Pierre Dionis du Séjour Interne T3 – 5ème semestre Stage de

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Pierre Dionis du Séjour
Interne T3 – 5ème semestre
Stage de Gériatrie
RSCA – 5
Actuellement interne en court séjour d’un hôpital gériatrique, je reçois Madame L agée de 92
ans.Elle est transférée pour la prise en charge d’une décompensation d’insuffisance cardiaque sur
poussée d’arythmie cardiaque sur fibrillation auriculaire (ACFA). Elle présente par ailleurs une perte
d’autonomie progressive occasionnant un maintien au domicile difficile.
Je n’ai qu’une seule entrée prévue cet après-midi. Je vais donc avoir le temps de
l’approfondir. Nous avons un dossier médical standardisé, avec différents cadres à remplir et
quelques échelles gériatriques à réaliser. Cela nous permet de débuter, dès l’entrée, une prise en
charge gériatrique globale.
La patiente nous a été transférée des urgences d’une clinique privée située à une vingtaine
de kilomètre. La patiente a l’air un peu perdue. Malheureusement, comme cela arrive bien trop
souvent, personne n’a pris le temps de lui expliquer ce qui lui arrivait et où elle était transférée. Je
commence donc, pour la mettre en confiance, à lui rappeler ce qui lui était arrivé (d’après ce que
l’observation des urgences m’indiquait) et ce que nous allions faire ici.
Je commence par faire le point avec elle sur ses ATCD et je récupère son ordonnance.
Dans ses antécédents :
- ACFA connue anti coagulée par XARELTO.
- Hypertension artérielle (HTA).
- Infarctus du myocarde, Il y a 7 ans, avec mise en place d’un stent inter ventriculaire
antérieure.
- Accident ischémique transitoire il y a 5 ans.
- Arthrose diffuse.
- Syndrome dépressif et insomnie chronique.
- Reflux gastro-oesophagien.
- Cataracte bilatérale.
- Prothèse totale de hanche droite.
- Cholecystectomie.
- Appendicetomie.
- Pas d’ATCD familial particulier, pas d’intoxication alcoolo-tabagique.
Son ordonnance habituelle :
- KARDEGIC 75 mg, 1 sachet le midi
- CORDARONE 200 mg, 1 cp le matin
- XARELTO 15 mg, 1 cp le matin
- TRIACTEC 5 mg, 1 cp le matin
- TAREG 40 mg, 1 cp le matin
- FENOFIBRATE 300 mg, 1 cp par jour
- INEXIUM 20 mg, 1 cp le soir
- LEXOMIL 6mg, ½ cp matin et soir
- PAROXETINE 20 mg, 1 cp le matin
-
TRAMADOL 50 mg, 1 cp 3 fois par jour si douleur
Je reprends ensuite avec elle l’histoire de la maladie. Tout d’abord, cela faisait quelques
temps qu’elle se sentait plus fatigué qu’à l’habitude. Elle était essoufflée au moindre effort et devait
dormir avec plusieurs oreillers. Elle se plaignait également de palpations. Il y a 2 jours, elle venait de
se lever, se dirigeait vers la cuisine, elle sentit une faiblesse généralisée, des vertiges puis un malaise
l’ayant conduit à chuter. Elle n’a pas perdu connaissance mais était très essoufflée et n’arrivait plus à
se relever. Elle resta plusieurs heures sur le sol. Elle n’arriva pas à rejoindre son téléphone pour
appeler les secours. Elle décrit cet épisode avec une angoisse importante. Fort heureusement, son
voisin du dessus, l’entendis en passant devant chez elle en rentrant de son travail.
Elle a ensuite été transférée par les pompiers aux urgences les plus proches. A l’arrivée, elle
présente une hypothermie à 35 °C, une tachycardie à 150 battements par minute, une tension
artérielle à 14/9 mmHg, une saturation en oxygène à 91 % sous 6l/min O2. L’examen clinique
retrouve des signes d’insuffisance cardiaque droite et gauche, des crépitants bilatéraux montant
jusqu’à mis champs pulmonaire, un hématome au niveau de la hanche droite, un examen
neurologique et abdominal sans anomalie.
