comm Ahmed LARABA

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Ahmed LARABA
Professeur à la Faculté
De Droit de l’Université d’Alger
OBSERVATIONS GENERALES SUR LA NOTION DE
DEFENSE ECONOMIQUE
VERSION PRELIMINAIRE
1–
Envisagé et appréhendé dans une perspective globale, le concept de défense
nationale semble une étonnante et irrésistible complicité des thèmes de la permanence
et de la constance, d’une part, et de l’évolution et du changement, d’autre part. Alors
même qu’il a pu être présenté et perçu comme immuable, il a une histoire qui se
poursuit. Son contenu a été et est soumis aux changements qui accompagnent les
principales mutations qui affectent la vie des Etats et leurs relations internationales.
Eternel et toujours recommencé, ainsi se présente le contenu du concept de
défense nationale. Tout au long de sa vie, il a assimilé et absorbé d’importants
changements de contenu. On peut dire que, pour parler comme les lexicologues, ses
virtualités sémantiques sont assez générales et sont loin d’avoir été épuisées. C’est
ainsi que s’explique l’intégration progressive des aspects civils et économiques dans le
concept de défense nationale. Au demeurant, c’est bien cette approche qu’a adoptée la
commission de défense du Conseil de la Nation. Dès les premières rencontres, l’accent
a été mis sur le caractère global de la défense nationale et sur la nécessité d’en
envisager tous les aspects, au fur et à mesure de leur apparition.
1
2–
Les mutations multidimensionnelles en cours dans le monde et la
complexification qui en résulte ont d’importantes conséquences sur les missions de
l’Etat. L’élargissement du concept de défense nationale n’en est pas le moindre. A côté
des aspects traditionnels, d’autres considérations, liées à des préoccupations, risques et
menaces de nature économique, sont apparues.
3–
L’appréhension de la notion de défense économique doit s’inscrire dans le
cadre du concept de défense nationale. La réflexion engagée sur cette notion doit être
coordonnée avec les autres dimensions du concept. L’idée que l’approche globale est
la réponse adaptée à la diversité des risques et menaces avérés et probables est érigée
en postulat un peu partout dans le monde. Elle semble exprimer à la fois le point de
départ et l’horizon indépassables de la réflexion sur ce point.
4–
Cette réflexion peut être envisagée à partir d’interrogations portant sur la
notion elle-même et ses implications sur un plan général, sur son état d’existence en
Algérie et sur les perspectives de son évolution au gré des mutations internes et
internationales.
-
Notion a priori polysémique, la notion de défense économique est une création
continue.
-
Toutefois, pour les besoins de ces journées d’étude, il convient de tracer le
cadre général à l’intérieur duquel cette réflexion doit avoir lieu. Peut-on partir d’une
définition, là aussi a priori et abstraite, de la notion de défense économique ?
Autrement dit, peut-il exister une définition a minima de cette notion applicable de
manière intemporelle dans tous les Etats ? N’y a-t-il pas des objectifs incontournables
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et irréductibles qui peuvent influer sur le contenu a priori de la notion ? Quels sont les
liens qui peuvent être faits entre cet éventuel contenu et la notion d’intérêts vitaux ou
fondamentaux des Etats ? L’analyse comparée peut, à cet égard, fournir un certain
nombre d’enseignements. Ceci étant, ces observations introductives sont organisées
autour de trois points, à savoir le contenu irréductible de la notion de défense
économique (I), le contenu évolutif de cette notion (II) et les principes généraux de sa
mise en œuvre (III).
I – LA NOTION DE DEFENSE ECONOMIQUE :
UN CONTENU IRREDUCTIBLE
Dans une première acception, la notion de défense économique a été
entendue comme destinée à assurer la réduction de la vulnérabilité des Etats en temps
de paix et à la mise en place de l’ensemble des mécanismes qui concourent à la
production, la circulation et à la bonne répartition des ressources en temps de crise.
Dans cette approche initiale, l’accent est tout particulièrement mis sur la gestion des
crises dans des domaines et activités très divers.
Un bref état juridique des lieux montre l’inexistence d’un texte de droit
positif à portée générale relatif à la défense économique en Algérie. Mais, ce constat
ne doit pas aboutir à la conclusion qu’il y a un vide. Pareille conclusion serait inexacte
et hâtive. L’état des lieux, qui est l’un des objectifs de cette rencontre, doit
précisément permettre de rechercher et d’analyser les éléments épars et divers qui
contribuent, d’une manière pragmatique, à dessiner le contours de l’approche
algérienne actuelle de la notion de défense économique. Cet état des lieux passe donc
par l’étude des aspects sectoriels la défense économique. Comme ce fut le cas pour la
défense civile, la question du passage des logiques sectorielles de la défense
économique à une logique d’ensemble doit faire débat.
