Réunion trimestrielle du 30 septembre 2014 Compte-rendu de réunion 10h00 : Actualités Actualités des réseaux d’aires protégées et agenda trimestriel Michel Badré, Thierry Lefebvre, Jean-François Sys Présentation des principaux éléments d’actualité du dernier trimestre et de l’agenda national et international jusqu’en décembre. Un tour de table a été proposé pour compléter cette présentation (agendas des réseaux, conférences). A terme, le programme aires protégées va développer une revue de presse en ligne qui sera mise à disposition des membres et des réseaux. Lettre d’information du programme aires protégées Jean-François Sys Une lettre d’information a été présentée pour proposition à la commission aires protégées avec les points suivants qui ont été soulevés : - Quelle structure ? - Quelle périodicité ? Elle doit être fréquente pour qu’il existe un intérêt - Quelle contribution des experts ? - Comment s’approvisionner en articles ? La Commission aires protégées souhaiterait la réalisation d’un dossier de fond. Options proposées suite à la réunion commission aires protégées : - Une revue mensuelle - Une synthèse mensuelle factuelle - Un dossier de fond : un format qui ne parait pas optimal. Néanmoins, les experts peuvent proposer des articles de fond mais il n’y aura pas de périodicité régulière. Le choix qui semblerait pouvoir être retenu est la synthèse mensuelle factuelle. Un n°0 sera présenté lors de la prochaine réunion de la commission aires protégées. Elle sera transmise sous un format électronique. Point d’information sur la protection du Massif du Mont-Blanc (note) Michel Fourcade 1 La dernière note de situation concernant la protection du massif du Mont-Blanc adressée au Comité français de l’UICN le 20.02.2013 avait pour objet de l’informer au terme du programme européen de coopération transfrontalière ALCOTRA (2006-2012) . Ce programme comportait un Plan Intégré de Territoire (PIT) pour l’Espace Mont-Blanc (EMB – le massif proprement dit et ses territoires périphériques : 34 communes – trois pays). Ce PIT avait, à la suite du Schéma de Développement Durable (SDD) de l’EMB adopté en 2006 par la Conférence Transfrontalière Mont-Blanc (la CTMB, créée par les trois Etats en 1991), retenu , dans un Plan de Gestion, le projet d’inscription du massif du Mont-Blanc au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Ce plan de gestion n’ayant pas été réalisé au terme du programme ALCOTRA, un projet de développement durable de l’EMB, plus global, intitulé « Stratégie d’avenir du MontBlanc », placé comme le PIT sous la tutelle de la CTMB, lui avait succédé (présenté aux associations le 7.02.2013). Dans la mesure où le projet d’inscription du massif à l’UNESCO, soutenu depuis 2003 par le Comité français, n’était plus conservé comme projet structurant dans la Stratégie d’avenir du Mont-Blanc, le Comité français a accepté la proposition de centrer désormais son action pour la protection du massif sur ses aires protégées, les Réserves naturelles et le Site classé du Mont-Blanc. Celles-ci en effet, situées presque en totalité en altitude, bénéficient d’un statut spécifique reconnu juridiquement (plan de gestion pour les Réserves naturelles, loi de 1930 sur les sites classés ou inscrits pour le site classé du Mont-Blanc) qui permet d’y appliquer des mesures de protection plus concrètement et rapidement que dans les vallées de l’Espace MontBlanc, sans statut particulier et soumises aux pressions d’un urbanisme en expansion et au tourisme de masse. La présente note se propose, après avoir donné un aperçu sur la situation générale qui caractérise, à ce jour, selon l’auteur de la note, la protection de la montagne dans les Alpes, de présenter pour le massif du Mont-Blanc (élargi) et de manière plus explicite, les actions menées au cours de la période 2013 – 2014 principalement dans le cadre des groupes de travail de la Stratégie d’avenir du Mont-Blanc. Situation générale La protection de la montagne dans les Alpes, de façon générale, que ce soit en France ou dans les autres pays alpins, s’inscrit de plus en plus dans un contexte très contrasté, caractérisé par: - d’une part, une plus grande volonté des pouvoirs publics et des élus, aux niveaux régional et local, pour mettre en œuvre des politiques, pour certaines d’entre elles déjà programmées et/ou réalisées en partie, destinées à renforcer la protection de l’environnement en altitude mais surtout dans les vallées, celles-ci connaissant de plus en plus des problématiques de type urbain ou néo-urbain, avec l’application de mesures concernant la préservation des paysages et de la biodiversité, la qualité de l’air, la transition énergétique , les transports… - d’autre part, la création , le plus souvent par les sociétés de remontées mécaniques, dans les espaces d’altitude accueillant les touristes, en été et/ou en hiver, de nouvelles remontées plus performantes en termes de capacité et de fréquence ainsi que différentes installations destinées à « l’animation » de ces espaces (musique techno sur les pistes de ski, panneaux d’affichage très agressifs, parcours de « découvertes et d’aventures » …). Les impacts de ces nouveaux aménagements en augmentant l’artificialisation de la haute montagne avec ses effets sur les paysages, la flore et la faune, y compris dans les aires protégées limitrophes des espaces concernés, vont ainsi à l’encontre, et de manière paradoxale, aux objectifs de protection précités. Situation dans le massif du Mont-Blanc, élargi à l’Espace Mont-Blanc L’Espace Mont-Blanc présente une situation contrastée identique entre aménagement et protection. L’aménagement : Il faut noter l’importance des chantiers entrepris par la Compagnie du Mont-Blanc qui vient de signer avec la Municipalité de Chamonix un nouveau contrat, d’une durée de 40 ans, de délégation de service public des domaines skiables. Ces chantiers, situés pratiquement en totalité dans le Site classé du Mont-Blanc font partie d’un programme de requalification des sites qui a été approuvé, bien qu’avec quelques réserves pour certains, par la Commission Supérieure des Sites, Perspectives et Paysages (CSSPP) : - En 2011, pour l’Aiguille du Midi - En 2012, pour le domaine skiable des Grands-Montets 2 - En 2013, pour le site du Montenvers (revalorisation, accès à la Mer de Glace). Pour les remontées mécaniques, le programme a souligné que plusieurs installations existantes étaient supprimées et étaient remplacées par de nouvelles plus performantes par l’augmentation de leur capacité et de leur fréquence. Bien que la Commission ait suivi le rapport de l’inspectrice de la DREAL qui ne reconnait pas d’impact de ces nouvelles installations sur le paysage, il faut reconnaître que celui-ci sera malgré tout atteint en raison du volume des nouvelles gares de départ et d’arrivée. Quant à l’ « animation » des sites , la compagnie du Mont-Blanc est très engagée dans ce domaine avec la diffusion de musique et la mise en place de nombreux