PARLEMENT EUROPÉEN 14 janvier 2000 DOCUMENT DE TRAVAIL sur le Livre vert: La lutte contre la contrefaçon et la piraterie commission juridique et du marché intérieur Rapporteur: DT\388297FR.doc Mme FOURTOU PE 233.021 Introduction Bien qu’il existe un consensus généralisé pour condamner la contrefaçon et la piraterie, il semble nécessaire de rappeler le coût social, économique, pour l’innovation et la santé publique de ces activités criminelles. Pour ne prendre qu’un exemple, le marché mondial d’enregistrements sonores piratés est estimé à 4,5 milliards de dollars, ce qui représente une perte de ventes pour l’industrie européenne d’environ 2 milliards d’euro. La perte annuelle d’investissements dans l’économie européenne en découlant est estimée à 200 ou 250 millions d’euro, sans compter les pertes de recettes fiscales, d’emplois et de contributions sociales. De surcroît, la contrefaçon et la piraterie nuisent à la créativité et l’innovation qui doivent être la force motrice de l’économie européenne. Elles portent préjudice aux petites et moyennes entreprises créatrices d’emplois et d’idées innovatrices car les fabricants de contrefaçons profitent des investissements faits par l’industrie légitime dans la recherche et le développement de nouveaux produits et dans la publicité. De plus, ils paient peu ou pas d’impôts et de contributions sociales, portant ainsi atteinte aux ressources fiscales des pouvoirs publics. Ces activités comportent de grave risques pour la sécurité et la santé humaine. En effet, il existe sur le marché des contrefaçons des pièces de rechange pour voitures et aéronefs, des jouets, des produits pharmaceutiques, qui peuvent comporter un danger mortel pour le consommateur. Non seulement la contrefaçon et la piraterie sont en elles-mêmes des activités illicites, mais elles s’insèrent dans un cadre plus large de criminalité organisée où l’on est confronté par le trafic de la drogue, le blanchiment d’argent, le terrorisme et la violation de la législation sociale et du droit de travail (p.e. travail au noir). Tandis que les autorités douanières procèdent à des saisis de produits illégaux aux frontières extérieures de l’Union, elles restent plus ou moins impuissantes une fois que de tels produits sont entrés dans l'Union européenne ou quand ils ont été fabriqués dans un Etat membre. En outre, il existe un large degré de tolérance en ce qui concerne le phénomène de la contrefaçon et de la piraterie dans le marché intérieur. En général, le public traite la piraterie et la contrefaçon à la légère, considérant que les seules victimes sont les grandes entreprises. Dans certains cas, la police et la magistrature ne poursuivent pas les malfaiteurs, comprenant les distributeurs de produits illicites, avec toute la diligence requise. Objet du Livre vert Le présent livre vert est destiné à permettre à la Commission d’évaluer l’impact économique de la contrefaçon et la piraterie dans le marché intérieur, d’évaluer l’efficacité de la législation en la matière et d’apprécier s’il est nécessaire de prendre de nouvelles initiatives au niveau communautaire. A cette fin, le livre vert pose un certain nombre de questions avec l’intention de lancer un large débat sur ce sujet. Votre rapporteur se réjouit de cette initiative de la Commission aux de l'ampleur des coûts économiques et sociaux énormes des phénomènes de contrefaçon et de piraterie. Définition de la contrefaçon et de la piraterie Il convient d’abord d’exclure la concurrence déloyale, comme définie par la Convention de Paris, qui relève d’une définition spécifique, et le problème des infractions de bonne foi en matière de brevet. PE 233.021 2/4 DT\388297FR.doc Il faut constater que les notions de contrefaçon et de piraterie peuvent varier d’une langue à l'une autre. Dès lors, les deux notions devraient être traitées ensemble (généralement, on entend par « contrefaçon » toute atteinte à un droit de propriété industrielle et par « piraterie » toute atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin). Par conséquence, la définition des notions de contrefaçon et de piraterie devrait s’appliquer à toute atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Cette définition large permettrait d’appréhender les atteintes en matière de propriété industrielle (marques, dessins ou modèles, brevets, certificats complémentaires de protection pour les médicaments et les produits phytopharmaceutiques, modèles d’utilité), en matière de droit d’auteur et de droits voisins (droits des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes, des producteurs des premières fixations de films, des organismes de radiodiffusion), ainsi que d’autres atteintes en matière de propriété intellectuelle (indications géographiques, certificats d’obtention