LA TAUpe Elle vit en dessous de nos pieds ! Tu marches tranquillement, tu te balades, car c’est le mois de mai et qu’il fait beau (attention, s’il pleut pendant que tu lis ton journal, interdiction de faire un procès au magazine ). Mais es-tu conscient que certaines choses se passent sous terre ? Il y a des insectes, bien sûr, les racines des arbres et des fleurs et… des taupes ! (du moins, peut-être) La taupe, un animal passionnant que tu connais sans doute depuis ta plus tendre enfance et qu’aujourd’hui nous éclaircissons. Braquons une lampe de poche sur sa vie afin de tout savoir sur elle… Et de découvrir, par exemple, qu’elle sait nager ! C’est dur à croire et pourquoi, c’est la stricte vérité, même si on style n’est pas très gracieux ! Elle fait vingt-cinq mètres en septante-cinq secondes ! Elle avance à peu près à une vitesse de 1,2 km/h et peu rester cinquante minutes sous l’eau. Incroyable, non ? Alors, prêt à découvrir encore plein de choses sur l’insectivore ? Prêt, partez, FEU ! ! ! Mais qui est-elle ? La Taupe fait partie de la famille des Talpidae, qui comprend les taupes-musaraignes, les taupes et les desmans, vivant tous dans la partie Nord du globe : Amérique du Nord et Eurasie. Ce sont donc des insectivores qui ont été très peu étudiés à cause de leur discrétion – pour la taupe, sachons qu’il n’est pas facile d’étudier un animal dont la principale partie de sa vie se passe sous terre ! L’espèce qui a retenu le plus d’attention de la part des biologiste est la taupe d’Europe (Talpa europaea) dont le mode de vie représente bien les autres taupes. Il y a vingt-cinq espèces de taupes (les vraies taupes et les taupes-musaraigne). Mais il y a aussi dix-huit espèces de taupes dorées qui vivent en Afrique. Ces taupes dorées ne font elle pas partie de la famille des Talpidae, mais de celle des chrysochloridés dont les taupes dorées sont les seules représentantes. Quant au desman, il y en a deux espèces : le desman des Pyrénées, et celui de Russie. Tu peux voir ci-dessous un tableau représentant bien les diverses espèces d’insectivore. un corps adapté à sa vie Les taupes possèdent un corps qui est adapté à leur mode de vie sous terre. Elles possèdent de larges membres antérieurs en forme de bêche tournés vers l’extérieure qui lui servent de puissants outils de creusement. Ils sont attachés à des épaules musculeuses et à un profond sternum. La peau est plus épaisse sur le torse car c’est cette région qui soutient la masse du corps lorsque l’animal est en train de creuser ou de dormir. Le reste de son corps est plutôt cylindrique, avec des hanches tout de même légèrement étroites et des membres postérieurs courts et vigoureux. Leur queue n’est pas longue et est normalement dressée pour ne pas gêner. Celle-ci mesure de deux à trois centimètres chez la taupe d’Europe. Elle est munie de vibrisses sensorielles. On raconte qu’il y a très longtemps, sur terre, existait une femme tellement orgueilleuse que Dieu l’envoya vivre sous terre et c’est ainsi que naquit le premier ancêtre de la taupe. Si cette histoire est vraie, chacun peut en douter, mais ce qui est sûr, c’est que les pattes de la taupe ressemblent étrangement aux mains humaines. Elles possèdent cinq doigts à chaque pattes ! ! ! Chez la plupart des espèces de taupes, on peut trouver un os supplémentaire situé dans les pattes qui augmente la surface du pieds : dans les membres postérieures, il sert à soutenir le corps, dans les membres antérieurs à creuser la terre. Sa tête est allongée et se termine par un museau dénué de tout poil, rose qui est extrêmement sensible. Par exemple, chez la taupe à nez étoilé d’Amérique du Nord, le museau est pourvu de vingt-deux tentacules, chacune possédant des milliers