EVOLUTION DE LA LUTTE CONTRE LA DELINQUANCE FINANCIERE ET LE CRIME ORGANISE Création d'une structure d'identification du patrimoine des organisations criminelles L'évolution des capacités de lutte contre la grande délinquance financière et le crime organisé passe pour ce qui concerne l'Office Central pour la Répression de la Grande Délinquance Financière (OCRGDF) de la Sous-Direction des Affaires Économiques et Financières de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, par un accroissement des moyens humains permettant de répondre à la fois aux exigences opérationnelles liées à la prégnance de certains crimes et délits (blanchiment, financement du terrorisme, fraudes communautaires) et lié à l'impact de la réduction du temps de travail. Dans le champ d'activité de l'OCRGDF, tel que déjà évoqué dans le cadre du plan de modernisation de la Police Nationale et plus particulièrement de la Police Judiciaire, plusieurs secteurs d'activités doivent faire l'objet d'une attention toute particulière en terme opérationnel - Renforcement de l'interaction entre les Offices Centraux chargés de la lutte contre divers crimes et délits et l'OCRGDF, chargé du blanchiment du produit de ces crimes et délits. - Accroissement de la lutte mais également des moyens humains engagés contre le financement du terrorisme, qui a connu une évolution très importante en 2003 au regard de l'avancée normative du 15 novembre 2001 créant deux textes spécifiques de lutte contre les fonds servant de support aux organisations terroristes. Au-delà de ces secteurs d'activité de l'OCRGDF, il convient dans le cadre d'une analyse sur l'évolution des moyens souhaitables à mettre en place pour concourir à une amélioration de la lutte contre le crime organisé, d'évoquer la création d'une structure spécifique d'identification des biens patrimoniaux appartenant aux organisations criminelles et/ou aux criminels euxmêmes. L'évolution de la lutte contre la criminalité organisée passe en effet depuis le début des années 1990 par un renforcement de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale. Aujourd'hui un grand nombre de professions sont astreintes de par la loi à l'obligation de révélation des faits de blanchiment qu'ils peuvent détecter dans le cadre de leurs fonctions. La loi du 13 mai 1996 permet la poursuite pour blanchiment de tous crimes ou délits. Au plan structurel, le création par le décret du 5 mai 1990 de la cellule TRACFIN et de l'OCRGDF a permis la mise en place d'un dispositif de lutte contre le blanchiment à la fois sous l'angle du renseignement et sous l'angle répressif. Ainsi sur la base d'une telle architecture normative et structurelle et après plus d'une dizaine d'années d'expérience dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale, il apparaît extrêmement important de concevoir là création de structures permettant la saisie effective des biens patrimoniaux appartenant aux organisations criminelles ou aux criminels euxmêmes. L'intérêt d'une telle saisie passe tout d'abord par l'exercice d'une démarche répressive, ayant valeur de sanction pour le délinquant, complémentaire de l'éventuelle peine de prison et de l'éventuelle peine d'amende et dont l'effet psychologique et pécuniaire pour ledit délinquant peut apparaître comme non négligeable. L'intérêt par ailleurs de réflectivité d'une telle mesure passe par une action de démantèlement logistique de l'organisation criminelle et par là même facteur de prévention d'actes criminels pour l'avenir faute de moyens financiers pour poursuivre l'activité de l'organisation. La mise en place de structures adaptées à la saisie et la gestion des biens ainsi saisis obéit à un triple impératif : Celui tout d'abord de permettre l'application des textes du code de procédure pénale prévoyant les saisies mais souvent peu utilisés par les magistrats faute de supports administratifs nécessaires pour gérer ces biens. Celui ensuite de compléter les moyens d'investigations.permettant à l'autorité judiciaire d'avoir une lecture la plus exhaustive possible des biens meubles ou immeubles acquis illégalement. Celui enfin d'uniformiser au plan international les moyens juridiques et structurels de saisies et de gestion des biens acquis à partir de l'argent sale. La lutte contre le crime organisé et le financement du terrorisme qui doivent être appréhendés au niveau international nécessite la mise en place d'outils de coopération entre Etats. Ce point est clairement apparu dans le cadre des travaux menés à Paris dans la semaine du 15 au 19 septembre 2003, réunissant sur le thème de la lutte contre le blanchiment