Altruisme et compassion en économie - resilience

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L’altruisme et la compassion dans les systèmes économiques
Un dialogue à la jonction de l’économie, des neurosciences et des sciences contemplatives.
Zurich, Suisse, 9-11 avril 2010
La crise financière mondiale et son impact dévastateur sur des millions d’êtres humains
mettent en évidence l’importance de la dimension éthique dans les systèmes économiques. La
crise financière mondiale qui a commencé en 2008 est le signe le plus évident démontrant la
vulnérabilité à la corruption et à l’avidité des systèmes économiques reposant sur la
compétition. Toute la question est de savoir si nous sommes en mesure de développer des
alternatives viables, productives, capables de récompenser également la compassion et
l’altruisme et de résoudre les véritables problèmes de société liés à la pauvreté et à
l’environnement.
La vingt-deuxième conférence du "Mind and Life Institute" offrira une occasion unique
d’échanges interdisciplinaires de haut niveau centrés sur les dimensions éthiques et morales
des systèmes économiques. Elle rassemblera des économistes, des psychologues, des
pratiquants des sciences contemplatives, des anthropologues et des chercheurs en
neurosciences de renom. Ces intervenants travaillent sur les fondements des prises de décision
économiques, de la coopération, du comportement prosocial, de l’empathie et de la
compassion. Ils exploreront plus particulièrement la pertinence des motivations prosociales et
de l’altruisme dans un système économique mondial de plus en plus compétitif.
Cette conférence a pour but de servir de catalyseur susceptible d’initier de nouveaux projets
de recherche dans ces domaines, et de proposer de nouvelles applications économiques qui
intégreraient des valeurs éthiques universelles telles que l’équité, la confiance et la
compassion dans les systèmes économiques actuels. Nous tenterons de répondre aux
questions suivantes : « Comment des motivations et des résolutions prosociales et fondées sur
le bien-être commun peuvent-elles influencer les prises de décision économiques ? Peut-on
avoir recours aux pratiques contemplatives afin d’apprendre à développer et à renforcer les
valeurs éthiques de ces systèmes économiques tout autant que l’esprit des hommes qui les
gèrent et les régulent ? Est-il possible de concevoir un système économique qui récompense
non pas seulement les individus mais également les sociétés, qui ne gratifie pas uniquement
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les gains concurrentiels mais les motivations basées sur la coopération, la compassion et qui
propose des solutions face aux problèmes sociétaux urgents telles que l’inégalité et la
pauvreté à l’échelle planétaire ? »
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Session 1
Compassion, empathie, altruisme et comportement prosocial.
Comment les économistes, les spécialistes des sciences humaines et de la science
contemplative définissent-ils et évaluent-ils les thèmes principaux de cette rencontre, à savoir
les notions de compassion, d’empathie, d’altruisme et de comportement prosocial ? Lors de
cette session, des chercheurs de renommée mondiale exposeront une vue d’ensemble, à la fois
brève mais systématique, de ces thèmes tels qu’ils sont compris par les neurosciences, la
psychologie et le bouddhisme. Ils expliqueront la raison pour laquelle ces valeurs morales
universelles sont pertinentes dans notre société d’aujourd’hui et pour le bien-être de ses
membres. Cette introduction théorique sera étayée par une explication des méthodes
bouddhistes qui ont pour but de développer et de cultiver la compassion et les motivations
sociales altruistes. Il s’ensuivra un résumé des découvertes récentes effectuées dans le
domaine des neurosciences sur les effets de l’entraînement à la compassion sur le cerveau, sur
le comportement ainsi que sur la santé.
De nouvelles découvertes issues des champs d’investigation des neurosciences appliquées aux
sciences humaines (sociologie et psychologie) commencent à identifier les substrats
neuronaux de l’empathie et de la compassion et leur plasticité essentielle. Ces travaux récents,
extrêmement passionnants, jettent une lumière nouvelle sur la nature de l’empathie et sur les
facteurs qui transforment la conscience que l’on a de l’état d’esprit d’autres personnes en la
motivation d’agir pour leur bien.
Les traditions bouddhistes définissent cette motivation comme étant la compassion et
affirment qu’elle exige d’être développée par la pratique. Cet entraînement débouche sur une
transformation fondamentale de l’empathie – qui peut être utilisée pour manipuler ou tromper
autrui – en une compassion qui met en œuvre des aptitudes prosociales qui abolissent la
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distinction entre membres appartenant à un groupe donné et membres extérieurs à ce groupe,
entre amis et étrangers.