panneaux d’affichage en altitude. De même, à l’Aiguille du Midi, une cinquantaine de chantiers sont ouverts à cet effet. Comme le déclare le président directeur général de la Compagnie du Mont-Blanc « Notre philosophie : c’est sensation, émotion et esprit » ! La protection : Les initiatives des élus : La municipalité de Chamonix a pris, au cours de la période, plusieurs initiatives pour renforcer son image de station faisant la promotion de l’écotourisme : La création d’une maison de village à Argentière hébergeant un pôle environnement comprenant une antenne d’ASTERS (Conservatoire d’espaces naturels, gestionnaire des réserves naturelles de Haute-Savoie dont celles de l’Espace Mont-Blanc, les ContaminesMontjoie, Aiguilles Rouges , Carlaveyron, Vallon de Bérard) et un point d’information de la Convention Alpine. La nomination de Chamonix « Ville des Alpes de l’année 2015 » pour son engagement dans la mise en œuvre de la Convention Alpine notamment dans le domaine de l’énergie et des mobilités (application des Plans Energie Climat et Protection de l’Atmosphère, Rénovation de la ligne ferroviaire St-Gervais - Martigny , le Mont-Blanc Express). La transition énergétique appliquée dans les refuges, au mois de septembre, la Ministre de l’Ecologie a inauguré le nouveau refuge du Goûter, bâtiment à haute qualité environnementale et le Président de la région Rhône-Alpes une micro centrale hydro-électrique au refuge du Lac Blanc lui assurant son autonomie énergétique. Les élus et les représentants des pouvoirs publics ont marqué leur intérêt et leur soutien à ce type de réalisation à généraliser dans les bâtiments d’altitude. La Stratégie d’avenir du Mont-Blanc : Présentation : La Stratégie d’avenir du Mont-Blanc qui a succédé, à partir de mars 2013, au Plan de gestion du Plan Intégré Transfrontalier du dernier programme de coopération transfrontalière ALCOTRA (2006-2012) (voir introduction) se propose de faire de l’Espace Mont-Blanc « un territoire exemplaire pour la préservation des ressources naturelles et leur valorisation au profit des populations » avec comme objectifs prioritaires « la préservation de la Biodiversité, la prise en compte des effets du réchauffement climatique, le développement d’activités porteuses de valeur ajoutée pour les acteurs du territoire, un tourisme éco responsable , la création d’un GECT (Groupement Européen de Coopération Territoriale) en vue d’obtenir pour l’Espace Mont-Blanc un budget et une capacité juridique propres ». Pour définir les actions à mener, soit en commun dans les trois Territoires nationaux concernés (Haute-Savoie et Savoie, Val d’Aoste, Valais), soit séparément dans chacun d’eux, et les traduire en projets destinés à l’approbation de la Commission européenne en vue de sa participation à leur financement, six groupes de travail thématiques ont été constitués : Espace aérien, Espaces Naturels, Gestion de la fréquentation, Réchauffement climatique, Prospective socio-économique, Stratégie foncière. Les travaux des groupes porteront sur les questions spécifiques à chacun des deux grands ensembles (dynamiques territoriales) considérés : les espaces d’altitude et les espaces valléens et urbanisés. La participation des associations : L’engagement des associations dans la stratégie d’avenir s’est porté dans les quatre premiers groupes et pour le Comité français de l’UICN en priorité dans le groupe « Espaces naturels et Biodiversité » en étroite collaboration avec ASTERS (conservatoire des Espaces naturels de Haute-Savoie, membre du Comité) tout en se tenant informé des travaux des trois autres groupes. Ces groupes se sont réunis en 2014, une année après le lancement de la Stratégie d’avenir : 3 Le groupe Espaces Naturels : Le 11 mars et le 26 mai, des sous-groupes thématiques ayant été constitués , ASTERS a animé le sous-groupe « Gestion des Espaces naturels et Biodiversité » qui a retenu plusieurs actions à mener dont le renforcement des échanges et connaissances entre les trois territoires nationaux (importance soulignée de la cartographie) et le développement de la coopération pour la mise en œuvre des « corridors transfrontaliers ». Le groupe Espace aérien : s’est prononcé pour la limitation de l’usage de l’hélicoptère, notamment pour les vols de découverte (tourisme). A ce sujet, il faut noter l’action du collectif pro Mont-Blanc et celle de Mountain Wilderness France en vue de diminuer les nuisances causées par le survol du massif, notamment sonores, en proposant la mise en place d’une réglementation transfrontalière harmonisée : vols à moins de 1000 mètres d’altitude réservés aux seules missions de service public. Le groupe Gestion de la fréquentation : s’est réuni à plusieurs reprises, avec la participation des élus locaux et des représentants des pouvoirs publics (préfecture) , la gestion de la fréquentation des alpinistes en particulier des candidats à l’ascension du Mont-Blanc, constitue une question de la première importance. Aucune décision n’a encore été prise pour trouver un compromis entre le maintien du principe de liberté pour les alpinistes et la nécessité de mieux maitriser l’accès au Mont-Blanc pour limiter les conséquences (sécurité, pollution, incivilités …) de cette fréquentation de masse. Le groupe Réchauffement climatique : le 9.09.2014, une réunion a été organisée en Val d’Aoste portant sur la « Gestion des voies d’accès aux refuges et cabanes de haute-montagne suite aux changement climatique » regroupant 40 participants dont 4 membres du collectif pro Mont-Blanc. Le changement climatique, observé notamment avec le recul des glaciers, a des effets sur « l’accessibilité, la vulnérabilité, l’économie ». Cette question est préoccupante et devra faire l’objet d’une attention soutenue et se traduire par des actions communes dans les trois territoires. Le CREA, le Centre de Recherches sur les Ecosystèmes d’Altitude, implanté à Chamonix, à l’Observatoire Vallot, participe notablement également à la protection du massif par ses recherches sur la Biodiversité Alpine et l’évolution de celle-ci face au changement climatique. Son projet Phenoclim observe l’évolution des cycles de végétation pour analyser l’impact du changement climatique. L’ATLAS scientifique du Mont-Blanc (www.atlasmontblanc.org) en cours d’élaboration constitue l’un des projets majeurs du centre. Déjà intégré dans le dernier programme européen ALCOTRA, il continuera à l’être dans le prochain programme. L’axe principal de travail de l’Atlas est l’évolution du massif au cours du temps, pour le climat, les écosystèmes, les glaciers, avec le développement de modèles de l’évolution du climat et de la flore jusqu’en 2100. Le Comité français de l’UICN entretient des relations étroites avec le CREA (Commission des écosystèmes - groupe montagne). Le Comité a participé en 2013 à la campagne de soutien au CREA qui a réussi à maintenir le centre à l’Observatoire Vallot, dont le terrain avait fait l’objet d’un projet de vente par