilleure et de délais plus courts) mettent le secteur de l’habillement mauricien en péril. Face aux tentatives avortées de progresser sur l’échelle de la valeur, Gibbon (2000) anticipait une contraction rapide de ce secteur : en l’absence de réformes visant à accroître la productivité de ce secteur, les entreprises mauriciennes deviendront les fournisseurs délocalisés de produits intermédiaires pour articles bas de gamme pour l’UE et les États-Unis. L’AGOA a permis d’améliorer l’accès au marché, ce qui a procuré un répit temporaire au secteur, favorisant les interdépendances en amont et en augmentant les investissements et l’approvisionnement au niveau régional (FMI, 2003d). En 2003, la moitié des exportations mauriciennes de vêtements à destination des États-Unis bénéficiaient de l’AGOA, mais, au total, les exportations de vêtements vers ce marché ne se sont accrues que de 10 % entre 2000 (l’année précédant l’AGOA) et 2003. De plus, aux termes de la nouvelle AGOA, Maurice ne bénéficie pas du statut de « third country fabric » (accès hors taxes pour les vêtements fabriqués avec du tissu importé de pays tiers) 87. De surcroît, les contingents relatifs au sucre sont aujourd’hui remis en question, ce qui peut avoir des conséquences délétères pour la production sucrière de Maurice et la disponibilité de capitaux dans le pays (FMI, 2003d)88. En outre, le déficit budgétaire se creuse en raison du recul des recettes publiques, d’une mauvaise gestion des entreprises publiques de réseaux et de l’augmentation des investissements publics, ce qui réduit la marge de manœuvre de l’État. 37 TD/TC(2005)2/ANN2 107. Conscientes de ces problèmes, les autorités ont entrepris un examen minutieux de la compétitivité de ce secteur dans le cadre du Calendrier économique pour le nouveau Millénaire (2000), dans le but de rehausser la productivité du secteur, de promouvoir la diversification et d’attirer de nouveaux IDE. Le manque de qualifications de la main-d’œuvre et la mauvaise qualité du système éducatif constituent des obstacles majeurs au développement d’une économie compétitive et diversifiée. Malgré un taux d’alphabétisation élevé et des progrès dans l’éducation, encore aujourd’hui, de nombreux élèves ne parviennent pas à la fin du cycle primaire. Le taux d’inscription dans les établissements d’enseignement secondaire et supérieur reste faible et rares sont les étudiants qui optent pour des filières scientifiques. Sur ce plan, Maurice est très en retard par rapport aux pays asiatiques avec lesquels il entre en concurrence. 108. Les pouvoirs publics veulent transformer Maurice en une économie du savoir et des services fondée sur la haute technologie et offrant des revenus élevés. Pour ce faire, ils cherchent à améliorer la compétitivité et la productivité du secteur du sucre et de la ZFE, à développer les TIC et les services financiers et à renforcer le développement et la cohésion de la société (Banque mondiale, 2002). En ce qui concerne la ZFE, dominée par les entreprises de confection, des mesures spécifiques sont à l’étude. Elles visent à mettre l’accent sur les compétences et les améliorations technologiques, à revoir les procédés opérationnels, à développer des grappes et des interdépendances, à diversifier les produits et les marchés, ainsi qu’à encourager les PME à se tourner vers l’exportation89. 109. Approfondir l’intégration régionale constitue également une priorité importante. Les pays voisins jouent un rôle croissant dans le secteur de l’habillement : ils représentent en effet une destination pour les investissements, une source de facteurs de production et un débouché pour les produits. Dans l’ensemble, Maurice essaie de se positionner comme une plate-forme régionale de services. L’île participe activement aux accords de coopération régionale, comme le COMESA, la SADC et la Commission de l’Océan Indien. Conclusion 110. Le secteur de l’habillement joue un rôle clé dans la diversification de l’économie mauricienne, et son affranchissement vis-à-vis d’une monoculture. L’essentiel de ce processus s’est produit sur la période 1983-88 : à cette époque, un secteur de l’habillement florissant a réussi à absorber un taux de chômage de 20 %. Selon Chernoff et Warner (2002), cet exemple illustre parfaitement le changement structurel. Un certain nombre de conditions favorables ont permis cette prouesse, notamment un accès préférentiel aux marchés d’exportation et un gisement de main-d’œuvre bon marché. Cependant, c’est parce que les autorités du pays ont choisi d’adopter une approche duale de l’ouverture, reposant sur une ZFE et une libéralisation progressive du secteur en concurrence avec les importations, que le pays a pu exploiter ces opportunités. L’environnement macro-économique, les incitations et les structures de soutien étaient gérés de façon à attirer les investissements vers le secteur de l’habillement. C’est le résultat d’une administration publique solide, d’une tradition de prise de décision participative et d’un objectif de cohésion sociale. Il peut être difficile pour d’autres pays en développement de suivre la même voie que Maurice, entre autres parce que les préférences commerciales disparaissent au niveau mondial et que les institutions publiques de qualité font souvent défaut (Subramanian et Roy, 2002). Maurice doit maintenant passer à l’étape suivante du développement et se diversifier dans des activités à plus grande valeur ajoutée. Cela nécessitera des réformes en vue de renforcer la compétitivité et la diversité du secteur manufacturier et des investissements substantiels dans les ressources humaines et l’éducation, des domaines dans lesquels l’île affiche un certain retard. Les autorités mauriciennes semblent pleinement conscientes de ces défis à venir. 38 TD/TC(2005)2/ANN2 Encadré 1 – Institutions de soutien publiques à Maurice Depuis des années, les pouvoirs publics encouragent activement les échanges et l’investissement dans le secteur de l’habillement. Quatre organismes parapublics, chapeautés par le ministère de l’Industrie et du commerce, forment la base du système : Mauritius Industrial Development Agency (MIDA, anciennement MEDIA) pour le développement industriel, Export Processing Zone Development Authority (EPZDA) pour la zone franche d’exportation, Small and Medium Industries Development Organisation (SMIDO), pour les PME, et Board of Investment (BOI) pour les investissements. Par ailleurs, diverses autres organisations publiques soutiennent également l’industrie mauricienne, comme le National Productivity and Competitiveness Council (NPCC), récemment créé, et l’Industrial and Vocational Training Board (IVTB). Malgré ce cadre institutionnel impressionnant, les efforts des pouvoirs publics pour améliorer la technologie dans le secteur de l’habilement ne semblent avoir qu’un impact limité. Selon Wignaraja (2001), dans l’ensemble, les institutions de soutien ne disposent pas d’une taille, de moyens financiers et de compétences techniques suffisants pour être en mesure de répondre aux nouveaux besoins du secteur, même si la situation s’améliore depuis quelques années. Il semble toutefois clair que la Banque de développement de Maurice occupe une place de premier plan : elle procure au secteur de l’habillement un financement à long terme et des investissements dans l’infrastructure. Il est globalement difficile d’évaluer l’importance relative des institutions de soutien dans le développement du secteur de l’habillement. Cependant, même si leur impact direct est limité, elles font partie intégrante d’un solide cadre public de promotion de l’activité économique. Sources : www.jec-mauritius.org, Bonaglia et Fukasaku (2002) et Gibbon (2000) Encadré 2 – Dialogue public-privé La nature participative de la prise de décision, via la représentation du secteur privé dans les organismes parapublics et des consultations régulières avec des groupements industriels, exerce un impact non négligeable sur le processus d’ajustement. Fondé en 1970, le Conseil économique conjoint (Joint Economic Council – JEC) est un mécanisme essentiel de la participation. Il coordonne les neuf principales institutions multisectorielles et associations industrielles de Maurice (Chambre de commerce, Chambre d’agriculture, Fédération des employeurs, Association des producteurs de sucre, Association de la zone franche d’exportation, Association des banques, Association des assureurs, Association de l’hôtellerie et de la restauration). La structure et le fonctionnement du JEC assurent une bonne coordination entre les différents organismes, et permettent l’accumulation d’une expertise institutionnelle dans chaque secteur représenté. C’est pourquoi les questions sectorielles sont traitées avec la fédération industrielle correspondante, tandis que les questions de portée générale, comme le budget national, les négociations salariales, les négociations commerciales internationales, sont traitées avec l’ensemble des membres du JEC. Le dialogue est organisé de manière structurée, mais également au cas par cas. Le JEC est entièrement financé par ses membres. Selon Bonaglia et Fukasaku (2002), si le partenariat public-privé constitue un élément clé de la réussite de Maurice, certains dysfonctionnements freinent les réformes : retards dans la formulation et la mise en œuvre des mesures et attentisme du secteur privé. Source : Bonaglia et Fukasaku (2002) 39 TD/TC(2005)2/ANN2 Maurice : Structure de l’économie Tableau 1. Pourcentages moyens Agriculture, valeur ajoutée (% du PIB) Industrie, valeur ajoutée (% du PIB) Services, etc., valeur ajoutée (% du PIB) Échanges (% du PIB) Exportations de biens et services (% du PIB) Croissance du PIB (annuelle, en %) Emploi dans l’agriculture (% de l’emploi total) Emploi dans l’industrie (% de l’emploi total) Emploi dans les services (% de l’emploi total) 1976-1984 1985-1994 1995-2002 17.4 25.7 56.9 100.5 46.3 4.0 29.4 24.5 13.4 32.4 54.2 123.6 60.2 6.4 15.1 43.0 8.2 31.6 60.2 126.6 62.7 5.2 14.5 39.8 42.9 40.5 45.7 Source : CD-ROM World Development Indicators (2004) Tableau 2. Maurice : Structure des exportations Désignation SH code 2 1976-84 1985-94 1995-2003 Vêtements et accessoires du vêtement Sucre et préparations à base de sucre, miel Poissons, crustacés, mollusques, et leurs préparations Articles manufacturés divers, n.d.a. Articles minéraux non métalliques manufacturés, n.d.a. Fil, tissus, articles textiles façonnés n.d.a. et produits connexes Appareils et fournitures de photographie et d’optique, n.d.a., montres et horloges Instruments et appareils professionnel, scientifiques et de contrôle, n.d.a. Animaux, vivants, animaux de zoo, chiens, chats, etc. 84 06 03 89 66 65 21.82 % 63.48 % 2.75 % 1.39 % 1.09 % 2.01 % 52.25 % 30.05 % 2.12 % 2.82 % 1.82 % 1.95 % 57.24 % 19.31 % 5.23 % 4.39 % 2.97 % 1.65 % 88 1.75 % 2.99 % 1.52 % 87 0.09 % 0.25 % 0.69 % 94 0.00 % 0.15 % 0.60 % Engrais, manufacturés 56 0.17 % 0.30 % 0.54 % Source : Base de données UN COMTRADE, CTCI rév. 3. Les chiffres de l’emploi se rapportent à des entreprises situées dans la ZFE. Il convient de noter qu’en 2003, le secteur de l’habillement a perdu 9 500 emplois, par rapport à la fin de 2002, date à laquelle ce secteur employait 72 000 personnes. 81 L’investissement intérieur provenait essentiellement des recettes d’exportation de l’industrie sucrière. Maurice bénéfice d’un contingent d’exportation vers l’UE au cours du sucre interne à l’UE (supérieur au cours du marché mondial, aux termes du protocole sur le sucre entre l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique d’une part et l’UE d’autre part). De 1977 à 2000, les rentes qui en ont résulté se montaient en moyenne à 5.4 % du PIB par an et elles ont permis de soutenir des niveaux d’investissement élevés dans l’économie mauricienne (Subramanian et Roy, 2002). 82 En 2001, les droits de douane à l’importation se chiffraient aux alentours de 20 % en moyenne et on comptait onze bandes tarifaires, la plus élevée atteignant 80 % (OMC, 2001). 83 La croissance moyenne du PIB réel par habitant s’établissait à 7.4 % sur la période 1985-89, 5.4 % sur 1990-94 et, malgré la lenteur de la croissance de la productivité, 5 % sur 1995-99 (Bonaglia et Fukasaku, 2002). 84 Entre 2001 et 2002, le volume des exportations a reculé de 9 %, les exportations de la ZFE perdant plus de 10 %. Voir comptabilité nationale de Maurice, 2003, http://statsmauritius.gov.mu. 85 Les entreprises étrangères apportent avec elles des technologies avancées, un savoir-faire, des compétences managériales et une culture industrielle. Cependant, les investisseurs locaux se sont intéressés très tôt au secteur de 80 40 TD/TC(2005)2/ANN2 l’habillement et ont fini par dépasser l’IDE, à tel point que la majorité des entreprises de confection sont désormais détenues par des Mauriciens. L’importance des caractéristiques locales trouve écho dans l’échec rencontré par de nombreux autres pays africains qui ont cherché à promouvoir l’industrialisation via un accès préférentiel à certains marchés et des ZFE (Kinunda-Rutashobya, 2003). 86 Maurice est une société multiethnique, comptant une majorité d’hindous et des minorités franco-mauricienne, créole et musulmane. Cette diversité joue un rôle important dans la formulation des politiques nationales. Dans les années qui ont précédé l’indépendance, l’île prônait le compromis dans le but de protéger les droits des minorités au sein du système parlementaire hérité des Britanniques. 87 La dérogation aurait permis aux entreprises mauriciennes d’importer des matières premières de pays hors d’Afrique tout en continuant de bénéficier d’un accès en franchise de droits au marché des États-Unis. 88 Selon les grandes lignes de la réforme du régime communautaire du sucre publiées par la Commission européenne le 14 juillet 2004, le prix reçu par les producteurs ACP risque d’être réduit de plus d’un tiers. (voir http://europa.eu.int/comm/agriculture/capreform/index_fr.htm) 89 Ainsi, en vue de promouvoir une intégration en amont dans le filage et de favoriser le progrès technologique, un fonds en actions, géré par la Banque de développement de Maurice, a été créé. Il a pour mission d’investir dans des entreprises situées dans la ZFE qui améliorent leur technologie ou se restructurent (CEA, 2003). 41 TD/TC(2005)2/ANN2 3.5 LES ETATS-UNIS Introduction 111. Cette étude est consacrée au textile, qui constitue le segment technologiquement le plus avancé de la chaîne fibre-tissu-textile. En règle générale, la compétitivité des producteurs américains baisse à mesure que l’on remonte, le long de cette chaîne, vers des processus à plus forte intensité de maind’œuvre. Les États-Unis sont un producteur majeur de coton et d’autres fibres (agriculture)90 et sont confrontés à une concurrence croissante en ce qui concerne la production de tissu (à intensité capitalistique relativement forte) et plus encore dans le secteur de l’habillement (production à forte intensité de maind’œuvre). Les fabricants de fil et de tissu se révèlent plus résistants que ceux qui confectionnent des vêtements, bien que leur sort soit, au bout du compte, dépendant du bon vouloir du consommateur final. Si le textile américain veut survivre à terme, il doit remplacer ses ventes au secteur américain de l’habillement, qui s’effritent, par des exportations vers les producteurs de vêtements étrangers, en particulier ceux qui participent à des programmes et accords préférentiels de coproduction. 112. Les données de la figure 1 confirment que les salaires dans les secteurs du textile et de l’habillement des États-Unis, de même que ceux d’autres pays industrialisés, sont en fait nettement plus élevés que ceux des pays en développement. Un travailleur moyen dans une usine de textile américaine gagnait USD 15,11 de l’heure en 2001. C’est moins que la rémunération moyenne de l’ensemble du secteur manufacturier américain (USD 20,32) et plus que le salaire moyen dans le secteur du vêtement (USD 12,17), mais nettement plus que le salaire habituel des travailleurs du textile à Taïpeh (Chine) (USD 4,52) ou au Brésil (USD 2,28). Nous ne disposons pas de données comparables pour les pays asiatiques les moins développés, où le coût de la main-d’œuvre est encore inférieur. Ajustement par le biais d’un gain de productivité 113. Les entreprises des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre opérant dans des pays où les rémunérations sont élevées peuvent améliorer leur productivité par divers moyens, en particulier par la spécialisation et l’investissement dans de nouvelles technologies. Quelle que soit l’approche retenue, il faut néanmoins généralement procéder à une rationalisation, ce qui implique des compressions de personnel. Dans l’idéal, ces approches seront donc complétées par des programmes d’aide à l’ajustement destinés aux travailleurs qui perdent leur emploi. Améliorations de la productivité 114. Par comparaison avec l’industrie de l’habillement, où les possibilités de substituer de l’équipement à la main-d’œuvre sont relativement restreintes, le textile présente une intensité relativement forte en capital et en technologie. Ce secteur a consacré des moyens considérables à l’amélioration de sa productivité. Entre 1972 et 1992, le capital social réel par salarié y a été multiplié par deux91. Dans les années 80, la part du chiffre d’affaires réinvestie dans de nouvelles technologies était nettement plus importante pour les fabricants de textile (4.0 %) que pour les producteurs de vêtements (1.5 %)92. Le réinvestissement est favorisé par divers ajustements du calendrier d’amortissement fiscal de manière à accélérer l’amortissement de ces dépenses93. 