Colloque du Réseau Intégration Nord Sud (RINOS) Montréal, 1-3 juin 2005 Organisé conjointement avec le Centre Études Internationales et Mondialisation (CEIM) Université du Québec à Montréal INTÉGRATIONS RÉGIONALES ET STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT : Les relations Nord-Sud dans l’Euromed, les Amériques et l’Asie. LE LEADERSHIP DU BRÉSIL EN AMÉRIQUE DU SUD : RÉPONSE AU NOUVEAU RÉGIONALISME AUX AMÉRIQUES par Rômulo Oliveira Chaia Docteur en Sciences Politiques Université Fédérale de Rondônia, Brésil Abstract The following article analyses how Brazil’s leading role in South American affairs, officially formulated during the past (Cardoso) Government, is a part of Luiz Inácio Lula da Silva Administration’s overall foreign policy response to the “new” regionalism emerging in the Americas. Rather than an impasse between Brazilian and US interests in South America, we suggest that this regionalist policy is closely connected to Brazil’s economic negotiations namely those of MERCOSUR, and the ongoing negotiations of the FTAA. Le régionalisme comme réponse au nouvel ordre mondial L’émergence du régionalisme est une réponse au nouvel ordre mondial d’après-guerre froide, ainsi qu’à la désintégration de l’Union Soviétique. Depuis la moitié des années 1980, l’émergence d’espaces régionaux en Amérique latine est le résultat du déclin de l’hégémonie des États-Unis et de leur capacité à conduire leur rôle au plan global. Dans le contexte latino-américain, cela a fait en sorte que le régionalisme prenne deux significations bien différentes du point de vue politique ou historique : la coopération intra-régionale entre les pays de l’Amérique latine, de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud et la coopération hémisphérique ou inter-américaine englobant les États-Unis. Les deux régionalismes sont originaires du XIXème siècle, mais leur réapparition date du début de la décennie 1980. Le régionalisme signifie une grille de politiques établies par un ou plusieurs États afin de promouvoir l’émergence d’une unité régionale. Cette grille à la fois désigne un modèle de rapports entre les États d’une telle région et le reste du monde et organise les soutiens politiques à l’intérieur des régions aux problèmes similaires. Cependant, la proximité géographique rend favorable la coopération régionale qui est encouragée par des considérations de sécurité, de stimulation au développement économique, d’établissement de la paix dans les intra-régions. Ces facteurs rendent facile la représentation de petits États auprès de ceux qui ont un plus grand pouvoir. 1 Ainsi qu’à la coopération intra-régionale, le régionalisme inter-américain a acquis de l’importance pendant les vingt dernières années, surtout sur le plan économique. Le 27 juin 1990, le Président George Bush père a lancé l’entreprise au Sommet des Amériques. Sa proposition consistait à élargir l’Accord de libreéchange nord-américain (ALENA) à l’ensemble des pays américains, ayant pour objectif de créer la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA). Idéologiquement, la proposition des États-Unis de stimuler le régionalisme hémisphérique en Amérique latine repose sur une volonté d’asseoir leur hégémonie sur les pays latino-américains. Les États-Unis défendent leurs intérêts politiques et économiques en matière de diffusion de leurs valeurs démocratiques, ainsi que de promotion de leurs idéaux libéraux. L’acceptation de ces valeurs par les pays latinoaméricains, quand ils étaient plongés dans une forte crise économique, au début de la décennie 1980, a donné aux États-Unis une occasion historique pour soutenir un nouvel ordre dans les Amériques, reflétant sur les intérêts et les valeurs états-uniens. Après une période de leur perte d’hégémonie, cela a augmenté le pouvoir des États-Unis sur les pays latino-américains, quand ceux-ci ont adhéré au Consensus de Washington. Mais cela ne signifie pas que tous les pays de l’Amérique latine se sont alignés avec tous les intérêts états-uniens. Par exemple, si le Chili est en faveur du régionalisme hémisphérique, le Brésil préfère le micro-régionalisme au macrorégionalisme entre les Amériques du Nord, centrale et du Sud. Le Brésil, le Venezuela et l’Argentine stimulent ensemble l’intégration sous-régionale en Amérique du Sud pour mieux coordonner la proposition de l’ex-Président Bush père. En réponse à l’environnement mondial qui met en valeur l’organisation de blocs, le Marché commun du sud (MERCOSUR) - englobant en premier l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, puis la Bolivie et le Chili par association, ensuite éventuellement le Pérou - est le résultat de deux processus simultanés qui se diffusent dans le monde : la dissolution des frontières entre les pays qui rend plutôt facile l’action des entreprises transnationales - la mondialisation - ; et la formation de blocs régionaux pour défendre les intérêts des entreprises déjà installées dans une région contre la concurrence des entreprises d’autres régions ou pays - la régionalisation -. À partir de ces paramètres analytiques, on comprend que le Brésil adopte le régionalisme ouvert dans sa politique étrangère. Sa pratique est traditionnellement un moyen de rendre favorable l’élargissement de son marché vers l’Amérique du Sud à travers le MERCOSUR, étant de même un pilier pour conquérir des marchés. À l’échelle planétaire, il établit des liens commerciaux avec des pays à la verticale, Sud-Nord (Amériques Centrale et du Nord, Europe) ; à la horizontale, Sud-Sud (Amérique du Sud, Afrique, Océanie) ; et à la diagonale, Sud-Est (Asie, Moyen Orient). En ce qui concerne les pays de l´Amérique du Sud, le Brésil est conduit à former l`Accord de libre-échange sud-américaine (ALÉSA). Vue la mise en valeur de la prise de position de leader du Brésil en Amérique du Sud – et en Amérique latine – ses stratégies touchent aux complexes difficultés, ce qui limite la capacité du pays à continuer sa politique de conquête de marchés. Il y a maintes tensions qui entourent les rapports entre le Brésil et les États-Unis dans le processus de formation d’un régionalisme hémisphèrique, qui est centré sur la ZLÉA. Avec le renforcement du protectionnisme aux États-Unis après le 11 Septembre, puis la crise economique et financière argentine récemment, il est possible que le Brésil durcisse sa position face aux mésententes avec les États-Unis quant à leur éventuelle coopération hémisphérique. Le Brésil et le MERCOSUR auront davantage tendance à se tourner vers l’Union Européenne que vers la ZLÉA, malgré des premières tentatives d’accords soldées par un échec entre le MERCOSUR et l’Union européenne en 2004. En ce qui concerne la ZLÉA, on parle désormais d’une ZLÉA Light. Ce qui mène à la question suivante : quels sont les aspects du contexte politique au Brésil et ses stratégies qui limitent ou facilitent le leadership de l’État brésilien en Amérique du Sud ? 