Au préalable, il n’est pas inutile de partir à la quête de ce qui peut être
considéré comme le contenu irréductible de la notion de défense économique. Pour ce
faire, un rapide survol des textes juridiques fondamentaux s’impose. Si la quête n’est
pas très fructueuse, elle permet d’esquisser les contours de ce qu’on peut qualifier de
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noyau dur du contenu de la notion de défense économique. Dès la charte nationale de
1976, certains éléments ont été évoqués.
Ce texte a fait le lien entre la défense nationale et l’économie en des termes
qui ne sont pas dépassés : « le potentiel économique constitue un paramètre
fondamental de toute politique de défense nationale. L’économie et la défense
nationale sont intimement liées, en ce sens que le développement économique du pays
exige en même temps une défense nationale conquérante ».
La Constitution de 1996 ne compote pas disposition qui vise directement la
notion de défense économique. Mais, certains articles s’y référent indirectement. Il en
est ainsi de l’article 8, dont les paragraphes 1 et 5 soulignent que les institutions ont
pour finalité respectivement « la sauvegarde et la consolidation de l’indépendance
nationale » et « la protection de l’économie nationale contre
toute forme de
malversation ou de détournement, d’accompagnements ou de confiscation légitime ».
Ces dispositions s’inscrivent dans le fil de la démarche adoptée par la charte nationale
de 1976, évoquée précédemment, à savoir le principe de l’indissociabilité de la défense
nationale et de l’économie, celle-ci étant une partie intégrante de celle-là.
C’est la même conclusion qui s’impose à l’analyse du code pénal algérien.
L’intitulé même des articles 65 à 80 de la section de du chapitre 1, du titre 1, du livre
3ème de la 2ème partie est tout à fait significatif de cette indissociabilité. Sont titre est :
« autres atteintes à la défense nationale ou à l’économie nationale ».
C’est textes juridico-politiques qui sont de la plus grande importance
montrent très clairement l’existence d’une approche globale cohérence, inscrite dans la
durée. Elle peut servir de point de départ à l’élaboration d’une stratégie en la matière.
On peut donc convenir que la défense économique concourt à la réalisation
du concept de défense nationale en assurant la sauvegarde des installations et des
ressources économiques. C’était déjà ce constat qui avait été fait lors des premières
journées d’études en 2001. Il est vrai qu’il est minimal, ces journées n’ayant
évidemment pas eu pour objet la question inscrite à la présente rencontre. Ce standard
minimum gagnerait à être approfondi et précisé. On verra qu’elle peut l’être au regard
de l’évolution du contenu de cette notion de défense économique. Mais, rien n’interdit
de réfléchir à une définition généralisante. L’analyse comparée peut être à cet égard
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particulièrement utile. D’emblée, il faut souligner qu’il ne s’agit aucunement de verser
dans un quelconque mimétisme. Plus simplement, il est possible de tirer profit des
similitudes objectives qui peuvent exister dans le contenu de la notion de défense
économique. Même s’il convient d’être prudent, il paraît néanmoins possible de
relever que ces similitudes ont abouti au constat de l’apparition d’une espèce de
« modélisation » qui se traduit d’abord par l’élaboration de définitions à texture
ouverte dans beaucoup de législations, ensuite par l’énoncé d’une liste de principes
généraux destinés à fournir le cadre de la mise en œuvre de la défense économique et
enfin par l’établissement d’une réglementation, également ouverte, relative aux
secteurs et infrastructures considérés comme vitaux. Il y a là une cohérence objective
qui peut trouver à s’appliquer partout.