42 TD/TC(2005)2/ANN2 115. Ces investissements sont efficaces. Sur la base des données de l’U.S. Bureau of Labor Statistics, une analyse a conclu que « la productivité du textile a été multipliée par plus de trois sur les 50 dernières années, contre seulement deux pour l’ensemble de l’industrie manufacturière94 ». Selon les auteurs, tandis que « le nombre de salariés à la production a reculé de près de 17 % » entre 1987 et 1999, « le capital par salarié est passé de 3 à 6.5 %, faisant écho aux évolutions technologiques95 ». En 2001, un observateur constatait qu’au cours des dix dernières années, le secteur avait dépensé USD 2 milliards par an pour les nouvelles technologies, et concluait qu’il « est étonnamment innovant et productif96 ». Le métier à tisser actuellement utilisé dans le secteur est quatre fois plus rapide que les machines en usage durant les années 80, et dix fois plus que celles de la décennie précédente. 116. Le recul de la production n’est pas universel. Les producteurs de textile et de produits textiles se tournent vers des niches lucratives, telles que les textiles industriels et les tissus domestiques, comme on le voit dans les tableaux 1 et 2 (tendances du secteur sur la période 1997-2001). La production s’est nettement contractée sur des segments à valeur ajoutée moindre, tels que le moulinage et la production de fils, mais se sont stabilisés ou ont même progressé concernant les non-tissés et les tissus étroits, et tout particulièrement sur le segment destiné à l’ameublement. Compressions d’emplois et aide à l’ajustement 117. Que les pertes d’emplois soient liées à des fermetures d’usine ou à des gains de productivité, il ne fait aucun doute que ce secteur connaît un resserrement de sa base de main-d’œuvre. Entre la fin du cycle d’Uruguay et 2001, l’emploi dans les secteurs du fil, du filé et du tissu a chuté d’environ un cinquième. Cette contraction est moins considérable que celle observée dans l’habillement (sur la même période, plus de la moitié des emplois ont disparu97). En outre, les suppressions d’emplois dans ce secteur ne sont pas toutes permanentes. Une étude a constaté que le textile et l’habillement américains affichaient un rythme élevé de rotation de la main-d’œuvre, si bien que « la somme des emplois créés et détruits est considérable98 ». Pour autant, il est évident que les programmes d’ajustement sont nécessaires pour venir en aide aux chômeurs. 118. Mis en place en 1962, le programme ciblé d’aide à l’ajustement rendu nécessaire par l’évolution des échanges (Trade Adjustment Assistance – TAA) a depuis lors évolué avec l’adoption de diverses lois. Ce programme propose des prestations telles qu’un allongement de l’assurance chômage ou une aide à la formation professionnelle aux travailleurs qui perdent leur emploi à cause de la concurrence des importations. Il revêt une importance toute particulière pour les salariés du textile et de l’habillement, catégorie qui a représenté environ 35 % de toutes les agréments délivrés dans le cadre du TAA sur la période 1995-200099. 119. Il existe deux positions antagonistes concernant la nature de ce programme. Certains considèrent qu’il se trompe d’objectif économique, dans la mesure où les plans d’assurance chômage de la plupart des pays de l’OCDE sont conçus de manière à venir en aide à tous les chômeurs, quelle que soit la raison pour laquelle ils ont perdu leur emploi. D’autres affirment qu’il est politiquement avisé de créer un programme spécifique pour les travailleurs ayant subi un préjudice découlant des échanges, dans la mesure où il permet de limiter l’opposition de la population aux nouvelles initiatives de libéralisation. Les programmes spéciaux destinés aux travailleurs dont l’emploi a été sacrifié sur l’autel de la libéralisation des échanges peuvent également se justifier au nom de l’équité, compte tenu des désavantages rencontrés par de nombreux membres de cette catégorie100. Une analyse a mis en lumière le fait que « les travailleurs des secteurs du textile et de l’habillement, victimes de suppressions d’emplois […] ont généralement un faible niveau d’instruction et de compétences (et donc de faibles niveaux de salaires) et qu’il s’agit surtout de femmes et membres des minorités (et parfois même de femmes appartenant à ces minorités) » et que « toutes ces caractéristiques rendent plus difficile leur adaptation à l’évolution du marché du travail101 ». Ce sont les mêmes travailleurs qui ont donc le plus besoin d’aide. 43 TD/TC(2005)2/ANN2 120. Certains aspects particuliers de la structure et du mode de financement du programme font l’objet de critiques102. Ainsi, d’après une analyse des politiques d’ajustement aux États-Unis et dans quatre autres pays de l’OCDE (France, Allemagne, Japon et Royaume-Uni), « les États-Unis sont, des cinq pays, celui qui semble consacrer le plus faible montant à l’aide aux chômeurs103 ». ». Le programme TAA constitue néanmoins toujours une composante cruciale de l’approche américaine globale de la gestion de l’ajustement à la libéralisation des marchés. La politique commerciale comme moyen d’ajustement 121. La politique commerciale peut constituer un moyen supplémentaire de parvenir à l’ajustement, ou même se substituer aux autres instruments. À cet égard, les États-Unis ont traversé deux périodes, ces dernières décennies, qui toutes deux pourraient être classées sous la rubrique encadrement des échanges. Ils ont, notamment, mis en œuvre un protectionnisme encadré, au titre duquel droits de douanes et quotas limiteraient la concurrence des importations. Plus récemment, cette politique a cédé la place à une libéralisation encadrée. Dans le cadre de cette dernière, le marché américain s’est ouvert plus largement, et plus rapidement, aux importations de pays qui fabriquent leurs vêtements avec des tissus américains. Du protectionnisme encadré à la libéralisation encadrée 122. Le marché américain des importations de textiles et de vêtements a longtemps été relativement fermé, à la fois en raison de droits de douane élevés et, depuis le début des années 60, des contingents. Le premier terme de cette équation est illustré par la figure 2, qui montre le niveau de protection douanière aux États-Unis et dans de nombreux autres pays. Il faut en retenir deux points. D’une part, les États-Unis ne sont certainement pas les seuls à imposer des tarifs douaniers assez élevés sur le textile et les vêtements : de nombreux pays, y compris certains membres de l’OCDE, appliquent à ce secteur des droits supérieurs à 10 %. D’autre part, presque tous les pays imposent des tarifs consolidés plus importants sur l’habillement et le textile que sur les produits industriels en général. Parmi les pays industrialisés, il n’est pas rare d’observer, comme aux États-Unis, des droits pour ce secteur qui sont un multiple considérable du taux moyen appliqué aux produits industriels. Quant aux quotas imposés au titre de l’Accord multifibres, la théorie commerciale suggère que, toutes choses étant égales par ailleurs, ils sont encore plus restrictifs que les droits de douane. 123. Si les États-Unis ne se sont pas fermement engagés à abaisser les droits de douane appliqués au textile et à l’habillement durant le cycle d’Uruguay, ils ont fait une concession encore plus significative. En contrepartie d’autres engagements de la part des pays en développement, les pays industrialisés ont accepté d’éliminer progressivement, sur dix ans, les quotas au titre de la nation la plus favorisée. Cette suppression doit être achevée au dernier jour de 2004. En prévision, la politique commerciale américaine concernant le textile et l’habillement s’est recentrée : elle est passée d’un protectionnisme encadré à une libéralisation encadrée. Le premier avait pour but d’aider les producteurs américains à survivre par le biais de contingents protectionnistes, notamment en freinant le taux de croissance des importations provenant de Chine et d’autres fournisseurs asiatiques. L’objet de la libéralisation encadrée est de favoriser un « atterrissage en douceur » pour les entreprises américaines du secteur, en les incitant à co-fabriquer des vêtements avec certains pays partenaires. C’est ce que visent la négociation d’accord et la création de programmes préférentiels qui attribuent un accès au marché non contingenté et en franchise de droits, sous réserve de respect de règles d’origine strictes, exigeant l’utilisation de tissus et (dans certains cas) de fibres américains. 124. Ce changement de stratégie s’appuie sur l’observation de trois faits concrets. Premièrement, les États-Unis ne peuvent soutenir indéfiniment et à grande échelle la production intérieure de vêtements bas de gamme. Il est possible de pénétrer sur des niches rentables, surtout dans le secteur de la mode, mais les pays où les salaires sont élevés ne sont pas à même de faire face à la concurrence sur le segment du bas de 44 TD/TC(2005)2/ANN2 gamme. Deuxièmement, les segments du filé et du tissu disposent de meilleures perspectives, particulièrement si les achats en baisse d’une industrie textile américaine sur le déclin peuvent être compensés par une hausse des exportations vers des sites de production à l’étranger. Troisièmement, tous les producteurs étrangers ne présentent pas la même menace pour les intérêts des américains. Si certains pays asiatiques importent des quantités significatives de fibres des États-Unis, dont une partie revient sous forme de tissu ou de vêtements, ils importent très peu de tissu ou de produits textiles semi-finis américains. En revanche, beaucoup des vêtements importés du continent américain, plus particulièrement du Mexique ou du bassin des Caraïbes, sont des pièces fabriquées aux États-Unis et assemblées dans des usines étrangères. Quelques calculs simples permettent d’illustrer ce point. En 2003, pour chaque dollar d’importations vestimentaires américaines en provenance des Amériques, les États-Unis ont exporté USD 0,03 de fibres, USD 0,36 de tissu et USD 0,22 de pièces d’habillement (pour la plupart, des produits semi-finis expédiés pour une transformation à l’étranger). Au total, USD 0,61 de produits américains sont sortis du territoire pour chaque dollar de produits textiles qui y est rentré. En revanche, chaque dollar de produits vestimentaires importés d’Asie correspondait à seulement environ USD 0,09 d’exportations américaines (soit USD 0,06 de fibres, USD 0,03 de tissu et moins de USD 0,01 de vêtements)104. 125. Ces flux sont influencés par les différents traitements appliqués aux partenaires commerciaux au titre des divers accords et programmes. Depuis le milieu des années 80, les États-Unis ont conçu des programmes préférentiels visant à faciliter la coproduction dans les secteurs du textile et de l’habillement. Les importations en provenance de pays signataires bénéficient de traitements préférentiels en termes de contingents et de droits de douane, sous condition du respect des règles d’origine, qui encouragent ou imposent les achats de fibres ou de tissus américains, ainsi que certaines opérations de transformation sur le territoire américain (par exemple la coupe ou la teinture du tissu). Les accords qui sous-tendent cette stratégie se présentent sous deux formes. L’un concerne les programmes d’échanges préférentiels, dont bénéficient les pays en développement de certaines régions. En 1986, les États-Unis n’ont plus appliqué de contingents au bassin des Caraïbes, et ont complété cette disposition avec une exonération de droits en 2000. Des programmes comparables ont également été engagés avec l’Afrique subsaharienne (en 2000) et les pays andins (en 2002). L’autre volet regroupe la négociation d’accords de libre-échange successifs. En 1993, le Mexique a été le premier partenaire de ce type d’accords à exporter des volumes significatifs de vêtements vers les États-Unis. Ensuite, les États-Unis ont élargi ces accords à des exportateurs tels que la Jordanie (2001) ou Singapour (2003) et, à la mi-2004, des accords étaient en attente d’agrément ou en cours de négociation avec, entre autres, l’Amérique centrale, la République dominicaine, le Panama, trois pays andins, l’Union douanière d’Afrique australe et la Thaïlande105. Conclusions et enseignements de l’expérience 126. Cette étude démontre que la politique commerciale peut servir les intérêts d’un secteur mis en danger par la concurrence des importations, mais qu’elle ne doit pas nécessairement prendre la forme d’un protectionnisme pur et dur. Pendant des décennies, le secteur du textile et de l’habillement américain avait en effet exigé une protection contre les importations, et la politique de protectionnisme encadré a été conçue afin de mettre ces producteurs à l’abri des effets de la concurrence étrangère, mais elle n’était pas viable à long terme. Non seulement les consommateurs devaient en supporter les coûts, mais elle empêchait également la négociation d’engagements ambitieux dans le cadre d’accords commerciaux multilatéraux. La décision de remettre les Accords multifibres sur la table au cours du cycle d’Uruguay a contribué à produire un ensemble d’engagements plus profonds de la part de toutes les parties. 127. La politique de libéralisation encadrée s’est substituée à la protection encadrée et permet de faciliter la transition vers le régime post-Accords multifibres. Incitant la fabrication conjointe entre les producteurs des États-Unis et leurs partenaires dans les pays en développement, cette politique compense une partie (mais pas la totalité) des ventes que les producteurs de textile américains ont perdu chez eux. 45 TD/TC(2005)2/ANN2 128. Les instruments commerciaux ne peuvent, à eux seuls, constituer la base d’une stratégie d’ajustement. La productivité du secteur du textile américain progresse grâce à une plus grande spécialisation associée à des investissements. Mais ces deux évolutions font par ailleurs peser le poids de l’ajustement sur les travailleurs qui perdent leur emploi. Cette charge peut être allégée en partie grâce à des programmes d’aide à l’ajustement pour les travailleurs victimes de suppressions d’emploi. 90 La question des subventions au coton ne fait pas partie du champ de cette étude. La compétitivité des producteurs américains de ce secteur est sans aucun doute affectée par les importants volumes de subventions publiques qu’ils reçoivent, subventions de plus en plus souvent remises en cause par les producteurs africains dans le cadre de l’OMC. Voir Négociations agricoles à l’OMC ; réduction de la pauvreté : initiative sectorielle en faveur du coton ; Proposition conjointe du Bénin, du Burkina Faso, du Mali et du Tchad TN/AG/GEN/4 (16 mai 2003). Dans le cadre de notre étude, il suffit de noter que c’est le secteur de la chaîne fibre-textile-habillement pour lequel les États-Unis sont un grand exportateur qui est confronté à une concurrence modérée des importations. 91 Levinsohn et Petropoulos (2001), p. 5. 92 Murray (1995), p. 62. 93 Voir, par exemple, l’analyse de Rosen (2002), p. 92. 94 Christoffersen, Malhotra et Datta (2003). 95 Christoffersen, Malhotra et Datta (2003). 96 Moore (2001). 97 Les comparaisons ont été quelque peu compliquées par le passage de l’ancienne classification type des industries (Standard Industrial Classification – SIC) au système de classification industrielle de l’Amérique du Nord (SCIAN – North American Industry Classification). La correspondance entre le SIC et le NAIC est relativement proche mais imparfaite. En 1994, on dénombrait 624 400 salariés dans la production de produits issus d’usines textile (SIC 22) ; en 2001, ce chiffre est tombé à 293 900 ouvriers d’usines de textiles (SCIAN 313) et 209 700 ouvriers d’usines de produits textiles (SCIAN 314). En ce qui concerne l’habillement, l’emploi est passé de 925 500 salariés en 1994 (selon la classification SIC 23, « vêtements et autres produits textiles ») à 456 500 en 2001 (selon la classification SCIAN 315, « fabrication de vêtements »). Voir département du Commerce américain États-Unis (1994) et (2001). 98 Levinsohn et Petropoulos (2001), p. 13. 99 GAO (2001a), p. 2. 100 Des comparaisons viennent appuyer cet antagonisme, notamment les données rapportées dans GAO (2001a), p. 15. 101 OCDE (2004b). 102 L’une de ces critiques est exposée dans GAO (2001b). Voir, en particulier, l’étude de l’annexe V sur l’expérience d’El Paso, au Texas, qui a perdu beaucoup d’emplois dans le textile et l’habillement durant les années 90. 103 OCDE (2004b). 104 Calculs de l’auteur, sur la base de données de l’U.S. International Trade Commission. 105 Tous ces programmes et accords ne définissent pas les mêmes règles d’origine. Certains d’entre eux accordent des conditions plus généreuses aux pays exportateurs, alors que d’autres exigent que les produits admissibles contiennent une proportion substantielle de matériaux américains. 