2 Le Brésil face à l’Amérique du Sud Depuis la signature du Traité d’Asunción en 1991, la consolidation et l’expansion du MERCOSUR sont devenues la huitième priorité de la politique étrangère brésilienne et sa principale stratégie d’intégration régionale. Outre cela, le MERCOSUR est le troisième bloc commercial au monde et le groupe le plus important en Amérique latine. Après la formation du MERCOSUR, le commerce entre ses pays membres a augmenté de 400 % entre 1990 et 1998, ce qui représente plus de 20 milliards de dollars. En 1999, le commerce entre les pays a décliné en raison des crises économiques qui ont touché le Brésil puis l’Argentine (en 2002). La crise de ce pays est amplifiée du fait de la dette extérieure qui n’a pas été payée aux organismes financiers internationaux sous la présidence de Néstor Kirchner. En 2000, le MERCOSUR a établi son modèle de croissance en fonction de la circulation commerciale, des investissements et de l’interdépendance de croissance. Cela signifie que cette interdépendance se rapporte aux situations caractérisées par des effets réciproques entre les pays acteurs du bloc, faisant en sorte que des intérêts gouvernementaux, transnationaux et internes s’équivalent entre eux. Mais, vu les difficultés économiques et financières qui touchent l’Argentine depuis l’an 2002, le projet du MERCOSUR semble se refroidir jour après jour. L’Argentine essaie toujours de protéger son industrie de la concurrence brésilienne. Entre autres exemples récents, on peut citer la « guerre des frigidaires ». L’Argentine a contingenté le chiffre d’entrée de certains produits éléctroniques dans son marché, télévisions et frigidaires. Le MERCOSUR est une manière d’inclure ses pays membres dans l’économie internationale, pays dotés d’objectifs jumeaux complémentaires visant à ce qu’ils se solidifient sur leur plan interne et augmentent leur niveau de coopération intra-régionale. D’un côté, le MERCOSUR crée des conditions favorables au développement économique et amène la stabilité politique aux pays. D’un autre côté, il les conduit à réduire des risques inhérents à une économie internationale instable et en croissance. Le MERCOSUR a donc la possibilité d’établir un agenda multiforme. En 1996, il a établi un accord de libre-échange avec deux pays associés Chili et Bolivie -. En 2004, le Pérou a été intégré au MERCOSUR comme membre associé. En revanche, le Chili s’est rajouté à l’ALENA en 2003. Le bloc MERCOSUR négocie aussi avec la Communauté Andine et crée une zone de libre-échange, en plus de négocier avec la ZLÉA et l’Union européenne – avec celle-ci, raté avant la fin 2004 -. L’élargissement des accords du MERCOSUR à d’autres pays indique que ses pratiques sont plutôt favorables à un régionalisme ouvert, plutôt qu’intra-régional ou sous-régional. D’après la perspective brésilienne, le régionalisme ouvert signifie la sauvegarde des intérêts fondamentaux du Brésil pour préserver son bilan commercial et financier quand il maintient des rapports commerciaux avec divers pays et régions du monde. Dans ce sens, le Brésil combine certains principes fondamentaux, en mariant diplomatie et un fort système de commerce multilatéral. Fort de cette stratégie, le Brésil a fait de l’Union européenne, des États-Unis et de l’Amérique du Sud ses principaux partenaires commerciaux. Dans le contexte du MERCOSUR, l’intégration de ses pays membres avec le Brésil remplirait trois fonctions interdépendantes pour sa stratégie internationale : d’un côté, établir ensemble des accords aux négociations afin de renforcer la prise de position de l’Argentine et du Brésil face aux enjeux clés internationaux, stabiliser le processus de démocratisation dans les pays et dans la région et créer une ambiance économique favorable pour attirer les investissements étrangers ; d’un autre côté, le manque de politiques industrielle et financière communes sont le noyau dur à l’intégration pleine entre les pays associés du MERCOSUR. Mais l’intérêt du Brésil sur le plan de la politique extérieure reflète son intérêt à conquérir les marchés. Dans ce cas, le régionalisme ouvert brésilien est parfaitement égal au sens qu’on donne à son marché global. En revanche, l’Argentine, qui attendait une intégration hémisphérique, pourrait affaiblir les accords du Brésil conclus avec États-Unis quant à la formation de la ZLÉA. Désormais déçue des États-Unis, et vue sa crise profonde née des politiques néoliberales mises en marche par le FMI, l’Argentine est favorable au MERCOSUR et à l’intégration sud-américaine. Le Brésil l’avertit que la ZLÉA pourrait balayer son 3 industrie déjà affaiblie. L’intégration du Cône Sud donnerait à l’Argentine une meilleure performance pour discuter de l’éventuelle zone de libre-échange au processus de négociation avec les États souhaitant l’intégration hémisphérique. Le gouvernement argentin cesse donc d’être ambivalent entre le processus d’intégration avec ses partenaires du sud et ses possibilités d’insertion à la ZLÉA. Pour l’instant, l’Argentine (qui a présenté la suggestion de la formule originale de l’Accord 4+1 comme façon de faire pression sur les États-Unis à l’ouverture de leurs marchés aux produits provenant des pays du MERCOSUR) semble avoir trouvé une solution intermédiaire : celle de continuer avec ses objectifs d’intégration intra-régionaux et sous-régionaux en même temps que de poursuivre ses objectifs de s’intégrer au bloc nord-américain, mais appuyé sur le Brésil. On dit souvent du Brésil, comme pour l’Argentine, qu’il agit en fonction de ses propres intérêts, en se servant du MERCOSUR. Il permet à Brasilia de négocier en position de force avec les États-Unis, tout en ayant le soutien argentin. En effet, vu les risques encourus par toute précipitation vers la zone de libreéchange américaine, le Brésil agit avec prudence. La libéralisation excessive de l’économie brésilienne a affecté les intérêts des entreprises situées à l’intérieur du MERCOSUR. Le Brésil se met en garde contre toute précipitation. Il prend en compte la compétitivité des États-Unis bien supérieure non seulement quant à leur industrie, mais aussi à leur agriculture. L’industrie brésilienne, de même qu’argentine, pourrait être balayée par l’industrie des États-Unis, à commencer par les industries automobile, électronique et agro-alimentaire. En ce sens, chaque pays joue les cartes de son intérêt, le Cône Sud jouant aussi un rôle prépondérant dans la formation structurelle du régionalisme dans les Amériques. Au Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva a renforcé dans sa politique extérieure son plaidoyer pour une intégration régionale ouverte aux pays de l’Amérique du Sud. La stabilisation économique du Brésil le favorise pour établir des meilleurs accords par rapport à l’Argentine. La taille du Brésil a contribué à la perception qu´il constitue une puissante menace pour ses voisins en Amérique latine. Le Brésil a le sentiment qu’il a le pouvoir de décider de son propre destin et de son avenir, ce qui lui permet de se conduire et de s’orienter vers l’intérieur de l’Amérique du Sud. De même, cette perception d’autosuffisance permet au pays de poursuivre rapidement la restructuration et les réformes qui ne sont pas dictées par des forces externes aux siennes. La décision du Brésil de définir son rapport avec l’Argentine pour créer le MERCOSUR a été en grande partie axée sur sa perception de ce qu’il entend par régionalisme ouvert. De même, il envisage l’ALENA avec incertitude du fait que les États-Unis veulent élargir ces accords pour créer le régionalisme hémisphérique. Le MERCOSUR, avec le Brésil comme principal leader, désormais, établit les bases pour négocier un meilleur placement auprès du géant du Nord en ce qui concerne leurs accords bilatéraux quant à la création de la Zone de libre-échange des Amériques. Seulement les pays les plus développés, avec un grand pouvoir d’échange et d’énormes opportunités en termes de marché et d’investissement, auront une meilleure performance afin de gagner l’accès au marché des États-Unis. Les pays les moins développés auront peu de chances de poursuivre leurs intérêts. La réalisation d’une zone de libre-échange en Amérique