l’Etat. Conclusions : Au cours de la période, comme on l’a vu, des initiatives pour la protection du massif et de l’Espace Mont-Blanc ont été prises : D’une part, par les Collectivités territoriales dans les domaines de la qualité de l’air, de la transition énergétique et des transports en raison principalement de leurs effets sur la vie des populations résidantes. D’autre part, par les associations, qui se sont engagées dans les groupes de travail de la Stratégie d’avenir du Mont-Blanc en donnant la priorité à des actions concernant les effets du changement climatique et de la fréquentation. Il reste cependant à constater que, comme par le passé, très peu d’actions concrètes visant à la protection, stricto sensu, des milieux montagnards de l’Espace Mont-Blanc n’ont encore été mises en œuvre, la Conférence Transfrontalière Mont-Blanc, 23 ans après sa création, ne semblant pas porter une attention prioritaire aux enjeux de protection. Ce constat conforte la décision du Comité français de l’UICN, prise en 2013, de soutenir les actions menées dans les aires protégées de la partie française de l’Espace Mont-Blanc, les Réserves naturelles et le Site classé du Mont-Blanc. 4 Ainsi, les Réserves naturelles, gérées par ASTERS, offrent-elles un refuge unique pour la flore et la faune et un territoire de « tranquillité » pour les randonneurs en été et en hiver, les mesures adéquates pour ce faire étant regroupées dans le plan de gestion de chaque Réserve. Pour le Site classé, soumis aux chantiers de construction/rénovation de la Compagnie du MontBlanc, un contact étroit a été maintenu avec les représentants des associations qui siègent dans les Commissions départementale (74) et supérieure des sites dont les décisions conditionnent la réalisation des travaux. La connaissance des dossiers de chacun des projets, qui nous sont adressés, permet de mieux en contrôler la réalisation. A cet égard les observations sur le terrain menées en liaison avec les représentants des associations avec lesquels nous collaborons sont indispensables. Congrès mondial des parcs : délégation et interventions françaises Thierry Lefebvre La France est l’un des dix pays les plus représentés : - 60 personnes soit 1% du nombre total de congressistes (plus de représentants français qu’à Durban). - place de la francophonie : 8%. Ce sont les organismes et les réseaux d’aires protégées qui sont surtout représentés en ce qui concerne la France. Les territoires d’outre-mer seront bien représentés à travers la NouvelleCalédonie et la Polynésie française. Les interventions françaises portent en majorité sur la thématique gestion des espaces protégés. Les gouvernements de Polynésie française et des Marquises seront également présents (6 personnes). 10h45 : Travaux en cours Travaux du Groupe Liste verte des aires protégées : bilan des ateliers de Nairobi et Séville, candidatures françaises, congrès mondial des parcs Sophie Coste Depuis le mois de mai, plusieurs étapes ont été finalisées : - les standards ont été finalisés au mois d’avril - le système d’assurance a été préparé selon les principes d’ISEAL (consultant) afin d’assurer la crédibilité des standards - le nombre de pays qui se sont engagés dans le processus liste verte a augmenté (Mexique, Japon, Croatie, Algérie, Maroc et Tunisie) - Le comité international de la liste verte a été établi - le déroulement au congrès mondial des parcs a été établi : réunion préalable des groupes de référence pilotes, remise des nominations des aires protégées candidates, atelier technique, sessions ouvertes au pavillon Protected planet… - le groupe de référence français comprend 8 membres permanents mais des confirmations sont attendues de la part d’experts sollicités. - les cinq aires protégées candidates (Les parcs nationaux des Pyrénées et de Guadeloupe, La réserve naturelle nationale de Cerbères-Banyuls, l’Espace naturel sensible du marais d’Episy et le Parc naturel marin d’Iroise) ont été validées par le groupe de référence national. En ce qui concerne l’avenir de la liste verte en France, dans de nombreux cas, ce sera la tutelle qui proposera la candidature d’une aire protégée et non pas le gestionnaire lui-même. Il ne s’agira pas d’une démarche volontaire du gestionnaire mais d’une stratégie de l’Etat. Sur la communication, il faudra insister sur le fait que ce n’est pas une couche de plus dans le mille-feuille d’outils existants. Ensuite, un gros travail de traduction doit-être réalisé par rapport aux indicateurs pour une bonne transposition dans le système français. La question du coût a également été soulevée car la liste verte engendre un travail important. 5 Une discussion devra être engagée après le Congrès mondial des Parcs pour mettre en place une stratégie. Travaux du Groupe Patrimoine mondial : bilan des ateliers d’accompagnement Thierry Lefebvre L’atelier qui avait pour objectif une visite sur site et d’assister techniquement le dossier Martinique présente le bilan suivant : - le dossier proposé devait dans un premier temps s’inscrire dans un des paragraphes de la convention. - un avis critère par critère a été donné par des experts scientifiques. Il a été conclu que le dossier allait se concentrer essentiellement sur le continuum forestier. Les critères retenus sont : - le ix (être des exemples éminemment représentatifs de processus écologiques et biologiques en cours dans l'évolution et le développement des écosystèmes et communautés de plantes et d'animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins) - le x (contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les plus importants pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux où survivent des espèces menacées ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation) L’association de ces deux critères figure pour la plupart en milieu non insulaire. Dans les petites Antilles, aucun des sites inscrits au patrimoine mondial ne le sont pour ces deux critères, ce serait une première. Enfin, plusieurs scénarios de candidature ont été évoqués : 1- Martinique 2- Martinique + Guadeloupe 3- Martinique + Guadeloupe + Dominique 4- Martinique + Guadeloupe + Dominique + domaine marin Un prochain colloque sera organisé en février 2015. Pour la partie marine, c’est le conseil scientifique qui prendra la décision finale. Travaux du Groupe Wilderness et nature férale Christian Barthod Le terme de wilderness est difficilement traduisible en français. Il lui a été adjoint le concept de « nature férale » afin de comprendre en quoi ces espaces de retour à la nature sauvage peuvent influencer les politiques. Le groupe de travail est composé de 20-25 personnes avec une douzaine de participants aux réunions. Des notes de travail ont été réalisées pour définir les points à développer, les définitions et la dimension acceptabilité sociale. La volonté est de faire le lien avec les initiatives réalisées à l’échelle locale. Troisième colloque des Aires marines protégées (6-8 octobre 2015 à Brest) Laurent Germain Les objectifs du colloque sont de tirer un bilan de la stratégie de création et de gestiond es aires marines protégées issue du grenelle de la mer. Un appel à contribution a été lancé, en favorisant une plus forte co-construction qu’au cours du dernier congrès. Une vingtaine de créneaux sont prévus au cours des trois journées du colloque. La Commission aires protégées et le forum des AMP sont associés afin de valider les propositions. Travaux AHPNE-UICN sur l’histoire des aires protégées Henri Jaffeux (AHPNE) 6 Coopération Icomos-UICN pour l’organisation du forum des gestionnaires 2016 (proposition) Isabelle Palmi (Icomos France) Le Groupe de travail sites, paysages et espaces patrimoniaux de l’Icomos France, en lien avec le Comité français de l’UICN, propose un thème pour le forum des gestionnaires de l’année 2016. Une réunion conjointe ICOMOS –UICN aura lieu le 18 novembre. Il faudra préciser en décembre et une soumission du thème choisi sera proposée à l’ATEN en mars prochain. 