Les Echos.fr 13 mai 2016 Les pouvoirs publics doivent se lancer

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Les Echos.fr
13 mai 2016
Les pouvoirs publics doivent se lancer dans l'e-santé
Les pouvoirs publics doivent se lancer dans l'e-santé
Téléconsultations, objets connectés, télésurveillance, nanorobots, etc. le champ de l’e-santé
est immense. Pour que tous les acteurs s’en emparent, pour le bénéfice du patient comme
de l’assurance maladie, un véritable accompagnement des pouvoirs publics s’impose.
Estimé à 2,7 milliards d’euros en 2014 avec une progression de 4 à 7 % d’ici 2020 pour
atteindre 4 milliards d’euros (*), le marché de l’e-santé représente un potentiel économique
attractif que ce soit dans le domaine des systèmes d’information de santé (SIS) qui se taille
la part du lion avec 88 % du marché ou dans celui de la télésanté. Pourtant, la santé 2.0
peine encore à se déployer en France et reste bien trop souvent circonscrite à des
expérimentations parcellaires (**). Si la France bénéficie d’un tissu industriel innovant, les
acteurs de l’e-santé sont atomisés et le modèle économique de la santé 2.0 reste à définir.
La volonté des pouvoirs publics est bien là, mais le choix de la transition numérique n’est pas
pleinement assumé. En témoigne le serpent de mer du dossier médical personnel, ce carnet
de santé informatisé et sécurisé, accessible via internet. Cette innovation créée en
2004, relancée dans le cadre de la Loi Santé de 2016 ne concerne pour l’instant que 400
000 patients.
Une réponse efficace aux évolutions de notre système de santé
Pourtant, à l’heure où chacun s’accorde sur la nécessité de repenser le soin en France face
au vieillissement de la population, à l’explosion des pathologies chroniques, à la
désertification médicale et à la transformation du patient en consommateur éclairé et
exigeant, la révolution numérique pourrait représenter le salut de notre système de santé
vieillissant.
> La Cour des comptes juge les données de santé sous-exploitées
Objets connectés pour mesurer les constantes des patients diabétiques, système de
télésurveillance pour favoriser le maintien à domicile de personnes âgées, téléconsultations
pour les patients isolés, programme de prévention personnalisé, opérations chirurgicales
utilisant des nanorobots, les possibilités technologiques sont dé multipliables à l’infini.
La santé digitale au secours de l’Assurance maladie ?
L’e-santé pourrait également répondre efficacement à la difficulté actuelle à financer des
dépenses publiques qui croissent aujourd’hui plus fortement en France que le PIB. Ce
marché émergent constitue donc un secteur hautement stratégique sur lequel doit se
positionner l’ensemble des acteurs – pouvoirs publics, start-up, laboratoires
pharmaceutiques, mutuelles, assurances, hôpitaux, médecins libéraux.
Ainsi, le développement de la médecine prédictive via notamment la génomique, le boom
des outils connectés permettant de suivre ses constantes et de les télétransmettre à son
médecin, le déploiement des applications mobiles permettant la mise en place de politiques
de prévention créent un marché des risques data qui intéressent au premier plan assureurs
et mutuelles.
Des questions concrètes en suspens
En dépit de ces avancées, la question de l’intégration de la santé digitale dans notre
système financier de soins reste loin d’être résolue. Comment facturer les actes de
télémédecine ? Quelle prise en charge pour les outils connectés ?
L’Assurance-maladie et les complémentaires santé ne se sont que très peu emparées du
sujet. Et ce retard freine le développement d’un modèle économique propre à l’e-santé. Son
avenir reste donc essentiellement entre les mains d’acteurs privés de faible ampleur : ETI
(45 %), start-up (30 %) PME (20 %) et grands groupes (5 %), ce qui contraint d’autant son
déploiement.
Pour qu’un véritable big bang numérique se produise dans le secteur de la santé, il faudrait
une réelle incitation politique. Certes, au niveau communautaire, la Commission européenne
a adopté un plan d’action européen pour le développement de l’e-santé 2012-2020.
Il est inscrit au nombre des ambitions de l’Agenda numérique pour l’Europe et dans la
politique européenne d’e-santé votée par les États membres. La France avec la création de
l’ASIP Santé, l’Agence dédiée au développement de l’e-santé depuis 2009, son programme
de Territoire de Soins Numériques, ou encore le soutien financier qu’elle apporte à de
nombreuses initiatives en la matière n’est pas en reste.
Plus que des initiatives privées
Mais cet accompagnement doit être plus pérenne, plus complet et plus ambitieux. La santé
digitale pose de nombreux enjeux en termes d’éthique, de protection de l’information,
d’égalité de l’accès aux soins, etc. Il est essentiel qu’un cadre juridique ad hoc soit prévu par
le législateur.
Si les États-Unis ont mis en place un organisme officiel de régulation de l’e-santé, la France,
elle, n’en n’est pas dotée. L’Ordre national des médecins souhaite élaborer progressivement
des règles déontologiques spécifiques aux sites internet consacrés à la santé (***) pour
encadrer de tels enjeux.
À l’heure actuelle, ce sont encore des initiatives privées qui se développent, comme le
premier label français pour certifier la valeur scientifique des applications santé mis au point
par la start-up française DMD Santé. Les pouvoirs publics doivent se saisir pleinement de ce
chantier numérique s’ils veulent que la France soit à même d’apporter une offre compétitive
et éthique à l’ensemble des acteurs de la santé.
(*) Étude Xerfi Precepta, 2014
(**) Étude Pipame, "E-santé – Faire émerger l’offre française répondant aux besoins
presents et futurs", 2016
(***) Conseil National de l'Ordre des Médecins , "Les sécurités informatiques sont des
exigences déontologiques", publiée en ligne le 9 novembre 2009
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