du Sud dépendra en grande mesure de deux facteurs : la relative opportunité que le MERCOSUR offre aux autres pays de l’Amérique du Sud, surtout ceux de la Communauté Andine, et la possibilité d’ascension de l’ALENA comme puissant partenaire à être pris en considération par tous les pays en question. Le premier facteur se rapporte à la politique interne du Brésil, et le deuxième à l’activité des membres de l’ALENA à poursuivre leurs objectifs, de manière bilatérale ou à travers l’ALENA. L’intégration sud-américaine n’est rien de plus qu’une manière de devenir un pouvoir contre l’ALENA-ZLÉA, pendant que les États-Unis préfèrent les négociations bilatérales. L’expansion du Brésil vers le sous-continent américain 4 Tous les pays de la région entreprenent des réformes économiques et politiques d’importance. Elles ébauchent sans ambiguïté la nouvelle définition des rapports entre l’État et le marché. Ceux-ci correspondent à l’idéologie néolibérale qui est à la base d’un rapprochement ouvert et sollicité avec les États-Unis par leur régionalisme hémisphérique stratégique. Des réformes internes (englobant la restructuration de l’économie traditionnelle basée sur les ajustements fiscaux et monétaires, la déréglementation de l’économie et les privatisations) sont poursuivies, outre la politique externe orientée vers la croissance axée sur la politique d’ouverture commerciale. Dans ce contexte, le Brésil a établi les principaux points de son agenda d’intégration afin de s’ouvrir aux voisins sud-américains. Les négociations avec les nations de la Communauté Andine sont en cours d’aboutissement. Quand les aspects politiques et économiques des pays du MERCOSUR et ceux de la Communauté Andine sont pris en considération, la signature d’accords de libre-échange représentera un chemin à parcourir pour l’intégration sud-américaine croissante. Dans le sous-continent américain, l’intégration acquit de l’importance dès le début de la décennie 1990 (intégration d’infrastructure physique, surtout en énergie et en télécommunications). C’est comme si les pays de l’Amérique du Sud avaient soudainement découvert leur énorme potentiel à partir de leur développement d’ensemble. Le fait que l’Amérique du Sud est autosuffisante en énergie (carburants, gaz naturel, charbon et ressources hydriques) lui assure son avenir. Depuis la dernière décennie, le commerce du Brésil avec ses voisins a augmenté. Il achète du pétrole de l’Argentine, du Vénézuela et de l’Équateur, du gaz naturel de la Bolivie, et produit avec le Paraguay de l’énergie électrique grâce à Itaipu Binational. De l’électricité provenant du Vénézuela fournit les états brésiliens situés dans la région amazonienne. C’est l’énergie qui a la plus grande importance dans la région pour l’expansion du commerce, augmentant la coopération intrarégionale entre les pays. Malgré l’existence de ce type de commerce, l’Amérique du Sud est un patchwork, dont les coutures sont déchirées par des tensions et des conflits terribles. Bien qu’elle ait été colonisée par le Portugal et l’Espagne (pays ibériques aux cultures voisines), l’Amérique du Sud est composée de nations à histoire et ambitions différentes. L’intérêt du Chili, pays exportateur de saumon, de fruits et importateur de voitures et d’ordinateurs, est celui de privilégier le commerce avec les États-Unis. Le Vénézuela, sous le gouvernement Hugo Chavez, proteste contre l’impérialisme des États-Unis pour ses sujets domestiques et les accuse de promouvoir sa destitution. Malgré ses richesses, l’Amérique du Sud est encore pauvre. Ensemble, les pays sud-américains possèdent 3% du commerce mondial. Additionnées, leurs places boursières n’atteignent pas 2% du volume total des actions négociées d’une journée moyenne dans le monde. Malgré cela, la région a un énorme potentiel de consommation. Dans un monde de forte expansion économique et sans contretemps ou crises à l’horizon, l’Amérique du Sud est un excellent pari. La consommation restreinte dans la région, surtout relative aux longues années de dictature militaire auxquelles les pays d’Amérique du Sud ont été soumis, attire beaucoup de grandes corporations mondiales. Plusieurs analystes trouvent qu’il n’y a pas de raison pour que le potentiel du Brésil ne se développe pas à court terme. Si le Brésil veut vraiment assumer la fonction de leader en Amérique du Sud, il devra par ailleurs payer cher le prix de ses objectifs ; à cette condition, il finira par obtenir un siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU. En outre, cerner les ententes parmi les pays sud-américains demandera beaucoup d’organisation. Pour gagner la confiance de ses voisins, le Brésil devra ouvrir son marché aux produits de la région et stimuler des investissements dans ses régions les plus pauvres. Le pays ressentira certainement les douleurs liées au bilan des paiements internes. Ses rapports commerciaux et diplomatiques avec d’autres pays seront aussi affectés surtout du fait que, en gagnant un siège au Conseil de Sécurité de l’ONU, son pouvoir va s’élargir non seulement face aux pays de l’Amérique du Sud, mais aussi face à l’Atlantique Sud. 5 Cependant, le gouvernement brésilien insiste sur l’intégration dans le MERCOSUR et du MERCOSUR avec la Communauté Andine avant celle de la ZLÉA. D’un côté, la proposition d’union politique et économique entre les pays sud-américains est la seule réponse originale à cette perspective. Le Brésil est le seul pays de l’Amérique latine aux conditions concrètes pour mener une politique autonome. D’un autre côté, le défi du gouvernement brésilien est celui de convaincre ses voisins qu’il ne veut pas les transformer en colonies d’un sous-empire brésilien – car soumis au grand empire que sont les États-Unis -. L’intérêt commun de tous les Sud-américains est mis en relief pour éviter que leur économie soit captée par l’économie états-unienne, ce qui aurait pour conséquence de les dévaloriser. Mais, tout en ignorant cet obstacle, il a déjà été dit que le Brésil a deux types de frontières. Au sud, le pays partage avec les intégrants du MERCOSUR un espace peuplé. Au nord, la jungle amazonienne et les populations dispersées contribuent à isoler et à éloigner des centres de décisions du pays. Cependant, sa démographie change avec le déplacement d’une infrastructure du sud vers le nord du pays, rendant facile la communication et les intéractions entre le sud et le nord, tant du point de vue économique, individuel ou social. En allant au-delà des frontières au sud et au nord, on pense aux prises de position les plus récentes du Brésil par rapport à tous ses voisins. Par exemple, quant à la Colombie, avec pratiquement la moitié du pays dominée par les guérilleros de gauche, les narcotraficants et les paramilitaires d’extrême droite, elle a demandé et a reçu l’aide militaire et financière des États-Unis. Mais la diplomatie brésilienne a étouffé dès le début l’essai nord-américain d’intégrer directement le Brésil dans le conflit. Le Brésil n’envoie pas de troupes, ne cède pas ses bases de la frontière pour soutenir les actions des militaires colombiens et se prépare à repousser les éventuelles incursions étrangères dans son territoire. Quant à l’Équateur, il est sorti d’une forte crise économique, ce qui l’a obligé à se convertir au dollar. L’équipe économique brésilienne considère le passage au dollar comme un désastre et a refusé à plusieurs reprises les invitations de l’exsecrétaire du Trésor américain, Larry Summers, à discuter de ce sujet, même de façon hypothétique. Au Pérou, les forts conflits dans