d’organes sensoriels (voir photo). Ses yeux, qui sont très petits, sont cachés sous une épaisse fourrure ou, comme chez la taupe aveugle, couverts de peau. La connaissance sensorielle au sujet de la taupe est très limitée. On suppose qu’ils ne peuvent apercevoir que les ombres. Ils ne se servent que de leur vision pour repérer les proies – qui doivent tout de même avoir une odeur, même infime, sinon, elle ne peut pas la distinguer dans le noir complet – ou pour s’orienter. La taupe possède des oreilles, mais on ne peut pas les voir car il n’y a pas de pavillons, juste deux petits trous dans le crâne. On pense qu’elle communique surtout grâce à des ultrasons. Mais de tous les sens, on sait que c’est l’odorat qui est le plus important. La taupe repère un verre de terre à six centimètres grâce à l’odeur dans le noir complet, ou encore à travers une paroi de dix millimètres d’épaisseur. La taupe a une taille parfaite. Imaginons qu’elle soit plus petite. Serait-ce un avantage ? Oh que non ! Elle n’aurait alors plus assez d’énergie pour remuer la terre. Plus grosse, alors ? Non plus ! Car il lui faudrait alors capturer un nombre insensé de verres de terre pour parvenir à calmer sa faim ! En 1702, Guillaume III d’Orange-Nassau, le roi d’Angleterre et d’Ecosse, se promenait à cheval quand celui-ci trébucha sur une taupinière, occasionnant la chute mortelle de son cavalier. Ravis, les opposants au souverain, les jacobites, portèrent des toasts en l’honneur de « petit gentilhomme en velours noir », surnom flatteur depuis lors donné à la taupe en Angleterre ! Toutes les taupes pèsent environ cent grammes. Elles mesurent de onze à dix-sept centimètres. Ses poils sont noirs, avec quelques fois quelques des nuances de brun ou de gris. Sur le ventre, leur fourrure est légèrement plus claire. Les pattes et le nez sont quasiment nus. La taupe se repère entre le jour et la nuit plus ou moins bien, car à ses sens. En effet, lorsqu’elle sent que le sol chauffe, c’est que le soleil est présent et c’est donc le jour. Par contre, la nuit, il fait plus froid. La taupe possède quarante-quatre dents qui vont considérablement s’user. C’est d’ailleurs l’un des éléments de la mort de la taupe. Peu de ces animaux parviennent à vivre au-delà de trois ou quatre ans. Une taupe de sept ans est aussi difficile à trouver qu’un homme de cent vingt ans. Ses molaires sont pourvus de cuspides ou arêtes, en forme de W, idéales pour broyer les insectes ! Rapide comme une taupe La taupe n’est pas un animal comme les autres, puisqu’elle évolue sous terre, un milieu dans lequel elle doit se déplacer. Contrairement à ce que l’on croit souvent, elle ne creuse pas constamment. Mais lorsqu’elle le fait, elle utilise différentes méthodes… En fait, elle a trois façon d’avancer. La première est nommée la méthode « T.G.V », la plus simple et la plus rapide des trois. Lorsqu’elle l’utilise, elle parvient à avancer à une vitesse de 3,6 km/h, la vitesse d’une homme qui marche à une allure normale. Bien sûr, cela ne te paraît peut-être pas beaucoup, mais c’est considérable pour un être d’une dizaine de centimètres ! Les galeries des taupes, dont nous te parlerons après, sont de véritables labyrinthes et la taupe parvient à s’y retrouver car aux marques qu’elle y laisse, aux cailloux, etc… Lorsque la taupe utilise cette méthode, elle court donc et se déplace comme un autre animal sur la terre ferme. Mais comme c’est quelque fois un peu trop sommaire, elle possède par exemple un autre moyen : la méthode du teckel. Alors que celle du T.G.V lui sert pour attraper les vers de terre dans les tunnels larges, lorsque les galeries deviennent plus étroites et que la taupe a envie de se mettre un lombric sous la dent, elle évolue en