La circulation rapide des idées, des concepts et des modèles juridiques
contribue à accélérer les efforts conscients et inconscients de convergence, voire de
standardisation des stratégies et législations des Etats. Ainsi, par exemple, en France,
une circulaire du 14 février 2002 définit la défense économique comme étant « les
actes et initiatives pris par la puissance publique, d’une part, pour protéger et défendre
l’économie et les entreprises des atteintes de toute nature et d’autre part, pour subvenir
aux besoins de la défense nationale ». On est en présence d’une définition-cadre
annonciatrice d’un programme. Ce texte détaille les principes généraux autour
desquels s’organise la défense économique. Il s’agit, en amont, de veiller au bon
fonctionnement de l’économie, de prévenir les dysfonctionnements économiques, de
préparer des plans d’intervention (prévention, action, réaction), de préparer les
opérateurs d’importance vitale à faire face aux menaces et aux crises et de protéger le
secret de la défense et le patrimoine scientifique et technique. En aval, il s’agit de
gérer les crises et les situations provoquées par des perturbations du tissu économique
ou de son environnement. Aussi bien la définition de la défense économique que la
liste des principes généraux n’expriment des spécificités françaises. Il n’y a rien qui ne
puisse être envisagé par d’autres Etats. Au demeurant, l’analyse comparée élargie à
d’autres expériences montre une réelle objectivation des questions soulevées par la
notion de défense économique.
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En outre, le contenu irréductible de la notion de défense économique est lié
de la notion d’intérêts vitaux ou fondamentaux ou stratégiques de l’Etat, selon la
terminologie utilisée. La notion de défense économique se traduit de plus en plus dans
un certain nombre de grands Etats par l’idée de la légitimité de la protection de
certains secteurs qualifiés de « stratégiques ». C’est, par exemple, la thèse soutenue par
H. Vedrine dans son rapport « sur la France et la mondialisation ». Ce point de vue
n’est pas isolé en doctrine et en pratique. Cette stratégie de protection est mise en
œuvre et est régulièrement actualisée. Elle soulève un débat important en raison des
différences constatées dans la pratique des Etats. Certains ont adopté le principe de
l’élaboration d’une liste, même assez large, de secteurs stratégiques. C’est le cas de la
Russie. D’autres, telle la Chine, ont opté pour l’insertion d’une clause générale dite
clause de « sécurité nationale » dans la loi anti-monopole du 30 août 2007. L’union
européenne est partagée ; plus précisément, les points de vue de certains Etats
membres importants ne coïncident pas avec ceux de la Commission. Celle-ci considère
qu’il sera difficile de définir des secteurs stratégiques au sein de l’Union Européenne,
alors que ceux-là ont procédé à une définition généralisante et ouverte de ces secteurs.
C’est ainsi que la France a adopté cette démarche en définissant les notions
d’« infrastructures vitales dans le domaine économique » et de « secteurs d’activités
d’importance vitale ». La circulaire du 14 février 2002 définit les premières comme
étant « un réseau, difficilement remplaçable de distribution d’un type déterminé de
biens ou de services indispensables à la satisfaction des besoins prioritaires, pour la vie
des populations, le fonctionnement de l’économie et de l’exercice de l’autorité de
l’Etat ». Quant aux « secteurs d’activités d’importance vitale», c’est l’article 2 du
décret 2006-212 du 23 février 2006 qui les identifie. Un secteur qualifié ainsi est un
secteur « constitué d’activités concourant à un même objectif qui ont trait à la
protection et à la distribution de biens ou de services indispensables à la satisfaction
des besoins essentiels pour la vie des populations, ou au fonctionnement de l’économie,
ou au maintien du potentiel de défense, ou à la sécurité de la nation… ». Le caractère
extrêmement large de cette définition doit être remarqué. Il exprime une stratégie
juridique sous-tendue par l’idée d’anticipation et d’intégration des aspects de défense
économique qui pourraient apparaître ultérieurement. C’est la même logique qui est à
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l’origine de l’approche américaine. Celle-ci repose également sur le rejet de l’option
de l’établissement d’une liste des secteurs d’activités stratégiques et sur la possibilité
de qualifier, à tout moment, une activité de « stratégique ». C’est sans doute l’option la
plus intéressante. En droit algérien, le code pénal se réfère aux notions d’«intérêts
économiques essentiels » (art. 71-03) et d’«intérêt de la défense nationale » ‘art. 66,
67-01, 68, 70-02), sans plus de précision.
En vérité, ces dernières approches sont en réalité imprégnées de l’idée que la
notion de défense économique est une création continue.
II – LA NOTION DE DEFENSE ECONOMIQUE :
UNE CREATION CONTINUE
On aurait instinctivement tendance à considérer que c’est une nouvelle
approche que celle qui consiste à qualifier la défense économique de création continue.
Ce n’est pas si sûr. Lors des précédentes journées d’études, le contenu dynamique du
concept de défense nationale a été souligné, même si le moment de sa systématisation
n’était pas encore venu. Il faut dire que l’actualité nationale et internationale fourmille
de situations et d’informations qui mettent en avant le caractère évolutif de la notion
de défense économique.