La radiographie thoracique est en faveur d’un œdème aigu pulmonaire. Le bilan biologique
une hyponatrémie à 125 mmol/l, une kaliémie à 5.1 mmol/L, une insuffisance rénale avec urée 16,4
mmol/l et créatininémie 132 micromol/l, NtProBNP augmenté à 17531 pg/ml, troponine augmentée
à 30 ng/l, pas d’anémie, pas de syndrome inflammatoire biologique. L’electrocardiogramme : une
tachycardie sur ACFA sans trouble de la repolarisation majeur. La radiographie du bassin ne retrouve
pas de lésion osseuse.
Le diagnostic porté aux urgences est une insuffisance cardiaque aigue sur ACFA rapide. Un
traitement par oxygénothérapie nasale, ralentissement de la fréquence cardiaque par digoxine,
anticoagulation par calciparine (avec arrêt du Xarelto), traitement diurétique intraveineux est
introduit.
Après stabilisation et un passage de 24 heures aux lits portes, la patiente nous est transférée
pour poursuite de la prise en charge.
J’aborde ensuite ses conditions de vie. Elle vit habituellement à Longjumeau, en
appartement, au premier étage sans ascenseur. Elle est veuve. Elle a deux enfants, un garçon vivant
près de Tours et une fille en Bretagne. Elle était couturière et dispose d’une retraite modeste. Elle
présente depuis quelques mois des difficultés de plus en plus importantes à effectuer les actes de la
vie quotidienne. Elle sort de moins en moins de chez elle. Elle dispose depuis quelques semaines du
portage des repas au domicile : « vous vous rendez compte, mois qui aimait tellement cuisiner ». Une
aide-ménagère vient également 2 fois par semaine l’aider pour le ménage et fait quelques courses.
Au niveau sensoriel, elle a une petite hypoacousie non appareillée, pas de plainte mnésique
particulière et la vision et correcte avec ses lunettes.
J’appelle ensuite son médecin traitant. Il a noté une perte d’autonomie importante ces
derniers mois, des difficultés plus importantes à la marche et une certaine tristesse de l’humeur. La
famille étant peu présente, s’était une situation compliquée à gérer. Il a mis les services sociaux de la
ville sur le coup. Cela a permis d’introduire le portage des repas et l’aide-ménagère. Au niveau
médical, elle présente cette ACFA depuis environ 1 an maintenant, objectivée sur un ECG au cabinet
(elle se déplaçait encore à ce moment-là). Il avait lui-même introduit le xarelto. Il lui avait proposé
une hospitalisation il y a quelques semaines pour faire le point mais la patiente avait refusé.
Sur le plan cardiologique :
Pour la poussée d’insuffisance cardiaque, l’évolution est favorable sous traitement
diurétique. Il est nécessaire de réévaluer le traitement à visé cardiologique chez cette patiente.
Une échographie cardiaque est réalisée : hypertrophie ventriculaire concentrique modérée,
rétrécissement aortique modéré, fraction d’éjection 55 %, PAPS 35 mmHg, Dilatation auriculaire
gauche importante, pas d‘épanchement péricardique.
Un holter ECG retrouve une arythmie permanente sans autre trouble du rythme.
La patiente présente donc une ACFA permanente. Il faut évaluer l’indication d’une
anticoagulation dans la prévention du risque thromboembolique. Nous calculons les score
CHADsVASC2 et HAS-BLED / HEMORRHAGE qui permettent respectivement de calculer le risque
embolique et le risque hémorragique.
- CHADSVASC2 : 7 points, risque embolique 9.6 % par an
- HAS-BLED : 2 points, risque hémorragique 4.1 % par an
- HEMORRHAGE :3 points, 8.4 % par an
Ces scores sont donc en faveur du maintien de l’anticoagulation. En revanche, devant une
clairance de la créatinine limite (créatininémie 98 micromol/L, poids 62 kg) = 31 ml/min, l’âge de la
patiente, il est décidé de ne pas continuer le XARELTO. De la COUMADINE sera introduite selon le
protocole du service.