plaquant ses pattes sur les parois et en se poussant. Mais il elle n’arrive toujours pas à trouver quelque chose à manger, elle se résout à creuser de nouveaux tunnels pour aller chercher de la nourriture. Pour cela, elle utilise ses deux pattes avant. Toutes les quatre à cinq pelletées, elle change de patte et passe de la droit à la gauche. Grâce à cette méthode, son tunnel est régulier et par la même occasion elle conserve ses outils. Mais ses pattes arrières travaillent dures, elles aussi. Elles sont écartées au maximum et enfoncent leurs pointes acérées dans les murs, poussant la taupe de toute leur force. Evidemment, derrière son dos, les déchets s’amoncellent, comme tu peux le voir sur le dessin juste à côté. Voilà pourquoi, lorsque le tas est devenu trop important, elle l’évacue vers l’extérieur. Elle se retourne alors avec une souplesse impressionnante qui était longtemps inconnue aux scientifiques qui ne comprenaient alors pas comment elle faisait en une seconde et quatre centièmes ! Pas mal, non ? Et puis elle apporte ses déchets à la surface, un tas qui peut peser jusqu’à dix fois sont poids. Ce sont ses pattes arrières qui lui permettent d’avancer car elle est transformée comme un petit bulldozer. Elle a crée une sorte de cheminée qu’elle escalade, ses pattes arrières s’accrochant solidement sur les bords et elle pousse le tas à l’aide de ses pattes avant, qu’elle place alors au dessus de sa tête, qu’elle pousse l’énorme fardeau. Tu peux voir sa technique sur le dessin juste en dessous. Ces tas peuvent atteindre plus d’un mètre cinquante. En laboratoire, on a montré qu’un taupe était capable de soulever d’une seule patte vingt-cinq fois son propre poids. Quand il y a trop de déchets dans une sortie, la taupe décide de construire une nouvelle cheminée et elle rebouche l’autre cheminée en même temps qu’elle en construit une nouvelle. Si sa galerie est peu profonde (quinze centimètres sous terre), elle fore des cheminées tous les cinquante centimètres environ. Par contre, si ses tunnels sont beaucoup plus profonds, les taupinières seront plus espacées, mais aussi beaucoup plus grandes… Quelques fois, la galerie creusée est à moins de cinq centimètres sous terre et elle n’a alors même pas besoin de construire des cheminées puisqu’elle se contente de repousser la terre avec le dos et avec sa main vers le haut. Cela crée une sorte de couloir en forme de boudin que l’on appelle galerie de surface et elle est plus fréquemment utilisé par les jeunes. La longueur du territoire de la taupe dépend essentiellement du sol, s’il est riche ou pauvre en nourriture. Mais en général, il fait de trente à cent vingt mètres de long. Cependant, au printemps, le mâle augmente considérablement son territoire parce qu’il part à la recherche d’une femelle. La taupe dorée, qui vit en Afrique du Sud, n’a pas toujours une terre riche en nourriture. On peut alors trouver, sur son territoire, 250 m de tunnel sur, quelques fois, 5000 m2 (un demi hectare) ! ! ! On trouve normalement de sept à onze taupes par hectare en Europe et en Asie, ce chiffre augmentant considérablement lorsqu’il s’agit de l’Amérique puisqu’on y trouve une bonne douzaine de taupes par hectare. Un bon appareil respiratoire La taupe possède un excellent appareil respiratoire qui lui permet de respirer correctement. En effet, normalement, un homme, pour travailler, a besoin de respirer un air non pollué comportant le taux réglementaire de 21 % d’oxygène. Or, quelques fois, le taux d’oxygène dans les galeries de la taupe descend à 6 % seulement ! Ses poumons sont énormes, deux fois plus grand que ceux d’un animal de sa taille qui vit sur terre. Elle a également dans ses veines deux fois plus de sang et deux fois plus