des fonds provenant des trafics illicites de produits stupéfiants, des spécialistes de la DEA américaine et des spécialistes français de la justice, de la police nationale, de la douane et de la gendarmerie. Devant ces impératifs, il peut être fait le constat, au niveau français, qu'au plan juridique, les textes permettant la saisie des biens existent déjà dans le cadre de procédure pénale. Concernant les structures de gestion des biens saisis, le projet de loi PERBEN, actuellement en cours de discussion au Parlement, prévoyant la création d'un établissement public, financé par un fonds de concours alimenté par le produit de la saisie des avoirs criminels, correspond à cet impératif d'uniformisation des structures internationales évoquées ci-dessus. Reste enfin la mise en place d'un dispositif structurel et peut-être normatif permettant l'identification des biens appartenant aux criminels ou à l'organisation criminelle. Cette identification qui pourrait être confiée par une autorité judiciaire à l'administration fiscale en application de l'article L10-B du livre des Procédures Fiscales n'apparaît pas pertinent et ce pour plusieurs raisons. La première est qu'au niveau de la phase de l'enquête judiciaire liée à l'investigation pour faits de blanchiment, une première identification sera faite par les enquêteurs eux-mêmes des biens acquis par le produit des activités criminelles, avant même la saisine de l'administration fiscale. La seconde est que seul un service de police est dans la capacité, au travers de ses investigations judiciaires, d'établir le lien entre l'infraction initiale et l'acquisition des biens meubles ou immeubles des criminels. La troisième est que le patrimoine des criminels ou de l'organisation, peuvent par exemple s'il s'agit d'immeubles, se trouver à l'étranger et dans ce cas l'identification peut apparaître plus performante si elle est réalisée au travers des réseaux de la coopération policière et judiciaire. Audelà des biens immeubles il existe aussi des biens meubles de grande valeur qui peuvent ne pas être identifiables par la voie fiscale (tableaux, meubles d'antiquité, or, bijoux...). Ce patrimoine peut aussi reposer sur l'acquisition de valeurs mobilières représentant un investissement financier dans une structure commerciale ou industrielle française ou étrangère réalisé directement ou indirectement par l'intermédiaire de prête noms (personne morale de droit commercial ou civil ou personne physique dit prête-nom) et là encore l'identification par la voie judiciaire apparaît certainement plus performante. La quatrième est basée sur l'intérêt de la gestion du temps. Il apparaît préférable afin d'éviter de rallonger le délai d'instruction basé sur le problème de l'identification des biens d'origine criminelle, de débuter le travail d'identification dès le début de l'enquête et ce en complémentarité du travail des enquêteurs dans la cohérence d'une seule chaîne hiérarchique. Enfin, il est à noter qu'EUROPOL envisage de créer une structure de soutien à l'identification des bien patrimoniaux des organisations criminelles, et qu'il serait utile, à l'instar de ce qui se met en place dans certains pays actuellement tels la Belgique ou la Hollande, que la France dispose aussi, au sein de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, d'un interlocuteur national spécialisé à l'égard d'EUROPOL. Au regard de l'ensemble de ces paramètres, il serait certainement très utile, et dans la logique de ce qui se mettra en place dans le cadre de la loi PERBEN tel que déjà cité, qu'une unité spécifique en charge de l'identification des biens d'origine illégale soit créée au sein de l'Office Central pour la Répression de la Grande Délinquance Financière. Cet Office, de composition pluridisciplinaire, (affectation en son sein d'inspecteurs des Impôts, rattachés à la Brigade Nationale d'Enquête Économique susceptibles d'assurer un interface avec leur administration d'origine, et militaires de la gendarmerie dont un Officier de Liaison susceptible d'assurer lui aussi l'interface avec les services d'investigations de la gendarmerie) pourrait ainsi effectuer en relation avec les autorités judiciaires un travail extrêmement performant dans ce type d'activité. La mise en place d'une telle unité spécialisée nécessiterait l'affectation de 12 fonctionnaires, 8 policiers, 2 militaires de la gendarmerie et 2 inspecteurs des impôts au titre pour ces derniers d'un renfort des agents de la BNEE sur le site de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, SousDirection des Affaires Économiques Financières à NANTERRE.