végétale, droit relatif à la topographie des produits semi-conducteurs, droit sui generis du fabricant d’une base de données…). Elle permettrait également de couvrir les actes de contrefaçon et de piraterie commis par l’intermédiaire d’Internet. Par ailleurs, pour l’application des mesures de suivi, on pourrait laisser aux Etats membres qui le souhaitent la possibilité d’étendre ses mesures à d’autres actes que des actes de contrefaçon et de piraterie au sens strict, telles que les imitations illicites ou les actes de concurrence déloyale définis par l’article 10bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. En principe, les mesures de suivi de nature pénale ne s’appliqueraient qu’aux actes de contrefaçon ou de piraterie intentionnelle commis à une échelle commerciale, ce qui ne priverait pas les Etats membres qui le souhaitent d’être plus sévères. Une approche globale Votre rapporteur préconise une approche globale et coordonnée qui pourra guider la Commission dans ses efforts pour combattre les phénomènes de contrefaçon et de piraterie dans le cadre du marché interne. Cette approche comporterait deux orientations : un aspect de prévention et un aspect de répression caractérisé par la fermeté et l’homogénéité. Prévention Il faudra en premier lieu un programme de sensibilisation du public. Le consommateur doit être informé des aspects illicites et criminels des phénomènes en cause. Il doit être conscient que, lorsqu’il achète une contrefaçon, il est fort probable qu’il entretient la criminalité organisée et qu’il met en danger des emplois dans l’Union européenne. Ce programme peut se fonder sur les programmes existants d’information de la Commission. Il comporterait également la publication d’études et la constitution d’une base de données sur le coût économique et social de la contrefaçon en collaboration avec les professionnels du secteur. Votre rapporteur se réjouit de la proposition de la Commission d'établir un rapport périodique, à l'intention du Parlement européen et du Conseil, sur l'évolution du phénomène dans le marché intérieur et l'efficacité des mesures prises par les différents organismes et instances compétentes. Mais la campagne de sensibilisation ne doit pas s’arrêter au niveau du public. Elle doit aussi s’étendre aux autorités répressives – policiers, magistrats, administrations – pour qu’elles aussi soient pleinement conscientes de la gravité de ces phénomènes et prennent les mesures qui DT\388297FR.doc 3/4 PE 233.021 s’imposent. Dans ce contexte, on peut suivre l’exemple des programmes Carolus et Matheus en créant un réseau professionnels-autorités pour l’information, la détection et la coopération. Il convient dans cette ligne d’introduire un programme de concertation sur la formation des autorités de police et de justice, et sur leurs efforts pour lutter contre ces activités criminelles ('best practice' et échange de savoir-faire). Sur le modèle d'action de la protection des intérêts financiers de la Communauté européenne, il faut renforcer le rôle de l'OLAF dans la coordination des actions des autorités nationales par une obligation de fourniture d'informations à l'OLAF par ces autorités dès le droit du fond enfreint par le pirate ou le contrefacteur est de nature communautaire. Finalement, les négociations pour l’adhésion de nouveaux pays membres devrait insister sur les aspects de protection des droits de propriété intellectuelle. Il faut également en tenir compte dans les négociations commerciales avec les pays tiers. Un cadre répressif ferme et homogène Ici le but essentiel est d’éviter qu’un pays membre soit la porte d’entrée des contrefaçons au marché intérieur. La protection de la propriété intellectuelle et industrielle est assurée par l'octroi d'un droit juridique sur cette création (enregistrement par exemple). La contrefaçon et la piraterie viennent remettre en cause l'exercice de ce droit. Ainsi, il est nécessaire, tout d'abord de donner un statut juridique communautaire à certaines créations intellectuelles et ensuite de protéger l'exercice de ce droit. Premièrement, il faut établir un système européen de sanctions uniformes minimales, comportant une procédure simplifiée et facilitant la preuve. Dans ce contexte, il faudrait insister sur la dimension criminelle de la contrefaçon et de la piraterie. En deuxième lieu, il faut alourdir les sanctions (et notamment les dommages et intérêts) pour renforcer le caractère dissuasif de la répression. Le cas échéant, il devrait être possible de combiner une action civile avec une action pénale. Finalement, il serait opportun de renforcer la coopération judiciaire et pénale. Ce point est étroitement lié à la mise en place d'un Espace de Liberté, Justice et Sécurité. PE 233.021 4/4 DT\388297FR.doc