d’hémoglobine que pour n’importe quel animal ordinaire. Ainsi, chez elle, le sang représente 8% de son poids total alors que chez le campagnol terrestre, il ne prend même pas 4%. Cependant, si perfectionné que soit leur équipement, elle doit sans cesse faire attention à ne pas se laisser asphyxier au fond de sa « mine ». Il suffit d’un petit bouchon de terre compacte d’un centimètre d’épaisseur pour me couper totalement l’arrivée de l’air ; et si elle n’arrive pas à se sortir de là, la mort vient en moins de cinq minutes. La taupe utilise ses taupinières comme filtre à vent : quand la bise souffle, cela introduit de l’air frais dans les galeries. Elle creuse aussi régulièrement des galeries d’aération qui remontent jusqu’à la surface. Voilà de quoi se ravitailler en oxygène ! Un petit somme Mais, comme nous l’avons déjà dit, la taupe ne creuse pas en permanence. Au contraire, neuf fois sur dix, ses petites séances de forages durent une vingtaine de minutes. A part pour la taupe dorée, qui passe environ 75% de sa vie à creuser, parce que ses tunnels sont situés plusieurs mètres en dessous du sol, là où ce n’est plus de sable, mais de la terre solide. Mais c’est une exception. Ensuite, elle se repose. De toute façon, quoi qu’il arrive, au bout de trois quarts d’heure maximum, que son estomac soit plein à ras-bord ou encore complètement vide, la taupe regagne à sa chambre dans laquelle elle s’est fabriquée un petit nid douillet avec des feuilles et de l’herbe. Mais quelques fois, on y trouve aussi des vieux journaux, des plumes de perdrix ou encore, comble des comble, on a trouvé une taupe qui avait fait un nid avec des paquets de chips vides. En fait, la taupe confectionne son nid avec ce qu’elle trouve sur son chemin. Donc tout dépend du lieu où elle habite. La chambre de la taupe est toujours fermée avec de la terre. Elle y entre puis rebouche afin de pouvoir sommeiller tranquillement. De plus, il est toujours à plusieurs dizaines de centimètres sous le sol et irrepérable par les hommes depuis la terre ferme. Elle mesure 1,70 m de diamètre et peut mesure jusqu’à 90 cm de hauteur. Son sommeil dure trois ou quatre heures, mais elle récupère bien car son état est proche de l’hibernation : sa température chute de plusieurs degrés et sa respiration ralentit. A trois séances de roupillon par jour, il est facile de calculer que la taupe dort une douzaine d’heures sur vingt-quatre – soit la moitié de sa vie – à dormir. Mais pour les taupes habitant dans les zones marécageuses ou montagneuses, cela se complique. Pour les premières, elles risqueraient de se faire ensevelir ; quant au deuxième, elles ne disposent bien souvent que d’une couche de terre trop peu épaisse au-dessus de la roche. Heureusement, elle ont trouvé une solution bien adaptée : elles construisent leur nid au ras de l’herbe et le recouvrent d’une grosse masse de terre qui les protègent du fois. Sous le tas de terre se cachent de nombreuses galeries et quelques issues de secours. En fait, c’est une manière très pratique de compter l’âge d’une taupe puisque, tous les douze mois environ, la taupe quitte sa vieille chambre humide pour en reconstruire une autre. Donc, s’il y a trois chambres, c’est que la taupe a trois ans. Mais pourquoi ? Tout simplement parce que l’énorme villa de la taupe est une telle réussite que, l’automne venu, de nombreux autres animaux s’y réfugient. La taupe voit donc arriver des insectes, dont des puces et des acariens qui se blottissent dans la fourrure de la taupe ou alors dans les feuilles de son nid douillet. Quelques fois, des crapauds ou des grenouilles se rendent également dans sa maison. Le nid est alors infesté et la taupe, pas assez folle pour recommencer tout le travail d’une