la société démontrent la nécessité de faire des réformes démocratiques, les mêmes jadis suggérées par le Brésil à Alberto Fujimori. Quant au Chili, ce pays a préféré s’intégrer à l’ALENA au détriment du MERCOSUR.Quant à l’Argentine, elle est plongée dans une crise économique et financière profonde depuis l’annonce de son non paiement de la dette extérieure et la dévaluation de la monnaie brésilienne en 1999. Les pronostics prévoient une récession plus importante. Quant au Vénézuela, le président Hugo Chavez, qui a déjà dissout le congrès et le pouvoir judiciaire, a été mis à l’épreuve pendant le suffrage universel durant lequel il a accusé les États-Unis de provoquer sa destitution. Cependant, la diplomatie brésilienne a mis un terme à la prise de position autoritaire du président vénézuelien. Le Brésil achète du pétrole à son voisin et ne « ridiculise » pas les propositions mirobolantes de Chavez pour la création d’une espèce d’« OTAN » sud-américaine. Quant au Suriname, instable et en retard, le pays a de sérieux problèmes à la frontière, avec la Guyane. Mais le Brésil est déjà intervenu dans le passé pour sortir le Suriname de l’influence de Cuba. Il essaie d’accroître son chiffre d’affaires avec son voisin du Nord. La Bolivie a quant à elle été touchée récemment par des manifestations populaires contre la privatisation d’entreprises d’exploitation de gaz : le Brésil achète du gaz bolivien, promet à travers Petrobras d’accomplir tous les contrats ; il a des plans pour surveiller sa frontière, en arrêtant des contrebandiers et des trafiquants pour stimuler le commerce légal entre les villes voisines des deux côtés. Quant au Paraguay, sous la menace permanente d’un coup d’État, le pays a une bonne partie de son économie plongée dans la clandestinité. En conséquence, la diplomatie nord-américaine a déjà reconnu le Paraguay comme zone d’influence directe du Brésil. L’ambassadeur brésilien au Paraguay a beaucoup de pouvoir dans la prise de décisions sur les affaires internes de ce pays. Quant à l’Uruguay, il faisait partie des listes internationales de paradis fiscaux utilisés pour le blanchissement de l’argent des corruptibles et du narcotrafic. Situé entre la récession argentine et le MERCOSUR « affaibli », l’Uruguay accuse en silence l’« impérialisme brésilien ». Le Brésil préfère la voie des négociations directes avec son voisin du sud. 6 À la lumière de plusieurs ententes difficiles entre les pays sud-américains, malgré les différences historiques et économiques parmi eux, Luiz Inácio Lula da Silva a convoqué les 12 chefs d’État de l’Amérique du Sud afin de discuter de l’intégration de leurs pays respectifs. Les présidents ont décidé que les pays du MERCOSUR et ceux de la Communauté Andine feront aboutir ensemble une zone de libreéchange sud-américaine. Ils ont confirmé la démocratie dans leurs pays et traité de l’intégration d’infrastructures de ces pays pour une meilleure intégration intra-régionale. Les leaders ont réaffirmé leur soutien au processus d’expansion et d’approfondissement à l’intégration économique dans l’hémisphère. Leur engagement pour l’établissement graduel d’une zone de libre-échange des Amériques (dont la conclusion du calendrier est prévue au-delà de l’an 2005, vu le retard dans l’intégration) leur apportera une base équilibrée qui lancera effectivement l’Amérique du Sud vers les marchés hors de la région. Le Brésil face à l’hémisphère Le Brésil la joue serrée au processus de négociation établi au sein de la ZLÉA, qui veut la libération de marchés de l’Alaska à la Terre de Feu. Le gouvernement brésilien poursuit ses négociations depuis qu’elles ont débuté pour aboutir jusqu’à la fin 2005. En quelques négociations de groupes, le Brésil et ses partenaires du MERCOSUR présentent des propositions plus ambitieuses que celles des États-Unis, tant dans le secteur de l’industrie que dans celui de l’agriculture. Il est déjà prévu qu’il sera impossible d’aboutir à un accord satisfaisant les intérêts tant du Brésil que des États-Unis. Désormais, on discute sur la ZLÉA Light, dénomination parue pendant la VIIIème Réunion ministérielle sur le commerce à Miami. La ZLÉA Light veut dire « un accord au libre-échange traditionnel ayant des obligations créées par des règles communes qui seront mises en marche de façon asymétrique, tout en dépendant des besoins au développement de chaque pays et, pour avoir de l’accès au marché, des concessions limitées aux produits sensibles, c’est à dire, un accord possible où l’équilibre aux intérêts est touché par moyen d’un dénominateur commun » (Traduction libre.) Il y a trois catégories de pays dans l’hémisphère établissant des rapports avec les États-Unis : ceux hautement dépendants du marché états-unien (75% de leurs exportations), ceux moyennement dépendants (50% de leurs exportations) et ceux moins dépendants (25% de leurs exportations). La dépendance commerciale des États-Unis et de l’ALENA est de 26 % par rapport à l’Amérique du Sud, spécialement au MERCOSUR, et la dépendance commerciale du Brésil par rapport à l’Asie est de 12 %. Le Brésil défend ses intérêts nationaux auprès de cette ZLÉA Light. Mais, dans la grille de négociations, il y a des principes fondamentaux qui ont été décidés par des professionnels hautement compétents au Brésil. Leurs convictions comprennent la réciprocité, les décisions par consensus, l’entreprise unique et l’accès au marché pour tous les secteurs. Mais, à plusieurs reprises, le Brésil a clairement dit non aux États-Unis. Lors de ces interventions, le chancelier brésilien Celso Amorim avance que les États-Unis laissent de côté leur politique protectionniste qui rend préjudiciable la vente de produits brésiliens chez les Nordaméricains. Le Brésil veut un accord de libre-échange libre de toutes barrières tarifaires ou construit de façon à ce que les pays puissent avoir librement accès au marché états-unien. La stratégie des États-Unis est celle d’ouvrir le marché là où il y a des secteurs obsolètes à l’agro-industrie, mais en la protégeant, et de protéger l’industrie de la haute technologie. En ce sens, contrairement à l’affirmation des agents administratifs du gouvernement des États-Unis, sous la gestion de William Clinton, le Brésil ne s´est jamais opposé non plus qu’il a résisté à l’établissement de la ZLÉA. Au contraire, la principale stratégie du Brésil est de faire tomber les obstacles aux prises de décision déterminés par les États-Unis qui sont rattachés aux protectionnismes de l’agriculture et de l’antidumping. Axé sur ses intérêts, le Brésil peut seulement bénéficier d’une zone de libre-échange s’il obtient concrètement un accès important aux secteurs hautement protégés des États-Unis. 7 Par ailleurs, plusieurs incertitudes existent quant à l’intégration du Brésil au processus de la ZLÉA, light ou non. Malgré l’habileté du gouvernement des États-Unis dans la conduite des négociations, le Brésil présente une position politique bien claire. Le Brésil peut seulement discuter sur les progrès des négociations, s’il reçoit un fort signe des États-Unis et d’autres pays pour mettre sur la table de négociations tous les secteurs, produits et disciplines qui sont de l’intérêt de la majorité des pays, soit : la libéralisation de produits agricoles, la réduction de subsides et l’application de disciplines strictes et les mesures d’antidumping. Par conséquent, beaucoup de progrès sont à faire, non seulement quant à la réduction des tarifs, mais aussi quant à l’urgente et fondamentale question de barrières non tarifaires, ainsi qu’aux taxes, aux