46 TD/TC(2005)2/ANN2 ANNEXE STATISTIQUE Figure 1 : Salaires dans le textile et l’habillement dans un échantillon de pays Rémunération horaire pour les ouvriers d’usine, en 2001, en USD Norvège Allemagne États-Unis Italie Japon Canada** Israël Espagne Toutes activités manufacturières Produits textiles Hong Kong Taïpeh (Chine) Habillement Brésil* $0 $5 $ 10 $ 15 $ 20 Source : Adapté des données du ministère du Travail américain * : données de 2000. ** : données de 1999. Figure 2 : Tarifs consolidés moyens après le cycle d’Uruguay Pondéré de la valeur des importations provenant de partenaires non signataires d’accords de libre-échange Suisse Japon UE Canad a États-Unis Corée Turquie Australie Thaïlande Inde Brésil Venezuela Mexique Indonésie 0% Tous biens industriels Textile et habillement 10 % 20 % 30 % 40% Source : Adapté de J. Michael Finger, Merlinda D. Ingco et Ulrich Reinke, The Uruguay Round: Statistics on Tariff Concessions Given and Received (Washington, D.C. : Banque mondiale, 1996). 47 TD/TC(2005)2/ANN2 Figure 3 : Parts du marché mondial du tissu, 2002 En milliards d’USD Chine Italie Corée Allemagne États-Unis France Japon Inde Indonésie Turquie Afrique du Sud Australie Nouvelle Zélande Égypte Exportations de tissu 2001 Importations de tissu Mexique Hong Kong $0 $4 $8 $ 12 $ 16 Source : Calculé d’après les données du projet WITS (voir tableaux 4 et 5). Tableau 1. Expéditions de textiles américains, 1997-2001 En millions d’USD courants SCIAN Description 31311 313111 313112 313113 3132 31321 31322 31323 31324 3133 Usines de fibres, filés et fils Bobinage Moulinage Fil Usines de tissus Tissus larges Tissus étroits Non-tissés Tricots Finissage de textiles et de tissus et revêtements de tissus Total 1997 1998 1999 2000 2001 12 897 8 143 4 232 522 29 980 18 269 1 646 4 368 5 697 6 896 12 669 7 943 4 123 603 29 688 18 306 1 711 4 416 5 255 6 554 11 904 7 216 4 376 311 27 900 16 655 1 834 4 674 4 737 6 245 11 334 6 374 4 586 374 26 410 15 562 1 759 4 873 4 216 6 326 10 030 5 720 4 033 278 22 604 13 295 1 724 4 407 3 179 5 905 Variation, en % 1997-2001 -22 % -30 % -5 % -47 % -25 % -27 % 5% 1% -44 % -14 % 49 773 48 911 46 049 44 070 38 540 -23 % Source : Département du Commerce américain, Bureau of Industry and Security, The U.S. Textile and Apparel Industries: An Industrial Base Assessment (2003). SCIAN = Système de classification des industries de l’Amérique du Nord 48 TD/TC(2005)2/ANN2 Tableau 2 Expédition de produits textiles américains, 1997-2001 En millions d’USD courants SCIAN Description 3141 31411 31412 3149 Usines de textiles domestiques Tapis et carpettes Rideaux et linge de maison Usines d’autres produits textiles Sacs en textile et de grosse toile Corde, cordage et ficelle Cordes et tissus pour pneus Produits non mentionnés par ailleurs Total 31491 314991 314992 314999 1997 1998 1999 2000 2001 20 296 11 493 8 803 10 756 20 658 12 070 8 588 10 479 21 119 11 686 9 433 11 570 22 436 12 748 9 688 11 219 21 793 12 659 9 134 10 178 Variation en % 1997-2001 7% 10% 4% -5% 2 502 777 1 269 6 208 2 516 766 1 300 5 897 2 606 804 1 428 6 732 2 598 821 1 479 6 321 2 464 809 1 038 5 867 -2% 4% -18% -5% 31 052 31 137 32 689 33 654 31 971 3% Source : Département du Commerce américain, Bureau of Industry and Security, The U.S. Textile and Apparel Industries: An Industrial Base Assessment (2003). 49 TD/TC(2005)2/ANN2 3.6 AUSTRALIE106 129. En Australie, les secteurs du textile, de l’habillement, de la chaussure et du cuir107 sont en train de traverser une période de profonds changements structurels. De vastes mesures de rationalisation en ont comprimé la production et l’emploi (en repli de 35 % depuis le début des années 90). Le mix produits et la chaîne d’approvisionnement évoluent. La part des importations dans le marché intérieur a presque doublé par rapport à la fin des années 80, pour s’établir à 50 %. Les exportations de textile, vêtements, chaussures et cuir australiens progressent également rapidement, mais partent d’une base restreinte. 130. Dans une large mesure, ces transformations structurelles sont une réaction aux pressions mondiales auxquelles se retrouvent confrontés les producteurs dans la plupart des pays développés. La concurrence intense des fournisseurs des pays en développement, la diminution de la part des dépenses de consommation consacrée à ces produits (en retrait de 25 % depuis 1990 en Australie), les progrès de la technologie et une réglementation environnementale plus stricte comptent parmi les principaux moteurs de ce changement. 131. Jusqu’à la fin des années 80, comme dans beaucoup d’autre pays développés, les gouvernements australiens successifs ont cherché à se protéger de la concurrence croissante des importations provenant des pays en développement par diverses mesures, dont l’adoption de droits de douane élevés et des restrictions quantitatives aux importations. Le taux effectif d’aide au secteur a culminé à plus de 150 % au milieu des années 80. 132. Cependant, face aux coûts importants imposés aux consommateurs australiens par cette tentative d’éviter le nécessaire et inéluctable ajustement du secteur, et conformément au programme général de réforme des droits de douane engagé en Australie, cette aide a depuis été significativement revue à la baisse. Les restrictions quantitatives ont été supprimées et les droits de douane ramenés à un niveau maximum de 25 %, avec de nouvelles réductions en perspective (voir plus bas). 133. La baisse des droits de douane et l’accès facilité aux produits du textile, de l’habillement, de la chaussure et du cuir importés se sont révélés très bénéfiques pour le consommateur. Ainsi, le prix réel de ces produits en Australie a reculé de 20 % depuis 1990, même si des facteurs autres que la réforme du régime de protection ont de toute évidence contribué à ce résultat. 134. Dans le même temps, la réduction des aides a exacerbé les pressions à l’ajustement exercées sur les producteurs australiens. Néanmoins, et nonobstant les récents reculs significatifs de la production et de l’emploi dans le secteur, certaines entreprises ont pu s’adapter à l’environnement de marché de plus en plus concurrentiel. Celles qui ont réussi leur transformation, ou qui seront capables de le faire, misent notamment sur les produits novateurs à forte valeur ajoutée, spécialisés et à forte intensité de capital, sur le service à la clientèle, sur le développement de la marque ou sur l’expansion du marché. 135. Il est évident que le processus d’ajustement est loin d’être terminé. Une large part de la production industrielle du pays reste à forte intensité de main-d’œuvre, particulièrement dans l’habillement. Freinées par une main-d’œuvre beaucoup plus chère que celle des concurrents des pays en développement, de nombreuses entreprises fabriquant ces produits standard vont devoir se débattre pour survivre, quel que soit le régime d’aide. 50 TD/TC(2005)2/ANN2 136. Cet ajustement n’ira pas de soi. La plupart des salariés de ces entreprises viennent d’un milieu non anglophone et ne peuvent guère compter sur des qualifications qu’ils pourraient utiliser ailleurs. Ils ont également tendance à être un peu plus âgés que ceux des autres activités manufacturières. Par ailleurs, certaines entités non compétitives ne peuvent plus tenir les engagements vis-à-vis des salariés pris en cas de fermeture lors de négociations antérieures, ce qui les empêche ce cesser leur activité en bon ordre, et constitue une source de conflits sociaux. 137. Pour les travailleurs à domicile, ces pressions peuvent se révéler particulièrement critiques. En raison de la flexibilité que peut procurer le travail à domicile, une partie de l’ajustement, notamment dans le secteur de l’habillement, a consisté dans le passé à remplacer l’activité en usine par des travaux à domicile. Cependant, l’emploi dans le secteur australien de l’habillement étant désormais dominé par le travail à domicile, c’est cette catégorie de travailleurs qui devrait supporter l’essentiel des contractions à venir dans cette branche. 138. Dans ces conditions, le régime d’aide à ces secteurs pour la décennie à venir a été conçu pour faciliter un ajustement en bon ordre, sans imposer de coûts excessifs aux consommateurs et à la société. La législation sur les abaissements des droits de douane qui doit entrer en vigueur au début 2005 va ramener le taux maximum applicable à tout produit du textile, de l’habillement, de la chaussure et du cuir à 17.5 %. Et, dans le cadre d’un nouveau plan d’aide annoncé suite au récent rapport publié par la commission sur la productivité (Productivity Commission, 2003), les pouvoirs publics ont fait savoir que les droits de douane sur les chaussures et la plupart des articles textiles retomberaient au taux général de 5 % en 2010. Les taux actuellement plus élevés portant sur l’habillement et certains produits textiles finis redescendront aussi à 5 % en 2015. 139. Pour faciliter l’ajustement à ces nouvelles baisses des droits de douane et aux pressions plus larges exercées sur le secteur, ce programme d’aide prévoit aussi un soutien budgétaire substantiel. Comme le régime de transition instauré pour le secteur de l’automobile, ce soutien encourage l’innovation et l’investissement susceptibles d’aider les entreprises à rester compétitives malgré des droits de douane peu élevés. De plus, conformément aux propositions formulées dans le récent rapport de la commission sur la productivité, les pouvoirs publics ont annoncé qu’en cas de suppressions d’emplois significatives sur le plan régional ou de compressions massives des effectifs dans le secteur, ils accompagneraient les mesures d’ajustement généralement disponibles d’une aide spécifique. 140. Dans le cadre de ces dispositions favorisant un ajustement en bon ordre, il conviendra également d’engager des réformes micro-économiques plus vastes et de poursuivre les efforts déployés par les pouvoirs publics pour améliorer l’accès des exportateurs de produits du textile, de l’habillement, de la chaussure et du cuir aux marchés étrangers protégés. En outre, ce secteur peut encore faire beaucoup pour accentuer ses perspectives de succès sans assistance spéciale. Ainsi, renforcer la coopération et l’efficacité de la communication entre la direction et les salariés, y compris lors des négociations sur le lieu de travail, pourrait contribuer à davantage de flexibilité et de productivité. 141. Cela étant, on ne peut pas faire grand chose pour endiguer la migration des unités de production du textile, de l’habillement, de la chaussure et du cuir standardisés et à forte intensité de main-d’œuvre vers les pays en développement. Comme l’a montré l’expérience, les tentatives d’y faire obstacle coûteraient très cher à la collectivité et ne feraient que retarder l’inéluctable. C’est une réalité qui est aujourd’hui largement admise en Australie. Cette étude de cas a été communiquée par la commission australienne sur la productivité (Australia’s Productivity Commission) dans le cadre du projet de l’OCDE sur les échanges et l’ajustement structurel. 107 Cette étude de cas porte collectivement sur le textile, l’habillement, la chaussure et le cuir. 106 51 TD/TC(2005)2/ANN2 3.7 LA REPUBLIQUE SLOVAQUE108 142. L’apparition des premières usines de textiles en République slovaque remonte à plus d’un siècle et, pendant toute la période de planification centralisée, le secteur du textile et de l’habillement a gagné en importance économique tout en remplissant une fonction sociale. A la fin des années 80, il comptait 74 300 salariés et représentait 4.7 % de la production industrielle totale. Entre 1970 et 1985, 17 100 emplois ont été créés, grâce à une stratégie axée sur les exportations et fondée sur les échanges de pétrole, de gaz, de fer, d’or et de céréales avec l’ancienne Union soviétique. 143. La disparition de ce système de troc avec l’ex-URSS a eu un impact considérable sur l’industrie slovaque du textile et de l’habillement, provoquant la suppression immédiate de 16 500 emplois en 1989 puis celle de 11 000 postes supplémentaires peu de temps après. Entre 1989 et 1993, le volume total de la production textile et vestimentaire a reculé de 46.5 %, les baisses s’échelonnant entre 50.2 % pour la production de fils de coton, 45.2 % pour celle des tissus de laine et 30.5 % pour la confection. En outre, la composition de la production s’est complètement transformée et les destinations d’exportation ont été redéfinies. 144. Pour faire face à l’évolution des conditions économiques, les fournisseurs slovaques ont dû accepter des transformations majeures ; ils ont ainsi abandonné la production de vêtements essentiellement confectionnés à partir de tissus fabriqués dans le pays au profit d’une sous-traitance pour des clients de l’Union européenne, utilisant des tissus d’importation. Ce changement a été facilité par des programmes de perfectionnement passif, qui accordaient un accès préférentiel au marché de l’UE aux vêtements fabriqués avec des tissus en provenance de l’Union européenne. En outre, l’entrée en vigueur de l’ « Accord européen » en 1995 a permis d’accorder aux produits textiles et d’habillement slovaques un accès en franchise de droits et sans contingents au marché de l’UE, ce qui a contribué à éviter de nouvelles crises. Entre 1993 et 2002, le niveau de l’emploi, qui s’était d’abord stabilisé autour de 43 000 salariés, a légèrement augmenté, se portant à 46 500 en 2002, avant de reculer de 5.3 % en 2003 en raison de l’intensification de la concurrence des importations, notamment en provenance de la Chine, sur le marché slovaque comme sur les marchés d’exportation. 145. Malgré les opportunités considérables offertes depuis 1995 par l’Accord européen en termes de production et d’échanges, en 2003, près des trois quarts des exportations de vêtements slovaques s’effectuaient toujours dans le cadre des programmes de perfectionnement passif, notamment avec des textiles importés de l’UE. Cela laisse à penser que le secteur slovaque de l’habillement s’est adapté plus rapidement que celui du textile aux exigences de qualité pesant sur les exportations à destination de l’UE. C’est pourquoi la balance des échanges slovaque est en permanence déficitaire pour les échanges de produits textiles, mais excédentaire en ce qui concerne les vêtements. 146. L’avantage concurrentiel conféré aux producteurs slovaques par le relativement bas niveau des salaires s’est trouvé diminué par la faiblesse de la productivité et par la concentration du secteur sur les produits standard, marché sur lequel la concurrence internationale est la plus vive. D’après les estimations, en 2003, la productivité slovaque équivalait à 31 % de celle de l’UE-15 et 36 % de l’UE-25. Cette faible productivité s’accompagne d’une proportion réduite de segments de production à forte valeur ajoutée, comme les textiles techniques et le finissage de textiles et, inversement, d’une part élevée d’activités de filature, de tissage et de tricotage. En outre, le stock de capital utilisé par unité de travail dans le secteur textile est relativement peu élevé : en 2003, il représentait ainsi 58 % de celui de l’UE-15. La participation 52 TD/TC(2005)2/ANN2 restreinte des investisseurs étrangers au secteur textile slovaque pourrait elle aussi expliquer le retard du pays sur ses concurrents en matière de technologie et de productivité. 147. Avec la suppression, à la fin 2004, des restrictions quantitatives appliquées sur les échanges de produits textiles et vestimentaires au titre de l’Accord de l’OMC sur les textiles et les vêtements (ATV), il est évident que le processus d’ajustement du secteur slovaque du textile et de l’habillement est loin d’être terminé. Pour faciliter la restructuration, les autorités slovaques considèrent que le rôle de l’État est surtout d’instaurer les conditions qui permettent aux entrepreneurs privés de se montrer compétitifs dans le nouvel environnement concurrentiel, et de promouvoir l’ouverture réciproque des marchés. Aussi l’action des pouvoirs publics s’inscrit-elle dans un contexte de politiques et de programmes horizontaux visant à instaurer un climat favorable aux affaires, à développer le système éducatif, à soutenir l’innovation, la recherche et le développement, à venir en aide aux petites et moyennes entreprises et à tirer profit des programmes d’intégration approfondie mis en œuvre au niveau européen. Dans le cadre du programme de subvention au développement de l’industrie, les entreprises slovaques peuvent solliciter des fonds d’investissement pour renforcer leur compétitivité, promouvoir l’innovation et les projets de recherche, réaliser des économies d’énergie et développer la coopération internationale. 148. La République slovaque ayant récemment rejoint l’Union européenne (mai 2004), ses politiques industrielles horizontales seront complétées par des initiatives sectorielles définies et mises en œuvre au niveau de l’UE. Le pays entend bien tirer parti de la résolution adoptée par le Parlement européen à l’issue de la conférence sur « l’avenir du secteur du textile et de l’habillement dans l’Union européenne élargie ». 108 Cette étude de cas a été communiquée par le gouvernement de la République slovaque dans le cadre du projet de l’OCDE sur les échanges et l’ajustement structurel. 