14h00 : Atelier thématique 14h00 : Introduction de l’atelier Michel Badré (Président de la Commission aires protégées) En décembre 2015 se tiendra la COP (convention des parties) 21 sur le climat. Les COP qui se sont déjà tenues ne sont pas toutes au même niveau, trois sont d’un niveau supérieur : - COP 3 de Kyoto : protocole de Kyoto - COP de Copenhague : il n’y a pas eu de suite relativement concrète - COP 21 de Paris : 3e du même genre pour l’objectif 2020 Quel lien existe-t-il entre les politiques sur le climat et sur les politiques publiques d’aires protégées? 14h05 : Définition et enjeux Les principaux enjeux scientifiques posés par les changements climatiques à la conservation de la diversité et du fonctionnement des écosystèmes Xavier MORIN (CEFE/CNRS) Le changement climatique induit une perte de diversité à l’échelle du globe avec une pression supplémentaire pour les écosystèmes. Un réchauffement de l’ordre de 0,8°C a été observé depuis le début du siècle dans l’hémisphère nord. Les prévisions à venir changent souvent et on sera surement au-delà des prévisions. Les changements climatiques affectent le climat avec des impacts à tous les niveaux d’organisation. Deux constats sont observés : 1-Croissance et productivité des forêts du à l’augmentation du CO2 et l’augmentation de température. 2- Des exemples aussi de décroissance du au stress hydrique en Espagne (Hêtraie) Autres constats observés : Les changements de phénologie sont nombreux depuis 1950, elles sont de plus en plus précoces. Entre 1950 et 2000, 20 jours d’avance ont été observés. Mais il n’y a pas seulement que les changements de phénologie qui ont été constatés. Par exemple, pour les saumons d’Alaska, une précocité de la période de migration a été observée. 1- Forte augmentation de la mortalité des arbres et arbustes sur les 30 dernières années du au stress hydrique 2- Changement de productivité primaire entre 1982 et 1999 Le fonctionnement des écosystèmes a un rétro impact sur le climat. En ce qui concerne la migration d’espèces de papillons en Europe, des changements de répartition observés. Ce phénomène a également été observé chez les poissons. La répartition latitudinale et/ou altitudinale a changé au cours des 50 dernières années. 7 Les chaines trophiques ont également été modifiées. Pourquoi et comment faire de la conservation dans un tel contexte ? - Nécessité de repenser les zones de conservation - Comprendre les impacts actuels et prédire les futurs - le fonctionnement des écosystèmes dépend de la composition en espèces des communautés - La biodiversité augmente la résistance aux perturbations=résilience. - Les forêts mélangées seraient moins sensibles aux pathogènes, tempêtes, à la sécheresse - la diversité est une solution pour tamponner les effets du changement climatique - Des populations adaptées au climat local (variabilité génétique entre populations) - Ne pas négliger les capacités d’adaptation des espèces et des écosystèmes Protéger la biodiversité dans un contexte de changement climatique Raphaël LARRERE En préalable : ce qui va sans dire, mais qui va mieux encore en le disant. Si la protection de la biodiversité exige au moins de ne pas entraver les possibilités d’adaptation des espèces au changement climatique – au mieux de les aider – il faut prioritairement s’engager à limiter les émissions de gaz à effet de serre. A vrai dire, nous sommes contraints de combiner des stratégies de limitation et d’adaptation. En effet, même si l’on parvenait à réduire rapidement, et de manière drastique, le gaspillage énergétique et les émissions de gaz à effet de serre, le changement climatique est en cours : il se poursuivra quoi que nous fassions parce qu’il résulte des émissions passées. Mais, si les politiques d’adaptation sont dès aujourd’hui inévitables, il serait fort dommageable que l’intérêt qui leur est porté dispense les pouvoirs publics des pays industrialisés de prendre les mesures indispensables pour sortir de leur addiction aux énergies fossiles, afin de préserver le business as usual. Ces prolégomènes achevés, j’aborderai, comme il m’a été demandé, ce que peuvent apporter les éthiques environnementales à une réflexion sur la façon d’appréhender l’adaptation des espèces (et par voie de conséquence des milieux) au changement climatique. I – Le point de vue des éthiques environnementales Les éthiques environnementales se sont développées selon deux directions. La première (Américaine et anglophone), s’interroge sur ce que pourrait être un rapport juste à la nature, et quelles en seraient alors les normes. Il s’agit d’établir qu’il y a des valeurs à respecter dans la nature. La seconde (Européenne et continentale) part d’une réflexion sur la technique : elle s’interroge sur notre agir technique et pose la question d’une maîtrise (éthique) de notre maîtrise (technique). Elle en cherche la solution dans l’élaboration d’une éthique de la responsabilité. Selon Hans Jonas, si les rapports techniques à la nature ont été longtemps considéré comme moralement neutres, c’est en raison d’interventions techniques qui ne la perturbaient que provisoirement : inépuisable, la nature absorbait l’agir humain. Tel n’est plus le cas de nos jours : la puissance acquise par l’ensemble cumulé des actions techniques contemporaines met l’humanité en face d’une responsabilité considérable : par son activité, l’humanité est en mesure de rendre la terre inhabitable. Pour Hans Jonas 1, le développement de notre puissance technique est donc celui de notre responsabilité vis à vis de tous ceux que notre agir technique rend vulnérables : les populations actuelles, les générations futures et tous les vivants non-humains qui subiront le même sort. Lorsqu’il écrivit Le principe responsabilité en 1979, Hans Jonas ne songeait pas au changement climatique, mais au nucléaire. Mais son argumentation demeure valable avec le changement climatique : celui-ci relève d’une éthique de la responsabilité. Et c’est ce qui justifie le préalable de s’engager dans une limitation des gaspillages et des émissions. Il s’agit donc bien, suivant l’impératif de Jonas d’agir « de façon que les effets de [l’]action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »2. Mais, en la matière la responsabilité des sociétés humaines (plus précisément de certaines d’entre elles) dans le changement climatique n’impose pas seulement de se préoccuper des populations actuelles et 1 Jonas, Hans, Das Prinzip Veranwortung, 1979, trad. fr, Le principe responsabilité, Paris, Le Cerf, 1990. Idem (p. 30/31) – Reste à savoir ce qu’est une « vie authentiquement humaine sur terre », mais cela excède mon propos. 