subsides et aux quotas. Le problème de l’environnement et de son lien avec les sanctions de marché est pris en considération par le Brésil. Traditionnellement, le Brésil accepte la sauvegarde et la protection de l’environnement, mais il n’accepte plus le lien établi entre ces mesures et les propositions de sanctions commerciales déterminées par la nouvelle administration des États-Unis. Ce pays insiste pour faire inclure de telles clauses à la formation de la ZLÉA. Il est connu que les plus grands pollueurs et destructeurs de l’environnement sont les États-Unis, et non le Brésil. En fait, le Brésil veut garder sa pleine souveraineté sur l’Amazonie et le Pantanal. Il est naturel que tous les indicateurs de la ZLÉA engendrent une crainte considérable, outre la résistance de la société civile et du congrès des États-Unis quant à l’ouverture de secteurs fortement protégés aux États-Unis. Il n’y a pas d’espoir quant au consensus qu’on veut voir compléter des négociations autour d’une ZLÉA « rigide » de la part du Brésil, qui aurait beaucoup à perdre pour trois raisons. En premier lieu, le pays a une structure industrielle diversifiée et des besoins spécifiques qui doivent être pris en considération. L’intégration hémisphérique ne doit pas être perçue comme un facteur de déstabilisation des économies nationales, parce qu’elles restent exposées à une excessive et nouvelle croissance de la compétition étrangère. L’avenir de la ZLÉA dépend de sa capacité à offrir des résultats équilibrés avec des bénéfices égaux pour tous. Le Brésil attend un progrès important concernant son accès aux plus grands secteurs protégés de l’économie des États-Unis. La réciprocité est le nom du jeu. En deuxième lieu, le Brésil est le plus fort négociateur au jeu de la ZLÉA. Après les États-Unis, le Canada et le Mexique, la plus grande économie dans l’hémisphère est celle du Brésil. Le produit intérieur brut du Brésil est plus grand que celui de la Russie et de l’Inde ensemble qui, en 1999, a été de US$1,4 billion, soit US$6,350 per capita. De même, le Brésil est le pays qui possède la plus grande diversification économique de l’hémisphère sud. Sa forte économie est le résultat d’une infrastructure diversifiée et de ressources naturelles abondantes grâce au jeu rapide de la modernisation de son État. La troisième raison se rapporte à la discussion sur la participation du Brésil dans la ZLÉA. Diplomates, hommes politiques, universitaires, intellectuels, bureaucrates et représentants d´entreprises ont conclu que le pays pourra voir ses initiatives internationales restreintes, comme c’est arrivé au Mexique quand il s’est intégré à l’ALENA. Cela signifierait aussi l’étranglement du MERCOSUR, ainsi que la perte de l’autonomie du Brésil pour établir ses propres politiques publiques, en raison des nouvelles mesures dictées par les États-Unis aux secteurs de la propriété intellectuelle, des services, des investissements, de l’environnement, de la science et de la technologie, ainsi qu’aux secteurs de politiques macroéconomiques. À ce sujet, en matière d’intégration hémisphérique, les arrangements institutionnels sont tous en faveur des États-Unis. Si le Brésil ouvre son marché aux produits états-uniens et canadiens (meilleurs et moins chers), cela signifiera la faillite de l’industrie nationale. Le Brésil étudie donc les moyens pour que son entrée dans la ZLÉA lui soit aussi profitable, « light ». C’est à cause de la première et de la deuxième raison que les entreprises états-uniennes sont intéressées à investir davantage au Brésil qu’en Russie, en Chine, en Inde et au Mexique. Entre 400 et 500 entreprises 8 américaines sont déjà installées au Brésil. Dans le secteur du commerce, les États-Unis exportent beaucoup plus au Brésil qu’en Chine, en Russie ou en Inde, ce qui fait que le Brésil a été identifié par le Departement of Commerce des États-Unis comme principal partenaire de ce siècle. Dans ce contexte, le scénario économique est encore inclus. Le Brésil a laissé de côté son développement autarcique et a mis en place un large programme de réformes libéralisantes. En ouvrant son économie, il a libéré son commerce et a supprimé les monopoles étatiques et les restrictions au capital étranger. Il a établi un large programme de privatisations, en attirant l’investissement de plusieurs intéressés de la planète. Mais la crise de la dette des années 1980 et la fin de la guerre froide ont empêché les gouvernements civils brésiliens de poursuivre des politiques économiques ne reposant pas sur des principes macro-économiques orthodoxes.Tel d’autres pays latino-américains, le Brésil n’a pas eu d’autre choix que de passer sous les fourches d’un ajustement structurel. Il lui a fallu démanteler ses structures protectionnistes, en particulier quand il était fortement endetté et qu’il cherchait désespérément à obtenir un répit pour faire face à ses obligations financières. Aux projets d’expansion des entreprises étatiques se sont succédés les discussions sur le choix de celles à privatiser. L’élimination des obstacles au commerce et à l’investissement a accéléré l’intégration mondiale des années 1990. Malgré cela, le pays persévère dans la stabilité économique et le progrès social. Le marché brésilien est d’une importance extrême pour le pays en termes d’investissement. Ce facteur le met en forte position face aux négociations pour la ZLÉA. Le Brésil est prêt à assumer la conduite du développement en Amérique du Sud. La croissance soutenue du pays aura un impact clair et positif pour ses voisins sudaméricains, pour les pays du MERCOSUR et de la Communauté Andine. La proposition d´hégémonie des États-Unis par la ZLÉA La zone de libre-échange américaine est l’objectif stratégique des États-Unis pour former le plus grand marché du monde, mais surtout pour asseoir leur hégémonie sur le continent. Le plan des États-Unis est celui de s’abstenir de liens avec l’Europe, de coopérer avec l’Asie et de dominer l’Amérique latine. En utilisant la ZLÉA, les États-Unis veulent ébaucher une nouvelle carte de négociations internationales au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ayant pour objectif dicter les règles en leur faveur. La fin de la guerre froide a mis la formation d’un régionalisme économique américain d’empreinte continentale à l’ordre du jour. À l’exception de Cuba, 34 pays ont confirmé à Miami en 1994, puis à Santiago du Chili en 1998, la négociation pour la construction d’un marché unique sur le continent américain. L’hégémonie et l’agressivité des États-Unis s’expliquent par leurs difficultés accumulées dans le passé en Amérique latine, à savoir : l’échec du modèle antérieur de développement autocentré autour de l’État, la crise de la dette au début des années 1980, entraînant l’adoption d’une politique ultralibérale (déréglementation, privatisations, libéralisations des échanges), la faible complémentarité des économies rendant plus difficile une stratégie de développement commune. Ce passif affaiblit la crédibilité d’un projet d’intégration proprement sud-américain. Garantir l’accès à long terme au marché nord-américain et favoriser les investissements étrangers sont des objectifs-clefs pour les petits pays de la région (sur 34 États, 24 sont considérés comme des économies de taille réduite). Pour les États-Unis, l’Amérique latine est un marché plus important que l’Union Européenne. L’objectif nord-américain est de libéraliser les économies continentales où les marchés sont encore très protégés. La ZLÉA est comparée à une version adaptée de la doctrine de