La place de l*Homme sur terre

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LA PLACE DE L’HOMME SUR TERRE
Introduction
L’ensemble des êtres vivants se caractérise par une unité qui traduit une origine commune. Ils sont tous constitués de cellules, l’ADN représente leur information génétique, les mécanismes d’expression des gènes sont universels.
Toutes les espèces sont plus ou moins étroitement apparentées. Comment
peut-on situer l’Homme au milieu de ces êtres vivants ?
La place de l’Homme sur Terre
La place de l’Homme sur terre
PLAN DU COURS
I.
DE L’ANTHROPOCENTRISME AU CREATIONNISME
A.
B.
C.
D.
E.
F.
II.
L’HOMME ET LES AUTRES ANIMAUX
A.
B.
C.
D.
III.
Dans l’Antiquité
À la Renaissance
Pendant le siècle des Lumières
Au XIXe siècle : évolutionnistes contre créationnistes
Au XXe siècle : l’avènement de la génétique et l’eugénisme
Le retour du créationnisme
La parole chez les animaux
Le cerveau des primates
Ce qui distingue l’Homme du Chimpanzé
Génétique des primates
LA PLACE PARTICULIERE DE L’HOMME
A. Les animaux et la conscience
B. La singularité de l’Homme
IV.
L’EVOLUTION
A. Qu’est-ce que l’évolution ?
B. Pourquoi évoluer ?
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La place de l’Homme sur Terre
I.
DE L’ANTHROPOCENTRISME AU CREATIONNISME
A. Dans l’Antiquité
Démocrite (460-370 av. J.C.)
La nature est composée dans son ensemble de deux principes : les atomes (ce qui est plein) et le vide (ou néant). Les
mondes sont ainsi gouvernés par des forces créatrices aveugles, et il n’y a pas de providence.
Aristote (384-322 av. J.C.)
« Puisqu'en effet parmi les êtres les uns sont éternels et divins tandis que les autres peuvent aussi bien exister ou non et
participent au pire comme du meilleur ; comme l'âme est meilleure que le corps matériel, l'animé meilleur que l'inanimé
parce qu'il a une âme, comme être est meilleur que ne pas être et vivre que ne pas vivre, pour toutes ces raisons il y a
génération des animaux. Puisqu'il est impossible que la nature de ce genre d'être soit éternelle, c'est seulement dans une
certaine mesure que ce qui naît est éternel. Individuellement, il ne le peut pas. Mais il peut l'être du point de vue de l'espèce. Voilà pourquoi il existe perpétuellement un genre des hommes, des animaux, des végétaux. »
Génération des animaux II, 1, 731b
L’anthropocentrisme
Consiste à considérer l’Homme comme l'entité centrale la plus significative de l‘Univers. Aristote a lancé le concept
d'anthropocentrisme en plaçant l’homme, cet « animal raisonnable », au sommet de la hiérarchie des espèces. Ce concept est né en même temps que le géocentrisme.
Le géocentrisme
Conception du Monde consistant à placer la Terre au centre de l’Univers.
Pythagore (580-495 av. J.-C.)
Pythagore fut l’un des premiers à affirmer que la Terre était ronde. Il a posé les bases de l’héliocentrisme. D’autres pythagoriciens ont par la suite avancé l’idée que la Terre tournait sur elle-même.
Aristarque de Samos (310–230 av. J.-C.)
Aristarque est connu grâce aux écrits d’Archimède. Il aurait développé l’idée que la Terre tournait autour du Soleil en
plus de tourner sur elle-même.
Ératosthène (276–194 av. J.-C.)
Il est le premier à avoir établi avec une bonne précision la circonférence de la Terre grâce à des calculs géométriques
déduits de la taille des ombres portées au moment du solstice d’été dans deux endroits situés à des latitudes différentes. Ses calculs donnèrent 39 375 km de circonférence à la Terre. La valeur mesurée de nos jours est de 40 075 km.
B. À la Renaissance
Copernic 1473-1543
Après de nombreux siècles de retour en arrière concernant l’étude du cosmos, l’idée communément admise à l’époque
de Copernic était que la Terre se situait au centre de l’Univers. Copernic a relancé l’idée de l’héliocentrisme. Ses idées
furent rejetées unanimement par les astronomes de son époque.