53 TD/TC(2005)2/ANN2 4. ACIER Principaux points ressortant de l’analyse 149. L’ajustement structurel constitue un défi permanent pour le secteur de l’acier, qui a traversé au moins une crise majeure durant chacune des dernières décennies. Pour y faire face, les pouvoirs publics ont souvent adopté des mesures de restriction des échanges. Associées à d’autres formes d’aide publique (notamment les subventions), ces mesures ont contribué à maintenir la surcapacité mondiale, qui, à son tour, a faussé les échanges d’acier. La sidérurgie est apparue comme l’un des secteurs les plus subventionnés pendant les années 80. Bien qu’une amélioration des règles applicables aux subventions ait été obtenue dans le cadre de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les subventions, sources de distorsion du marché, et les aides publiques qui les accompagnent restent une source de préoccupation pour l’industrie sidérurgique. Dans le but d’un retour à des conditions de concurrence normales sur les marchés de l’acier, les pouvoirs publics de tous les grands pays producteurs ont entamé des négociations sous l’égide de l’OCDE, en vue d’un accord sur les subventions dans le secteur. 150. Face à ces crises, des efforts de restructuration ont été entrepris dans certaines régions, souvent afin de maintenir le niveau national de la production sidérurgique. Dans d’autres régions d’Asie et d’Amérique du Sud notamment, l’expansion du secteur de l’acier s’est poursuivie. Si, en Europe, les pouvoirs publics ont activement participé à la gestion du processus de restructuration, dans d’autres grands pays producteurs le secteur s’est adapté aux évolutions du marché sans qu’un programme public de restructuration sur mesure n’ait été mis en œuvre. Les économies en transition d’Europe de l’Est et du SudEst et les Nouveaux États indépendants de l’ex-Union soviétique ont répondu aux besoins de restructuration par le biais de programmes de privatisation exhaustifs et complexes, dont la plupart ont pris fin au début des années 2000. 151. Plus particulièrement, au début de la période de restructuration de l’industrie sidérurgique européenne, les pouvoirs publics n’étaient pas disposés à laisser les seules forces du marché prendre en charge les ajustements requis. C’est pourquoi des solutions politiques complexes ont été adoptées, comprenant une intervention massive sur le marché, des mesures commerciales, mais aussi un large éventail de mesures d’aide publique, avec notamment 38 milliards d’ECU de subventions directes allouées au secteur de l’acier. Supervisée par la Commission, la restructuration s’est pourtant essentiellement déroulée sur un plan national, ce qui semble avoir entravé les regroupements transfrontaliers nécessaires dans les secteurs concernés. Cela étant, les résultats obtenus en termes de fermeture de capacité et de création d’emplois de remplacement pour les travailleurs licenciés de la sidérurgie sont spectaculaires. Quoi qu’il en soit, il semble difficile d’envisager que les pouvoirs publics soient disposés, de nos jours, à consacrer des sommes similaires à la restructuration de l’industrie sidérurgique. 152. De 1992 à 1994, le programme de restructuration de l’acier européen a été marqué non seulement par des interventions modérées et un ensemble restreint de mesures d’aide, mais aussi par un engagement plus prononcé des industriels ; en outre, il a permis une importante réduction des capacités. Son principal objectif était de renforcer la viabilité des entreprises sidérurgiques. L’exemple de ce programme montre également que les entreprises sidérurgiques, si elles sont viables et concurrentielles, peuvent résister à une crise profonde sans aide publique particulière, et prendre les initiatives nécessaires pour adapter leurs activités aux évolutions de l’environnement économique. Ce type d’ajustement a été pratiqué par le secteur 54 TD/TC(2005)2/ANN2 entre 1998 et 2004, période pendant laquelle d’importants regroupements transfrontaliers d’entreprises ont été mis en œuvre. 153. La suppression des subventions à partir des années 80 ainsi que la privatisation de l’acier européen ont été déterminantes pour permettre au marché européen de l’acier de renouer avec des conditions de concurrence normales. Ce retour à la normale s’est notamment traduit par l’intégration du Code des aides de la sidérurgie au cadre global du code européen des aides d’État et par l’expiration du traité CECA en juillet 2002, qui a mis fin aux réglementations sectorielles appliquées à la sidérurgie. 154. Aux États-Unis, la restructuration du secteur de l’acier s’effectue avant tout par le truchement des forces du marché, aussi les faillites ont-elles joué un rôle majeur dans les regroupements d’entreprises et la restructuration du secteur. Si le gouvernement fédéral et les différents États ont également mis sur pied des programmes d’aide à la restructuration, ces mesures ont eu moins d’effet que dans d’autres pays. 155. Au Japon, le secteur de l’acier a été réorganisé par l’intégration des entreprises ou par la création de liens entre les producteurs d’acier intégrés ; cela a notamment été le cas pour la fusion et l’intégration de NKK et de Kawasaki Steel et pour la mise en place d’une coopération stratégique entre Nippon Steel et Sumitomo Metals, Kobe Steel et d’autres encore. Cette restructuration a entraîné une réduction de capacité d’environ 20 % en 2002, notamment en raison des efforts soutenus qui ont été déployés pour améliorer l’efficience de la gestion. En outre, les effectifs des cinq plus grandes entreprises sidérurgiques du Japon sont tombés de 127 000 salariés en 1993 à 56 000 en 2003, soit une compression des coûts de la maind’œuvre de près de 50 %. 156. Sur le front des échanges, les mesures relatives aux importations ont eu une importance cruciale sur les marchés européens jusqu’au milieu des années 90 et aux États-Unis jusqu’à récemment. De nombreux autres pays ont également mis en œuvre des actions commerciales contre les importations d’acier, certaines ayant néanmoins donné lieu à des controverses et fait augmenter la tension dans les échanges internationaux d’acier. En l’absence de telles mesures, les pressions en faveur de l’ajustement se seraient sans doute accentuées et auraient conduit à un ajustement plus poussé du secteur. La protection des producteurs nationaux a nécessité un effort considérable, qui s’est traduit par une baisse de compétitivité des secteurs consommateurs d’acier. 157. Même dans la plupart des pays Membres de l’OCDE, le contrôle par l’État des entreprises sidérurgiques ou de l’ensemble du secteur a prévalu jusque dans les années 80. Parmi les principaux producteurs d’acier, les États-Unis et le Japon sont les seuls à ne pas être intervenus massivement dans le secteur pendant la période de l’après-guerre. Dans l’Union européenne et en Amérique du Sud, la privatisation a débuté à la fin des années 90. En outre, la plupart des entreprises sidérurgiques des économies en transition d’Europe centrale et orientale, de la Fédération de Russie et de l’Inde, mais aussi de la Chine, ont été privatisées. 55 TD/TC(2005)2/ANN2 4.1 L’UNION EUROPÉENNE 158. C’est dans une Communauté européenne qui comptait neuf membres, en 1974, que le secteur de l’acier a atteint son apogée, avec une capacité de production de 179 millions de tonnes de produits laminés à chaud109 et de 156 millions de tonnes d’acier brut, 102 millions de tonnes vendues sur le marché européen et des effectifs de 800 000 salariés. Suite au premier choc pétrolier, la production a chuté de 19 % en 1975. Les années suivantes, la demande est restée faible, la concurrence s’est intensifiée sur les marchés tiers et les importations vers la Communauté européenne se sont accentuées. Conséquence du recul des cours, les producteurs d’acier ont essuyé de lourdes pertes et un nombre croissant de pays ont accordé des subventions à leur sidérurgie affaiblie sous la forme d’aide à l’investissement, d’aide sociale, d’aide à la recherche et/ou d’indemnisation pour les pertes d’exploitation. Dans la pratique, pour faire face à la crise, ils ont mis de côté l’interdiction des subventions imposée par le Traité de Paris, qui instaure la Communauté européenne du charbon et de l’acier. 159. Usant de ses prérogatives aux termes du Traité de Paris, la Commission des communautés européennes a lancé une série de mesures destinées à atténuer les effets de cette détérioration de la situation. Dans un premier temps, elle a demandé aux producteurs de limiter volontairement leur production. Cette méthode n’a guère eu d’effet sur le marché et en mai 1977, la Commission a introduit une législation fixant des prix minimum pour certains produits et recommandant des niveaux minimum pour d’autres. De plus, elle a négocié des accords bilatéraux avec les principaux pays exportateurs d’acier portant sur une limitation volontaire de leurs livraisons au Marché commun. Cependant, la situation du marché de l’acier de la Communauté européenne ne s’est pas redressée, car les engagements volontaires n’ont pas été tenus et le niveau des prix n’a pas été maintenu110. 160. En octobre 1980, conformément à l’article 58 du Traité CECA, le Conseil des ministres a déclaré un état de crise manifeste dans le secteur de l’acier. Des quotas de production obligatoires, une limitation des livraisons au sein de la Communauté et une restriction des exportations ont été imposés à chaque entreprise. Cette réglementation s’est accompagnée d’un système d’amendes sanctionnant toute violation des quotas attribués. Des prix minimum obligatoires pour l’acier, ainsi qu’un plafonnement obligatoire de la production et des ventes individualisé pour chaque producteur ont été appliqués jusqu’à la mi-1988, et le dernier accord bilatéral sur l’acier avec les grands pays exportateurs a expiré en décembre 1991. Tableau 1. Le marché de l’acier entre 1980 et 1985 Europe des 9 1981 1980 Capacité prod. acier brut Prod. d’acier brut Conso. apparente Import Export Échanges nets (exports - imports) 1982 1983 1984 1985 202,1 197,6 193,0 186,9 170,3 165,7 128,0 125,0 111,0 109,0 119,.0 120,0 87,0 79,0 77,0 75,0 81,0 80,0 10,0 8,0 10,0 10,0 10,0 10,0 29,0 33,0 26,0 27,0 31,0 34,0 19,0 25,0 16,0 17,0 21,0 24,0 Source : OCDE. 56 TD/TC(2005)2/ANN2 161. Le plan de restructuration du secteur de l’acier de 1980-1985, appelé Plan Davignon, a été mis en place dans le but de comprimer les capacités de fabrication des produits laminés à chaud, et de les ramener de 172 millions de tonnes en 1980 à 142 millions ou moins à la fin 1985. À compter de la fin 1980, un vaste éventail de mesures a été mis en œuvre afin d’améliorer les conditions de concurrence sur le marché de l’acier de la Communauté européenne111 : tous les États membres de la CEE ont conclu un accord politique interdisant toute subvention au secteur de l’acier à compter de 1986, à l’exception des subventions aux fermetures d’usines, à la R&D et aux interventions sociales et régionales. Toutes les subventions ont été soumises à une autorisation préalable de la Commission. Jusqu’à la fin 1985, les États membres ont eu le droit d’accorder des subventions, sous réserve de l’autorisation de la Commission, si l’entreprise s’engageait en contrepartie à abandonner une part proportionnelle de ses capacités et à restaurer sa viabilité financière. Les prêts CECA à des taux d’intérêt bonifiés ont été consentis pour le financement des projets de modernisation et des investissements. Dans le cadre du Fonds de développement régional, des programmes tels que RESIDER ont apporté un concours financier aux régions fortement touchées par la crise de l’acier afin qu’elles puissent créer de nouvelles activités dans d’autres secteurs. Sous l’égide du Fonds social, les anciens ouvriers de l’acier ont bénéficié de plans de formation et de recyclage, ainsi que de programmes couvrant le coût de leur relocalisation, des licenciements et des pré-retraites. 162. Cet accord politique sur le programme de restructuration reposait sur une présentation des plans nationaux et individuels de restructuration, étayés par un système de quotas, qui garantissait à chaque entreprise, et donc à chaque État membre, une certaine part de marché. Il appartenait aux autorités de chaque État membre, conjointement avec les entreprises concernées, de déterminer quelles capacités supprimer, ainsi que les sites touchés, et le type de restructuration nécessaire au niveau des entreprises pour restaurer la viabilité financière. Cependant, la décision finale d’accepter les programmes de restructuration des sociétés et le feu vert aux subventions revenaient toujours à la Commission. 163. À l’expiration du Plan de restructuration de l’industrie sidérurgique, la Communauté européenne avait amputé ses capacités de fabrication de produits laminés à chaud d’environ 31 millions de tonnes, volume qui intègre le report de certaines fermetures à 1986. Ces compressions sont supérieures de quelque 1 million de tonnes à celles envisagées au départ. Ce chiffre prend en compte les investissements réalisés dans de nouvelles installations ainsi que l’amélioration et la modernisation des installations existantes. Concernant la capacité de production d’acier brut, cette réduction a été tout aussi impressionnante. Entre 1980 et 1988, à l’échéance des plans de restructuration pour les nouveaux membres d’alors, l’Espagne, la Grèce et le Portugal, la capacité de production d’acier brut de l’Europe des 12 était passée de 222 à 188 millions de tonnes. 164. L’emploi dans le secteur de l’acier de l’Europe des 12 est redescendu de 672 000 salariés en 1980 à 409 000 en 1988, soit une compression d’effectifs de près de 40 %. Ainsi, lorsque British Steel a révisé ses capacités à la baisse sur son site de Corby, dans le Sud-Est de l’Angleterre, plus de 6 000 emplois ont été touchés. Au total, à Corby, dont l’économie était dominée par British Steel, l’emploi est tombé de 23 300 personnes en 1979 à 15 900 en 1981. Certains ouvriers ont profité de plans de départ en retraite anticipée, d’autres ont réactualisé leurs compétences dans l’aciérie ou acquis de nouvelles qualifications, par exemple en obtenant le permis poids-lourd grâce à des dispositifs de formation spécifiques. De plus, 57 TD/TC(2005)2/ANN2 161,88 hectares ont été mis à disposition pour le développement d’autres activités manufacturières, et en 1984, l’emploi total à Corby était déjà remonté à 19 700112. 165. La fermeture des capacités inefficientes, la modernisation des installations existantes, notamment par le développement de la technologie de la coulée en continue, plus économe en énergie, et la multiplication des fours à arc électrique ont amélioré la productivité du secteur européen de l’acier. Les gains de productivité et la progression du taux d’utilisation des capacités ont aidé les producteurs d’acier européens à renforcer leur compétitivité à l’international. 166. Entre 1980 et 1985, les neuf États membres ont consacré près de ECU 38 milliards au soutien des programmes de restructuration des producteurs d’acier de la Communauté : 23 milliards ont été versés aux entreprises restant en activité, 11,5 milliards ont été débloqués pour les investissements et 2,3 milliards ont été accordés pour les fermetures. Les subventions à la R&D et les dépenses d’urgence ont représenté ECU 1 milliard113. Outre ces subventions aux entreprises sidérurgiques, des financements substantiels ont été débloqués par le Fonds régional et le Fonds social pour les populations touchées par les restructurations et les mesures sociales à l’intention des ouvriers de l’acier. La restructuration de l’acier européen a donc pesé lourdement sur les budgets des États membres et sur les fonds communautaires. 167. Le plan Davignon a été un succès, puisque les capacités globales ont été amputées de près de 20 % et la sidérurgie européenne a été modernisée. La réglementation du marché en vigueur pendant la phase de restructuration – quotas de production, prix minimum, accords de limitation volontaire – a imposé des coûts économiques supplémentaires, mais a été considérée comme essentielle, car elle prenait en compte des préoccupations économiques et sociales plus larges. 168. Après une brève reprise entre 1986 et 1990, les marchés mondiaux de l’acier sont repartis à la baisse sous l’effet de l’effondrement de la demande de l’ancienne Union soviétique. En 1992, la consommation d’acier est retombée au niveau du milieu des années 80. La faiblesse des cours a détérioré la situation financière des producteurs du monde entier. Même la sidérurgie de la Communauté européenne, qui venait juste de sortir d’une restructuration énergique, a été touchée, et les producteurs européens ont essuyé des pertes proches de celles de la crise précédente. Certains ont demandé que soient de nouveau activées les multiples mesures prévues dans le cadre du Traité CECA, mais la Commission a cette fois-ci adopté une attitude différente et moins interventionniste. 