Cette présentation couvrira de nombreuses études qui effectuent des recherches sur les
fondements neuronaux et hormonaux de ces aptitudes ainsi que sur leur plasticité liée à un
entraînement approprié. Ces recherches qui s’appuient sur les techniques d’encéphalographie
et d’IRM fonctionnel testent à la fois des débutants et des pratiquants expérimentés au
moment où ils s’engagent dans les différentes formes de méditation sur la compassion ou au
cours de l’apprentissage de nouvelles facultés émotionnelles.
Les questions-clés de la discussion de ce groupe seront les suivantes : « En quoi les
conceptions bouddhistes de la compassion, de l’empathie et de la sympathie se rapprochentelles ou diffèrent-elles de la compréhension commune qu’ont les neurosciences et la
psychologie de l’empathie et des concepts corollaires ? L’empathie est-elle une condition
nécessaire au développement de la sympathie et de la compassion ? Laquelle de ces aptitudes
favorise le mieux un comportement social altruiste ? Comment peut-on entraîner de façon
maximale le développement des motivations prosociales et compassionnelles ? Quels sont
leurs effets sur notre santé et sur celle d’autrui, sur notre bien-être et sur nos actions ?
Comment relier la motivation éthique qui incite à agir de façon compassionnée avec les
leviers fondamentaux des systèmes économiques afin d’ induire un changement ? Dans ce
domaine de recherche, quelles sont les questions en suspens qui exigent d’être examinées à
l’avenir ? »
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Session 2
Altruisme et intérêt personnel : l’altruisme est-il possible dans un système économique?
En s’appuyant sur les avancées mises en évidence lors de la première session concernant les
valeurs éthiques selon les points de vue scientifique et contemplatif, la deuxième session
examinera la nature de l’intérêt personnel par rapport à l’altruisme et posera la question de
savoir comment ces deux tendances humaines apparemment opposées pourraient être l’une et
l’autre exploitées dans des systèmes économiques nouveaux. Nous nous concentrerons plus
particulièrement sur la façon dont les motivations égoïstes et altruistes, c’est-à-dire des
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intentions orientées vers le bien d’autrui, peuvent s’interpréter en termes de fonctionnement et
de bien-être de l’homme en général et plus particulièrement dans le cadre du comportement
économique et des échanges sociaux.
Au cours de cette session nous examinerons les définitions économiques de l’altruisme et
l’évolution de la notion de coopération, notion qui inclut des modèles de réciprocité forte,
directe et indirecte, ainsi que les concepts de punition altruiste et de récompense effectuées
dans le but de stabiliser la coopération dans les grandes sociétés.
Le regard que porte l’anthropologie évolutionniste sur la coopération et l’altruisme chez les
autres espèces offrira un complément fascinant à la science et à la philosophie humaines,
ouvrant le champ à un dialogue riche de questions profondes : « La compassion et le
comportement altruiste font-ils partie de l’évolution de notre nature ? De quelles preuves
disposons-nous pour établir les bases éthiques de valeurs sociales fondamentales tels que
l’empathie, la confiance, l’altruisme chez les autres espèces ? La moralité de l’homme n’estelle qu’un mince vernis qui recouvre une nature profonde fondamentalement égoïste qui doit
être régulée par un apprentissage extérieur, ou bien existe-t-il dans la nature humaine une part
qui est déjà empreinte de compassion et d’empathie, capable, à condition d’être développée,
de guider la personne de l’intérieur ? Quelles distinctions établit-on dans la science, la
philosophie et les études contemplatives entre « authentique » et « faux » altruisme?
Comment l’égoïsme et l’altruisme s’articulent-ils avec la notion de coopération dans les
systèmes économiques ? L’altruisme risque-t-il de détruire un système économique ? »
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Session 3
Recherche économique sur l’altruisme et le comportement prosocial
Au matin du second jour de la conférence, nous présenterons les découvertes importantes en
économie ainsi que le nouveau domaine d’investigation de la neuroéconomie qui se concentre
sur les bases comportementales et neuronales de la coopération et de son rapport avec la
punition altruiste, avec notre sens de l’équité, avec la prise de décision économique, la
motivation et le comportement prosocial.
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Avec l’émergence des micro-économies expérimentales, les modèles économiques de
coopération et d’échanges sociaux entre les hommes ont récemment commencé à intégrer des
conceptions plus réalistes des priorités sociales de certains groupes humains et à comprendre
les motivations qu’un groupe humain nourrit envers une autre population. Ce qui se traduit,
par exemple, par le fait d’inclure des intentions d’équité dans des modèles de coopération et
d’échanges sociaux.