Monroe. Cette doctrine a été mieux définie à la fin du XIXème siècle par Théodore Roosevelt, quand les États-Unis étaient dans leur phase expansionniste vers l’Amérique latine. Mais cela n’était pas trop important dans le panorama politique et économique mondial.Suivant cette doctrine, était définie la politique « de la carotte et du bâton » (« big stick ») à utiliser dans les pays latino-américains dès que les affaires états-uniennes seraient menacées 9 dans la région. La force armée est devenue un élément de soutien dans leurs intérêts économiques. Selon cette doctrine, dénommée aussi Corollaire Roosevelt, il était établi que les États-Unis avaient toujours le droit d’intervenir dans les sujets des pays latino-américains (troubles et instabilités internes). Dans ce document, l’arrogance du président et l’autosuffisance se sont mieux exprimées. Dans ce contexte hégémonique des États-Unis envers l’Amérique latine, à travers la ZLÉA, il s’agit de renforcer un projet économique planétaire, dont l’Amérique latine n’est qu’un des éléments, afin de faire progresser un programme commercial plus adapté aux filiales multinationales états-uniennes. La ZLÉA façonne donc la prochaine génération des accords de l’OMC. Il s’agit d’un sujet sensible qui véhicule toute une conception de l’État, de ses rapports au secteur privé et de sa « souveraineté » dont les constitutions en Amérique latine étaient souvent garantes d’un traitement préférentiel pour les entreprises nationales. C’est ce traitement préférentiel que les multinationales états-uniennes veulent battre en brèche en exigeant la fin de ces « discriminations ». Étant entendu qu’il ne serait question de la libre circulation des personnes, ce gigantesque marché hémisphérique pourrait faire des Amériques un espace totalement ouvert à la libre circulation des marchandises et des capitaux, et donner à cet espace le cadre normatif d’un nouveau modèle d’intégration. Mais l’expérience du Mexique depuis l’accord de libre-échange nord-américain montre que l’ouverture commerciale vis-à-vis d’un pays ayant un niveau de développement très supérieur provoque une désindustrialisation, la liquidation de pans entiers de l’agriculture traditionnelle et un accroissement des inégalités sociales. Compte tenu de l’importance stratégique du projet, on explique la lenteur de sa mise en œuvre par la multiplicité et la complexité des accords commerciaux, régionaux, sous-régionaux ou de coopération bilatérale. Des facteurs sociaux et politiques freinent aussi l’avancée du marché unique. En outre, les intérêts économiques sont imbriqués de façon croissante. Mais les projets géopolitiques diffèrent. Le 9 juin 2000, les présidents bolivien, équatorien, colombien et vénézuélien ont décidé la formation d’un marché commun régional pour l’année 2005. La Communauté Andine est par ailleurs engagée dans les négociations avec le MERCOSUR. Les gouvernements des pays andins, convoqués à Lima, par Da Silva, ont aussi donné leur accord pour former un bloc sud-américain. Le Brésil entend en effet diriger l’intégration économique et négocier avec les États-Unis à partir d´un bloc sud-américain consolidé. Mais cette ambition, venant du pays le plus puissant de l’Amérique du Sud, gêne ses petits partenaires - le Paraguay et l’Uruguay - qui accusent le Brésil de jouer à l’hégémonie de Brasilia. Le PIB brésilien est de 70%, supérieur pourtant de celui de l’ensemble des pays du MERCOSUR. En plus, le Brésil a un partenariat avec Buenos Aires qui minimise l’importance du Paraguay et de l’Uruguay. Bien que la ZLÉA soit une initiative du président George Bush père soutenue par William Clinton, George Bush fils a réussi en principe à faire en sorte que le congrès vote en faveur du fast track après le 11 Septembre. Ceci est un facteur positif jouant en faveur du Brésil, car il ne sera pas remis en marche entre 2005 et 2007. Le fast track signifie une procédure de négociation rapide avec les pays, donnant les moyens de faire la ZLÉA sans aboutir au congrès. Le Brésil peut donc manœuvrer pour la coopération intra-régionale en Amérique du Sud. La création du MERCOSUR peut être par ailleurs comprise comme une réponse aux effets potentiels des autres processus de la régionalisation, surtout l’ALENA, sur les économies du Cône Sud. Les réformes structurelles, dictées par le Consensus de Washington, en Argentine et au Brésil, ont rendu le MERCOSUR plutôt compatible avec la politique de libéralisation des marchés. À part ce fait, la manoeuvre du Brésil, par rapport à Bush fils, désormais occupé avec le combat contre le terrorisme et la protection interne du pays, lui a donné les moyens de façonner ses trois objectifs. D’abord, éviter la sortie de l’Argentine de l’accord de coopération régionale, ce qui mettrait en péril les stratégies 10 du Brésil pour l’intégration au MERCOSUR et en Amérique du Sud, si l’Argentine avait négocié avec les États-Unis pour la ZLÉA. Le Brésil a finalement convaincu l’Argentine qu’un tel accord avec les ÉtatsUnis pourrait définitivement balayer ses industries et, surtout, détruire le secteur où le pays est le plus fort : l’agro-industrie. Ensuite, maintenir son lien avec le Plan Bush (débit, investissement et commerce) afin d’avoir accès à la technologie. Enfin, maintenir et unifier la prise de décision des quatre pays du MERCOSUR auprès des États-Unis, ce qui leur a donné pouvoir d’échange. Entre temps, le Brésil a passé des accords avec ses autres partenaires sud-américains : Pérou, engagé au MERCOSUR, Vénézuela, attiré vers le MERCOSUR et induit avec l’Argentine par le Brésil à clôturer une alliance pour rediscuter ensemble leur problème de la dette extérieure. Le Brésil face aux États-Unis Bien que Collor de Mello (1988-1990) ait voulu aligner sa politique avec celle des États-Unis en ce qui concerne les secteurs sensibles tels que la technologie, la propriété intellectuelle et la politique de production d’ordinateurs, et en matière de régionalisme, la perspective politique du Ministre des affaires étrangères a prévalu. Cependant, il faut se rappeler des avantages puissants établis entre ALENAMERCOSUR aux négociations : l’accès du MERCOSUR au marché nord-américain, la croissance des investissements directs aux pays du bloc sud-américain et leur ancrage externe à la stabilisation de politiques publiques et macro-économiques. Donc, tout en faisant faire un retour en arrière à la politique interne du Brésil, le problème du régionalisme sous l’administration Collor de Mello suggère que l’Itamaraty et le ministère des Affaires étrangères étaient entièrement aliénés des décisions politiques externes, ce qui a fait le Brésil douter de son insertion sur la zone de libre-échange américaine. Bien que Bush fils ait réussi l’approbation du fast track en 2001, la défaillance de Clinton pour l’obtenir du congrès a favorisé le Brésil pour que la négociation ZLÉA soit temporairement freinée par la volonté américaine de négocier bilatéralement avec les pays latino-américains. Mais le développement des regroupements sous-régionaux est une occasion telle pour les grandes firmes que certains experts américains considèrent plus efficace de traiter le MERCOSUR comme un partenaire stratégique que comme un concurrent régional ; d’autres experts considèrent laisser le MERCOSUR comme la dernière source à la négociation pour isoler le Brésil. Dans ce cas, si les États-Unis préfèrent négocier bilatéralement avec les pays « latinos », si la ZLÉA Light n’est pas souhaitable aux États-Unis, le Brésil préfère être « isolé », désengagé des éventuelles