169. L’objectif global du programme sur trois ans arrêté par le Conseil le 25 février 1993 consistait à comprimer encore significativement les capacités de production. Ces réductions devaient passer par une action parallèle faisant intervenir i) le secteur, chargé d’élaborer un plan détaillé pour les fermetures requises, et ii) la Communauté, qui devait mettre en place une série de mesures d’accompagnement visant à faciliter les restructurations114. Les dispositions suivantes, en particulier, ont été prises : Pour favoriser la stabilisation du marché, conformément à l’article 46 du Traité CECA, la Commission a publié à titre indicatif des recommandations de ventes trimestrielles sur la base des informations communiquées par les entreprises, afin que ces dernières puissent adapter leurs plans de production à la lumière des grandeurs agrégées. Des accords de limitation volontaire ont été conclus pour les importations depuis les pays tiers. Pour faciliter la restructuration du secteur européen de l’acier, des fonds supplémentaires ont été débloqués sur le budget de la CECA afin de couvrir le coût des licenciements et des départs en retraite anticipée. D’autres programmes de la Communauté ont continué de soutenir la reconversion des ouvriers de la sidérurgie souhaitant commencer une carrière dans un autre secteur. De plus, des subventions ont été versées aux entreprises qui ont amputé leurs capacités de laminage à chaud dans des conditions strictement définies, comme la 58 TD/TC(2005)2/ANN2 privatisation, les plans de restructuration, les études de viabilité pour les entreprises restructurées et le gel des capacités restantes. 170. Fin 1994, la Commission a décidé d’abolir les dispositions d’accompagnement, à l’exception des mesures sociales, qui ont pris fin en 1996. À l’issue de ce programme de restructuration, des capacités de production correspondant à environ 11 millions de tonnes de produits laminés à chaud avaient été supprimées et la main-d’œuvre ramenée à 287 000 salariés en 1995. 171. Plus de la moitié de ces compressions de capacités, soit 5,8 millions de tonnes, ont résulté de fermetures volontaires dans le secteur privé, qui n’ont pas bénéficié des subventions à la cessation d’activité. Pendant la crise du début des années 90, un large pan de la sidérurgie européenne est donc parvenue à procéder aux ajustements requis par la dégradation du marché sans aide des pouvoirs publics. Durant la crise des années 80, il aurait été inconcevable que les entreprises prennent et financent ellesmêmes une telle initiative. De plus, tandis que pendant les années 80, environ 60 % du secteur européen de l’acier étaient contrôlés par l’État, pratiquement toutes les entreprises avaient été privatisées à la fin du programme de restructuration. Tableau 2. Importations/exportations de l’Europe des 12 et échanges mondiaux, 1991-1995 Europe des 12 Échanges mondiaux Importations UE Exportations UE 1991 1992 1993 1994 1995 117,0 13,6 26,0 137,0 15,6 25,3 166,0 12,5 35,0 177,0 16,7 34,8 180,0 22,3 25,8 Source : OCDE. 172. Malgré les accords de limitation volontaire avec les principaux pays exportateurs d’acier, les importations de l’Union européenne ont augmenté sur la période comprise entre 1991 et 1995. La tendance haussière de ces importations a suivi celle des échanges internationaux d’acier, qui se sont accrus d’environ 50 % sur cette période. Les exportations d’acier de l’Europe des 12 ont également augmenté, mais beaucoup plus lentement. Ces évolutions soulignent que la protection du marché européen de l’acier n’a peut-être pas joué un rôle très important dans le programme de restructuration des années 90. Tableau 3. Le commerce de l’acier de l’Union européenne 1998-2002 Europe des 15 Importations Exportations Échanges nets (exports imports) 1998 1999 2000 2001 2002 24,0 23,5 0,5 22,2 23,0 -0,8 28,6 28,6 0,0 29,3 28,5 0,8 26,7 25,7 1,0 Source : OCDE. 173. En 1998, le secteur européen de l’acier a dû de nouveau ajuster sa production et ses capacités. Contrairement à ce qui s’est passé pendant les crises précédentes, la Commission n’est intervenue ni pour 59 TD/TC(2005)2/ANN2 réguler le marché communautaire de l’acier ni pour lancer de programme de restructuration. Malgré les difficultés du marché, l’Union européenne a respecté les engagements pris lors des négociations du cycle d’Uruguay, à savoir supprimer tous les droits de douane sur l’acier sur une période de dix ans. Le marché communautaire de l’acier commençait donc à s’ouvrir de plus en plus lorsque les exportations des pays tiers se sont mises à grimper en flèche, en 1998. À ce moment-là, l’accès au marché n’était limité que pour la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan, non membres de l’OMC, avec lesquels l’Union européenne avait conclu des accords bilatéraux imposant des restrictions quantitatives sur les exportations vers son territoire. En 2002, une barrière à l’accès au marché européen de l’acier a été introduite en réaction aux mesures de protection décidées par les États-Unis pour éviter que les flux commerciaux ne se tournent vers l’UE. La protection mise en place par l’UE devait expirer dès que les États-Unis retireraient la leur. 174. Dans la période qui a suivi la crise asiatique, la sidérurgie européenne s’est défaite de capacités supplémentaires, a formé des groupes plus vastes par des fusions et acquisitions internationales et a intensifié la conclusion d’accords de spécialisation. Cet assainissement lui a permis de faire face aux chocs récents115. Ce secteur semble aujourd’hui en bien meilleure posture pour supporter les ajustements nécessaires aux mutations du marché sans aide spécifique de l’État. 175. Des capacités avoisinant 13 millions de tonnes ont été rendues définitivement inopérantes dans l’Europe des 15 entre 1998 et 2002, et de nouvelles fermetures, représentant de 8 à 10 millions de tonnes, sont envisagées sur la période comprise entre 2003 et 2005. De même, des récentes fusions et acquisitions ont donné un nouveau visage à la sidérurgie européenne. Avec la fusion des groupes allemands Thyssen et Krupp, au milieu des années 90, puis celle de British Steel et Hoogovens (Pays-Bas), qui ont formé Corus en 1999 et le mariage d’Usinor (France), Arbed (Luxembourg) et Aceralia (Espagne), qui ont créé Arcelor, numéro un mondial de l’acier, en 2001, quatre groupes européens se classent désormais parmi les dix premiers producteurs mondiaux. Les synergies dégagées par ces fusions et acquisitions, notamment avec la spécialisation plus pointue de la production et la formation d’alliances stratégiques avec des entreprises du monde entier, ainsi que la concentration de la production dans les usines les plus efficientes, ont considérablement dopé la compétitivité de ces groupes. Une productivité moyenne de 601 tonnes par salarié et par an en 2002, et une progression prévue à 645 tonnes en 2005, témoignent du niveau élevé de compétitivité internationale de la sidérurgie européenne et des efforts permanents déployés pour renforcer le rôle de ce secteur sur le marché mondial et anticiper les difficultés à venir. 60 TD/TC(2005)2/ANN2 Encadré 1 La restructuration de British Steel dans les années 90 La restructuration de l’entreprise publique British Steel a permis l’un des revirements les plus spectaculaires de l’histoire industrielle de la Grande-Bretagne : depuis les pertes gigantesques de la fin des années 70 au retour à la rentabilité à la fin des années 80, à la privatisation en 1988, aux bénéfices records de plus de GBP 1 milliard en 1995/1996 et jusqu’à la fusion avec Hoogovens, pour former Corus en 1999¹. Dans le sillage de la crise en Asie du Sud-Est, à la fin des années 90, British Steel a subi de fortes pressions commerciales lorsqu’elle a ressenti plus durement que ses concurrentes de la zone euro les effets directs et indirects de la vigueur de la livre sterling. Le groupe a fusionné avec Hoogovens en 1999 pour donner naissance à Corus. Fin 2000, Corus, qui comptait 32 000 salariés au Royaume-Uni, a restructuré sa branche acier afin de réagir aux difficultés que traversaient alors les marchés. Il a ainsi annoncé la suppression de capacités de production représentant quelque 3 millions de tonnes, via, notamment, la fermeture de sites au Pays de Galles et des suppressions d’emplois généralisées. Le groupe a dépensé GBP 202 millions en indemnités de licenciement et frais annexes, et 130 autres millions en mesures de rationalisation, telles que la démolition de certaines usines, et en coûts de remise en état de l’environnement. Cette restructuration devait ramener les effectifs à 22 000 personnes au Royaume-Uni en 2003. Les pouvoirs publics britanniques ont mis en place une série de dispositifs destinés à atténuer les effets de cette restructuration pour les salariés licenciés, financés conjointement avec les fonds CECA et les régions touchées, notamment le Sud-Est du Pays de Galles, pour un montant global de GBP 140 millions. Ces dispositifs n’ont rien rapporté directement à Corus. --------------------------------------------1. Financing the restructuring of British Steel, SG/STEEL/RD(2001)9, p. 6 61 TD/TC(2005)2/ANN2 4.2 LA RESTRUCTURATION DU SECTEUR DE L’ACIER AUX ÉTATS-UNIS 176. Depuis les crises financières de 1997-1998, une grande partie de la sidérurgie des États-Unis traverse de sérieuses difficultés. L’essor des importations a comprimé les prix de l’acier à un niveau compromettant la rentabilité des producteurs américains. De plus, les producteurs d’acier intégrés ont eu des problèmes à financer les engagements pris dans les années 80 au titre des pensions de retraite et de l’assurance maladie. La plupart des producteurs intégrés et certaines des mini-aciéries les plus petites ont fait faillite. 177. Face aux inquiétudes croissantes du Congrès, l’Administration Clinton a annoncé un plan d’action pour l’acier (Steel Action Program) le 5 août 1999. Ce programme reposait sur trois grands piliers : Application ferme de la législation américaine sur les échanges commerciaux, avec enquêtes accélérées. Pourparlers bilatéraux en vue de résoudre les problèmes sous-jacents responsables de la crise, avec consultations avec le Japon et la Corée, et un accord de limitation des importations avec la Russie. Amélioration des mécanismes de suivi des importations afin de détecter les pics potentiels. 178. De plus, le Congrès a voté la loi sur la garantie des prêts d’urgence au secteur de l’acier (Emergency Steel Loan Guarantee Act), destinée à aider les entreprises affaiblies et incapables d’obtenir des financements commerciaux. 179. Ce programme n’a freiné les importations d’acier que temporairement : ces importations ont reculé de quelque 20 % en 1999 par rapport au record historique de 1998, mais l’assainissement du secteur a fait du sur-place et les groupes en difficulté ont poursuivi leur activité sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. 180. Quand la situation économique générale s’est dégradée dans les années suivantes, le Président Bush a annoncé une stratégie en trois volets pour répondre aux défis auxquels le secteur est sans cesse confronté. En premier lieu, le Président a chargé le Représentant des États-Unis pour le commerce d’exiger, en vertu de la section 201 du Trade Act de 1974, l’ouverture d’une enquête par l’International Trade Commission, afin d’évaluer la gravité des préjudices subis par la sidérurgie à la suite de l’augmentation des importations de produits en acier. Dans un deuxième temps, le Président, en collaboration avec les partenaires commerciaux des États-Unis, a entamé des actions visant à éliminer les capacités excédentaires inefficientes du secteur de l’acier dans le monde. 62 TD/TC(2005)2/ANN2 Le troisième volet de la stratégie adoptée a consisté à engager des négociations sur les règles applicables aux échanges d’acier, en privilégiant des disciplines plus strictes, visant à réduire ou à supprimer l’ensemble des aides publiques allouées au secteur et susceptibles de fausser les échanges ; ce volet présente ainsi une avance considérable sur les règles internationales qui prévalent en la matière. 181. Le Président Bush n’a invoqué la section 201 qu’en mars 2002, après qu’une enquête de neuf mois eut établi que 10 produits sidérurgiques avaient subi d’importants préjudices sous l’effet de l’augmentation des importations, légitimant leur droit à un répit. 182. Lorsque le Président Bush a décidé de soumettre les importations d’acier à des droits de douane provisoires, les prix de l’acier étaient tombés à des niveaux sans précédent depuis 20 ans. Un répit d’une durée maximale de trois ans a été accordé au titre de la section 201 du Trade Act de 1974, assorti d’un examen à mi-parcours pour juger de la nécessité de son maintien. Cette décision, vivement critiquée par les pays exportateurs d’acier, a déclenché dans le monde entier une vague d’actions commerciales à l’encontre des importations d’acier. 183. La protection introduite au titre de la Section 201, la fermeture de Geneva Steel en novembre 2001 et de LTV en décembre 2001, avec une baisse combinée des capacités représentant quelque 10 millions de tonnes – certaines capacités sont réapparues après avoir été acquises par un nouveau propriétaire – et l’abandon d’installations inefficientes sur d’autres sites, conjugués à une amélioration générale de l’économie intérieure, sont autant d’éléments qui ont contribué au redressement du marché de l’acier des États-Unis depuis la mi-2002. Les capacités ont reculé à compter de 2000 et sont retombées en 2003 à leur niveau de 1998, soit 113 millions de tonnes, tandis que les effectifs sont passés de 235 000 en 1998 à 187 000 en mai 2002. Entre 1974 et 2003, la population active travaillant dans l’acier s’est comprimée de 73.4 % aux États-Unis, contre 70.7 % dans l’Europe des 15. Les producteurs intégrés, qui représentaient environ 60 % de la production totale d’acier dans les années 90, produisent aujourd’hui moins de la moitié du total, tandis que la production et la part de marché des mini-aciéries se sont accrues. 184. Au vu du rapport intermédiaire de l’International Trade Commission et compte tenu des conditions économiques à la fin 2003, le Président Bush a levé en décembre 2003les droits de douane qui pesaient sur l’acier. En effet, l’objectif, qui était de dégager une marge de manœuvre suffisante pour restaurer la compétitivité du secteur américain de l’acier, avait été atteint. Les progrès indéniables enregistrés par le secteur aux États-Unis, conjugués à d’autres évolutions des conditions économiques, ont emporté la décision. Ces évolutions portaient notamment sur : l’assainissement et la restructuration de la sidérurgie (plus de la moitié des capacités de production d’acier était désormais détenue par des entreprises ayant subi une fusion ou une restructuration, ce qui s’était traduit par la fermeture de 4 millions de tonnes de capacités inefficientes) ; le niveau des prix, largement supérieur à celui de février 2002, le mois qui avait précédé l’entrée en vigueur des mesures de protection ; l’augmentation de la productivité ; de nouvelles conventions collectives, qui augmentent la flexibilité et préservent les indemnités de retraite ; la progression de la demande sur les autres marchés, notamment en Chine et en Russie ; l’augmentation des exportations pour les entreprises américaines. 63 TD/TC(2005)2/ANN2 185. L’assainissement de la sidérurgie se poursuit, notamment du côté des groupes intégrés. Les entreprises sidérurgiques ont renoué avec la rentabilité. Aux États-Unis, la concentration du secteur se poursuit, ce qui permet des économies d’échelle et renforce les entreprises. Pendant les mois qui ont suivi la levée des mesures de protection, ISG, deuxième producteur intégré au monde, a signé un accord pour l’achat de Weirton Steel, numéro cinq mondial. De même, Rouge Steel a été racheté par Severstal, premier producteur russe, et Valbruna Steel s’est porté acquéreur de Slater Steel, dans l’État de l’Indiana. En octobre 2004, ISG a rendu public son projet de fusionner avec Isat International pour former Mittal Steel, qui deviendrait alors le plus grand groupe mondial. 186. Depuis deux ans, les participants à l’Initiative à haut niveau de l’OCDE sur l’acier s’efforcent d’encourager les pouvoirs publics à identifier et à fermer leurs capacités excédentaires, mais aussi à instaurer des disciplines strictes en matière de subventions, par le biais d’un accord sur les subventions dans le secteur de l’acier. 187. En juin 2004, le Groupe à haut niveau sur l’acier a constaté qu’en dépit des avancées considérables réalisées en vue d’un accord sur la réduction des subventions dans le secteur de l’acier, des différences fondamentales subsistaient, qui devaient à nouveau être examinées et faire l’objet de discussions. Ces différences portent plus particulièrement sur les exceptions faites à l’interdiction globale de subventions, les traitements préférentiels accordés aux pays en développement et la question de savoir si les subventions autorisées à titre exceptionnel doivent ou non donner lieu à des droits compensatoires. 188. Des consultations informelles se déroulent entre les participants au processus de l’OCDE, afin de surmonter certaines de ces différences et dans la perspective de réunir de nouveau le Groupe à haut niveau courant 2005, destinée à évaluer les perspectives de conclure un accord. --------------------------------------------- 1. La plupart des informations sont extraites de S. Cooney, The American Steel industry: A Changing Profile, 2003. 