Galilée 1564–1642
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La place de l’Homme sur Terre
Galilée fut un fervent défenseur de la thèse copernicienne dont il démontra de nombreux points par le biais
d’observations sur les mouvements des planètes. La parution de son ouvrage intitulé Sidereus Nuncius lui valut d’être
condamné. La thèse de Galilée intéressa Descartes qui défendit alors l’héliocentrisme dans un ouvrage dont il ne publia
que des extraits accompagnés du célèbre Discours de la méthode. Les ouvrages de Galilée furent interdits jusqu’à la
moitié du XVIIIe siècle où le Pape Benoît XIV dût admettre suite à d’autres observations que la Terre pouvait peut-être
tourner.
« Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilei de Florence, âgé de soixante-dix ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé
devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant
les yeux et touchant de ma main les Saints Évangiles, jure que j'ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et
avec l'aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église Catholique et Apostolique affirme, présente et enseigne. Cependant, alors que j'avais été condamné par injonction du Saint Office d'abandonner complètement
la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n'est pas au centre du
monde et se déplace, et de ne pas défendre ni enseigner cette doctrine erronée de quelque manière que ce soit, par oral
ou par écrit; et après avoir été averti que cette doctrine n'est pas conforme à ce que disent les Saintes Écritures, j'ai écrit
et publié un livre dans lequel je traite de cette doctrine condamnée et la présente par des arguments très pressants, sans
la réfuter en aucune manière ; ce pour quoi j'ai été tenu pour hautement suspect d'hérésie, pour avoir professé et cru que
le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n'est pas le centre, et se meut. [...] »
René Descartes (1596-1650)
Descartes, bien que défendant la thèse héliocentrique, soutient dans son Œuvre la supériorité de l’Homme sur les animaux qu’il ne considère que comme des machines dénuées d’âme.
« Or, par ces deux mêmes moyens, on peut aussi connaître la différence qui est entre les hommes et les bêtes. Car c'est
une chose bien remarquable qu'il n'y a point d'hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter même les insensés,
qu'ils ne soient capables d'arranger ensemble diverses paroles, et d'en composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées; et qu'au contraire il n'y a point d'autre animal, tant parfait et tant heureusement né qu'il puisse
être, qui fasse le semblable. Ce qui n'arrive pas de ce qu'ils ont faute d'organes : car on voit que les pies et les perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c'est-à-dire en témoignant qu'ils pensent ce qu'ils lisent ; au lieu que les hommes qui étant nés sourds et muets sont privés des organes qui
servent aux autres pour parler, autant ou plus que les bêtes, ont coutume d'inventer d'eux-mêmes quelques signes, par
lesquels ils se font entendre à ceux qui étant ordinairement avec eux ont loisir d'apprendre leur langue. Et ceci ne témoigne pas seulement que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu'elles n'en ont point du tout : car on
voit qu'il n'en faut que fort peu pour savoir parler ; et d'autant qu'on remarque de l'inégalité entre les animaux d'une
même espèce, aussi bien qu'entre les hommes, et que les uns sont plus aisés à dresser que les autres, il n'est pas croyable
qu'un singe ou un perroquet qui serait des plus parfaits de son espèce n'égalât en cela un enfant des plus stupides, ou du
moins un enfant qui aurait le cerveau troublé, si leur âme n'était d'une nature toute différente de la nôtre. Et on ne doit
pas confondre les paroles avec les mouvements naturels, qui témoignent les passions, et peuvent être imités par des
machines aussi bien que par les animaux ; ni penser, comme quelques anciens, que les bêtes parlent, bien que nous n'entendions pas leur langage. Car s'il était vrai, puisqu'elles ont plusieurs organes qui se rapportent aux nôtres, elles pourraient aussi bien se faire entendre à nous qu'à leurs semblables. C'est aussi une chose fort remarquable que, bien qu'il y
ait plusieurs animaux qui témoignent plus d'industrie que nous en quelques-unes de leurs actions, on voit toutefois que
les mêmes n'en témoignent point du tout en beaucoup d'autres : de façon que ce qu'ils font mieux que nous ne prouve
pas qu'ils ont de l'esprit, car à ce compte ils en auraient plus qu'aucun de nous et feraient mieux en toute autre chose ;
mais plutôt qu'ils n'en ont point, et que c'est la nature qui agit en eux selon la disposition de leurs organes : ainsi
qu'on voit qu'une horloge, qui n'est composée que de roues et de ressorts, peut compter les heures et mesurer le temps
plus justement que nous avec toute notre prudence.