2 8 des générations futures, mais aussi de toutes les espèces qui subiront les transformations du climat et devront s’y adapter ou disparaître. Devons nous donc, selon l’expression de Roland Schaer « répondre du vivant »3, et donc en prendre soin ? C’est peut-être un peu trop dire. Ce n’est pas la biosphère en tant que telle qui est en jeu. Rendrions nous la planète invivable aux humains et à la plupart des plantes et des animaux, que la biosphère nous survivra et pourra, avec les bactéries et les virus, partir pour de nouvelles aventures. Ce qui doit donc nous préoccuper c’est le sort de toutes les espèces que le changement climatique rend vulnérables. Cela suppose de s’interroger sur la façon dont elles pourront s’y adapter et d’agir pour ne pas entraver cette adaptation. Mais l’érosion de la diversité des espèces a aussi d’autres causes – locales ou générales. La faune et la flore sont en effet fragilisées par bien de nos activités : les formes de mise en valeur et d’occupation du sol qui se sont imposées de par le monde (déforestations massives, utilisation croissante de pesticides et d’herbicides, émissions de polluants, fragmentation des habitats par l’urbanisation et les infrastructures, etc.). Aider les vivants non-humains à s’adapter au changement climatique c’est aussi intervenir sur ces facteurs d’érosion de la diversité des espèces. Se rejoignent ainsi l’éthique de la responsabilité et l’éthique du respect de la nature. Avant d’aborder la façon dont peut être adaptée la protection de la nature au contexte du changement climatique, je voudrais évoquer ce que pourrait apporter une réflexion sur les techniques dans le double objectif de limiter les émissions de gaz à effet de serre et d’adopter des formes de mise en valeur des ressources naturelles susceptibles de moins nuire à la diversité des formes de vie. Hans Jonas critiquait à juste titre l’optimisme des technophiles qui considèrent que la technique est moralement neutre et que l’on trouvera toujours une solution technique pour porter remède aux effets nocifs de l’action technique : les techniques curatives auront elles-mêmes des conséquences non intentionnelles dont il faudra à nouveau corriger les effets, et ceci sans fin. Il adoptait ainsi une position qualifiée de technophobe, comme Günther Anders 4 ou Jacques Ellul5. Mais les discours technophobes ne sont que les négatifs (au sens photographique du terme) des discours technophiles : tous deux focalisent leur réflexion sur la puissance technique. L’idée que je défendrais au contraire est qu’il convient de s’intéresser aux techniques – c’est à dire aux processus et aux objets techniques dans leur diversité – bien plus qu’à la technique comme puissance d’agir et comme moyen de dominer la nature. Dans cette conception, il ne s’agit pas de faire toujours plus, ni de s’abstenir de faire, mais de faire autrement, d’opter pour des actions qui, tout techniques qu’elles soient, respectent et utilisent les processus naturels. Or, s’intéresser aux processus techniques dans leur diversité, c’est découvrir que les actions techniques relèvent depuis longtemps de deux paradigmes : celui de la construction, de la fabrication, ou de la production d'artefacts et celui du pilotage ou de la manipulation des êtres vivants et des processus naturels 6. Le premier art produit des objets et des outils, construit des bâtiments ou des infrastructures, synthétise des substances qui n'existent pas à l'état naturel. Les arts de ce modèle sont donc les arts du faire ; ce sont les « arts et métiers » de l’artisanat, puis des manufactures et de l’industrie. Généralement les réflexions sur la technique ne s’intéressent qu’à ces arts de l’homo faber. Le second art ne construit pas : il revient à utiliser des forces naturelles ou des êtres vivants, ou bien à infléchir des processus naturels, pour obtenir un résultat souhaitable. Ce sont les multiples façons de composer avec la nature, comme on le ferait avec un partenaire. Ce ne sont pas les arts du faire, mais ceux du faire-avec . Sans cet art du pilotage de processus naturels il n’y aurait eu ni domestication d’animaux, ni jardinage et agriculture, ni fermentations contrôlées pour l’alimentation humaine (si l’on n’avait pas appris à manipuler des fermentations 3 Roland Schaer Répondre du vivant, Paris, Le Pommier, 2013. Voir aussi Catherine Larrère, « Vulnérabilité et responsabilité : un autre Jonas ? » à paraître dans Alter en 2014. 4 Entre autres ouvrages, cf. Günter Anders, Hiroshima ist über all, 1995, trad fr. Hiroshima est partout, Paris Seuil, 2008. 5 Entre autres ouvrages de Jacques Ellul : La technique ou l’enjeu du siècle, Armand Collin, 1954 (Economica 1990) ; Le système technicien, Calmann-Lévy, 1977 ; Le bluff technologique Hachette, 1988 6 Un chapitre de l’ouvrage de Catherine et Raphaël Larrère qui paraîtra l’an prochain à La Découverte traite de cette question. On peut en trouver des éléments dans : Raphaël Larrère, « Agriculture ou manipulation de la nature ? » in Cosmopolitiques n°1, 2002, p.158-173 , Raphaël Larrère : « Questions éthiques à propos de la restauration écologique », in F.Rey, F. Gosselin, A. Dobré (eds) Ingénierie écologique – Action par et/ou pour le vivant, Quae, 2014. 