2. Les producteurs intégrés fabriquent de l’acier à partir de minerai de fer. 3. Les mini-aciéries produisent généralement de l’acier à partir de ferraille d’acier fondue. La capacité de fabrication de produits laminés à chaud correspond à la capacité de transformer de l’acier brut en produits finis, tels que des feuilles, des barres, des tiges et des profilés. La capacité de production d’acier brut correspond à la capacité de produire de l’acier brut sous forme de billettes, de lopins, de brames et de lingots. 110 Nations Unies – Commission économique pour l’Europe (1992, The Restructuring of the Steel Industry in the European Community, pp. 3 et suivantes. 111 Moffat (1991), pp. 3 et suivantes. 112 OCDE (2001a), p. 6 113 Commission européenne (1986), Tableau 3. 114 Canevali, p. 2. 115 Salerno (2001), p. 5. 109 64 TD/TC(2005)2/ANN2 5. CONSTRUCTION NAVALE Principaux points ressortant de l’analyse 189. L’ajustement structurel de la construction navale européenne nécessite des efforts soutenus de la part de l’industrie et des pouvoirs publics pour faire face aux changements profonds subis par l’économie mondiale, ainsi que pour maintenir et améliorer la compétitivité du secteur sur un marché souvent perturbé. 190. L’industrie europénne de la construction navale, qui dominait pourtant le marché mondial depuis plusieurs décennies, a été la plus durement touchée par l’effondrement du marché au milieu des années 70. Le déclin de la construction navale européenne s’est même poursuivi dans les années 80, alors que le marché commençait à se redresser. Aujourd’hui encore, sa production continue de stagner. 191. C’est pourquoi les politiques européennes d’ajustement structurel se sont avant tout attachées à trouver des solutions efficaces pour sortir l’industrie navale de la récession, mais aussi à identifier de nouvelles sources de compétitivité susceptibles de remplacer la main-d’œuvre bon marché. À cet effet, les pouvoirs publics européens (États membres et Commission) ont élaboré des politiques navales fondées sur deux axes : prenant acte des déficiences structurelles de la construction navale (c’est-à-dire de ses surcapacités chroniques), les pouvoirs publics ont élaboré des mesures visant à diminuer les capacités de construction, ce qui, dans le contexte de l’ajustement structurel, a provoqué une compression des effectifs, allégeant les coûts d’ajustement structurel inhérents à la restructuration des chantiers navals. Les autorités ont également cherché à inciter le secteur à exploiter de nouvelles sources de compétitivité (autres que la main-d’œuvre bon marché), afin de rester concurrentiel. Elles ont par exemple accordé des aides à la modernisation et à la mise à niveau ou des aides à la recherche. 192. Les efforts de restructuration ont pris différentes formes selon les pays. Certains, comme la Suède, ont presque entièrement renoncé à la construction navale à caractère commercial pour diversifier leurs activités dans d’autres secteurs. Dans d’autres, comme en France, la restructuration a occasionné des fusions et des regroupements de chantiers navals. Une autre voie, suivie par l’Allemagne, a été de stimuler la compétitivité par des politiques publiques, par exemple en encourageant la mise à niveau technologique. Dans d’autres cas, comme au Danemark, c’est en se concentrant autour des groupes de transporteurs que le secteur a pu atténuer les pressions à l’ajustement. 193. Reflet du caractère mondialisé de la concurrence dans le secteur de la construction navale et des problèmes à résoudre, la politique européenne dans ce domaine a toujours été influencée par le dialogue multilatéral engagé au sein du Groupe de travail de l’OCDE sur la construction navale (Groupe de travail n°6). Les politiques nationales ont été progressivement alignées sur les recommandations formulées par les lignes d’orientation ou les arrangements de l’OCDE, qui n’avaient de cesse d’encourager l’ajustement structurel. 65 TD/TC(2005)2/ANN2 194. L’industrie de la construction navale japonaise, qui détenait dans les années 70 la moitié des parts du marché mondial, a dû surmonter deux épisodes très critiques provoqués par l’effondrement brutal de la demande de pétroliers, une première fois à la fin des années 70 puis à la fin des années 80. 195. Les lignes d’orientation de l’OCDE encourageaient les pouvoirs publics à réduire les capacités de construction navale. Aussi le gouvernement japonais a-t-il mis en place un conseil, composé d’experts, de représentants de l’industrie et des autres parties intéressées, chargé d’examiner les différentes actions possibles. Ce conseil a recommandé que les capacités excédentaires soient réduites conjointement par l’ensemble des constructeurs japonais, préconisant en 1976 une diminution de 35 % des capacités, puis en 1987 une réduction supplémentaire de 20 %. Ces recommandations ont été suivies par le gouvernement japonais. 196. A cet effet, une association a été fondée, destinée à racheter et supprimer les capacités excédentaires. Le coût de l’opération a été supporté par l’ensemble du secteur naval japonais, qui a réussi à réduire sa capacité d’environ 50 % au cours de cette période. 197. Le processus de formulation de la politique dans ce domaine s’est appuyé sur un élément essentiel : les constructeurs navals japonais dans leur ensemble ont reconnu la nécessité de réduire considérablement leurs capacités et ont accepté très tôt le fait que cette transformation aurait un coût. 198. Le secteur de la construction navale australien a fait plus que de se restructurer, il a entrepris une transformation de très grande ampleur qui lui a permis d’atteindre sa position de force et sa compétitivité actuelles sur le marché spécialisé de la construction de transbordeurs rapides. 199. Le catalyseur de cette renaissance a été un dispositif de financement créé par le gouvernement australien au milieu des années 70, destiné au départ à aider l’industrie navale traditionnelle, fondée sur l’acier, mais qui a en réalité permis une réorientation du secteur vers un nouveau créneau ouvert à l’innovation. 200. Le succès de cette reconversion s’explique en grande partie par le terrain propice que constituait un secteur de la construction navale prospère, efficace et technologiquement performant, susceptible de s’adapter assez facilement à la construction de transbordeurs rapides. En s’écartant de l’activité traditionnelle des constructions en acier pour privilégier l’expérience acquise dans le domaine des petits navires, le nouveau secteur australien de la construction navale s’est appuyé sur une technologie et des savoir-faire existants et a pu opérer une conversion ascendante plutôt que descendante. La forte concurrence qui existait au sein de la construction navale australienne a elle aussi contribué au développement d’une nouvelle industrie capable de s’imposer comme plus dynamique, plus performante sur le plan technologique et plus compétitive. 201. Avec l’abandon des subventions fin 2000, l’industrie navale australienne est passée d’une situation de fort soutien de l’État, telle qu’elle avait connue entre les années 40 et les années 70, à une situation dans laquelle elle semble désormais à même de survivre sans aide publique. 66 TD/TC(2005)2/ANN2 5.1 UNION EUROPÉENNE Contexte historique – le déclin de la construction navale européenne 202. Avec plus de 60 % du marché mondial dans les années 60, l’industrie européenne de la construction navale dominait le secteur avant la récession planétaire qui a débuté au milieu des années 70. Son essor s’était poursuivi jusque là malgré le recul progressif de sa part de marché (graphique 1). 203. Son développement avait été soutenu par la forte expansion économique et l’optimisme concernant la future croissance de l’économie et l’essor du transport maritime qui l’accompagnerait. De surcroît, le volontarisme de l’action publique, notamment le versement de subventions pour des crédits à l’exportation assortis de conditions favorables, fournissait amplement au secteur les moyens de continuer sa progression. 204. Avec la récession, la construction navale européenne a enregistré une baisse sans précédent de sa production, illustrée par une chute de plus de 70 %, de 14,0 à 3,6 millions de tonneaux de jauge brute (tjb) entre 1975 et 1985. Surtout, son déclin s’est poursuivi, tant en termes de production que de part de marché, alors qu’un redressement s’est opéré à compter de 1987/1988. De fait, la production européenne n’est jamais revenue à ses niveaux d’avant la crise (graphique 1). 205. Depuis, de nouveaux concurrents dotés d’avantages compétitifs propres (main-d’œuvre peu chère) ont progressivement gagné du terrain. Le Japon, qui s’était imposé au début des années 70, détient toujours une part significative du marché mondial de la construction navale, tandis que la Corée, quasiment inexistante dans les années 60, a vu sa part progresser rapidement. 206. Face au recul ininterrompu de la production, le secteur européen a été contraint de licencier plus de 70 % de ses effectifs (de 461 988 en 1975 à 129 761 en 2003). Au fil des ans, la construction navale européenne a dû subir un long processus d’ajustement structurel, au point de pratiquement disparaître du paysage économique de certains pays. 207. Cette situation a eu pour autre conséquence d’obliger les pouvoirs publics concernés à reconnaître la nécessité d’une restructuration du secteur et à accélérer les efforts pour acquérir une compétitivité propre. 67 TD/TC(2005)2/ANN2 Graphique 1. Production et part de marché mondiale de l’industrie navale européenne (1960 - 2000) 14,0 70.0% 65.4% Pr od uc 10,0 tio (m n illi de on 8.0 l’i s nd de us tjb tri ) 6,0 e na va 4,0 le eu ro 2,0 pé en ne 0,0 Pa rt de m ar 50.0% ch é de 8,3 l’i 39.3% 40.0% nd us 35.7% tri 30.0% e na 23.6% va 4,2 3,9 le 20.0% 3,1 17.2% 18.5% eu 3,1 2,3 ro pé 12.3% 14.1% 10.0% en ne (% ) 0.0% 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 12,2 12,0 60.0% 47.3% 5,5 5,6 1960 1965 Année Source : tableaux statistiques du Lloyd's Register ofsShipping 100 tjb et plus. La Pologne est incluse à compter de 1995. Tableau 1. Évolution de la main-d’œuvre dans certains pays européens (1975 et 2003) 116 Année 1975 2003 Effectifs** Nouvelles constructions*** Effectifs** Nouvelles constructions*** Danemark 18 900 15 300 2 900 2 400 France 40 354 24 938 6 250 4 350 Allemagne 105 988 71 598 22 000 14 200 Suède 31 500 25 000 0 0 Total* 461 988 306 047 129 761 90 948 * Membres de l’Association des constructeurs de navires ouest-européens (AWES) ** Main-d’œuvre employée directement par les chantiers navals. *** Les nouvelles constructions incluent les navires marchands et les installations au large. 68 TD/TC(2005)2/ANN2 Émergence de politiques communautaires de restructuration 208. Au début de la récession des années 70, croyant encore que les difficultés du secteur étaient transitoires, les autorités européennes se sont concentrées sur des aides à court terme susceptibles de permettre aux chantiers de continuer leur activité. Ce choix était souvent motivé par des considérations d’ordre social et le souci de sauvegarder l’outil de production en attendant la reprise. 209. Cependant, face à l’augmentation des coûts générés par cette politique, les pays européens se sont progressivement tournés vers des solutions de restructuration plus rationnelles et ciblées. La récession qu’a connue le secteur pendant les années 70 a également montré que le problème structurel majeur de la construction navale mondiale résidait dans une surcapacité chronique qui affectait directement toutes les industries nationales de construction navale. 210. Une série de directives du Conseil (la sixième en 1987 et la septième117 en 1990) ont marqué un tournant dans la restructuration de la construction navale, en illustrant une approche communautaire destinée à faciliter l’ajustement structurel dans ce secteur. Ainsi, pour la première fois, des limites communes d’aide (« plafonds ») ont été fixées à l’échelle de la Communauté. Malgré quelques différences de détail, ces directives ont constitué une tentative audacieuse de réagir aux récessions entre les années 70 et la fin des années 80, en s’appuyant sur les expériences qui avaient accompagné ou suivi les crises pour formuler les politiques. Pour commencer, l’objectif des aides allouées a été clarifié et des plafonds (en pourcentage de la valeur contractuelle des navires) ont été introduits dans toute la Communauté. Des dispositions ont également été prises pour en réduire progressivement le taux : de 28 % en 1987, « l’aide à la production liée au contrat » est passée à 20 % en 1990, 13 % en 1992 et 9 % en 1993. Une « aide aux investissements » était également versée, sous réserve de la restructuration du chantier bénéficiaire pour éviter tout accroissement de capacité. Si la capacité augmentait néanmoins, une réduction de capacité équivalente devait être opérée dans d’autres chantiers de l’État membre concerné. Une « aide à la fermeture » a été prévue, non pas pour les chantiers eux-mêmes mais pour les travailleurs licenciés après la fermeture d’un site, garantissant ainsi que l’aide servirait à couvrir les coûts sociaux de la restructuration (indemnisation des travailleurs, services de consultation, recyclage professionnel, etc.). Pour que l’aide soit débloquée, la réduction de capacité devait être réelle et irréversible et les chantiers devaient rester fermés pendant une période de cinq ans au moins (par la suite, le seuil a été relevé à 10 ans). 211. Les objectifs et les engagements à réduire les aides publiques au secteur étant clairement définis, les directives communautaires devaient permettre de diminuer progressivement les capacités de construction et/ou les effectifs, atténuant ainsi la pression des ajustements associés à la restructuration. 212. En parallèle, les pouvoirs publics ont également tenté de soutenir la compétitivité du secteur sur le marché et de favoriser de nouvelles sources de compétitivité : outre les aides à la recherche et au développement généralement allouées à l’ensemble du secteur, des « aides à l’investissement pour l’innovation » ont été accordées, à condition qu’elles débouchent sur des produits et des processus innovants, encore inconnus dans les États membres ; 69 TD/TC(2005)2/ANN2 des « aides à la modernisation et à la mise à niveau » ont été autorisées dans le cadre des aides régionales à l’investissement, à condition de ne pas être utilisées pour la restructuration financière d’un chantier. 213. L’efficacité des mesures prises au niveau communautaire a été renforcée par des obligations de notification et/ou de surveillance imposées aux États membres. Tout dispositif d’aide, nouveau ou existant, devait être notifié à la Commission européenne. Celle-ci devait s’assurer de la compatibilité des programmes d’aides publiques avec les principes du marché commun. À cet effet, la Commission a émis un certain nombre de directives revêtant un caractère obligatoire pour les États membres et visant à modeler ces aides et à en garantir la transparence. 214. Reflétant la compétition mondiale dans le secteur de la construction navale et la nécessité d’une coopération internationale pour résoudre les problèmes structurels, la politique européenne dans ce domaine a toujours été influencée par le dialogue multilatéral engagé au sein du Groupe de travail n°6 de l’OCDE. Les mesures nationales ont été alignées sur les engagements pris dans ce cadre et les discussions du Groupe de travail ont inspiré les mesures en faveur de l’ajustement structurel. 215. L’Arrangement général concernant l’élimination progressive des obstacles aux conditions normales de concurrence dans l’industrie de la construction navale, introduit en 1972, et dont la dernière révision date de 1982, a incité les États membres (ainsi que la Commission européenne) à réduire progressivement les subventions nationales. Les Lignes d’orientation générales pour les politiques gouvernementales dans l’industrie de la construction navale, adoptées en 1976 et révisées en 1982, ont orienté les politiques de construction navale vers une diminution des capacités de construction. Exemples de restructuration dans des États membres de l’UE 216. Spécialisés dans les gros pétroliers pendant les années 70, les chantiers suédois ont été affectés plus rapidement et plus durement que tous les autres par la crise pétrolière. Son ampleur et la hausse des coûts d’ajustement pour le secteur ont conduit les autorités à coordonner l’activité des chantiers suédois, notamment en passant des commandes publiques pour de nouveaux navires et en les stockant dans l’attente de la reprise. 217. En 1985, pourtant, face à l’escalade des coûts entraînés par ces « soins intensifs », les pouvoirs publics ont décidé d’y mettre fin et de promouvoir d’autres secteurs (l’automobile, par exemple), considérés comme plus rentables. Pour la construction navale, ce choix s’est traduit par une chute importante des emplois et la quasi-cessation des activités commerciales de presque tous les grands chantiers. 