Quelques années après l’émergence de l’application des neurosciences aux sciences
humaines, naissait le nouveau terrain de recherche de la neuroéconomie qui intègre
l’économie, la psychologie et les neurosciences proprement dites. Il a pour objet d’étude les
mécanismes neuronaux qui sous-tendent la prise de décision économique, la coopération et les
échanges sociaux ; il analyse ces éléments de recherche en s’appuyant sur les activités
d’échanges monétaires, tels qu’ils sont développés dans la théorie des jeux. Ces découvertes
se rattachent aux notions de confiance, de priorités sociales tels que l’équité, la coopération,
les processus liés à la récompense lors des prises de décision, le don altruiste (les donations)
autant que la punition altruiste. Cet exposé sera suivi d’une présentation de l’économie du
bonheur.
Le dialogue s’articulera autour des questions suivantes : « Que nous apprennent ces
découvertes sur l’homo economicus et sur la prise de décision en général? Quel est le rôle de
la récompense et de l’avidité dans le processus de la prise de décision et comment s’oppose-til à la notion de générosité ? Comment s’articulent les concepts de coopération et de
compétition ? Quel rôle joue la recherche de l’accumulation des richesses et du bien-être dans
la prise de décision ? Comment les conceptions du bouddhisme considèrent-elles les
nouvelles recherches effectuées dans le domaine de la neuroéconomie ? Comment les
neurosciences peuvent-elles influencer et changer notre conception de l’homo economicus et
des systèmes économiques en général ? »
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Session 4
Introduire la prosocialité dans les systèmes économiques : la micro-finance et les entreprises
non-lucratives.
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Les sessions précédentes ont établi les bases conceptuelles et empiriques indispensables pour
évaluer le rôle de l’altruisme, de la compassion et de la coopération dans les systèmes
économiques. Au cours de cette session, nous allons vérifier s’il existe des preuves que des
programmes économiques et des entreprises incorporent déjà des valeurs sociales dans leurs
structures. La session 4 sera consacrée aux réalisations pratiques dans le domaine de
l’économie et se concentrera sur l’application de modèles économiques tels que la microfinance, les entreprises à but non-lucratif, l’investissement responsable et la philanthropie.
Ces approches sont particulièrement intéressantes parce qu’elles montrent comment, dans la
vie économique, le profit et les motivations égoïstes peuvent être intégrées à des buts sociaux
altruistes.
De nouveaux modèles économiques tel que le microcrédit (lancé dans les années 1970 par
Mohammed Yunus, fondateur de la Grameen Bank qui pourvoit aujourd’hui aux besoins de
sept millions de Bangladaises très défavorisées) ont mis au point de nouvelles stratégies et
développé des institutions qui ont pour but de permettre à des populations à faibles revenus de
bénéficier de services financiers et d’aider les plus déshérités à sortir de la misère. De même,
les entreprises à vocation sociale sont créées dans le but spécifique d’atteindre des objectifs
sociaux positifs dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la pauvreté ou de
l’environnement. Ces initiatives sont non-lucratives afin d’éviter que les profits ne bénéficient
qu’aux investisseurs. Nous présenterons ces modèles économiques principalement axés sur
des objectifs sociaux et non sur la génération de profits.
Le débat suivant comparera ces différents modèles économiques. Est-il plus efficace de prêter
de l’argent aux pauvres comme dans le cas du microcrédit ou de leur faire des dons comme le
font le bouddhisme et la philanthropie traditionnelle ? Quelles sont les limites des entreprises
à but social et des systèmes de microcrédit ? De quelle manière peut-on appliquer ces modèles
économiques dans les pays développés et industrialisés ? Peut-on développer un système
économique qui récompense non seulement des personnes mais aussi des sociétés, qui ne
gratifie pas seulement les bénéfices concurrentiels mais valorise les motivations
compassionnelles et altruistes et qui propose des solutions afin de répondre directement aux
problèmes concrets de l’inégalité et de la pauvreté dans le monde ? Cette dimension altruiste
de la nature humaine peut-elle être mieux intégrée, et de façon plus créative, dans les
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méthodes actuellement en vigueur dans la mondialisation des échanges commerciaux? Quels
sont les obstacles qui s’opposent à de tels changements et comment pouvons-nous les
surmonter ?
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Session 5
Réflexions, intégration et futures orientations pour la recherche et la politique
La dernière session abordera d’abord le rôle d’une gestion judicieuse de la mise en œuvre des
politiques prosociales et des motivations altruistes dans les systèmes économiques. Ce sera
enfin l’occasion de résumer et d’intégrer les travaux soumis par les intervenants lors des
sessions précédentes, études portant sur la prosocialité humaine et les comportements
économiques.
L’objectif consistera à la fois à faire la synthèse des nombreuses et fructueuses perspectives
évoquées durant les jours précédents, mais aussi à déterminer un agenda de recherches
pertinent, fruit des dialogues interdisciplinaires des sessions antérieures.
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