Dans son essence même, la notion de défense économique peut s’identifier à
une multitude de situations. Dans son évolution, ce constat se consolide et s’élargit. En
vérité, il en est de la défense économique comme d’autres notions qui sont
dialectiquement reliées à elle. On peut songer notamment aux notions de menaces et
de risques au contenu si indéterminé aujourd’hui et qui peuvent désormais provenir de
tous les domaines touchant la régulation humaine. Il ne faut pas s’y tromper. Cette
indétermination reflète aussi l’air du temps, celui du passage d’une ère de concepts et
catégories précis à une période d’altération des sens. Comme il est impossible
d’identifier à l’avance l’ensemble des menaces et risques prévisibles, il est tout aussi
impossible de figer la notion de défense économique. En d’autres termes, il ne faut
exclure aucun scénario. Pour reprendre la formule de P. Lagadec, il faut « apprendre à
se confronter à la surprise et à l’impensable ». Vaste et complexe programme. C’est
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donc à une confrontation des imaginations qu’on est conduit, celles de ceux, dont les
actes ou omissions peuvent, consciemment ou inconsciemment, constituer une menace
pour la défense économique et celles de ceux qui, inlassablement, organisent la
prévention et la sanction des atteintes.
Ceci étant, la création continue de la notion de défense économique se
traduit de deux façons.
La première consiste dans l’intégration dans ce qui relève de la défense
économique de domaines qui sont devenus des préoccupations à caractère économique
ou qui sont nouveaux.
L’exemple de l’importance de la question de la protection de
l’environnement est peut-être le plus significatif du caractère évolutif du contenu de la
notion de défense économique. La survenance d’un certain nombre de catastrophes
terrestres et maritimes y a largement contribué, puisqu’elle a obligé les Etats à adopter
des mesures qui entrent dans le cadre de la défense économique. On voit bien dans ce
cas, mais ceci est aussi valable pour bien d’autres domaines, que les Etats sont en
situation réactive, défensive, les évènements s’imposant à eux. Déjà de nouvelles
manières de penser apparaissent. Ainsi, par exemple, le concept même de défense doit
sans doute être repensé à la lumière du concept de développement durable.
De même, les mutations technologiques actuelles donnent un nouveau relief
à la notion de défense économique. Ce nouveau relief réside dans l’apparition de
nouvelles pratiques réunies sous l’énigmatique vocable d’intelligence économique.
Sans vouloir céder à une quelconque mode, qui existe sur ce point, il s’agit
d’une discipline émergente (ou qui a déjà émergé) destinée à sensibiliser les pouvoirs
publics au sens le plus large et des entreprises portant les intérêts fondamentaux de la
notion à une démarche, à un état d’esprit visant à améliorer leur compétitivité. Cette
amélioration passe par la collecte, le traitement et la maîtrise des connaissances utiles à
ces entreprises.
La seconde technique d’élargissement de la défense économique réside dans
l’amélioration continue des règles et techniques visant à protéger ce qui en relève.
Chacun de ses domaines tend à développer et à renforcer constamment ses propres
protocoles et normes de sécurtié. Quelques exemples viennent à l’esprit.
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On peut partir de la situation la plus saisissante, celle qui s’est posée en
Italie à propos de la gestion des déchets. Le gouvernement italien récemment formé a
décidé de qualifier de « zones d’intérêt stratégique », c'est-à-dire des zones militaires
sous haute protection les sites et les usines liées à la gestion des déchets. De même,
l’actualité allemande fournit une autre illustration de l’élargissement continu de la
notion de défense économique. L’Allemagne travaille depuis plusieurs mois à un
dispositif aux relents défensifs qui organise le principe selon lequel tout projet
d’acquisition de plus de 25 % d’une entreprise allemande dite « stratégique » ou
relevant de « la sécurité publique » devra être notifié au gouvernement qui peut s’y
opposer. Actuellement, seul le secteur de l’armement est soumis à une telle
réglementation. Puisés dans l’actualité la plus immédiate, ces exemples doivent être
pris pour ce qu’ils sont.