218. En France, la construction de navires marchands était considérée comme une activité distincte du secteur naval militaire. Les bâtiments militaires étaient construits dans des arsenaux, c’est-à-dire des chantiers dépendant du ministère de la Défense. De ce fait, la construction navale marchande n’a pas pu bénéficier de l’effet « tampon » produit par les commandes militaires et a été plus sévèrement touchée par la récession. 219. Pendant le difficile processus d’ajustement structurel, l’action publique concernant le secteur naval a encouragé une série d’opérations de restructuration, principalement des fusions ou des regroupements de chantiers. Au bout de plusieurs années de réorganisation, le secteur s’est finalement réduit à quelques grands chantiers : les Chantiers de l’Atlantique produisent les navires les plus sophistiqués sur le plan technologique, tandis que les chantiers de taille moyenne, comme Alstom Leroux Navel (Lorient) ou Les Chantiers Piriou, se concentrent sur des bâtiments spécialisés tels que les navires de recherche. Les chantiers plus modestes construisent principalement de petits navires de pêche. 70 TD/TC(2005)2/ANN2 220. En Allemagne, les pouvoirs publics ont tout d’abord considéré que la responsabilité de l’ajustement incombait aux chantiers eux-mêmes, qui devaient s’adapter aux nouvelles conditions du marché et améliorer leur structure pour rester compétitifs. Les aides publiques allouées aux entreprises pour résister à la récession étaient donc dégressives et conditionnelles. Ainsi, des subventions étaient accordées aux navires incorporant de la haute technologie. 221. Pour l’industrie allemande de la construction navale, la réunification de 1989 a constitué un défi majeur. Des aides limitées ont été allouées pour moderniser les chantiers de l’ex-Allemagne de l’Est, à la condition expresse que les capacités de construction soient réduites. La politique allemande s’est également caractérisée par la promotion de la demande, sous la forme, entre autres, de subventions pour les crédits à l’exportation vers les pays en développement. Aujourd’hui, les principaux chantiers (Meyer Werft, Aker MTW Werft et HDW) se sont activement reportés sur les navires de croisière et les gros porteconteneurs, tandis que les chantiers de taille moyenne se sont spécialisés dans les porte-conteneurs de moyennes dimensions ou les navires de charge classiques. 222. La restructuration de l’industrie danoise de la construction navale fournit un exemple de concentration du secteur sur les activités de transport. Sans doute plus que tout autre, le secteur danois s’est développé autour de chantiers détenus par les grands groupes d’armateurs. 223. L’étroite relation ainsi nouée entre ces deux secteurs, la construction et l’armement, a permis d’amortir le choc de la récession et contribué à éviter tout changement brutal. Le premier constructeur naval danois, Odensee Steel Shipyard, qui appartient au groupe A.P. Moller-Maersk, construit un grand nombre de navires porte-conteneurs. Poursuite des efforts pour l’ajustement structurel 224. L’engagement à réduire les subventions dont bénéficiait le secteur a été réaffirmé à maintes reprises et les mesures ont toujours été définies en fonction de l’équilibre observé entre l’offre et la demande sur le marché mondial de la construction navale. Par conséquent, l’aide de fonctionnement liée au contrat a été supprimée à la fin 2000118. 225. À l’heure actuelle, le secteur européen domine le segment à haute valeur ajoutée, notamment celui des navires de croisière (considérées comme les bâtiments présentant la plus forte valeur ajoutée), avec un carnet qui représentait près de 80 % des commandes de ces navires à la fin 2003. Il contribue aussi activement à la production de bâtiments technologiquement très avancés : navires transbordeurs rapides, car-ferries ou cargos polyvalents. Les chantiers de taille petite et moyenne se concentrent sur les navires spécialisés (navires de pêche et méga-yachts). 226. En outre, les efforts se poursuivent pour trouver de nouvelles sources de compétitivité (c’est-àdire découvrir des niches dans des segments « conventionnels » comme les porte-conteneurs, les chimiquiers ou les gaziers) et pouvoir ainsi résister à la concurrence. 227. Très récemment, les pouvoirs publics et les industriels du secteur ont lancé une initiative conjointe, LeaderSHIP 2015119, pour continuer la restructuration et accroître la compétitivité. Avec des programmes d’action communautaires pour l’amélioration de la compétitivité, cette nouvelle initiative adopte une démarche globale, qui va de l’établissement de « règles de jeu équitables » dans la construction navale à l’augmentation de la recherche, du développement et de l’innovation (RDI), en passant par la construction d’une structure industrielle stable (fondée, notamment, sur des incitations à la consolidation sectorielle). 116 Main-d’œuvre employée directement par les chantiers navals, Rapport annuel 2003-2004, AWES. 71 TD/TC(2005)2/ANN2 117 Directives du Conseil 87/167/CEE (26/1/1987) et 90/684/CEE (21/12/1990) concernant les aides à la construction navale. 118 Règlement n° 1540/98 du Conseil du 29 juin 1998. 119 LeaderSHIP 2015 - Définir l'avenir de l'industrie européenne de la construction et de la réparation navale - La compétitivité par l'excellence, 2003, Commission européenne. (http://europa.eu.int/comm/enterprise/maritime/leadership_2015.htm)) 72 TD/TC(2005)2/ANN2 5.2 JAPON Bref historique 228. Durant la période de forte croissance qui a suivi la seconde guerre mondiale, la construction navale est devenue un secteur clé de l’économie japonaise, contribuant largement aux exportations du pays. En 1956, le Japon était le premier constructeur naval au monde. 229. Dans les années 60, tirant parti de la demande mondiale croissante de super-pétroliers, la construction navale japonaise a connu un essor considérable : en 1968, elle représentait la moitié du marché mondial. Ayant conservé sa compétitivité au fil des décennies, elle compte toujours pour environ 35 % de la production totale. 230. Toutefois, cette croissance n’a pas été sans difficultés, puisque le secteur japonais a dû surmonter deux épisodes très critiques provoqués par l’effondrement brutal de la demande de pétroliers, une première fois à la fin des années 70 puis à la fin des années 80. Graphique 1. Évolution de la construction navale japonaise Millions de tjb35 Milliers de JPY/tbc 400 Pre mi er cyc le 30 25 350 Sec on d cyc le 300 Prix 250 20 Nouvelles commandes 200 15 150 10 100 Navires achevés 5 0 50 19 65 19 70 19 75 19 80 19 85 19 90 19 95 0 Exercice fiscal Source : ministère japonais des Terres, de l’infrastructure et des transports Note : 2 500 tjb et plus Premier cycle d’ajustement structurel 231. En 1974, la construction navale mondiale est brutalement entrée dans une période de récession structurelle sévère, consécutive à la première crise pétrolière. Les nouvelles commandes ont chuté de façon 73 TD/TC(2005)2/ANN2 spectaculaire en raison de l’affaissement du marché du transport maritime et des surcapacités des navires existants, en particulier des super-pétroliers. 232. En réponse à cette crise, le Groupe de travail du Conseil de l’OCDE sur la construction navale a adopté en 1976 les Lignes d’orientation générales pour les politiques gouvernementales dans l’industrie de la construction navale, un ensemble de principes visant à réduire les capacités de construction navale. 233. Le secteur japonais a traversé une passe plus difficile que le secteur européen, principalement parce que les super-pétroliers représentaient une part importante de la production du pays. En 1974, les commandes passées aux chantiers japonais ont tout de même reculé de 72 % par rapport à l’année précédente. En outre, cette baisse s’est accompagnée d’un grand nombre d’annulations, qui ont pratiquement contrebalancé les nouvelles commandes. La situation des entreprises du secteur s’est donc rapidement détériorée. Tableau 1. Nouvelles commandes et annulations reçues par les constructeurs navals japonais Exercice fiscal Nouvelles commandes (millions de tjb) Annulations (millions de tjb) 1973 1974 1975 1976 1977 1978 33,79 9,35 8,50 8,42 4,95 3,22 - 0,91 6,96 7,59 2,80 0,68 Source : ministère japonais des Terres, de l’infrastructure et des transports Note : 2 500 tjb et plus Le premier cycle d’ajustement des capacités a été lancé en juin 1976, après la publication d’un rapport du Conseil pour la rationalisation du transport maritime et de la construction navale (Shipping and Shipbuilding Rationalisation Council, SSRC). Chargé d’aider les pouvoirs publics à formuler la politique de la construction navale, cet organe réunissait des experts de diverses disciplines, notamment des représentants des chantiers navals. 234. 235. Se référant à la directive de l’OCDE et à la conjoncture économique mondiale, le SSRC a vivement approuvé l’idée d’une contraction significative des capacités de construction. En réponse, le ministre des Transports a émis des lignes d’orientation sectorielles concernant l’activité des chantiers, qui ont débouché sur une diminution des horaires d’exploitation. En rythme annuel, cette réduction a atteint 30 % pour l’exercice 1977 et encore environ 35 % pour 1978. 236. De plus, une succession de faillites, en particulier parmi les chantiers navals de taille petite et moyenne, a incité le SSRC à publier en juillet 1978 un nouveau rapport préconisant la cession d’environ 35 % des capacités existantes. Au mois d’août suivant, le secteur de la construction navale a pu bénéficier de la Loi relative aux mesures spéciales pour la stabilisation des secteurs qualifiés, c’est-à-dire de garanties pour les emprunts destinés à aider des entreprises (dans tous les secteurs) à réduire leurs capacités de production. Toutefois, ces seules garanties n’ont pas permis de faire décroître les capacités de construction navale dans des proportions suffisantes. 237. En décembre de la même année, l’Association pour la stabilisation des entreprises des secteurs qualifiés (Designated Shipbuilding Enterprise Stabilisation Association, DSESA) a été créée en vue de faciliter la suppression des capacités excédentaires. Elle a racheté aux constructeurs navals les pontons, les quais et équipements portuaires devenus inutiles et les a conservés quelque temps avant de les revendre à des tiers n’appartenant pas à l’industrie navale. Les chantiers ont pu ainsi réduire ou alléger immédiatement leur activité et utiliser la plus-value pour s’acquitter du service de leur dette et financer leurs engagements au titre des retraites. 74 TD/TC(2005)2/ANN2 238. Pour limiter la production, un « cartel antidépression » a également été constitué en août 1979 par 39 constructeurs navals, dès lors exemptés de se conformer à la législation antitrust. Les constructeurs concernés ont pu décider de manière collégiale de comprimer leur production et se sont vu confier l’administration de l’application des directives précédemment formulées par le ministre des Transports. 239. Quand ce cycle d’ajustement structurel s’est achevé, en mars 1980, les capacités avaient été réduites de 37 % par rapport à l’année précédente. Tableau 2. Changements d’échelle du secteur japonais de la construction navale Constructeurs Ponton ou quai Capacité (millions de tbc) Avril 1979 61 138 9,77 Mars 1980 44 88 6,19 Réduction -28 % -36 % -37 % Source : Ministère japonais des Terres, de l’infrastructure et des transports Note : chantiers pouvant construire des navires de 5 000 tjb et plus 240. Ces actions ont visiblement produit des résultats positifs. Cette réduction des capacités a relancé les prix des nouvelles constructions à la hausse en 1979, pour la première fois en six ans. Les signes d’une reprise sont devenus perceptibles et l’ajustement structurel a paru efficace. Deuxième cycle d’ajustement structurel 241. Bien que le tonnage des constructions ait augmenté après la première crise, il est resté inférieur de moitié à ceux enregistrés lors du précédent point culminant, comme en Europe. La part de marché des nouveaux acteurs de la construction navale, tels les Coréens et les Chinois de Taïpeh, a augmenté. De surcroît, les observateurs annonçaient que le marasme du secteur allait se prolonger, tandis que la situation internationale tendait à devenir de plus en plus complexe et difficile. C’est dans ce contexte que le Japon et les pays européens ont échangé des points de vue et des informations, notamment dans le cadre du Groupe de travail de l’OCDE sur la construction navale. 242. Sur le plan intérieur, dans un rapport publié en mars 1983, le SSRC a vivement recommandé de restreindre à nouveau le développement des capacités et de plafonner la production. Dans ce document, le Conseil a une nouvelle fois évoqué les orientations figurant dans les accords conclus par l’OCDE 120 et a instamment prié les autorités japonaises de respecter les obligations en découlant. 243. Le ministère des Transports a ensuite pris diverses mesures, y compris pour freiner (dans la mesure du possible) le développement et l’extension des installations, mais aussi pour réduire encore l’activité des chantiers, et donc la production. 244. Cependant, à compter de l’automne 1985, la conjoncture économique internationale a connu des évolutions spectaculaires – comme l’appréciation du yen par rapport au dollar et la chute des cours du pétrole – qui ont fortement pesé sur l’économie japonaise. Les pertes de change ont aussi affecté l’activité commerciale avec l’étranger, en particulier le transport maritime au long cours et la construction navale. Les nouvelles commandes passées aux constructeurs japonais ont baissé de 11 et 25 % respectivement sur les exercices 1985 et 1986. 245. À cette époque, la situation des constructeurs navals a empiré et la détérioration de l’emploi et de l’économie dans les zones très tributaires de la construction navale a suscité une inquiétude croissante. 246. Faisant suite à sa propre recommandation de 1983, le SSRC a préconisé en juin 1986 de prendre sans retard plusieurs mesures pour stabiliser la construction navale japonaise : 75 TD/TC(2005)2/ANN2 i) cession des installations excédentaires pour réduire les capacités d’environ 20 % ; ii) renforcement de la structure du secteur au moyen de fusions et acquisitions ; iii) promotion de la mise au rebut des navires et iv) création d’une demande de transport maritime. 247. C’est ainsi que le second cycle de mesures destinées à réduire les capacités a été engagé, au début de 1987, alors que la demande mondiale de navires était au plus bas. Un nouveau « cartel antidépression » a été formé. 248. Une loi a alors été votée pour faciliter la cession des installations ainsi que les fusions entre chantiers (Loi relative aux mesures temporaires pour la stabilisation de l’activité des chantiers navals qualifiés). Elle prévoyait le rachat des installations excédentaires et un système de garantie d’emprunts par la DSESA121, association créée à cet effet lors du premier cycle d’ajustement. 249. En mars 1988, à la suite du processus de concentration facilité par la Loi relative aux mesures temporaires, le nombre de constructeurs navals était passé de 44 à 26, organisés en 8 groupes (contre 21 auparavant), et les capacités avaient été comprimées d’encore 24 %. Tableau 3. Changements d’échelle du secteur japonais de la construction navale Constructeurs Groupes Pontons ou quais Capacité (millions de tbc) Avril 1987 44 21 73 6,03 Mars 1988 26 8 47 4,60 Réduction -41 % -62 % -36 % -24 % Source : ministère japonais des Terres, de l’infrastructure et des transports Note : chantiers pouvant construire des navires de 5 000 tjb et plus 250. C’est ainsi qu’a pris fin le deuxième cycle d’ajustement structurel, mais les freins au développement des différentes installations de construction ont été maintenus (à l’exception de certaines mesures, assouplies sur recommandation du SSRC en 1996) et le plafonnement des capacités globales a continué jusqu’en 2003. Conclusion 251. Dans les années 70 et 80, la construction navale japonaise a surmonté des récessions sans précédent en ajustant ses capacités au gré de l’évolution du marché. Le processus difficile d’élimination des capacités excédentaires a pu être mené à bien au Japon, car les politiques publiques et les mesures prises par les industriels se sont largement inspirées des orientations formulées par un consensus d’experts, de représentants des employés et ouvriers de la construction navale et d’autres parties prenantes. 252. Il est à noter que, aux termes de la loi, le coût des opérations de la DSESA a été supporté par tous les constructeurs122 qui sont restés présents sur le marché et ont donc bénéficié de nouvelles commandes. Si cette approche a pu être mise en œuvre, c’est parce que le rachat des installations s’est fait non seulement à la demande de tel ou tel chantier qui voulait s’en défaire mais également selon les plans définis par des groupements de différents chantiers, dont certains étaient destinés à se maintenir sur le marché. Autrement dit, les mesures ont été décidées et mises à exécution sur la base du consensus auquel sont parvenus les industriels, les parties prenantes, les créanciers, les pouvoirs publics et autres intéressés. Elles reposaient en outre sur la conviction que les avantages à venir seraient supérieurs aux coûts. 