9 naturelles, nous n’aurions ni pains, ni vins, ni fromages, ni yaourts, ni bières, ni salaisons) ! Il faut de même adjoindre à ces arts, celui du thérapeute, qui aide l’organisme à guérir. Comme ces exemples le suggèrent, le faire-avec doit être appréhendé selon les deux acceptions de l’expression. Il s’agit de tenir compte des dynamiques naturelles (ou du comportement des êtres que l’on manipule) et d’y adapter son action. Mais il s’agit aussi de collaborer avec la nature. Les objets techniques fabriqués – objets, qui sont de plus en plus standardisés pour des raisons commerciales - sont conçus indépendamment du contexte dans lequel il sont employés. C’est ce qui fait le succès des arts de la fabrication, mais c’est aussi ce qui les rend problèmatiques : ce qui est ainsi introduit dans le monde a un avenir que l’on ne maîtrise pas. La fabrication d’artifices est ainsi mise en cause dans les questions relatives à l'environnement, lorsque ses produits, ses sous-produits et ses effluents échappent à la maintenance humaine et sont repris par des processus naturels qui les transportent, les concentrent ou les diffusent. La fabrication exige en outre une énergie qui, depuis la révolution industrielle est essentiellement issue de ressources fossiles, non reproductibles, qui contribuent à augmenter la teneur en gaz à effet de serre de l’atmosphère. Tous ces effets non intentionnels de l’action technique témoignent de l’indifférence du monde d’artefacts (machines, réseaux, objets techniques) que nous produisons pour la complexité de la biosphère dans laquelle nous les introduisons. S’ils peuvent avoir aussi des effets non intentionnels sur leur environnement naturel, puisqu’il s’agit de piloter et pas de maîtriser, les arts du faire-avec , pour avoir quelque chance de réussite, supposent, à l’inverse, de tenir le plus grand compte du contexte, c’est à dire de l’environnement naturel complexe (et de l’environnement social – tout aussi complexe) dans lequel ils s’inscrivent. Ils supposent aussi d’intervenir, dès que l’évolution du système piloté s’écarte de la trajectoire habituelle et souhaitée. Le pilotage est une démarche attentive, empirique et précautionneuse, si sensible au contexte de production qu’elle doit toujours être adaptée et n’est guère reproductible à l’identique. Alors qu’avec l’industrialisation les arts du faire tendent à la standardisation, les arts du faire-avec se traduisent, en raison même de la variabilité spatio-temporelle des conditions naturelles et sociales, par une grande diversification des façons de produire. Si l’on entend limiter aussi bien les effets délétères de la mise en valeur sur la biosphère que les émissions de gaz à effet de serre, on a tout intérêt à concevoir et promouvoir des techniques du faire-avec. Sans doute exigent-elles plus de travail (la main d’œuvre n’est pas ce qui manque le plus de par le monde), mais elles consomment moins d’énergie (par l’utilisation maximale de processus naturels) et supposent un rapport plus respectueux du contexte naturel. Par exemple, pour limiter l’érosion de la biodiversité, il conviendrait de substituer à l’agriculture productiviste, à l’élevage intensif et à la ligniculture (ou l’exploitation minière des forêts) des pratiques relevant de l’agroécologie, de l’agroforesterie et de la gestion écologique des peuplements forestiers7. II – Dans quelle mesure le changement climatique interroge-t-il les fondements de la protection de la biodiversité ? On ne parle de biodiversité que depuis la fin des années 1980 – auparavant, il était question de protéger la nature. Lorsque l’on parle de biodiversité de nos jours, il s’agit la plupart du temps de la diversité spécifique (souvent même assimilée à la richesse spécifique, c’est à dire au nombre d’espèces qui cohabitent dans les mêmes milieux) et bien plus rarement de la biodiversité intraspécifique (diversité génétique des population, diversité populationnelle des espèces) ou de la diversité écosystémique. La protection de la nature s’est résumée jusqu’à la fin du XXème siècle à deux ensembles de mesures : La protection des espèces reconnues comme menacées de disparition – au moins locale. Il s’agissait donc d’espèces connues (y échappaient donc les espèces tout aussi menacées, mais non identifiées – et elles sont fort nombreuses) et dont l’évolution des effectifs était bien documentée. Bref, il s’agissait d’espèces qui avaient été remarquées par les communautés de naturalistes et qu’une loi décidait d’inscrire sur une liste limitative d’espèces protégées. En Sur ce sujet, voir par exemple : Michel Griffon, Nourrir la planète, Paris, Odile Jacob, 2006 ; Michel Griffon, Qu’est-ce que l’agriculture écologiquement intensive ? Versailles, Quæ, 2013. 7 10 France tout prélèvement et toute altération des spécimens de ces espèces protégées est interdit. Mais, ce qui rend la plupart de ces espèces vulnérables relève bien plus de l’altération ou de la disparition des habitats dont elles dépendent (et pour certaines d’entre elles de la guerre chimique que l’agriculture productiviste leur a déclarée) que des prélèvements opérés par la chasse, la cueillette, la pêche ou la simple malveillance. Si bien que la protection stricte des spécimens est insuffisante pour assurer la postérité d’une espèce menacée. C’est ce qui a renforcé l’idée de protéger des espaces, puis les habitats bien identifiés d’espèces dont on considérait qu’elles avaient une « valeur patrimoniale » particulière pour le pays ou la région ou elles étaient menacées de disparaître. Des espaces ont été protégés (parcs et réserves) soit dans l’objectif d’éviter l’extinction locale d’une espèce elle-même protégée (et dans ce sens remarquable), soit parce qu’ils étaient conçus par des scientifiques et des naturalistes comme des hauts lieux de la naturalité (la wilderness) ou de la biodiversité (les hot spots). Plus récemment, l’adoption de la biodiversité comme norme de la protection de la nature et la prise de conscience de son érosion généralisée ont invité à sortir du remarquable. La préoccupation s’est élargie, de la seule extinction d’un nombre limité (quoi qu’important) d’espèces bien identifiées au déclin des effectifs et de la diversité d’un nombre considérable d’espèces banales. Prendre soin de la nature revient alors à tenter d’enrayer cette érosion, et pour ce faire, il faut certes préserver les parcs et les réserves, mais il faut aussi en sortir et se soucier de la nature ordinaire, celle que les hommes côtoient au quotidien, mettent en valeur et parfois altèrent ou détruisent8. Les espèces ont (comme elles ont eu lors des fluctuations climatiques du pléistocène) deux façons de s’adapter au changement climatique : soit par sélection naturelle de génotypes (présents dans certaines de leurs populations) accordant une plus grande plasticité phénotypique et/ou une plus grande tolérance aux nouvelles conditions climatiques ; soit en migrant vers des cieux plus cléments. Mais ce qui distingue le changement climatique en cours de ceux qui l’ont précédé au pléistocène, c’est son rythme : celui-ci se mesure en décennies et pas en siècles ou en millénaires. On est en droit de se demander si les populations des espèces vulnérabilisées (et lesquelles ?) auront le temps de s’adapter par sélection naturelle ou par migration. Sans doute pouvons nous sélectionner des cultivars et des races d’animaux domestiques adaptées à des climats plus chauds, plus humides ou plus secs. Mais nous n’avons guère de prise sur la sélection naturelle, sauf en préservant autant que possible la diversité génétique des populations et la diversité populationnelle des espèces (mais ces diversités ne sont connues que pour un petit nombre d’entre elles). Par contre, nos modalités de mise en valeur du territoire peuvent entraver, ou à l’inverse faciliter, la migration des espèces vers les pôles et vers les hautes terres des montagnes. Il ne semble pas que le dispositif des parcs et des réserves suffise à cette tâche. Comme les