ententes au sein de la ZLÉA, mais libre de continuer à façonner sa politique multilatérale. D’après Celso Amorim, Ministre des affaires étrangères : « Le Brésil défend son intérêt. C’est normal. L’affaire de l’Itamaraty [chargé de former le corps diplomatique du Brésil] n’est pas celle de décider si le Brésil a ou ne doit pas avoir son industrie aux biens de capital. Ce qui ne peut pas arriver c’est au moment qu’on décide de développer cette industrie, on découvre que les compromis internationaux ont mené à un tel degré de rigidité que l’ont rendu inviable. Cela arrive déjà en partie. C’est pour cela qu’on veut rendre flexibles quelques accords de l’Uruguay Round. » (Traduction libre.) Ce dernier point de vue semble avoir triomphé pour le Brésil. Malgré les difficultés actuelles et le retard prévisible, l’intégration est donc ralentie, qu’elle se fasse par la négociation de bloc à bloc ou par l’élargissement progressif de l’ALENA à d’autres pays, ou même par l’extension d’accords bilatéraux. Le fait que le Brésil et l’Argentine veulent que le MERCOSUR soit élargi à d’autres pays peut affaiblir la position du Brésil par rapport aux États-Unis avec leur ZLÉA : le MERCOSUR connaît en effet des tensions sérieuses depuis la dévaluation de la monnaie brésilienne, le real, et les rapports entre Brasilia et Buenos Aires traversent une phase difficile. L’Argentine et le Brésil n’ont pas de politique de développement technologique commune et il n’existe pas de conscience régionale suffisamment mobilisatrice pour faire face aux stratégies globales des multinationales ou des filiales états-uniennes en Amérique latine. 11 En effet, le Brésil ne voit pas avec de bons yeux la Zone de libre-échange des Amériques, avec celle-ci absorbant le MERCOSUR. Comme résultat, des différences entre le Brésil et les États-Unis au niveau des négociations sont visibles et favorisent le leadership brésilien, permettant l’agglutination de prises de position divergentes. Le Brésil préfère des négociations entre blocs ; les États-Unis préfèrent des négociations de pays à pays, ce qui bien sûr invertit l’ordre de priorités des accords à être négociés. Alors que le Brésil-MERCOSUR met en valeur les négociations des accords pour les subsides à l’agriculture, l’établissement de disputes et les règles techniques, les États-Unis mettent en valeur les accords du secteur de biens et de services et de propriété intellectuelle. En général, la proposition du MERCOSUR exclut de son agenda les sujets sur l’environnement et l’exploitation de la main d’œuvre. Ce tir au poignet entre le Brésil et les États-Unis oblige la stratégie de la politique étrangère du Brésil à retarder la ZLÉA au plus long délai possible - ou à ralentir les négociations -, ce qui lui donne un ton éminemment pragmatique. Cela favorise le Brésil dans ses visées de réforme de son marché et dans son intention d’offrir un meilleur saut qualitatif à son industrie. Cela prépare le Brésil à mettre en valeur sa compétitivité auprès des pays avec lesquels il fait frontière. L’argument du Brésil pour donner priorité à l’intégration sud-américaine est toujours le même que par le passé : l’énorme contraste de l’économie nord-américaine par rapport à celle des pays latino-américains, ce qui tendrait à aplanir les bénéfices obtenus d’une zone de libre-échange avec les États-Unis. En raison de la diversification des rapports commerciaux du Brésil, il serait de bon ton encore que le Brésil ouvre ses politiques économiques et éventuellement étende ses concessions commerciales pour les offrir à tous ses partenaires qui tentent leur chance pour un accord préférentiel hémisphérique. Politiquement, le Brésil est en désaccord avec la grille de propositions des États-Unis, qui en effet veulent établir la ZLÉA : telle est l´idée qui donnerait naissance à un cadre standardisé de règles disciplinaires et de barrières non tarifaires. Ce serait plus restrictif encore que le cadre qui prévaudrait au sein de l’OMC, dont le Brésil fait partie. Et cela est un point très dangereux pour le MERCOSUR, ces règles risquant de l’avaler complètement. En effet, le Brésil établit une stratégie offensive pour sa politique externe, parce que la coalition politiquement dominante a été construite à l’ombre de la stratégie du développement prévue qui, au fond, a exclu de son agenda les entrepreneurs et la société civile de la prise de décisions gouvernementale. De même, le Brésil établit une stratégie défensive pour sa politique étrangère due au résultat de l’acceptation de ces mêmes acteurs, après que les décisions gouvernementales aient été prises, quant au besoin de changement de modèle économique à la lumière des transformations économiques et géopolitiques mondiales. Leur préférence est cependant pour le changement graduel au-delà d’une longue période. Ceux qui ont prévu d´approfondir et d´établir rapidement des changements économiques sont ceux qui sont les plus enclins à accepter le régionalisme hémisphérique, et ce ne sont pas à ces acteurs à prendre des initiatives pour la stratégie régionaliste du Brésil, vu leur quantité réduite dans l’arène de prise de décisions. Cependant, la victoire sur la politique de l’ex-président Collor de Mello appartient à l’ex-Ministre des affaires étrangères, Luiz Felipe Lampreia, à son empreinte stratégique régionaliste, ce qui ne signifie pas une confrontation avec les États-Unis. Mais une telle victoire a donné à l’ex-président, Fernando Henrique Cardoso, et à l’actuel, Luiz Inácio Lula da Silva, et à l’actuel Ministre des affaires étrangères, Celso Amorim, la consolidation de ses entreprises régionalistes envers et à l’intérieur de l’Amérique du Sud. Le Brésil est le moins dépendant du commerce avec les États-Unis parmi les autres pays latino-américains. En général, la question posée par les élites brésiliennes sur la ZLÉA est « qu’y a-t-il pour nous là-dedans ? ». Si la ZLÉA n’est pas véritablement intéressante pour le Brésil, si les États-Unis ne lui font pas de concessions, ce pays est le seul qui pourra gâcher la fête nord-américaine. Et on doit se souvenir toujours que le marché du Brésil est aussi important que celui de la Chine et que l’économie russe est une naine comparée à celle du plus important pays latino-américain. 12 Prenant en considération ces faits, des diplomates brésiliens qualifient leur stratégie de graduelle et prudente. Leurs modes politiques sont pragmatiques. Cela ne fait pas du Brésil un pays exclusivement dépendant de la ZLÉA pendant le processus négociateur du régionalisme hémisphérique. Ils prévoient en particulier au mouvement du MERCOSUR une direction d’arrangements de marché commun, la création de l’Accord de libre-échange en Amérique du Sud à travers des accords entre le MERCOSUR et ses voisins régionaux, les accords du Brésil avec la Russie et la Chine qui a récemment adhéré à l’OMC, ayant obtenu du Brésil le statut d’économie de marché. Il fait partie de la politique externe du Brésil de négocier avec différents pays. Par sa taille continentale, le potentiel de son marché, la diversité culturelle, le chiffre de sa population et son statut de neuvième économie du monde, le Brésil s’oblige à adopter une position offensive-défensive préventive pour sa non-adhésion immédiate au régionalisme hémisphérique américain. Mais, dans l’ensemble des intérêts économiques et politiques, le Brésil et les États-Unis poursuivent les mêmes objectifs quant au régionalisme stratégique des Amériques. Les deux cherchent à assurer leur survivance dans l’avenir. CONCLUSION Il y a des