Devant l’âge de la patiente et l’aspect échographique, il est décidé avec la cardiologue, de ne
pas tenter de cardioversion. Nous respectons donc la FA et arrêtons la CORDARONE. Un traitement
ralentisseur par BISOPROLOL est introduit pour ralentir la FA avec un objectif de fréquence cardiaque
inférieure à 80 battements/ min.
Son traitement antihypertenseur est également adapté. D’autant plus qu’il y a une
hypotension orthostatique symptomatique avérée dans le service. Il n’y a pas d’indication à
l’association IEC/ ARA2 présente chez cette patiente. Le TAREG est arrêté. La tension artérielle a été
contrôlée sous BISOPROLOL et TRIACTEC. L’hypotension orthostatique palliée par la mise en place de
bas de contention.
Sur le plan lipidique, le fénofibrate, sans efficacité clinique démontrée, avec risque
d’événements indésirables, est arrêté. Faut-il introduire une statine. Question épineuse dans le
service actuel. Le chef avec qui je travaille les arrête systématiquement. Nous n’en réintroduirons
pas. Mais question à élucider avec une bibliographie.
Sur le plan psychiatrique
La patiente est réévaluée avec le psychiatre du service. Il retrouve des arguments pour un
épisode dépressif majeur. Une tristesse de l’humeur, une aboulie, une anorexie, une insomnie… Le
traitement antidépresseur actuel n’est plus adapté, d’autant plus qu’il était potentiellement
responsable de cette hyponatrémie. Un traitement par ATHYMIL est introduit à la dose de 10 mg puis
augmenté progressivement. L’évolution est favorable avec une efficacité palpable dès 7 jours de
traitement.
Son traitement par LEXOMYL est arrêté et remplacé par du SERESTA. Celui-ci ayant une demi
vie 2 fois moins longue, il y a moins de risque d’accumulation et d’effets secondaires.
Sur le plan fonctionnel :
Lors des tentatives de marche, la patiente présente une anxiété importante liée à une peur
de chuter. Elle une tendance à la rétropulsion importante avec une flexion des genoux lors du lever
du fauteuil. Il s’agit d’un syndrome post chute. Il s’agit d’une urgence gériatrique et nécessite une
prise en charge multidisciplinaire. La patiente doit bénéficier d’un soin de suite et de réadaptation.
Sur le plan social
Se pose un des problèmes majeurs en gériatrie : l’orientation. A court terme un SSR est
indiqué pour une ré autonomisation maximale. Mais dans ce contexte un retour au domicile parait
compliqué. Mais la patiente ayant toutes ses capacités intellectuelle, le choix lui incombe. Elle est
consciente que de rentrer seule à la maison n’est pas une bonne solution. Elle ne sent pas en
sécurité. Elle n’est pas contre l’idée d’aller en maison de retraite (pour une fois que c’est dans ce
sens là, en général il en est hors de question et ils rentrent à la maison). Après discussion avec la
patiente et ses enfants, l’option choisie serait une maison de retraite à près de Tours, proche de son
fils. Il me faut donc trouver un SSR sur Tours dans l’attente d’une place en maison de retraite.
Nous avons à notre disposition d’une plateforme internet s’appelant via trajectoire. Elle
permet de trouver les établissements adaptés à nos patients. Nous réalisons une description de l’état
médico-psycho-social de notre patient, de son bassin de vie, du type d’établissement recherché.
Nous pouvons ensuite envoyer directement des demandes à ces structures.
Ce la me permet en 4 jours de transférer ma patiente en SSR prés de Tours. Parallèlement,
les démarchent pour une institutionnalisation en maison de retriate ont été débutées.
Ce service n’est pour le moment pas accessible aux médecins généralistes, mais devrait l’être
d’ici 2015. Cela nous permettrait par exemple, d’organiser facilement une hospitalisation en service
adapté directement en provenance du domicile du patient.
Questions posées par le cas / potentiels axes
- ACFA chez la personne âgée : balance bénéfice risque / scores
- Polymédication chez la personne âgée : optimisation de l’ordonnance
- Les statines en gériatrie : balance bénéfice risque.
- Syndrome dépressif chez la personne âgée.
- PEC social : Viatrajectoire, logiciel utile, objectif 2015, pour le médecin généraliste.
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