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La place de l’Homme sur Terre
[…] Au reste, je me suis ici un peu étendu sur le sujet de l'âme, à cause qu'il est des plus importants : car, après l'erreur
de ceux qui nient Dieu, laquelle je pense avoir ci-dessus assez réfutée, il n'y en a point qui éloigne plutôt les esprits
faibles du droit chemin de la vertu, que d'imaginer que l'âme des bêtes soit de même nature que la nôtre, et que par
conséquent nous n'avons rien ni à craindre ni à espérer après cette vie, non plus que les mouches et les fourmis ; au lieu
que lorsqu'on sait combien elles diffèrent, on comprend beaucoup mieux les raisons qui prouvent que la nôtre est d'une
nature entièrement indépendante du corps, et par conséquent qu'elle n'est point sujette à mourir avec lui ; puis, d'autant
qu'on ne voit point d'autres causes qui la détruisent, on est naturellement porté à juger de là qu'elle est immortelle. »
Descartes
Discours de la Méthode (1637)
Blaise Pascal (1623-1662)
« Nous sommes composés de deux natures opposées, […] d’âme et de corps. »
Pascal
Robert Hooke (1635-1703)
Biologiste britannique. Il est le premier à avoir décrit les cellules, unités de base du monde vivant.
Antoni Van Leeuwenhoek (1632-1723)
Biologiste néerlandais. Il perfectionne les premiers microscopes et est le premier à observer des micro-organismes,
formes de vie unicellulaires invisibles à l’œil nu.
C. Pendant le siècle des Lumières
L'âme, selon certains courants religieux et philosophiques, est le principe vital, immanent ou transcendant, de toute
entité douée de vie (homme, animal, végétal). La vision du Monde de l’époque est fondée sur la croyance selon laquelle
la vie, la Terre, et par extension l'Univers, ont été créés par Dieu, selon des modalités conformes à une lecture littérale
de la Bible. Cette conception du Monde donnera naissance plus tard à la notion de créationnisme au XIXe siècle. C’est
cet héritage judéo-chrétien qui nous conduit à nous sentir supérieurs au monde animal.
Charles Bonnet (1720-1793)
Biologiste et philosophe suisse. Dans Palingénésie philosophique (1769). Bonnet défend l'immortalité de l'âme de l'être
humain mais aussi de celle des animaux. C'est un vaste essai où il puise à des connaissances très vastes comme la géologie, la biologie, la psychologie et la métaphysique pour décrire la vie sur Terre et son futur.
Voltaire (1694-1778)
Écrivain et philosophe français. Il dénonce dans de nombreux ouvrages le fanatisme religieux de son époque.
« Étrange imagination de Charles Bonnet. Je ne sais quel rêveur nommé Bonnet, dans un recueil de facéties, appelées par
lui Palingénésie, paraît persuadé que nos Corps ressusciteront sans estomac et sans les parties de devant et de derrière,
mais avec les fibres intellectuelles et d’excellentes têtes. Celle de Bonnet me paraît un peu fêlée ; […] je lui conseille
quand il ressuscitera, de demander un peu plus de bon sens et des fibres un peu plus intellectuelles que celles qu’il eut en
partage de son vivant »
Voltaire
D. Au XIXe siècle : évolutionnistes contre créationnistes
Charles Darwin (1809-1882)
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Naturaliste britannique. En 1859 Darwin publie « De l’origine des espèces ». Il pose les bases de la théorie de l’évolution
et s’attire les foudres de l’Église et de ses contemporains pour qui l’Homme ne peut pas descendre du singe. C’est à ce
moment que naît réellement le mouvement créationniste.
Johann Gregor Mendel (1822-1884)
Moine tchèque. Il étudie la transmission de caractères chez le pois de senteur et publie ses travaux en 1865 qui posent
les bases de la génétique. Ses travaux sont oubliés pendant près d’un demi-siècle avant d’être redécouverts au début du
XXe siècle.