autres territoires, les espaces protégés vont voir peu à peu leurs écosystèmes remplacés par des milieux inédits ayant des compositions spécifiques nouvelles … et transitoires. Deux stratégies complémentaires sont envisageables. La première est celle que défendrait volontiers Jean-Claude Génot, par exemple. Elle part du principe que la nature saura s’adapter – avec plus ou moins de casse – au changement climatique (comme elle l’a fait au cours du pléistocène et de l’entrée dans l’holocène), si l’on se garde bien d’entraver ses dynamismes naturels. Pour favoriser les capacités d’adaptation du maximum d’espèces, il faut donc laisser la plus large place à des espaces en libre évolution. Prendre soin de la nature, c’est donc lui ficher la paix. En outre, si les espaces en déprise agricole s’ensauvagent, si leurs milieux se ferment et se reboisent, cela piégera du carbone et contribuera à atténuer la teneur de l’atmosphère en CO2. La seconde stratégie se situe dans la continuité de la gestion de la biodiversité qui s’est imposée depuis deux ou trois décennies. Elle se justifie, si l’on constate que l’agriculture productiviste, grande pourvoyeuse d’herbicides et de pesticides, l’urbanisation et un réseau de plus en plus dense d’infrastructures, constituent dans nos contrées de sérieuses entraves à la migration de nombreuses espèces. On peut déjà concevoir d’implanter des réserves en limite 8 Sur ce sujet, voir en particulier : Patrick Blandin, De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité, Versailles, Quæ, 2009 ; Raphaël Larrère & Catherine Larrère, « Du principe de naturalité à la gestion de la biodiversité », in R . Larrère, B. Lizet, M. Berlan-Darqué (eds), Histoire des parcs nationaux- Comment prendre soin de la nature ? Versailles, Quæ/ MNHN, 2009. 11 septentrionale de l’aire de répartition de certaines espèces particulièrement vulnérables – mais cela ne peut concerner qu’un nombre limité d’espèces qui ont toutes chances d’être considérées comme remarquables ou emblématiques. On peut aussi mettre en réseaux parcs, réserves et zones natura 2000, qui forment des îles et des îlots de protection – réseaux qui d’ailleurs peuvent comporter des espaces en libre évolution. Mais cela ne saurait suffire, dans la mesure où l’essentiel du territoire serait encore hostile aux déplacements de la faune et de la flore. Il convient donc de concevoir sur l’ensemble du territoire un continuum de milieux susceptibles de ne pas entraver les migrations, sortes d’infrastructures écologiques orientées vers le nord ou vers les hauteurs. Un système de trames vertes et bleues pourrait convenir, à condition d’infléchir celui qui doit être issu du Grenelle de l’environnement – et dont l’objectif est de lutter contre la fragmentation des habitats – de façon à ce qu’il serve à l’adaptation aux changement climatique. Sans doute serait-il souhaitable que ces trames soient élaborées de façon moins technocratique que celle qui s’est imposée en France et, plus encore, qu’un effort effectif soit entrepris pour substituer aux formes d’agriculture intensive en intrants, des formes d’agriculture écologiquement intensives, ayant un meilleur bilan énergétique et moins d’impact sur la biodiversité. Je me garderais bien de dire quelle stratégie serait la plus efficace, remarquant simplement qu’elles ne sont pas exclusives et que cela dépendra des régions, de l’occupation de leur sol, de l’intensité de leur urbanisation, de la densité de leurs infrastructures et des activités qui s’y déroulent. Il me semble enfin que, quelle que soit la stratégie choisie, le changement climatique met en cause la lutte systématique contre les espèces exotiques invasives. Pour s’y adapter, de nombreuses espèces migrent déjà – et migreront plus encore et plus nombreuses – et envahissent des territoires où elles étaient inconnues. Lutter contre cette invasion d’animaux et de plantes non autochtones serait entraver leur adaptation au changement climatique. La notion d’espèce invasive devra ainsi être révisée (et peut-être réduite aux espèces issues d’autres continents situés à l’est ou à l’ouest) et il sera de plus en plus difficile d’affirmer, comme le fait l’UICN, que les invasions biologiques sont la seconde cause d’érosion de la biodiversité au niveau mondial. En guise de conclusion Si les remarques précédentes tentent d’évoquer la façon dont il serait possible de respecter la nature (et donc de lui rendre justice) dans un contexte de changement climatique d’origine anthropique, celui-ci invite aussi à élargir l’éthique environnementale à des considérations concernant le justice entre les hommes. En premier lieu, les populations humaines sont inégalement menacées par les conséquences du changement climatique. Des pays comme le Bengale ou les atolls du Pacifique auront à subir la montée des eaux, les régions tropicales ou subdésertiques, seront atteintes plus durement que les autres par les sécheresses. Or les populations qui auront le plus à en souffrir sont celles qui, vivant dans des pays non industrialisés, ont le moins contribué à l’effet de serre. Cette circonstance invite à réfléchir aux mesures de solidarité à mettre en place pour corriger cette injustice. En second lieu, la diminution du gaspillage énergétique et des émissions de CO2, de même que les stratégies d’adaptation des sociétés humaines et celles qui sont susceptibles de permettre aux vivants non-humains de migrer, supposent des efforts d’investissement et des sacrifices. Or les populations humaines sont inégalement capables de consentir ces efforts et de faire ces sacrifices. Se pose alors la question de la juste répartition des contraintes. S’orientera-t-on vers une justice corrective, exigeant que les pays les plus responsables du changement climatique actuel et de l’érosion de la biodiversité (pas seulement sur leur propre territoire) consentent plus d’efforts que les pays émergeants et que les pays pauvres ? Voire même qu’ils aident ceux dont ils ont souvent, par le passé, exploité sans vergogne les ressources naturelles ? On a tout lieu de craindre que l’on s’orientera plutôt en direction d’une justice distributive qui, à l’instar du protocole de Kyoto, annulera le passé, et de ce fait la responsabilité particulière des pays riches et industrialisés. On se préoccupera alors de demander une « juste répartition » en fonction de la contribution actuelle par habitant à l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère. C’est en tous cas dans ce cadre interprétatif de la justice distributive que porte l’essentiel des débats académiques concernant la justice environnementale. 