nouvelle habitation, se construit juste une nouvelle chambre. Un problème de météo La taupe redoute deux saisons : l’été et l’hiver. L’été, en juillet-août, lorsque la canicule s’installe, la taupe craint les sécheresses. Les verres de terre, qui détestent la terre sèche, descendent dans les profondeurs. La taupe creuse donc plus bas (80 cm en dessous du sol). Mais ensuite, les verres de terre ne supportant pas la terre sèche, hibernent – on appelle ça une estivation. Elle pourrait encore creuser comme une folle pour les découvrir, mais la terre est à présent devenue dure comme du béton. La taupe se résout donc à une situation d’urgence : sortir trouver sa nourriture sur terre, où elle se débrouille bien plus mal que sous la terre. Elle sort de préférence la nuit. En hiver, c’est encore pire, car le gel est le pire ennemi de la taupe. Bien sûr, elle pourrait se gaver pendant l’automne, mais elle serait alors trop grosse pour passer dans ses tunnels. Car, sachez-le, l’expression « gras comme un fouan » (fouan était l’un des nonante-neuf noms populaires pour désigner la taupe) est fausse, puisque la taupe a une réserve de graisse de seulement trois grammes, de quoi tenir un jour et demi sans manger, et encore, en restant couché toute la journée. La taupe va donc tenter de faire des réserves, mais des vraies, puisque lorsqu’elle sera rassasiée, à l’approche des mauvais jours, elle continuera à chasser à la recherche de lombrics – sortes de vers de terre – et leur sectionnera uniquement une partie de la tête et la bouche : ils se retrouveront anesthésiés et elle le transportera dans un « congélateur » qu’elle aura préparé. Les bêtes se mettront d’elle-même en hibernation et resteront immobiles jusqu’à qu’elles viennent les dévorer. On a découvert, un fois, dans un nid, plus de 1300 lombrics, ce qui faisait plus de deux kilos de protéines. Un animal solitaire Comme tu l’as sans doute remarqué, la taupe est un animal solitaire. Elles ne font pas bon ménage en captivité car elles se battent et s’entretuent. La plupart du temps, on peut voir le vainqueur dévoré le vaincu. Hormis la période où ils s’accouplent, la taupe ne tolère aucun congénère dans ses galeries et ils s’évitent mutuellement, se signalant sans doute par des marques olfactives : les taupes des deux sexes ont des glandes situées sous l’abdomen, sécrétant une matière odorante qui s’accumule sur le pelage. Cette matière tapisse donc les parois des tunnels. L’odeur, très fugace, est renouvelle régulièrement pour que la taupe puisse faire valoir ses droits de propriétaire d’une galerie. Ceci est apparemment très clair quand l’une des taupes meure : en quelques heures seulement, ses congénères s’aperçoivent de son absence et envahissent le territoire. Un insectivore sans pitié Les taupes se nourrissent principalement d’invertébrés, de gastéropodes ou d’insectes, en particulier de vers de terre ou lombrics. Lorsqu’elles sortent, en été, si l’occasion s’en présente, elle dépèce des animaux morts, comme des grenouilles, des oiseaux ou des petits mammifères. Les galeries font office de piège. Tout animal vivant sous terre tombe parfois dans un tunnel de la taupe où la proie n’a que très peu de chance de s’en sortir. La terre se fortifiant toute seul, le verre de terre ne parviendra pas à creuser une fente pour s’y glisser assez vite avant que la taupe, maîtresse des lieux, ne vienne le dévorer. En effet, grâce à ses sens développé, la taupe repère facilement la moindre vibration, captant également d’où vient le bruit, et est alors « avertie » dès qu’un ver de terre vient lui rendre une petite visite. Lorsqu’il s’agit d’un ver de terre ou d’un lombric, la taupe n’a pas trop de problème car ce sont des animaux peu