E. Au XXe siècle : l’avènement de la génétique et l’eugénisme
Wilhelm Ludvig Johannsen (1857-1927)
Botaniste danois. Il invente en 1909 le mot « gène » pour désigner le support des caractères héréditaires décrits par
Mendel.
Thomas Hunt Morgan (1866-1945)
Généticien américain. Il confirme que les chromosomes sont bien le support physique des gènes, eux-mêmes contenant
une information responsable des caractères des individus : l’information génétique. Il participe indirectement au développement d’une nouvelle « science » : l’eugénisme.
F. Le retour du créationnisme
L’Intelligent Design
Le dessein intelligent (« Intelligent Design ») est présenté comme une théorie scientifique avec un grand nombre de
faits et une argumentation qui semble sans faille. Il est en fait considéré comme une résurgence du créationnisme qui
était en perte de vitesse au XXe siècle. Ces créationnistes d’un nouveau genre cherchent à démontrer la fausseté de
l’évolution par sélection naturelle. S’ils acceptent l’idée d’une évolution et d’un Univers âgé de 15 milliards d’années, ils
refusent le concept de mutations aléatoires entrainant l’évolution des espèces et préfèrent y voir une cause intelligente,
une finalité. Les créationnistes sont en général de bons orateurs exerçant leur art de la rhétorique pour désinformer le
public, face à des contradicteurs scientifiques souvent bien moins à l’aise. Mais leur argumentation est biaisée, basée
essentiellement sur leurs convictions et la ridiculisation non fondée des théories darwiniennes.
La position de l’Église vis-à-vis de l’évolution
23 octobre 1996 : Jean-Paul II déclare que « près d’un demi-siècle après la parution de l’Encyclique (Humani generis), de
nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse ».
21 novembre 2005 : George V. Coyne, ancien directeur de l'Observatoire du Vatican et responsable du groupe de recherche de l'observatoire basé à l'université d'Arizona à Tucson prend position pour les théories de l'évolution et affirme que « l’intelligent design » n’est pas de la science même s’il en a la prétention.
2006 : Richard Dawkins, biologiste, soutient dans son livre The God Delusion que « permettre à un designer intelligent
d'être responsable pour une complexité improbable repousse seulement le problème », car selon lui, un tel designer
devrait être au moins aussi complexe.
Avril 2007 : Benoît XVI, successeur de Jean-Paul II, déclare que le christianisme a fait « l'option de la priorité de la raison
créatrice au début de tout et principe de tout ».
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La place de l’Homme sur Terre
II.
L’HOMME ET LES AUTRES ANIMAUX
A. La parole chez les animaux
Comme l’a signifié Descartes, certains animaux peuvent articuler des sons qui peuvent aller jusqu’à former des mots.
Mais on ne peut effectivement pas parler de langage chez les perroquets car leur évolution ne s’est pas faite dans le
sens de l’acquisition d’un langage parlé. Ils restent des oiseaux et leur cortex n’est pas aussi développé que le nôtre ou
que celui des autres primates mais leur cervelet l’est beaucoup plus comparativement à leur taille. Le cervelet joue un
rôle dans les fonctions motrices et la coordination des mouvements, dans l’orientation dans l’espace et dans l’équilibre.
B. Le cerveau des primates
Le cortex des primates est particulièrement développé. Il a subi une longue évolution depuis son apparition. On distingue le néocortex, le paléocortex et l’archicortex. L’archicortex est le plus ancien, il est commun à tous les vertébrés,
des poissons jusqu’à l’être humain. Le paléocortex est apparu chez les vertébrés terrestres et le néocortex est commun
aux oiseaux, crocodiles et mammifères. Il est particulièrement développé chez les primates. L’Homme, par rapport à sa
taille, est l’animal qui présente le néocortex le plus développé mais ce développement est le fruit d’une longue évolution.
C. Ce qui distingue l’Homme du Chimpanzé
Anatomiquement, l’Homme adulte présente des différences flagrantes par rapport au chimpanzé adulte mais beaucoup
moins par rapport au jeune chimpanzé. Nombreux sont ceux qui pensent que l’Homme est un animal néoténique.