12 15h00 : Présentation d’expériences aux échelles internationale et française Projet « solutions naturelles : mise en œuvre des stratégies d’adaptation aux changements climatiques dans les aires protégées les plus remarquables du monde » Alexander Belokurov (WWF) Natural solutions L’objectif : collecter des arguments généraux. Différents thèmes ont été développés : nourriture, eau, agriculture, lutte contre la pauvreté, atténuation des catastrophes, santé, changement climatique. Le rapport sur le changement climatique a été réalisé en collaboration avec d’autres organismes. Pourquoi les aires protégées sont-elles une solution ? - elles sont déjà établies et les bénéfices sont en place. - Il y a des lois, politiques et des objectifs de gestion associés, des connaissances, des équipes mises en places et un savoir-faire. - Elles contiennent les seuls grands habitats naturels restants - Il existe des possibilités d'augmenter leur connectivité au niveau du paysage et leur gestion efficace, de manière à renforcer la résilience des écosystèmes aux changements climatiques et sauvegarder les services écosystémiques vitaux Le rapport « natural solutions » est une collecte de preuves rassemblées. Les aires protégées répondent à deux principes qui sont l’atténuation (La possibilité d'utiliser les aires protégées dans le stockage du carbone et la capture) et l’adaptation (Le rôle des aires protégées dans les stratégies d'adaptation basées sur les écosystèmes). Des stratégies d’adaptation doivent être identifiées car 60% des services écosystémiques sont dégradés et les défis suivants doivent être relevés: santé, nourriture, eau, catastrophes naturelles. Les aires protégées offrent les opportunités suivantes : la protection (comme maintenir l’intégrité des écosystèmes) et permettre de maintenir les services écosystémiques essentiels qui aident les gens à faire face aux changements dans l'approvisionnement en eau, la pêche, la maladie et la productivité agricole causées par le changement climatique. Deux niveaux d’adaptation : pour les aires protégées (maintenir la résilience des écosystèmes) et par les aires protégées (pour contribuer à apporter aux communautés les services écosystémiques). Le rôle des aires protégées sera de plus en plus important. Il faut inclure les aires protégées dans les politiques locales, nationales. Natural solutions : initiative globale pour les aires protégées et le changement climatique global Objectif : apporter des solutions aux gestionnaires d’aires protégées Plusieurs aires protégées sur lesquelles sont testées la méthodologie (géographie, taille, gestion différentes) : - Colombie - Madagascar - Philippines Objectifs : développer un outil de lutte contre le changement climatique par les aires protégées. Les écosystèmes les plus résistants sont étudiés. Plusieurs critères sont mesurés. On pourrait tester la méthodologie sur nos sites liste verte ? 13 Présentation du plan national d’adaptation aux changements climatiques (objectifs, bilan à mi-parcours, reconnaissance du rôle des aires protégées) Jérôme Duvernoy (ONERC) A ce jour une centaine de programmes de recherche sont financés. En 2001 a été mis en place l’observatoire national de l’ONERC. Aujourd’hui on parle de changement climatique. L’ONERC est l’observatoire national mais c’est une interface entre le scientifique et le politique. En amont de la COP 21, une conférence scientifique internationale aura lieu du 7 au 10 juillet 2015. Pour limiter l’impact du changement climatique à 2°C, il faudrait avoir des effets de gaz à effet de serre en négatif. L’ONERC est à l’interface de beaucoup de publications avec de nombreux indicateurs qui ont été publiés mais il n’en existe pas un en lien avec les aires protégées. L’ONERC suit le programme adaptation au changement climatique : - renforcer les outils de suivi existants pour prendre en compte les effets du changement climatique - prendre en compte le changement climatique dans la SCAP - intégrer la prise en compte du changement climatique dans l’élaboration des réglementations. Le PNACC a un effet structurant. - Un dispositif multi-échelle, multi-sectoriel en construction - Une recherche permanente de cohérence - La construction de l’attractivité future des territoires - Une démarche pragmatique engagée - Un renforcement de la mobilisation pour l’atténuation 16h00 : Echange avec la salle Quel programme d’actions prioritaires à court et moyen terme pour la commission aires protégées de l’UICN? Les aires marines protégées sont preneuses de témoignages, de contributions sur les questions du changement climatique. Un atelier au colloque AMP 2015 est prévu à ce sujet : prospective et changement climatique. En ce qui concerne les aires protégées, il ne faut pas négliger les opportunités d’extension (SCAP). Retravailler sur la notion de résilience ? On est dans une problématique d’adaptation. Dans ce cas la résilience : un écosystème dégage des stratégies d’adaptation dans un contexte de changement environnemental. Sur les questions de migration : il faut de la place pour la faciliter (tout le monde ne migre pas en même temps) : la TVB mais il manque des inter-connectivités plus larges. La hiérarchie des valeurs que l’on attribue aujourd’hui à un certain nombre d’éléments va peutêtre changer au cours des prochaines décennies. Il faudrait identifier des pré aires protégées comme terrain d’accueil à des espèces intéressantes qui vont migrer. A ce jour les aires protégées ne sont pas créées en ce sens. La gestion adaptative dans les aires protégées : face au changement climatique, il faut adapter la gestion, la réglementation. Tout ceci s’inscrit dans une dimension de réseau. Chaque aire protégée devrait faire un audit pour voir comment les habitats et espèces se situent. 14 La réflexion sur le changement climatique doit-être poursuivie avec la mise en place d’un groupe de travail. Les intéressés afin de participer à la réflexion : PNF, RNF, Forum des AMP… 17h30 : Conclusion des échanges et choix des prochaines thématiques Plusieurs thématiques sont envisagées pour les prochaines réunions, parmi lesquelles : - la SCAP - la suppression des Réserves naturelles volontaires - la simplification du mille-feuille administratif et le financement durable des aires protégées - la gestion des grands prédateurs dans les aires protégées - les financements innovants des aires protégées La prochaine réunion trimestrielle de la Commission aires protégées est mardi 16 décembre. Participants Présents toute la journée Présents une demi-journée Excusés 1. Michel Badré (Président de la Commission aires protégées) 2. Henri Jaffeux (APHNE) 3. Frédéric Marchand (consultant) 4. Thierry Lefebvre (UICN) 5. Sophie Coste (UICN) 6. Jean-François Sys (UICN) 7. Gilles Landrieu (PNF) 8. Laurent Germain (AAMP) 9. François Delaquaize (MEDDE) 10. Michel Fourcade 11. Jérôme Duvernoy (ONERC) 12. Guy-François Frisoni 13. Samuel Depraz (Géographe) 14. Paul Rouveyrol (SPN) 15. Catherine Gabrié (consultant) Matin 1. Jean-Philippe Siblet (SPN) 2. Isabelle Palmi (ICOMOS) 3. Cédric Godfried (ICOMOS) 4. Christian Barthod 5. Olivier Pratte (AEV Ile-deFrance) 1. Thierry Mougey (Fédé PNR) 2. Nicolas Drapier (ONF) Après-midi 6. Pauline TeillacDeschamp (UICN) 7. Raphaël Larrère 8. Xavier Morin 9. Alexander Belokurov (WWF) 15