mobiles. Elle les fait glisser entre ses griffes de devant, enlevant ainsi la terre qui repose sur le corps de l’animal. Elle aspire ensuite sa proie par la bouche puis la mastique bruyamment avec les molaires. Face à des proies plus grosses, notre amie tue souvent la bête à coups de dents et de griffes avant de l’emmener dans l’une de ses galeries pour la dévorer tranquillement. Elles ne consomment que quarante à cinquante grammes de vers par jour. Recherche femelle De la fin de l’hiver jusqu’au mois d’avril, les taupes mâles mettent tout en œuvre pour trouver une femelle. En effet, pendant ces quelques semaines, il va tripler son territoire, taupinière sur taupinière, à la recherche d’une femelle qui voudrait bien de lui… pour quelques temps ! Le mâle ne regagne même plus son nid pour dormir après des heures de travail, mais s’endort sur place, dans le froid et l’humidité de février. Certains sortent même à la surface ! De plus, les chaleurs des femelles sont de très courtes durées puisqu’elles ne durent que de vingt-cinq à trente heures. Si le fiancé arrive trop tard – ou trop tôt – il sera jeté dehors à l’aide de coups de crocs, de pelles et de griffes. Le mâle poursuit la femelles dans les tunnels jusqu’à qu’elle accepte de s’accoupler avec lui. L’accouplement a lieu à l’intérieur des galeries et une heure après, le mâle repart à la recherche d’une nouvelle femelle. Petit bébé est là La gestation dure au grand maximum une trentaine de jours. Il naîtront au plus tard en juin. Dès que la femelle sent qu’elle va bientôt accoucher, elle se dépêche de creuser une chambre spéciale dans laquelle elle mettra bas et élèvera ses petits. Cette chambre ressemble à toutes les autres, sauf qu’elle n’a pas de sortie de secours. Dès la naissance, on peut voir sur les taupes les petites pattes déjà « prête à creuser » (ou presque). Lorsqu’elle vient de naître, la taupe est rouge vif, puis elle passera successivement pendant les dix premières journées de sa vie au rose, au gris bleu et finalement au noir profond. Pendant les cinq semaines qui suivent la naissance, la maman taupe va avoir une vie très chargée. Seule pour élever ses quatre petits (nombre habituel d’une portée), le père s’étant évaporé dans la nature une heure après l’accouplement, elle court partout dans les galeries, chasse pour cinq, revient plusieurs fois par jour pour allaiter ses jeunes insatiables. En effet, ses derniers, qui pèsent 3,5 g à la naissance, en pèseront 60 trois semaines plus tard ! Imagine un bébé de 3,5 kg à la naissance qui passerait à 60 kg vingt et un jours plus tard ! A cette saison, heureusement, les proies sont nombreuses. Et la mère a tout prévu puisque dans ses galeries, elle possède plusieurs chambres de réserve où elle pourra y transporter ses petits en cas de besoin. A un mois, les petits ressemblent déjà beaucoup à leur mère, même s’ils sont encore d’une taille assez réduite. Ils quittent leur « boule de foin », déjà infestée de puces, pour commencer à explorer le territoire maternel. Ensuite, lorsqu’ils ont trente-cinq jours et pèsent moins de 100 g, la mère va les chasser du nid maternel, car ils commencent à être quelque peu encombrants. Les petits, qui ne creusent encore que très mal, remontent à la surface et partent à la recherche d’une galerie vide dans laquelle une taupe serait morte récemment. Hélas, beaucoup y laisseront leur peau, se faisant soit prendre par une chouette, soit ils mourront de faim, n’étant pas habitué à chasser sur terre. Sur dix bébés taupes, seulement trois ou quatre seront encore là l’année d’après. A la merci de la mode Les taupes ne sont pas les animaux les plus aimés de ce monde et je crois que tu le sais bien. Depuis des siècles, impopulaires, elles