Ils expriment des attitudes réactives face à des situations ou des
comportements nouveaux que des Etats souverains considèrent comme attentatoires à
leur défense économique. Celle-ci est à plusieurs égards tributaire de l’évolution des
contextes national et international dans lesquels se meuvent les Etats. D’une certaine
manière, la défense économique est le développement des Etats à son stade de
réalisation. Toutefois, il faut perdre garde et éviter la dérive du « tout défense
économique ». Dans le même temps, il faut bien admettre que la notion de défense
économique est de plus en plus dans une situation de grande proximité avec des
concepts qui traduisent l’évolution du monde. Sans être exhaustif, on peut notamment
songer à deux d’entre eux qui connaissent un grand succès, le patriotisme économique
et le développement durable.
III – LA MISE EN ŒUVRE DE LANOTION DE DEFENSE
ECONOMIQUE
Au cœur des stratégies élaborées ou à élaborer, il y a le droit, puisqu’il est le
passage obligé de leur mise en œuvre. On peut ici aussi constater une grande
convergence qui confine à l’harmonisation, voire à la modélisation. Dans cette mise en
œuvre, la part des règles consacrées aux mesures à prendre en amont est de plus en
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plus importante. Sans être exhaustif, on peut citer deux grands principes qui viennent
à l’appui de cette observation, le principe de prévention et le principe de précaution.
La mise en œuvre du principe de prévention en tant que principe juridique
trouve son fondement, sociologique dans le développement d’une culture de la sécurité.
Initialement, ce principe a été consacré dans le domaine de la protection de
l’environnement. Mais, il s’est progressivement étendu à plusieurs autres domaines,
voire même, serait-on tenté de dire, à tous les autres domaines. Il se décline en deux
autres principes : celui de la diligence due et de précaution.
Il ne faut pas s’arrêter au caractère quelque peu ésotérique du principe de la
diligence due. Il signifie simplement la nécessité d’adopter les mesures de précaution
nécessaires, appropriées et réalisables seulement là où existe un risque raisonnable. Un
grand nombre de traités internationaux auxquels l’Algérie a adhéré l’ont consacré. On
peut citer, à titre illustratif, l’article 4, 9 de la convention de Barcelone du 16 février
1976. La convention sur le droit de la mer de 1982 que l’Algérie a ratifiée contient une
disposition qu’on peut qualifier de modèle sur ce point. L’article 194 souligne que »les
Etat peuvent… toutes les mesures… qui sot nécessaires pour prévenir, réduire et
maîtrise la pollution du milieu marin ». Les législations internes des Etats comportent
des règles de ce type dans de très nombreux domaines. L’Algérie n’est pas en reste. Il
sorte qu’il est possible de considérer que l’ensemble de ces textes traduit une tendance
l’objectivation de principe de la diligence due. Toutefois, il continu d’être caractérisé
par une certaine flexibilité.
Il en est de même principe de précaution. Sans vouloir s’engager dans un
débat complexe, et pour tout dire quelque peu byzantin sur les différences à faire entre
les deux principes , il est possible de soutenir, avec beaucoup d’autres, que la
prévention vise les risques avérés, dont l’existence est certaine et la probabilité plus ou
moins bien établie. Quant au principe de précaution, il a affaire aux risques potentiels.
Il participe du souci du droit d’être un réceptacle des changements sociétaux. Il traduit
le passage d’une philosophie rationnelle, à une philosophie plus proche du doute et du
soupçon. C’est un principe aux virtualités sémantiques très larges. C’est sans doute
l’une des raisons qui expliquent son succès général. S’agissant plus précisément de la
défense économique, c’est un principe qui connaît déjà certaines applications, mais qui
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est sans doute appelé à être le principe fondamental autour duquel s’articuleront les
mesures et moyens de la défense économique. C’est le principe philosophico juridique
de l’amont. Dans le même temps, c’est un principe qui doit être utilisé
avec … « précaution ». Principe de l’amont, c’est un droit de l’anticipation. Or, toutes
les stratégies de défense économique mettent aujourd’hui l’accent sur l’anticipation
dans les pires situations imaginables. C’est un droit de la prospective. C’est un
principe qui érige l’incertitude au rang d’élément fondamental à prendre en
considération dans l’élaboration de toute stratégie du futur. Il est est au centre des
stratégies américaines élaborées dans différents domaines. Ceci est évidemment vrai
pour ce qui a été appelé la nouvelle stratégie américaine de sécurité du 20 septembre
2002. Mais, c’est tout aussi vrai de leur stratégie nationale de sécurité maritime
publiée le 20 septembre 2004 dans laquelle, ils ont tout particulièrement insisté sur
l’importance des mécanismes destinés à détecter et à prévenir les menaces pouvant
attendre à leur défense militaire et économique.
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