raisons pour que les États-Unis et le Brésil promeuvent leur tir au poignet. L’Amérique du Sud est à un pas de devenir le grand filon économique de la planète, surtout qu’elle est entraînée par le Brésil lui-même. Après de longues expériences populistes, des affrontements entre les dictatures militaires et les guérillas communistes, puis la « décennie perdue » de 1980 dans les turbulences de la redémocratisation, la région sud-américaine apparaît désormais comme un des marchés les plus émergents. Le rétablissement de la démocratie dans la plupart des pays sud-américains, la réconciliation historique entre le Brésil et l’Argentine, les réformes économiques et l’ouverture de marchés ont guidé ces pays vers une prise de position plutôt agressive à l’égard du monde. Bien que le contexte mondial soit incertain, la croissance économique avec l’équité sociale fait partie de l’agenda politique des pays sud-américains depuis le début des années 1990. Ces pays sont stimulés par un processus original et extrêmement rapide d’intégration régionale. En vérité, le succès de l’Amérique du Sud est dû à l’après deuxième moitié des années 1980. Malgré le fait que les gouvernements de la région aient lancé de profondes réformes politiques pour assainir les administrations publiques, les intérêts intéressant l’Amérique du Sud sont d’un tout autre ordre : la découverte du fort potentiel d’ensemble de la région, la fin des régimes autoritaires et la surprise provoquée par le succès inattendu et très rapide du MERCOSUR. Mais l’intention des États-Unis de former la ZLÉA se rapporte à leurs intérêts pour les importations mondiales. Elles représentent 70 % de la croissance entre 1990 et 2010, ce qui équivaut à 1.500 milliards de dollars, qui viendront des marchés émergents des pays en développement. Les marchés sud-américains représentent de nouveaux marchés dynamiques pour les exportations états-uniennes. Le Brésil est un des principaux clients des exportations des États-Unis sur la planète, et également les États-Unis pour les importations du Brésil. Fait que rend ces deux pays le principal partenaire économique l’un de l’autre. Les États-Unis ont 4% de la population mondiale, les opportunités économiques se présentent aux pays où sont les autres 96 %. Cette constatation préoccupe l’Union Européenne et le Japon, qui pourront se voir empêchés de pénétrer sur les marchés émergents latino-américains si la ZLÉA devient une réalité. Cette préoccupation est partagée avec le Brésil, intéressé à recevoir des investissements provenant de ces deux puissances économiques. 13 En tant que marché émergent, le MERCOSUR représentant le troisième plus grand marché (?) organisé de la planète, les statistiques internationales montrent la place éminente de l’Amérique du Sud. En l’an 2000, l’Amérique du Nord (moins le Mexique) et l’Union Européenne comptent sur un PIB de 900 milliards de dollars, celui du Japon atteignant 4.500 milliards de dollars. Le PIB de la Chine, de la Corée du Sud et de l’Asie du Sud-est correspond à 2.100 milliards de dollars ; celui de l’Amérique latine, 1.900 milliards de dollars. Le reste de la planète - Afrique,Océanie, Inde, Asie Centrale, Moyen Orient, Europe de Lest et Russie - compte pour 10 % du PIB planétaire. Désormais est compréhensible la raison pour laquelle les États-Unis ont tant d’intérêt pour que le Brésil signe l’accord sur la ZLÉA. Le Brésil tout seul, avec ses presque 200 millions d’habitants et ayant l’économie la plus forte en Amérique latine, constitue un marché 20 % plus large que celui de la Chine continentale avec ses 1.250 millions d’habitants. La raison en est simple : la bourgeoisie étant fortement préparée au Brésil pour assumer le contrôle de ses affaires, le pouvoir d’achat des Brésiliens augmente, outre les réformes structurelles, économiques et administratives précipitées par l’État. Ainsi, le Brésil est devenu une des principales destinations des investissements étrangers directs chez les pays en développement. Après la décennie de 1980, la performance économique du nouveau bloc mercadologique sous-continental américain a renouvelé les taux de croissance du commerce intra-régional. Ils sont passés de quatre milliards de dollars en 1990 à plus de 12 milliards de dollars en 1995. Désormais, les échanges intra-zones représentent près de 20% du commerce total de la région. Le Brésil est devenu le principal marché des exportations de l’Argentine, et celle-ci constitue le deuxième partenaire commercial du Brésil. La productivité des entreprises mercosulines est à la hausse et la qualité de ses produits s’est améliorée.Grâce à la discipline amenée par les accords du MERCOSUR, les quatre gouvernements des pays membres ont entrepris de profondes réformes économiques, en privatisant des entreprises étatiques et en ouvrant rapidement leurs marchés à la concurrence et aux investissements étrangers. Établi pour la politique étrangère du Brésil, le libéralisme économique n’existe plus dans le pays depuis des décennies. Au Brésil, l’État se modernise : il est hors de question que son agenda des réformes reprenne son « développementisme » protectionniste du passé, qui était axé sur les politiques de substitution d’importations, de subventions pour fortifier le capitalisme national et de gestion bureaucratique par l’État pour ses principaux secteurs et services. Malgré la crise argentine actuelle, le MERCOSUR jouit d’une conjoncture politique favorable. Mais le processus d’intégration en Amérique du Sud est axé sur la réconciliation historique entre le Brésil et l’Argentine survenue à la moitié de la décennie 1980, au sein du MERCOSUR, avant que les deux pays aient abandonné leurs programmes nucléaires. Cette réconciliation a lancé au monde la nouvelle image d’une Amérique du Sud. Car les deux pays ont formé beaucoup plus qu’une simple zone de libre-échange. Le MERCOSUR a été conçu comme une union douanière, ayant à son sein des éléments essentiels aux prises de décision concernant la coopération politique et militaire d’ensemble. Il est devenu un pôle d’attraction où s’articule l’intégration de tous les pays de l’Amérique du Sud. Leur adhésion se fait par ailleurs au sein de l’ALÉSA, ce qui représente 75% du PIB de l’Amérique latine et également les centres financiers les plus importants et dynamiques du sous-continent américain. L’intégration économique à l’hémisphère ouest, de la Terre de Feu à l’Alaska, s’organise autour des plus grands pôles régionaux : MERCOSUR au sud où le Brésil et l’Argentine jouent un rôle important, l’ALENA au nord dominée par les États-Unis. Il s’agit de négocier la plus importante zone de libreéchange de la planète qui aurait 850 millions d’habitants avec un PIB dépassant 8 trillions de dollars. Un tel accord mènerait à un marché ouvert, administré pas des réglementations et des pratiques communes, correspondant à plus de 35% de l’économie mondiale. C’est la raison par laquelle Brasilia et Buenos Aires ont trouvé de l’autorité et du poids politique nouveaux face à la scène internationale et la possibilité de négocier avec Washington pour la formation de la ZLÉA. 14 Le fait que George Bush fils soit occupé avec la politique exterieure des États-Unis constitue un frein au dynamisme américain. Cependant, Washington va continuer à faire pression et à agir, mais le Brésil en profite pour se consolider et réussir le plus possible d’accords pour former l’ALÉSA. La diplomatie brésilienne cherche à établir une politique étrangère capable de défendre les intérêts incontournables pour la survie du Brésil. 15