sont chassées pour leur fourrure et détestées à cause de leur taupinière « encombrant » les jardins. Heureusement, aujourd’hui encore assez nombreuses, on peut dire que leur mode de vie souterraine les a aidés à résister à l’extermination. La taupe a très peu d’ennemis naturels, sa chair étant très mauvaise. Son seul ennemi est l’homme, qui la traque pour sa fourrure. Dès l’époque des romains, ses poils servaient à confectionner des chapeaux, plus tard, entre le XVIIème et XIXème siècle, on faisait des manteaux, des casquettes, des porte-monnaie et des ornements de tabatières avec la fourrure de ces pauvres bêtes. Mais ce n’est que dans les années 1890 que le commerce a commencé à prendre une folle ampleur. En 1904, plus d’un million de peau étaient mis en vente sur le marché de Londres. Près de 20% de ces fourrures provenaient d’Allemagne. Le marché s’écroula en 1914, à cause de la guerre, mais la mode reprit au cours des années vingt. La demande américaine était si forte qu’on leur avait envoyé, pendant les « années folles » près de douze millions de peaux provenant d’Europe et, trente ans plus tard, encore un million de taupes étaient piégées chaque année en Grande-Bretagne. Détestée des jardiniers La taupe est considérée comme nuisible par les fermiers, les jardiniers et ceux qui entretiennent les terrains de golf. Bien sûr, la taupe détruit fréquemment les parties souterraines des plantes et extermine les vers de terre qui sont des acteurs importants de la fertilisation du sol. Mais ces dommages sont de loin compensés par le rôle qu’elle joue en luttant contre les animaux nuisibles : en effet, elle consomme en grandes quantités les courtilières, les vers blancs, les chenilles de terre et de nombreux insectes qui portent tous préjudice aux cultures humaines. Hélas, ce travail écologique n’est pas pris en compte par les gens car les taupinières, outre son aspect inesthétique, gêne le travail mécanisé et les pierres amenées à la surface par les taupes lors de leurs terrassements occasionnent des dégâts aux tranchants des tondeuses et machines agricoles. On trouve une à deux tonnes de vers de terre par hectare et la taupe en mange une quinzaine de kilogrammes par an ! De plus, son labyrinthe sert de tout-à-l’égout, absorbant les grosses pluies d’orange, les empêchant de ruisseler partout en surface et d’emporter la terre arable jusque dans la rivière. Elle ameublit et aère aussi le sol. C’est pourquoi l’expansion des taupes est régulée à grande échelle, notamment par l’usage de poisons dont on enduit les lombrics. Mais cette méthode a l’inconvénient de provoquer la mort d’autres animaux que ceux visés… Mais avant ça, l’homme avait inventé des moyens bien pire : un homme attrapait des taupes et leur accrochait des ciseaux à une patte, ce qui la broyait. La pauvre bête allait ensuite mourir, après quelques longues heures d’agonie, l’instrument de torture accroché à la patte. Et puis, a-t-on vraiment le droit de détruire un animal qui respecte le cycle de la vie alors que nous ne le faisons pas ? ? ? La réponse est non, bien entendu. Et nous espérons que tu es d’accord. Si un jour, tu voyages dans le temps et que tu atterris au dix-neuvième siècle et que quelqu’un te dit : « J’ai taupé toute la journée », cela voudra dire qu’il a travaillé toute la journée. En effet, le verbe « tauper » était très courant ! Mais on utilisait aussi l’adjectif : « taupier » pour traiter quelqu’un d’égoïste. Et le « taupage », c’était s’entêter à vouloir vivre seul, sans s’occuper des autres. LA TAUPE PEUT-ELLE ÉVOLUER À VINGT CENTIMÈTRES DU SOL ? A PRIORI NON PUISQU’ELLE NE PEUT PAS VOLER ! EH BIEN SI ! LORSQU’IL Y A BEAUCOUP DE NEIGE, ELLE CREUSE DANS LA MASSE BLANCHE ! (VOIR PHOTO)