76 TD/TC(2005)2/ANN2 253. Malgré quelques séquelles problématiques (vieillissement des ingénieurs et des ouvriers qualifiés, stagnation technologique), la construction navale japonaise a su conserver son avance sur la concurrence pendant près d’un demi-siècle et détient toujours quelque 35 % du marché mondial. 254. Contrairement à la plupart des autres secteurs économiques japonais, qui ont décliné ou ont transféré leurs installations à l’étranger pour profiter d’une main-d’œuvre moins chère, la construction navale a su évoluer en fonction du marché mondial et maintenir la quasi-totalité de ses activités sur le territoire national. 255. Le processus de formulation de la politique dans ce domaine s’est appuyé sur un élément essentiel : les constructeurs navals japonais dans leur ensemble ont reconnu la nécessité de réduire considérablement leurs capacités et ont accepté très tôt le fait que cette transformation aurait un coût. 256. Depuis l’achèvement de ces programmes de restructuration, l’État a cessé toute intervention directe dans ce secteur, à l’exception d’une aide à la R&D (destinée en particulier à la protection de l’environnement), et les constructeurs navals ont été laissés libres de réagir comme ils l’entendent aux évolutions ultérieures du marché international. En outre, le Japon participe activement aux négociations engagées dans le cadre de l’OCDE en vue de l’instauration de règles du jeu équitables au niveau mondial. Lignes d’orientation générales pour les politiques gouvernementales dans l’industrie de la construction navale et Accord général concernant l’élimination progressive des obstacles aux conditions normales de concurrence dans l’industrie de la construction navale. 121 Cette association a été réorganisée en 1989. Devenue l’Association pour l’assainissement structurel du secteur de la construction navale (Association for Structural Improvement of the Shipbuilding Industry, ASIS), elle a étendu son champ d’activités à l’étude des tendances de l’offre et de la demande mondiales de constructions navales. 122 Chantiers pouvant construire des navires de 5 000 tjb et plus 120 77 TD/TC(2005)2/ANN2 5.3 AUSTRALIE Bref historique 257. Le premier chantier naval australien a été édifié par le gouvernement colonial en 1797, neuf ans seulement après l’arrivée des premiers colons britanniques. Bien qu’un certain nombre de navires de commerce ou de guerre aient été construits depuis ce passé lointain, la construction navale ne s’est vraiment imposée dans le paysage économique australien que juste avant la deuxième guerre mondiale, lorsque la société Broken Hill Proprietary (BHP) a ouvert un chantier à Whyalla, dans le sud du pays, et que le groupe Evans Deakin s’est établi à Brisbane. Par la suite, de vastes chantiers navals ont également vu le jour à Newcastle, en Nouvelle-Galles du Sud. 258. En Australie, la production de grands navires traditionnels en acier a connu son âge d’or entre la fin de la deuxième guerre mondiale et 1972 : plus de 70 gros navires marchands ont été construits pendant cette période. Un certain nombre de navires de plus de 50 000 tonnes de port en lourd (tpl) sont sortis des chantiers de Whyalla et d’Evans Deakin. Le plus gros dépassait 80 000 tpl. Un secteur sur le déclin 259. Au XXe siècle, en Australie, comme dans de nombreux pays industrialisés (ou en voie d’industrialisation), le secteur de la construction navale a été considéré comme « stratégique », tant sur le plan économique que militaire, et a bénéficié du soutien des pouvoirs publics, sous forme de droits d’importation, puis de primes à la production. 260. La volonté de l’État australien d’ancrer solidement dans son économie un secteur naval viable remonte à 1947, date de la réintroduction d’une prime créée en 1940 puis supprimée en 1943, car aucun constructeur n’avait demandé à en bénéficier pendant les années de guerre. 261. Cette prime s’apparentait à une subvention grâce à laquelle la construction d’un navire en Australie ne coûtait pas plus cher qu’au Royaume-Uni. Initialement, elle ne devait être versée que pour les navires utilisés en Australie. 262. Le choix s’est porté sur une prime, et non sur un droit d’importation, afin que le coût du transport ne soit pas majoré. Par voie de conséquence, au lieu d’une protection tarifaire qui aurait permis d’aligner le coût des navires importés sur celui des navires de fabrication australienne, les constructeurs locaux ont reçu une prime censée les dédommager du surcoût. 263. La prime devait favoriser la viabilité de la construction navale en Australie, mais il semble qu’elle ait eu l’effet contraire. D’un niveau élevé, l’aide destinée à la construction navale locale a remporté un vif succès auprès des six entreprises reconnues satisfaisant aux conditions d’obtention de la prime. 264. La sélectivité du dispositif, dont les nouveaux entrants ne pouvaient pas bénéficier, a eu pour conséquence de limiter les possibilités d’accès au marché australien. Par la suite, étant donné qu’elle risquait implicitement de diminuer si l’activité de construction navale dégageait des bénéfices significatifs, la prime a dissuadé les constructeurs de moderniser leurs installations pour en accroître l’efficience. 78 TD/TC(2005)2/ANN2 265. La prime a été réintroduite en 1947. À l’époque, comme dans de nombreux pays après la deuxième guerre mondiale, le secteur australien de la construction navale s’efforçait de sauvegarder les chantiers construits ou agrandis durant le conflit. En Australie et ailleurs, la construction navale marchande produisait de gros navires à coque en acier, essentiellement des pétroliers et des vraquiers. 266. Au milieu des années 70, les chantiers construisaient encore ce type de navires, mais le secteur était aux prises avec de graves difficultés depuis plusieurs décennies. L’insuffisance des investissements, le manque d’innovation, qui résultait en partie du système de primes évoqué plus haut, et les relations tendues entre les partenaires sociaux ont mis en lumière la crise du secteur naval. Un chantier de l’époque, par exemple, employait des salariés affiliés à 26 syndicats différents et les litiges touchant à leurs attributions respectives et aux pratiques professionnelles étaient fréquents. 267. Plus simplement, les chantiers navals australiens n’étaient pas assez efficaces pour concurrencer les constructeurs européens traditionnels, dont les compétences, notamment techniques, étaient supérieures aux leurs, ni les nouveaux chantiers qui s’ouvraient dans des pays comme le Japon et (plus tard) la Corée, où la main-d’œuvre était (à l’époque) moins chère. Quant aux primes, leur effet était annulé par les subventions publiques que tous les concurrents recevaient de leur côté. La réaction des pouvoirs publics 268. Face à la crise du secteur naval, les pouvoirs publics ont décidé de remanier le système des primes : en 1975, un dispositif reposant sur le prix de vente des navires a remplacé le dispositif initial fondé sur les coûts. Puis, en 1980, un nouveau système a été introduit. Il s’appuie sur le coût de construction des navires. 269. Entre le début et la fin des années 80, le taux nominal de l’aide est passé de 27.5 à 15 %. Pendant la décennie suivante, il a baissé régulièrement pour tomber à 5 %. Quand la prime a été arrêtée, à la fin de 2003, son taux était descendu à 3 %. 270. Ce dispositif avait clairement pour objectif de soutenir la construction navale locale. En outre, la limitation des importations a été maintenue pendant toute la période considérée, même si un nombre croissant de navires importés remplissant certains critères (pour l’essentiel des navires qui ne pouvaient pas être construits en Australie) a été autorisé à entrer. La pression subie par les constructeurs locaux s’est accrue, car il leur est devenu de plus en plus difficile d’accéder au marché des navires plus gros et plus spécialisés. 271. En 1984, la limitation de la prime aux navires destinés à naviguer dans les eaux australiennes a été abrogée afin d’aider les constructeurs locaux à résorber les surcapacités. Le nouveau système prévoyait également un renforcement des critères d’agrément pour les constructeurs remplissant les conditions. 272. Le but de l’agrément était de permettre un développement plus « ordonné » du secteur en privilégiant ceux qui avaient les meilleures chances de réussite. Mais surtout, contrairement au dispositif précédent, dans lequel la prime était réservée à un nombre prédéfini de constructeurs qui bénéficiaient ainsi d’une sorte de « droit acquis » au détriment manifeste de tous les autres, le nouveau régime a été ouvert à tous les candidats satisfaisant aux critères stricts conditionnant l’agrément. 273. Grâce aux nouveaux critères, la prime a été versée à des constructeurs qui avaient démontré ou pouvaient démontrer un engagement ancien et manifeste en faveur du secteur et pouvaient en être considérés comme des acteurs viables, efficients, tournés vers l’avenir et technologiquement avancés. Les nouvelles dispositions étaient aussi subordonnées à l’avancement des discussions engagées entre employeurs et syndicats en vue d’une amélioration du dialogue social et, partant, des compétences existant dans le secteur naval, ce qui devait grandement contribuer à l’efficience à moyen terme. 79 TD/TC(2005)2/ANN2 Effet sur le secteur de la construction navale 274. Dans leur majorité, les conséquences des modifications du régime n’ont pas été anticipées. Initialement conçu pour faciliter l’ajustement structurel et la rationalisation de la construction traditionnelle (navires en acier), le nouveau régime n’a fait que précipiter un déclin dont le rythme n’avait cessé de s’accélérer dans les années 70 puis au début des années 80. 275. Contrairement aux attentes, le nouveau système, en soulignant l’importance de la viabilité à long terme, de l’orientation sur les exportations, ainsi que de l’excellence et de l’efficience techniques, a encouragé le développement d’un « nouveau » secteur, utilisateur de savoir-faire, de technologies et de matériaux différents, qui a produit des navires très éloignés de ceux construits jusqu’alors. 276. Un rapide examen des chiffres de l’emploi sur quelques années comprises dans la période de mutation du secteur montre une véritable fonte des effectifs employés dans la construction et la réparation navales traditionnelles qui, depuis, se consacrent presque exclusivement à la production de navires militaires pour les forces armées australiennes (générant tout de même une petite activité à l’exportation). 277. Si l’emploi dans le secteur admissible à la prime (celui des constructeurs de transbordeurs rapides) a augmenté, l’emploi global est demeuré inférieur à celui du secteur « ancien ». En outre, une comparaison de leur production respective illustre les gains de productivité substantiels qui ont accompagné la transition. Emploi et production dans le secteur australien de la construction navale Au 30 juin 1985 1988 1992 1996 Emploi Ensemble des constructeurs et réparateurs 11 200 7 500 5 600 4 100 (est.) Production (millions de dollars) Constructeurs admissibles à la prime 1 598 2 287 1 982 3 334 480 822 1 469 1 486 278. Le créneau occupé par les nouveaux constructeurs navals australiens est celui des transbordeurs rapides (passagers et mixtes), des paquebots de luxe, des navires de surveillance et des yachts. Les constructeurs en question ont particulièrement bien manœuvré pour s’arroger ces marchés, se maintenant pendant des années à la pointe de la technologie dans les domaines de la conception et de la mise en œuvre d’aluminium et de matériaux composites. Ils travaillent essentiellement pour l’exportation. 279. Avec l’augmentation de la production, les montants versés au titre de la prime ont culminé à la fin des années 80 et au début de la décennie suivante, malgré la baisse progressive du taux de l’aide. Dans la deuxième moitié des années 90, la chute brutale du taux a de nouveau fait diminuer les paiements, qui se sont établis à environ AUD 25 millions par exercice entre 1990 et 1997. Depuis, leur niveau a encore fléchi car le taux n’a cessé de décroître. Le montant le plus bas remonte à l’exercice 2001/2002 : AUD 5,5 millions, contre AUD 13,8 millions sur 2003/2004. 80 TD/TC(2005)2/ANN2 Un secteur réinventé 280. Comme indiqué plus haut, le système des primes avait été repensé dans les années 70 et 80 dans l’optique d’une restructuration de la construction traditionnelle, celle des navires en acier, mais le secteur australien a évolué dans une direction un peu différente, en se réinventant. 281. Aucun des constructeurs traditionnels n’a survécu : ces opérateurs ont cessé leur activité ou renoncé aux navires marchands au profit de bâtiments militaires. Leur part de marché a été récupérée par une nouvelle génération de constructeurs, plus spécialisés (transbordeurs rapides de petites dimensions), utilisant des technologies et des matériaux nouveaux (aluminium et matériaux composites) et installés dans d’autres régions du pays (principalement à Henderson, dans l’ouest australien, et en Tasmanie). Au final, leur forte vocation exportatrice a complètement révolutionné le secteur. Le diagramme ci-dessous illustre de façon assez spectaculaire la transformation qui s’est opérée entre 1981 et 1994. Depuis, la situation n’a pas changé : la quasi-totalité des navires construits en Australie sont exportés. Diagramme 3.1 Vente de navires admissibles à la prime : 1980/1981 à 1993/1994 [légende] Nombre Ventes en Australie Exportations Source : DSTI (1994) 282. Dans une étude réalisée en 1995, le Bureau australien d’économie industrielle (Australian Bureau of Industry Economics) a attribué cette « réinvention » aux facteurs suivants : 81 TD/TC(2005)2/ANN2 Les transbordeurs rapides peuvent être considérés plutôt comme de gros navires et nombre des industriels actuels avaient débuté dans la construction d’avant-garde, segment dans lequel le degré de continuité technologique était plus élevé que dans la construction traditionnelle en acier. En s’écartant de l’activité traditionnelle des constructions en acier pour privilégier l’expérience acquise dans le domaine des petits navires, les nouveaux constructeurs australiens se sont appuyés sur une technologie et des savoir-faire existants et ont pu opérer une conversion ascendante plutôt que descendante. Les besoins en capitaux étaient assez faibles, ce qui a permis l’émergence d’un certain nombre de constructeurs, d’où une concurrence intense et la circulation des idées et du personnel au sein du secteur. La forte demande intérieure initialement suscitée par ces navires (et alimentée par l’essor du tourisme) a soutenu l’activité pendant que les constructeurs se développaient à l’exportation. Le secteur naval australien aujourd’hui 283. En 2004, la construction navale australienne reste fortement axée sur les transbordeurs rapides en aluminium et autres navires analogues, dont la taille a augmenté au fil des ans. Ainsi, Austal construit actuellement un transbordeur rapide mixte (passagers, véhicules, fret) de 126,6 mètres, pour un client européen. Il existe aujourd’hui une douzaine de chantiers, essentiellement implantés à Henderson (ouest australien), capables de construire des transbordeurs rapides et autres navires comparables. 284. Au fil des ans, les constructeurs australiens se sont positionnés à la pointe de la conception et de la technologie et ont investi dans un certain nombre d’entreprises en participation, avec des transferts de technologie et d’études à l’étranger. Austal et Incat Tasmania, en particulier, ont mis en place des filiales et des entreprises en participation aux États-Unis, afin d’être présents sur le marché créé par la loi Jones et de tirer parti des applications militaires croissantes de ces navires. 285. Les pouvoirs publics ont compris dès 1995 que, si l’Accord de l’OCDE sur la construction navale entrait en vigueur en 1996 comme prévu123 et si l’Australie y adhérait, le système des primes devrait être supprimé sans délai. Cet accord n’ayant pas pris effet dans les termes prévus, la prime a été prolongée, mais avec des taux décroissants. 286. La prime a cessé d’être versée au 31 décembre 2000 et des dispositions prévoient sa disparition progressive d’ici au 31 décembre 2003 pour les navires commandés avant fin 2000. Pour le segment des navires marchands, l’exercice 2003/2004 s’est clos sur un chiffre d’affaires supérieur à AUD 500 millions. À cette date, l’ensemble du secteur (construction navale militaire comprise) employait plus de 7 000 personnes. 287. Compte tenu de ce nouveau statut de secteur non subventionné, des règles du jeu égales deviennent indispensables pour que le secteur naval australien puisse se maintenir sur le marché international. Il n’est donc pas étonnant que l’Australie participe activement aux négociations qui sont en cours à l’OCDE en vue de l’élaboration d’un nouvel accord établissant des conditions de concurrence normales dans la construction navale. 82 TD/TC(2005)2/ANN2 Il n’est toujours pas applicable, faute de ratification par les États-Unis, condition indispensable figurant dans les modalités d’entrée en vigueur. 123 83