La néoténie décrit, en biologie du développement, la conservation de caractéristiques juvéniles chez les adultes
d'une espèce, ou le fait d'atteindre la maturité sexuelle par un organisme encore au stade larvaire. Elle est liée à une
« anomalie » dans le programme du développement embryonnaire et post-natal.
L’hétérochronie désigne une modification dans la durée et/ou la vitesse de développement d’un organisme. Cette modification conduit souvent à la néoténie. On a pu recenser un certain nombre de cas d’animaux qui freinent voire stoppent
leur développement avant l’âge adulte. C’est le cas chez une salamandre du nom d’Ambystoma mexicanum (ou Axolotl)
qui acquiert sa maturité sexuelle avant la métamorphose qui n’a quasiment jamais lieu sauf quand les conditions environnementales changent.
D. Génétique des primates
Les quelques différences anatomiques entre l’Homme et le chimpanzé ne traduisent qu’au maximum 2 % de différence
génétique. Autrement dit, le patrimoine génétique humain est similaire à plus de 98 % à celui du chimpanzé. De petites
mutations dans les gènes du développement ont pu engendrer ces grandes différences morphologiques entre l’Homme
adulte et le chimpanzé adulte. Dans la classification des êtres vivants, l’Homme est donc incroyablement proche des
chimpanzés.
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III.
LA PLACE PARTICULIERE DE L’HOMME
A. Les animaux et la conscience
Selon l’ensemble de la communauté scientifique et certains philosophes (Jean-Paul Sartre dans l’Être et le Néant), l’âme
est vue comme un mythe et la science en récuse totalement l'existence.
La conscience est une notion beaucoup plus concrète bien que toujours subjective. Les animaux, jusqu’à un certain degré selon les espèces, sont aussi doués de conscience. Les chimpanzés sont doués de cognition, de préméditation
d’action, d’évaluation de chances de succès pour une action donnée. Ils savent coopérer ou se rebeller, apaiser les conflits ou trahir la confiance de l’autre. Ils sont capables d’altruisme ou d’empathie (face à la douleur d’un congénère).
Certaines expériences ont été réalisées chez d’autres animaux que les primates et les conclusions tendent à être généralisables à de nombreux mammifères voire aux oiseaux.
« Des études sur les grands singes montrent de manière quasi indéniable que certains primates ont une conscience de la
perte, de la mort de l’un des leurs. Les observations les plus déconcertantes viennent des chimpanzés. […] Lorsqu’un
chimpanzé adulte meurt, les autres se rassemblent autour de la dépouille, le touchent et l’observent. […] Des observations encore plus troublantes viennent des éléphants d’Afrique, étudiés notamment au Kenya par Cynthia Moss en 1976.
À la mort de l’une des femelles du groupe, les autres éléphants sont restés longuement autour du cadavre, le touchant
délicatement avec leur trompe et leurs pieds. Ils ont ensuite gratté la terre et en ont parsemé le cadavre à l’aide de leur
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trompe. Certains sont partis dans les buissons avoisinants afin de casser des branches qu’ils ont déposées sur la dépouille. À la nuit tombée, le corps de l’éléphante était recouvert de terre et de branchages. […] Des cas similaires sont
légion et, bien qu’on ne puisse pas parler de véritable enterrement, nous pouvons légitimement penser que la mort chez
certaines espèces entraîne une ritualisation, similaire par divers aspects au cérémonial pratiqué par une grande partie de
la population humaine. »
Emmanuelle Grundmann, éco-anthropologie et ethnobiologie, Muséum national d’histoire naturelle
La Recherche, n°378, septembre 2004, p.77
B. La singularité de l’Homme
Le langage articulé et l’écriture sont les deux traits qui distinguent particulièrement l’Homme des autres animaux. La
transmission d’un savoir au fil des générations reste la condition sine qua non pour une évolution du langage et de la
capacité d’abstraction. Par conséquent l’écrit est indispensable pour une transmission « transgénérationnelle » fidèle du
savoir.
L’écriture est possible chez l’Homme parce qu’il a appris à parler, grâce à son anatomie et à l’hétérochronie de son développement (néoténie). La position verticale et la bipédie permanente ont dégagé le larynx et permis aux cordes vocales d’émettre des sons articulés. Le cerveau humain ainsi que la présence d’un pouce opposable ont été déterminants
dans l’acquisition de la faculté d’écrire et de transmettre des messages. Nous sommes juste les seuls à cumuler ces
traits anatomiques, voilà pourquoi nous sommes les seuls à avoir développé l’écriture, la transmission de savoirs complexes, la capacité d’abstraction, un sens artistique et une vraie culture. Il a suffi de 2 % de transformations génétiques
par rapport aux autres singes. L’histoire aurait pu être tout autre…
L’Homme est un animal pluricellulaire (plusieurs cellules), c’est aussi un vertébré (colonne vertébrale), un amniote (amnios et liquide amniotique), un mammifère (mamelles, lait, placenta), un primate (pouce opposable), simiiforme (singe),
hominoïde (disparition de la queue), hominidé (grands singes), homininé du genre Homo et de l’espèce sapiens.
IV.
L’EVOLUTION
A. Qu’est-ce que l’évolution ?
L’évolution est un mécanisme. Il n’y a pas de finalité. D’après Lucrèce déjà (1er siècle avant J.C.) : « Aucun organe de
notre corps n’a été créé pour notre usage, mais c’est l’organe qui crée l’usage. Ni la vision n’existait avant la naissance
des yeux, ni la parole avant la création de la langue : c’est bien plutôt la naissance de la langue qui a précédé de loin celle
de la parole. » Nous sommes le résultat de la contingence : ce qui peut se produire ou non. Nous sommes la somme de
ce qui aurait pu ne pas être. L’évolution est liée à la sélection naturelle : ce qui procure un avantage sélectif est conservé, ce qui est handicapant est éliminé. Le seul « finalisme » acceptable est de considérer que la Vie ne trouve son intérêt
que dans sa propagation. La survie et la reproduction des individus sont donc primordiales.
B. Pourquoi évoluer ?
La théorie de la reine rouge (Van Valen) part du constat suivant : la probabilité d'extinction d'un groupe d'êtres vivants
est constante au cours des temps géologiques. Elle tire son nom d'un épisode fameux du livre de Lewis Carroll : De
l'autre côté du miroir (deuxième volet, d'Alice au pays des merveilles) au cours duquel le personnage principal et la
Reine Rouge se lancent dans une course effrénée. Alice demande alors : « Mais, Reine Rouge, c'est étrange, nous couPage 8
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rons vite et le paysage autour de nous ne change pas ? » Et la reine répondit : « Nous courons pour rester à la même
place. » Cette métaphore symbolise la course aux armements entre les espèces. Ainsi, si la sélection naturelle favorise
les prédateurs les plus rapides, elle favorise aussi les proies les plus rapides.
La théorie du gène égoïste, vulgarisée par Richard Dawkins en 1976 dans son livre The Selfish Gene, constitue une remise en perspective de la théorie de l'évolution. Les gènes qui nous construisent coopèrent pour atteindre un même
« but » : la sortie vers une génération suivante. Le corps n’est qu’un moyen de transport pour les gènes : nous sommes
des véhicules à ADN et nos gènes ne sont pas seuls. Les mitochondries possèdent leurs propres gènes, elles sont probablement d’anciennes bactéries incorporées à nos cellules. Certaines parties de notre ADN ne sont même pas des gènes
et profitent du travail des gènes actifs. D’autres encore sont des gènes proviraux intégrés à notre génome depuis des
millénaires.
L’Homme cumule des avantages sélectifs acquis au cours de l’évolution (colonne vertébrale, respiration, reproduction
sexuée, pouce opposable, néocortex développé, bipédie, langage…) MAIS ce n’est qu’une succession de hasards évolutifs (contingence) qui l’a mené à cette organisation structurale.
Les espèces actuelles ont toutes des « choix de vie » différents qui ne sont ni pires, ni meilleurs que le nôtre. Toutes les
espèces encore vivantes de nos jours sont au même niveau : elles sont encore là. Le seul « but » de l’évolution, si tant
est qu’on s’autorise à parler en termes de but, est de pérenniser la vie, peu importe la manière. Dire que l’Homme est la
somme d’innovations évolutives parmi les meilleures qui soient, c’est encore de l’anthropocentrisme. Les bactéries restent des organismes simples et pourtant, il y a fort à parier qu’elles survivent à l’Homme. En revanche, l’Homme reste le
seul à pouvoir raconter cette histoire !
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